jeudi 13 juin 2013

JPPS : ANARCHO-CATHOLIQUE ?

jeudi, 13 juin 2013

Anarchie et Christianisme de Jacques Ellul

"Anarchie et Christianisme" de Jacques Ellul
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anarchie et christianisme.jpgAnarchie et Christianisme, deux gros mots pour certains, deux mots inconciliables pour d’autres. Jacques Ellul ne s’y trompe pas et l’écrit lui-même en introduction:

« La question ici posée est d’autant plus difficile que les certitudes à ce sujet sont établies depuis longtemps, des deux côtés, et jamais soumises à la moindre interrogation. Il va de soi que les anarchistes sont hostiles à toutes religions (et le christianisme est de toute évidence classé dans la catégorie), il va non moins de soi que les pieux chrétiens ont horreur de l’anarchie, source de désordre et négation des autorités établies. » (p.7)

Jacques Ellul aborde ici deux sujets qui lui tiennent à cœur. L’auteur est surement un des plus brillants intellectuels d’après-guerre. Spécialiste de Marx il prend pourtant parti pour la mouvance anarchiste.

 Protestant, il brosse une vision d’un christianisme qui se rapproche du christianisme des origines, ce « bolchevisme de l’Antiquité » qu’a tant fustigé la Nouvelle Droite. Il demeure aussi un spécialiste du droit romain et un critique de la pensée bourgeoise et de la technique. Il est l’auteur, à la suite de Léon Bloy, d’Exégèse des nouveaux lieux communs (1966).

Anarchie et Christianisme est un livre assez court, 160 pages environ dans l’édition dont je dispose. Encore une fois, il est assez appréciable de pouvoir lire des livres synthétiques, sans que cela dénature la pensée ou le propos de l’auteur. Deux grandes parties structurent cet ouvrage. Tout d’abord le Chapitre Ier : L’anarchie du point de vue d’un chrétien puis le Chapitre II : La Bible, source d’anarchie.

L’auteur commence par poser les bases de son anarchisme : « Si j’écarte l’anarchisme violent, reste l’anarchisme pacifiste, antinationaliste, anticapitaliste, moral, antidémocratique (c'est-à-dire hostile à la démocratie falsifiée des Etats bourgeois), agissant par des moyens de persuasion, par la création de petits groupes et de réseaux, dénonçant les mensonges, les oppressions, avec pour objectif le renversement réel des autorités quelles qu’elles soient, la prise de parole par l’homme de la base, et l’auto-organisation. Tout cela est très proche de Bakounine. » (p.24)

Cette partie est d’ailleurs remarquablement intéressante car Jacques Ellul plaide pour des actions de rupture avec la société. L’auteur donne un certain nombre de domaines : refus de l’enseignement obligatoire, du service militaire, des vaccinations, de la police, retour à la terre, … et donne l’exemple d’un ami à lui, persécuté par l’administration pour avoir refusé de vacciner son bétail… Lorsque nous voyons le chemin parcouru depuis, avec les normes toujours plus drastiques de l’UE, soutenu par les lobbies pharmaceutiques, chimiques, etc…, on ne peut que saluer la clairvoyance de ces quelques lignes. D’ailleurs, la profondeur de sa pensée s’exprime en ces quelques mots : « Bien attendu, ce ne sont que des petites actions, mais si on en mène beaucoup, si on est vigilant, on peut faire reculer l’omniprésence de l’Etat. Compte tenu que la « décentralisation » menée à grand bruit par Defferre a rendu la défense de la liberté beaucoup plus difficile. 
Car l’ennemi ce n’est pas l’Etat central aujourd’hui, mais l’omnipotence et l’omniprésence de l’administration. » (p.28). Décédé en 1994, Jacques Ellul n’aura pas eu le temps de mesurer les effets dévastateurs du traité de Maastricht soutenu par la gauche (y compris Mélenchon).
 Lui le pourfendeur de l’administration et des techniciens… traité qui rajoute des contraintes à celles dénoncées par Ellul dans l’action des mouvements dissidents. Par ailleurs, comme le rappelle l’auteur « qui paie, commande ! » (p.29). Une phrase qui devrait restée gravée dans les esprits, car elle est non seulement au cœur du rapport de domination capitaliste, mais également plus largement dans la plupart des rapports de domination entre les hommes.

