LE GAULLISME
Le DICO des idées : le Gaullisme
- Acteurs : Charles de Gaulle, Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré, Philippe Séguin…
- Idées liées : empirisme, pragmatisme, patriotisme, nationalisme, souveraineté nationale, association capital-travail, conservatisme, interventionnisme.
- Idées contraires : atlantisme, fédéralisme, libéralisme, communisme.
- Courants : Gaullisme de guerre, Gaullisme de gauche, Gaullisme social, Néogaullisme.
- Partis et associations : RPF, UNR, UDR, RPR.
- Symbole : Croix de Lorraine
Gaullisme : Sans
équivalent dans les autres pays, le gaullisme est aujourd’hui un
mouvement éminemment respecté aussi bien par la gauche (qui lui a
pourtant été très hostile) que par la droite (qui a pourtant abandonné
progressivement ses principes fondateurs). Il constitue une spécificité
française difficile à classer dans les catégories traditionnelles. Par
son lien direct avec la personnalité et l’action du Général de Gaulle,
le gaullisme est vu comme un mouvement populaire auquel il est encore
fait référence. Même s’il est divers, il est encore vu sous le prisme du
résistancialisme. Le fait qu’il soit à l’origine de notre actuel régime
politique (la Ve république) le rend aussi important. Quelles sont les
origines intellectuelles et politiques du gaullisme ? Est-ce une
idéologie ? Quels sont ses grands principes ? Quelle fut son importance
au cours de l’histoire et qu’en reste t-il de nos jours ?
Histoire du gaullisme : une succession de gaullismes
De manière générale, être gaulliste,
c’est avant tout adhérer à la personnalité, à l’action et à la pensée du
Général de Gaulle. Il s’agit donc d’un mouvement s’appuyant sur le
peuple plutôt que sur une idéologie construite a priori. Le gaullisme
correspond à une action construite progressivement et pragmatiquement
reposant sur quelques grands principes. C’est ce pragmatisme qui fait
qu’au cours de l’histoire et en fonction du contexte, il exista
plusieurs types de gaullisme. C’est ce qui amena André Malraux à
affirmer que « tout le monde a été, est ou sera gaulliste ».
Le gaullisme de guerre
Le gaullisme de guerre est la première
forme de gaullisme qui se développa. On peut dire qu’il est au départ
très intimiste et rassemble peu de personnes. Il est une réaction
essentiellement militaire pendant la 2nde guerre mondiale : il refuse
d’abord la drôle de guerre et la stratégie défensive, puis ensuite
l’armistice. Ce gaullisme est donc celui de la résistance à partir de
l’appel du 18 juin 1940 : il est peu politisé mais augmente son
influence, suivant le progressif retournement de situation. Il atteint
son apogée lorsque De Gaulle défile sur les Champs-Élysées le 26 août
1944.
Opposant à la IVe république
Suite
à la 2nde guerre mondiale, Charles de Gaulle connaît sa première
expérience politique véritablement poussée avec le Gouvernement
Provisoire. Il fait passer un certain nombre de réformes qui pourraient
classer le gaullisme à gauche : vote des femmes, planification
économique, nationalisations, sécurité sociale. Cependant, il entre vite
en conflit avec la majorité de gauche de l’Assemblée constituante où il
ne parvient pas à imposer sa conception d’un régime républicain. Il
démissionne le 20 janvier 1946 et attend alors douze ans pour retrouver
le pouvoir. Douze ans pendant lesquels il devient opposant à la IVe
république et ses principaux dirigeants : la Troisième Force (coalition
des socialistes, des centristes, des radicaux, et modérés). Cette
période, aussi appelée la traversée du désert, permet aux gaullistes de
cultiver leur scepticisme à l’égard du jeu des partis et des manœuvres
politicardes qui sont inhérentes à un régime parlementaire instable mené
par les partis plutôt que par des hommes providentiels. Bien que devenu
très anti-communiste dans un contexte de guerre froide, le
Rassemblement du Peuple Français (créé en 1947) constitue la principale
force d’opposition avec le Parti Communiste. C’est même entre 1952 et
1956 la première force politique en nombre de députés (121) mais son
isolement l’empêche de peser suffisamment.
