LE POILU
Nicolas Beaupré : «La figure centrale du poilu a traversé le siècle»
Chant de Poilus en 1915 - Vidéo Dailymotion
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29 nov. 2009
Chant de Poilus en 1915 durant la 1ère guerre mondiale 1914/1918. Date de publication 30/11/2009; Durée ...
INTERVIEW
- Nicolas Beaupré est maître de conférences en histoire à l'université
Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand et membre du Centre international de
recherche de l'Historial de la Grande Guerre.
Il a publié de nombreux
ouvrages sur 14-18.
LE FIGARO. - Quelles sont les images les plus fortes qui restent de cette période?
Nicolas BEAUPRÉ. - Une mémoire collective génère des images partagées. Aujourd'hui, en France, la figure centrale est sans conteste le poilu. Héros au début de la guerre, il est plutôt, cent ans après, le symbole d'une jeunesse sacrifiée. Les monuments aux morts, comme lieux de mémoire, représentent cette perte. Ils ont été érigés dès les lendemains du conflit, le plus souvent par souscriptions publiques, afin de compenser l'absence des corps des morts restés sur les champs de bataille.
Leur construction fut un geste politique mais il répondait avant tout à une demande forte des familles. Grâce aux monuments, on a redonné un nom à chaque individu et placé symboliquement au cœur des villages ceux qui avaient perdu la vie en tant que citoyens-soldats. Jusque dans les années 30, les monuments jouaient un rôle central dans les villages. Puis, peu à peu, on est passé devant sans s'arrêter. Ils sont devenus des objets du patrimoine. Mais avec le centenaire, les communes et les populations tendent à se les réapproprier, en les restaurant.
A-t-on le même ressenti dans toute la France et dans toutes les générations?
Il y a bien un cadre mémoriel collectif, mais qui connaît des déclinaisons particulières, qu'elles soient familiales, territoriales ou politiques.
L'occupation dans le nord et l'est du pays, la situation particulière de l'Alsace génèrent forcément une mémoire locale différente. Certaines régions conservent des traces tangibles des batailles et, là encore, le rapport des habitants à cette période est particulier. Pendant longtemps, la droite et la gauche n'ont pas mis l'accent sur les mêmes aspects dans leurs discours sur la guerre.
La première évoquait volontiers le sentiment national, les grandes batailles, la victoire, la seconde les fusillés pour l'exemple ou le pacifisme. Mais le souvenir de 14-18 est aujourd'hui relativement consensuel. Il se fonde sur le sentiment d'un deuil massif. La guerre a été très meurtrière dès août 1914 et personne n'a attendu 1918 pour comprendre que c'était une véritable tragédie pour toute une génération. C'est cette mémoire essentiellement funéraire du conflit qui continue à marquer profondément notre appréhension du conflit.
Quelles sont les grandes figures que retient la génération actuelle?
Même si les jeunes générations ne manquent pas de culture historique, elles ont un peu oublié les hommes politiques comme Clemenceau ou les grands généraux comme Joffre ou Foch. Ces derniers sont morts entre les deux conflits et le temps a joué contre leur mémoire.
Pétain a connu un autre sort. Le «vainqueur de Verdun» dont le charisme et la légitimité ont été construits autour de 14-18 a joué le rôle que l'on sait entre 1940 et 1945. La postérité a, à juste titre, principalement retenu cela.
Mais de manière générale, la mémoire des généraux de la Grande Guerre «pâtit», si l'on peut dire, de la centralité, construite dès 1914, de la figure du poilu. Cent ans après, la métonymie de la guerre, c'est toujours le combattant des tranchées, pas l'officier d'état-major ou le dirigeant politique.
À quoi servent les commémorations?
La disparition des derniers acteurs et témoins du conflit, le chiffre rond de la date anniversaire ont joué un rôle indéniable. Mais au-delà, le geste commémoratif répond à une demande sociale. Elle est liée au fait que la Grande Guerre a peu ou prou touché toutes les familles. On peut dire que si l'État n'avait rien organisé, les lycées, les associations, les musées, les départements ou les mairies se seraient de toute façon saisis de la question.
