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« Fascisme islamiste » et leurre idéologique
Claude Bourrinet |
Éditorial
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Le libéralisme se veut la fin des idéologies, puisqu'il affirme en avoir fini avec les visions erronées du monde, en proposant à l'humanité, enfin réconciliée avec elle-même, l'acceptation humble des servilités utilitaires et le jeu hédoniste des plaisirs.
Cependant, il n'échappe ni à la poursuite scandaleuse des altérités qui continuent à s'affronter dans la lice mondialisée de l'Histoire, ni aux lois éternelles de l'être humain, dont Dostoïevski, dans Le Sous Sol, soulignait la propension à préférer la folie dévastatrice, l'irrationalité onirique, et l'incohérence existentielle, au boulevard rectiligne, ennuyeux et abrutissant de l'uniformisation scientiste et matérialiste. C'est pourquoi le demi-siècle qui nous précède a vu se déployer un phénomène étrange : les grands blocs idéo-programmatiques qui se partageaient le monde, eux-mêmes séquelles de la déchirure de la tunique christique et de la sécularisation du penchant occidental à inoculer aux empoignades rabiques le microbe de la foi et de la certitude dogmatique, qu'on se passe ou non, d'ailleurs, de divinité transcendante, ont été suivis d'un émiettement et d'une diffraction du grand récit moderne, qui transcrivent la modernité en une multitude de petits récits aussi virulents que l'était le grand. Sinon plus. Ces idéalcules, comme il existe des animalcules, s'adaptent à la réalité déréalisée de la postmodernité.
Le craquèlement de la lave occidentale, qui se répand depuis son cratère américano-européen, se produit d’une part selon le terrain, et en fonction des eaux contraires qu'elle rencontre. Les résistances heurtées ici ou là, plus ou moins fortes, plus ou moins clairement « occidentales », dépendent des degrés de déracinements des peuples qui sont touchés, de l'ancrage de l'Occident, ou de son rejet, mais, partout, le type de société, productiviste et matérialiste, proposé par lui, qu'on l'imite superficiellement ou qu'on l'adopte définitivement, a été le modèle à suivre. Tout simplement pour survivre. Le Japon, par exemple, dans un premier temps, avec l’ère Meidji, puis en 45, après la défaite, a plaqué l'american way of life sur un substrat civilisationnel qui n'a guère bougé. La Chine a inventé une sorte de capitalisme libéral d'Etat, qui n'est en fait « libéral » qu'en surface, et « empire du milieu » de plus en plus. La Russie, plus proche de l’Europe, utilise le volet occidental de son être pour ne pas perdre sa puissance, mais demeure néanmoins slave et orthodoxe. Le monde musulman, sous nos yeux, est en train de muer, et d'emprunter, au niveau économique et sociétal, tout ce qui peut se conjuguer avec le libéralisme, du portable au supermarché, en passant par internet.
La preuve est maintenant faite que l'islamisme, celui des salafistes et des Frères musulmans, est compatible avec la postmodernité, pour peu qu'on ne veuille pas réduire naïvement cette dernière au mode de scrutin du royaume suédois, et qu’on fasse attention à ce que le wahhabisme partage avec le calvinisme et le judaïsme la croyance que le succès économique témoigne d’une élection divine.
D’autre part, le chaos identitaire favorise cette multiplicité de micro-idéologies. On a parfois mis en parallèle le nouveau monde avec l'univers fractal, qui ne se laisse pas expliquer par les grandes lois. Il arrive qu'on ait l'impression d'un monde livré au hasard. Chaque individu semble détenir son interprétation, mais il est aisé de constater qu'en général, la « pensée » de chacun n'est que le prêt-à-penser de tous. Toutefois, contrairement à ce qui existait il n'y a qu'une poignée de lustres, cette « pensée molle », passive, consommée devant la télévision, ne représente pas vraiment un engagement politique. Faut-il alors parler d'idéologie ? La postmodernité se caractérise par l'abandon du champ public, du politique autant que de la politique, et l'on ne peut évoquer la notion d'idéologie qu'à condition d'admettre que l'indifférence en est un élément déterminant, ainsi que le jeu des choix consuméristes. C'est alors plutôt une idéologie par abstention, une idéologie en creux, une idéologie creuse. Mais l'on sait bien qu'on fond, ce ne sont pas les masses qui construisent l'Histoire, même si elles en sont la matière. L'âme de celle-ci, autrement dit sa forme, ce qui pousse le monde en lui donnant une direction, est forgée par une minorité, et s’impose après une rude bataille contre d’autres âmes virtuelles, ou passées, du monde. Quelle est donc le visage que prend l’ « âme » du monde ?
La force centripète de l' « Idée » occidentaliste s'est transformée en force centrifuge. C'est en quelque sorte le pendant ironique expansionniste de l'hégémonie libérale, qui, par un mouvement rétroactif, se retourne vers son centre, et lui arrache son identité même, ce qui en faisait une civilisation. L'américanisme, par exemple, tue l'Amérique, celle des pionniers, qui respectaient encore, comme l’a montré Christopher Lasch, ce qu'Orwell nomme la « décence », certains codes de civilité, de maintien, de rigueur, de la même façon que l'occidentalisme dévaste l'Europe.