Le gaullisme se politise autour des
conceptions politiques du Général De Gaulle (exécutif et État fort,
démocratie, recours au peuple…) qui se teintent d’un versant social avec
l’association capital-travail, censée être une troisième voie
économique entre communisme et libéralisme.
Néanmoins, malgré sa mise en minorité,
le gaullisme voit son heure arrivée avec les difficultés de la IVe
république face à la décolonisation notamment (guerres en Indochine et
en Algérie). René Coty fait alors appel à De Gaulle, vu comme un
sauveur, pour assurer la présidence du conseil, à la suite du coup
d’État du 13 mai 1958.
La Ve république : la revanche gaulliste
Dès le discours de Bayeux le 16 juin
1946, Charles de Gaulle avait exposé sa conception de la République et
ses principes constitutionnels. Grâce à la crise des institutions de la
IVe République, il va pouvoir mettre en application ses principes, grâce
à la constitution du 4 octobre 1958, soumise à un référendum et
approuvée par plus de 80 pour cent des Français. Cette constitution
donne au président de la République bien plus de pouvoir que les
précédents régimes qui étaient essentiellement parlementaires. La Ve
république est ainsi considérée comme semi-présidentielle (on parle même
de « monarchie républicaine »), d’autant plus que dès 1962, l’élection
du président est donnée au peuple directement (alors qu’auparavant les
parlementaires votaient pour le président de la République). Le but est
de donner toute la légitimité possible au président pour exercer sa
fonction.
Une fois le cadre donné, le gaullisme
devient donc un parti de gouvernement pendant les mandats de Charles de
Gaulle de 1958 à 1969. Ce gaullisme continue d’être marqué à droite
surtout parce que le centre et la gauche s’en éloignent. Même si
l’interventionnisme de l’État dans l’économie reste important, les
réformes sociales sont moins nombreuses que lors de l’après-guerre.
Finalement, les difficultés vont arriver pour le gaullisme : après avoir
réglé le problème algérien dans la controverse (surtout pour les
nationalistes), le pouvoir gaulliste s’est intéressé à la politique
extérieure de 1962 à 1965 avant d’être de plus en plus contesté ensuite.
La pratique du « référendum-chantage » par de Gaulle le pousse à
démissionner en 1969 alors même qu’il avait résisté au mouvement de mai
1968. Charles de Gaulle meurt en 1970 : tout ne sera plus comme avant,
malgré la volonté qu’ont les gaullistes de faire perdurer l’héritage.
Une idéologie gaulliste ?
Les grands principes du gaullisme
Malgré son pragmatisme qui l’empêche
d’être une véritable doctrine politique, le gaullisme repose sur
quelques grands principes qui guident son action politique. Ces
principes découlent en fait d’une vision particulière de la France et de
son histoire : la France fut capable d’être grande, voir dominante dans
l’Occident lorsqu’elle s’est unie dans un objectif commun, mais fut
aussi parfois divisée et repliée sur ses querelles internes. Selon
Charles de Gaulle, la France ne peut donc être grande que lorsqu’elle
est unifiée autour d’un chef, d’un homme providentiel qui la guide vers
son destin de grandeur. Il s’agit aussi d’éviter à tout prix les luttes
internes par des institutions politiques et économiques stables
garanties par un État fort. C’est cette « philosophie de l’histoire »
qui guide les quelques grands principes politiques du gaullisme.