De manière plus modeste, le dynamisme des recherches historiques - depuis une vingtaine d'années - éveille aussi l'intérêt des populations en dévoilant des aspects restés dans l'ombre, comme l'occupation, la vie à l'arrière, le rôle des femmes…
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Nicolas BEAUPRÉ. - Une mémoire collective génère des images partagées. Aujourd'hui, en France, la figure centrale est sans conteste le poilu. Héros au début de la guerre, il est plutôt, cent ans après, le symbole d'une jeunesse sacrifiée. Les monuments aux morts, comme lieux de mémoire, représentent cette perte. Ils ont été érigés dès les lendemains du conflit, le plus souvent par souscriptions publiques, afin de compenser l'absence des corps des morts restés sur les champs de bataille.
Leur construction fut un geste politique mais il répondait avant tout à une demande forte des familles. Grâce aux monuments, on a redonné un nom à chaque individu et placé symboliquement au cœur des villages ceux qui avaient perdu la vie en tant que citoyens-soldats. Jusque dans les années 30, les monuments jouaient un rôle central dans les villages. Puis, peu à peu, on est passé devant sans s'arrêter. Ils sont devenus des objets du patrimoine. Mais avec le centenaire, les communes et les populations tendent à se les réapproprier, en les restaurant.
A-t-on le même ressenti dans toute la France et dans toutes les générations?
Il y a bien un cadre mémoriel collectif, mais qui connaît des déclinaisons particulières, qu'elles soient familiales, territoriales ou politiques.
L'occupation dans le nord et l'est du pays, la situation particulière de l'Alsace génèrent forcément une mémoire locale différente. Certaines régions conservent des traces tangibles des batailles et, là encore, le rapport des habitants à cette période est particulier. Pendant longtemps, la droite et la gauche n'ont pas mis l'accent sur les mêmes aspects dans leurs discours sur la guerre.
La première évoquait volontiers le sentiment national, les grandes batailles, la victoire, la seconde les fusillés pour l'exemple ou le pacifisme. Mais le souvenir de 14-18 est aujourd'hui relativement consensuel. Il se fonde sur le sentiment d'un deuil massif. La guerre a été très meurtrière dès août 1914 et personne n'a attendu 1918 pour comprendre que c'était une véritable tragédie pour toute une génération. C'est cette mémoire essentiellement funéraire du conflit qui continue à marquer profondément notre appréhension du conflit.
Quelles sont les grandes figures que retient la génération actuelle?
Même si les jeunes générations ne manquent pas de culture historique, elles ont un peu oublié les hommes politiques comme Clemenceau ou les grands généraux comme Joffre ou Foch. Ces derniers sont morts entre les deux conflits et le temps a joué contre leur mémoire.
Pétain a connu un autre sort. Le «vainqueur de Verdun» dont le charisme et la légitimité ont été construits autour de 14-18 a joué le rôle que l'on sait entre 1940 et 1945. La postérité a, à juste titre, principalement retenu cela.
Mais de manière générale, la mémoire des généraux de la Grande Guerre «pâtit», si l'on peut dire, de la centralité, construite dès 1914, de la figure du poilu. Cent ans après, la métonymie de la guerre, c'est toujours le combattant des tranchées, pas l'officier d'état-major ou le dirigeant politique.
À quoi servent les commémorations?
La disparition des derniers acteurs et témoins du conflit, le chiffre rond de la date anniversaire ont joué un rôle indéniable. Mais au-delà, le geste commémoratif répond à une demande sociale. Elle est liée au fait que la Grande Guerre a peu ou prou touché toutes les familles. On peut dire que si l'État n'avait rien organisé, les lycées, les associations, les musées, les départements ou les mairies se seraient de toute façon saisis de la question.
De manière plus modeste, le dynamisme des recherches historiques - depuis une vingtaine d'années - éveille aussi l'intérêt des populations en dévoilant des aspects restés dans l'ombre, comme l'occupation, la vie à l'arrière, le rôle des femmes…
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