Ces quelques pages sur l’anarchisme sont très vivifiantes pour accroître certaines réflexions quant aux façons d’agir. Jacques Ellul aura écrit avant l’avènement d’internet, qui constitue aujourd’hui un formidable moyen de contournement de l’Etat et de diffusion des idées comme le sont les radios internet (Méridien Zéro) ou les différents blogs (Novopress, Zentropa, …). La technologie peut avoir du bon…

La deuxième partie, La Bible, source d’anarchie défend la thèse selon laquelle le message du Christ, puissamment révolutionnaire, s’oppose aux différentes formes de domination de l’homme par l’homme selon le sens composé à partir du grec an-arkhé. Cette partie se présente donc comme une forme d’exégèse et s’attarde aussi sur la Bible hébraïque, problématique de ce point de vue, en raison de l’omniprésence des figures royales. Jacques Ellul fait aussi œuvre d’historien, en replaçant le message christique dans son contexte et particulièrement dans celui de l’affrontement avec le pouvoir romain et le pouvoir hérodien, dépendant des Romains. Un élément est particulièrement intéressant dans cette partie du livre, la réflexion sur le Diable, bâti sur le terme grec diabolos, qui signifie « le diviseur ». Pour Ellul, « l’Etat et la politique sont facteurs de division entre les hommes ». Cette réflexion pourrait faire écho à cet extrait de l’Epitre aux Galates de Paul de Tarse : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ. » Un chrétien doit donner sa priorité à la Foi et tenter de rompre les barrières qui divisent l’humanité. La sous-partie Apocalypse est d’ailleurs très claire sur ces différents points d’après l’auteur : « […] il y’a une opposition radicale entre la Majesté de Dieu et toutes les puissances et pouvoirs de la terre (d’où l’erreur considérable de ceux qui disent qu’il y’a continuité entre le pouvoir divin et les pouvoirs terrestres, ou encore, comme sous la monarchie, qu’à un Dieu unique, tout-puissant, régnant dans le ciel, doit correspondre sur Terre un Roi unique, également tout-puissant ; l’Apocalypse dit exactement le contraire !) »

Nous ne doutons pas que cette seconde partie, dont nous vous laissons découvrir l’intégralité de la réflexion, pour éviter les raccourcis, suscitera des débats autant au sein des Chrétiens, qu’au sein de tous ceux qui sont attachés à leur terre, à leur patrie.

Ce qui me frappe dans la lecture de ce petit livre, c’est qu’on y trouve une pensée qui s’oppose en bien des points à ce qui fut celle de la Nouvelle Droite et en particulier de celle de Dominique Venner qui notait dans le Choc de l’histoire ou encore dernièrement dans son testament politique que l’Europe n’avait pas de religion identitaire (à l’inverse, par exemple, de l’Inde). La ND proclame une pensée très marquée par le paganisme et l’importance de la hiérarchie (aristocraties), là où Ellul en chrétien sincère s’y oppose. Pourtant, je dois bien admettre que la pensée d’Ellul est fortement « séduisante » car elle présente un christianisme qui s’oppose dans ses bases au monde dans lequel nous vivons et qui offre l’espérance.
Que l’on s’intéresse à la pensée anarchiste, au christianisme ou qu’on cherche quelques « cartouches intellectuelles », la lecture d’Anarchie et Christianisme s’impose. C’est aussi un moyen d’entrer en contact avec la pensée de Jacques Ellul avec ce qu’elle a de plus profonde : sa foi chrétienne.
Jean

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