- Tout d’abord, les
gaullistes sont intransigeants sur la volonté d’indépendance nationale,
cette « certaine idée de la France » qui est si chère au « grand Charles
» dans ses Mémoires de guerre. La grandeur de la France ne peut passer
que par son indépendance, nécessaire à la maîtrise de son destin selon
ses intérêts avant tout. La grandeur de la France, c’est aussi son
rayonnement politique et culturel dans le monde et sa puissance
militaire. La France doit pouvoir se gouverner seule : en cela le
gaullisme est une forme de souverainisme. C’est cette volonté de
grandeur et d’indépendance (mêlée au réalisme et au pragmatisme) qui
amène le président à quitter le commandement intégré de l’OTAN en 1966, à
se rapprocher de l’Union Soviétique, à ouvrir des relations
diplomatiques avec la Chine communiste. Le gaullisme, s’il entend
préserver la France et l’Europe de l’impérialisme américain, n’est
toutefois pas anti-américain : John Kennedy pourrait en témoigner au vu
du soutien qu’a apporté la France aux États-Unis lors de la crise de
Cuba en 1962. La grandeur passe également par un empire colonial rénové
par une politique de coopération militaire, technique et culturelle, et
apaisé après l’indépendance de l’Algérie notamment.
- La grandeur et
l’indépendance nationale amènent nécessairement à la volonté d’un
pouvoir exécutif et d’un État fort permettant au chef, à l’homme
providentiel, de mener à bien sa politique de grandeur au profit d’un
peuple français uni et qui lui donne sa légitimité (par le suffrage
universel direct et par les différents référendums). Le fait de vouloir
une France unie amène aussi le gaullisme à vouloir dépasser le clivage
gauche-droite : « La France, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la
droite, c’est la France. »
- Cette force de
l’État se caractérise par un certain interventionnisme économique, un
véritable colbertisme qui fait de l’État un puissant acteur économique,
sans pour autant que la politique sociale soit très développée. Il
s’agissait de développer dans chaque grande filière économique un «
champion national », de favoriser l’innovation, d’aménager le
territoire, d’organiser de grands projets et chantiers. Le gaullisme
souhaite dépasser l’opposition socialisme-capitalisme par une troisième
voie : celle de l’association capital-travail pour concilier justice et
efficacité économique. Il s’agit de plus faire participer les ouvriers
et employés aux activités d’une entreprise (participation aux bénéfices,
aux décisions, à la propriété…). Cependant, il faut dire que la
politique sociale des gaullistes ne fut pas aboutie pendant la Ve
République et l’association capital-travail fut oubliée au fil des
générations de gaullistes.
- Enfin, on peut
dire que malgré des idées humanistes, le gaullisme est plutôt
conservateur moralement. Charles de Gaulle, en tant que chrétien
croyant, était par exemple opposé à l’avortement et favorable à la peine
de mort.
Les origines intellectuelles
Pour savoir d’où vient le gaullisme, il
faut tout d’abord s’intéresser au parcours politique de son fondateur.
Dans les années 1930, Charles de Gaulle semblait participer à des
mouvements de la démocratie chrétienne comme Jeune République, qui fait
suite au mouvement Le Sillon de Marc Sangnier. Ces mouvements visent à
rapprocher le catholicisme de la République pour lutter contre
l’anticléricalisme. Il participe à des débats organisés par le journal
l’Aube qui rassemble des syndicats et partis de la mouvance
démocrate-chrétienne. Plus tard, Charles de Gaulle fait partie des
lecteurs des revues Sept, puis Temps présent, également intégrées à la
démocratie chrétienne.
Il eut de même des liens avec le parti
Ordre Nouveau dans les années 1930, un parti proposant une alternative
entre capitalisme, socialisme, nationalisme et internationalisme. Ce
parti est classé dans le courant de pensée appelé les « non-conformistes
des années 1930 ». Il a développé une idée, le personnalisme, qui fonde
la politique sur le respect de la personne humaine. Cela a pu inspirer à
de Gaulle l’idée de Troisième voie. Toutefois, il faut bien dire que le
gaullisme se séparera clairement de la démocratie chrétienne et du
personnalisme quant à son idée d’indépendance et de souveraineté de la
France qui s’oppose au fédéralisme.
Pour comprendre les origines du
gaullisme, on peut également s’intéresser à différents mouvements
politiques français ayant des similitudes avec les principes du
gaullisme.
L’anti-parlementarisme du fondateur de
la Ve République était déjà perceptible dans certaines ligues des années
1930, en particulier les Croix-de-feu, devenus ensuite (après leur
dissolution) le Parti Social Français, qui souhaitaient également un
dépassement du clivage gauche-droite et furent historiquement le premier
parti de masse considéré comme appartenant à la droite française. Son
chef, le colonel de la Rocque, a aussi mis en avant la participation des
ouvriers à l’entreprise, comme une association capital-travail avant
l’heure, et ce dès 1938 dans son livre Service public. Il revendiqua
même le droit de vote des femmes (ce qui fut mis en place plus tard lors
du GPRF). Il faut cependant bien dire que le Parti Social Français
(rebaptisé Progrès Social Français pendant la 2nde Guerre Mondiale) n’a
pas unanimement pris parti pour le gaullisme de résistance (ni
d’ailleurs pour le régime de Vichy) : les attitudes de ses représentants
et militants furent diverses. Selon l’historien Jean Lacouture, il
existe une vraie filiation entre le projet défendu par le Colonel de la
Rocque et celui de Charles de Gaulle.
Plus tôt lors de la IIIe République, le
boulangisme apparaît aussi comme un avatar précurseur du gaullisme
notamment par le dépassement du clivage gauche-droite qu’il a réussi à
son époque : les « comités de protestation nationale » créés par le
général Boulanger (1837-1891) réunissaient ainsi une bonne partie du
spectre politique contestataire de la IIIe République, des blanquistes
(socialistes) aux monarchistes. Sa politique sociale dans l’armée
(amélioration des conditions de vie des soldats, liens avec les grèves
de Decazeville) ont attiré la gauche et l’extrême gauche, alors que son
désir de revanche contre l’Allemagne attirait le nationalisme,
républicain comme monarchiste. Toutefois, si l’alliance politique est
très large, elle ne s’accorde pas autant que le gaullisme sur une ligne
claire, chaque camp espérant obtenir ce qu’il souhaite (soit
affermissement de la République, soit renversement de celle-ci). Le
boulangisme est donc plus ambigu institutionnellement. On peut toutefois
penser que le refus du coup d’État rapprochait plus Boulanger d’un
certain républicanisme que du monarchisme, sur le déclin après cette
expérience.
Pour remonter encore plus loin dans
l’histoire, on peut rapprocher le gaullisme du bonapartisme. Dès les
années 1940, Raymond Aron fait cette comparaison et plus tard, René
Rémond, spécialiste des droites françaises (Les droites en France),
théorise plus concrètement cette similitude. En effet, les deux
mouvements sont liés à une personnalité charismatique, un chef
militaire. Les deux hommes se méfient aussi du parlementarisme (leurs
régimes respectifs n’ont qu’une dose de parlementarisme) et souhaitent
rassembler le peuple français autour d’un projet à la fois traditionnel
et moderne. Leur pratique du plébiscite est aussi un point commun : les
deux hommes souhaitent être proche du peuple français. Le souci de
grandeur pour la France rapproche également le gaullisme et le
bonapartisme.
En définitive, par sa volonté de
grandeur et de souveraineté de la France, on pourrait classer le
gaullisme dans le mouvement du nationalisme français. Même s’il est
plutôt classé à droite, le gaullisme adopte toutefois une conception
assez ouverte et démocratique du nationalisme, s’inspirant donc plus de
Maurice Barrès que de Charles Maurras et son nationalisme intégral (qui
est monarchiste). Toutefois, le nationalisme gaulliste se différencie du
nationalisme des républicains de la IIIe République qui n’adoptent pas
du tout la même conception institutionnelle de la République (avec un
régime parlementaire et non présidentiel).
Différents courants gaullistes
Le gaullisme n’étant pas une doctrine à
part entière mais un pragmatisme, il fut l’objet d’interprétations plus
ou moins divergentes selon les points de vue et thématiques chères à
ceux qui s’en sont revendiqués. On peut ainsi distinguer trois grands
courants gaullistes.
- Le « néogaullisme »
: plus proche de la droite, cette tendance fut celle qui a pris la
relève du gaullisme originel en prenant possession des différents partis
gaullistes après le RPF (UNR, UDR, RPR). Il a réorienté le gaullisme à
partir des années 1980 dans une sensibilité plus libérale et conforme
aux autres droites européennes dans le cadre de la construction
européenne. Cette tendance est représentée par George Pompidou puis
Jacques Chirac.
- Le « gaullisme
social » : cette tendance est plus centrale et défend une forme de
social-démocratie sans remettre en cause le capitalisme. Il est vu comme
plus proche du gaullisme originel et se compose d’hommes politiques
très attachés à la souveraineté nationale (Philippe Séguin, Nicolas
Dupont-Aignan).
- Le « gaullisme de
gauche » : comme son nom l’indique, c’est une tendance de gauche qui met
l’accent sur la troisième voie et l’association capital-travail. Ils se
sont progressivement ralliés à la gauche traditionnelle. Jean Pierre
Chevènement peut être considéré comme un survivant de cette tendance
quasi oubliée de nos jours.
On le voit donc, au fil du temps passé
après la mort de son homme providentiel, le gaullisme s’est
progressivement fissuré notamment autour des questions économiques. Les
différents partis gaullistes ont refondé un nouveau gaullisme,
abandonnant de fait le gaullisme originel. Cela a entraîné une division
calquée sur le clivage gauche-droite pourtant si dénoncé. Alors que son
influence est maintenant nettement affaiblie par ces divisions, on peut
se demander ce qui reste de l’héritage du gaullisme.
L’héritage du gaullisme
Réalisations du gaullisme
On peut attribuer au gaullisme
d’importantes réalisations politiques dans un premier temps. L’action de
Charles de Gaulle a littéralement transformé la pratique du pouvoir au
sein d’une République rénovée et renforcée. Et cette transformation a
facilement conquis les Français qui se sont fréquemment prononcés assez
nettement en faveur de la politique menée par le fondateur de la
nouvelle République. Alors qu’auparavant il était impensable d’attribuer
un pouvoir plus fort au président qu’au parlement, quelques années de
stabilité politique ont suffit à pérenniser le régime gaulliste qui fut
même adopté par ses détracteurs. Ainsi, après avoir critiqué la
constitution de 1958 et la pratique gaullienne du pouvoir dans Le coup
d’État permanent, François Mitterrand a finalement adopté ce régime et
en est devenu président durant 14 ans (1981-1995).
Cependant, malgré une forte volonté de
lier le régime au président, à un homme providentiel, la Ve République
n’a finalement pas résisté à une logique partisane solidement ancrée. En
effet, progressivement, au fil des décennies suivant la mort de Charles
de Gaulle, les partis ont repris leur domination du jeu politique
français, d’abord avec le quadripartisme (PC-PS-UDF-RPR) puis ensuite
avec le bipartisme actuel (PS-UMP).
Économiquement, le gaullisme a renforcé
la tendance planificatrice de l’économie française : le commissaire au
plan existe encore de nos jours. De même, dans sa structure
territoriale, la France hérite du gaullisme, entre pouvoir central fort
et découpages territoriaux. Même les régions, qui ne sont devenues des
collectivités territoriales qu’en 1982, existaient depuis 1960 sous
forme de Circonscription d’Action Régionale. Rappelons aussi que la
volonté d’élargir le pouvoir des régions fut une initiative gaulliste
rejetée par le référendum de 1969. L’intervention pour l’aménagement du
territoire est aussi encore courante de nos jours, ce qui peut-être
imputable au gaullisme.
Sur le plan de la politique étrangère,
l’héritage gaulliste est sans doute ce qui a fait le plus consensus dans
la classe politique française. En effet, les Français se sont bien
appropriés la politique d’indépendance de la France, notamment face aux
États-Unis. Dominique de Villepin l’a bien montré lors de son discours
contre la guerre en Irak en 2003, et le retour de la France dans le
commandement intégré de l’OTAN annoncé en 2007 par Nicolas Sarkozy ne
fut pas sans critique.
Concernant la politique européenne, il
semble que le gaullisme, malgré la construction européenne, a encore une
influence. Selon Jean Lacouture, le refus de la constitution européenne
de 2005 est liée au gaullisme et sa volonté d’indépendance et de
souveraineté pour la France. Néanmoins, l’héritage gaulliste sur
l’Europe souffre d’interprétations divergentes : certains vont mettre en
valeur ses relations avec l’Allemagne pour la réconciliation (dès
1948), d’autres vont rappeler la volonté d’indépendance nationale et le
souhait d’une Europe sélective. On peut penser que de Gaulle fut
européen, pour une Europe de l’Atlantique à l’Oural, mais qu’il
souhaitait montrer l’importance de l’avis de la France (politique de la
chaise vide pour protester contre le passage du vote à la majorité).
Un héritage revendiqué et disputé
Si de Gaulle revendiquait une pratique
politique au-delà des partis et de leur « soupe », son héritage comporte
un élément contradictoire. En effet, le gaullisme n’a pas manqué, lui
non plus, de se structurer en parti : RPF, UNR, UDR, RPR… Le parti
gaulliste fut longtemps important dans le jeu politique aussi bien au
sein de la droite que dans le pouvoir. Cette continuité qui tend à
s’essouffler est toutefois revendiquée encore plus de 40 ans après la
mort de Charles de Gaulle. Ses principes, même s’ils ne sont plus
majoritaires dans le principal parti de droite (l’UMP), sont encore
revendiqués par des formations plus ou moins importantes.
Cet héritage est même disputé. Ainsi,
quand les quelques gaullistes du Chêne (courant de l’UMP) se
revendiquent du « général », Debout La République (parti de Nicolas
Dupont-Aignan) s’insurge, rappelant que les chiraquiens de ce petit club
ont signé tous les traités européens qui ont transféré la souveraineté
française. Quand Nicolas Dupont-Aignan se revendique du courant
gaulliste social, c’est autour de l’UPF (Union du Peuple Français,
petite fédération de gaullistes) de s’approprier l’héritage unique de
Charles de Gaulle, affirmant que Dupont-Aignan a appelé à voter Chirac
en 2002 et Sarkozy en 2007. Lorsque Marine Le Pen se réfère au
gaullisme, c’est enfin l’UPR (Union Populaire Républicaine) de François
Asselineau qui s’étrangle, martelant que le FN ne souhaite pas vraiment
une sortie de l’Union Européenne.
En résumé, les gaullistes divisés font
la course au gaullisme. Certains érigent presque le gaullisme à un
dogme, une religion, oubliant cependant l’action politique ; d’autres
mettent en avant le pragmatisme du gaullisme mais en oublient les grands
principes qu’ils réinterprètent librement. Tout est finalement question
d’interprétation, là est le problème du gaullisme, trop dépendant de
son homme et pas assez unifié idéologiquement. Peut-être serait-il plus
juste de parler d’un état d’esprit plutôt que d’un programme pour
évoquer le gaullisme. Cela aurait l’avantage de faire perdurer le
gaullisme dans le temps. Mais ne serait-ce pas là un gaullisme vidé de
son contenu ?
Vincent Remy
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