Or, la nature a horreur du vide. Comme la destruction est devenue universelle, et que l'empire européen ne semble avoir eu de légitimité que de faire le lit de ce fleuve de lave incendiaire, qui est le nihilisme marchand, quand bien même certains, dans l'Europe du XXe siècle, si lointaine maintenant, rêvaient d'un autre destin, il n'y a pas de raisons que ce qui se passe ailleurs ne se manifeste pas ici, dans la société qui se voulait le parangon de la civilisation. Non seulement l'Europe et une partie conséquente de l'Amérique se tiers-mondisent, tandis que dans les pays « émergents » certains territoires atteignent et dépassent ce qui existe de plus « avancé » en Occident, mais on y a importé même des manières de penser, de sentir, de faire, que l'on croyait exogènes, et desquels on se croyait prémunis.
L'immigration, voulue pour des raisons économiques, idéologiques, ou pour d'autres, beaucoup plus machiavéliques, contribue évidemment à brouiller le miroir qu'on avait l'habitude de tendre devant notre face. La France, l'Europe, il faut le dire, ne sont guère reconnaissables. Non seulement parce que la population « de souche » a été remplacée dans certains territoires par des millions de gens, qui ont gardé leurs mœurs, leurs façons de voir, mais aussi parce que l'imaginaire est devenu mondial, et que par des voies diverses, notamment par les médias et le show business, le cinéma ou la danse, ainsi que par tout ce qu'une consommation apatride propose de séduisant, de la mode à la nourriture, la jeunesse a perdu la mémoire de notre culture, et la transmission a été rompue irrémédiablement.
Un peuple sans culture enracinée est sensible à toutes les sollicitations, puisqu'il n'a plus de repères. Aussi est-il particulièrement facile, pour l'Etat, les groupes de pression, les mass médias et les donneurs d'opinions de l'abuser. Nous avons été beaucoup à être médusés devant l'aisance avec laquelle l'Etat, appuyé par la grosse machine propagandiste des médias, avait pu user de tous les bobards propagandistes, une sorte de digest de l'art multiséculaire de tromper les gens, pour faire passer la sale guerre de Libye ; de même que la Syrie est le théâtre d'une instrumentalisation des bons sentiments « humanistes » au profit des pires atrocités commises par les djihadistes et les terroristes.
L'absence de socle dur idéologique, comme l'était jadis le marxisme, ou le fascisme, fait que tout peut être dit, et son contraire. Le capitalisme peut être « dur », industrialiste, productiviste, anti-écologique, mais il offre aussi, de façon plus douce, plus « soft », une alternative à la californienne, ce qui ne change pas fondamentalement, pour autant, les conditions d’exploitation des ouvriers, et le rapport capitaliste. Au contraire. De même, on peut avoir une morale rigide, mâtinée de religion, comme l’évangélisme, et, à proximité, un relâchement des mœurs, voire un dévoiement des traditions, comme le « mariage pour tous » ou la dépénalisation du cannabis. La société « ouverte », dans le monde libéral, est en mesure de se conjuguer avec les tentations les plus autoritaires, et avec les paradoxes. Valls envoie sa police contre de soi-disant radicaux islamistes, au moment même où son gouvernement les arme en Syrie au nom des droits de l’homme. On crée des lois destinées à censurer, et on banalise la liberté d’expression la plus absolue. Quand elle est bien orientée, cela va de soi. Les fusées discursives qui sont envoyées dans la masse visent, bien sûr, à susciter des réactions dirigées, dans la mesure où ces microrécits, ces boules puantes et ces décharges électriques abondent en réactifs forts et en hyperboles de toutes sortes. Le nihilisme, cette société du rien où tous les vents s'engouffrent, est propice à la réactivité. L'homme du ressentiment délaisse la réflexion pour le sentiment. La société est devenue un champ de pulsions, d'émotions, d'attirances irrésistibles ou de répugnances insupportables. Qu’importe ce que l’on dit, pourvu que ce soit fort, à connotations suggestives, et pourvu de passions presque hystériques. Ce qui est essentiel, c’est, outre l’emploi de certains mots, comme « fascisme », le ton qui les accompagne, le trémolo dans la voix, le regard indigné. Le but est d’ailleurs, bien souvent, de culpabiliser.
On peut définir trois sortes d'idéologies :
celles qui sont pratiquées par l'Etat, lequel gouverne par le mensonge et l'instrumentalisation de l'ennemi désigné comme tel ; la puissance de son discours dépend du degré de conscience du peuple ;
celles qui sont, sciemment, utilisées par des groupes, des partis, des clans, des mouvements, des tendances, pour asseoir leur audience et leur puissance. La communauté juive par exemple, a tout intérêt à se servir de la Shoah, du souvenir du massacre des Juifs d'Europe par les nazis, pour défendre Israël; Les libéraux de tendance libertaire se servent du mythe de 68 pour nourrir l’imaginaire capitaliste postmoderne, désormais doté d’une légende ;
enfin, celles qui, pour ainsi dire, naissent du terrain lui-même, d'une société malade, qui a besoin d'expulser, d'expurger des peurs, son malaise, pour avoir l'impression d'exister. C'est le cas du mouvement actuel qui, sous prétexte de combattre le « fascisme » islamiste, ne fait que conforter la société d'aliénation qui suscite un autre autoritarisme, celui-là beaucoup moins fantasmé.
En effet, certains groupes, comme Riposte laïque, dont on connaît les accointances avec les intérêts sionistes et Israël, entonnent l'air martial du combat contre l'infidèle, comme en 732 notre glorieux ancêtre mérovingien, Charles Martel, arrêtait les Arabes à Poitiers. Le style épique emporte les âmes, comme l'on sait, et il arrive parfois que les vapeurs méthyliques fassent de même, au point de plonger la pauvre victime dans un coma intellectuel.
Rappelons que le Point, en bon chevalier servant, avait reproduit à sa une des femmes en burqa, photographie (qui ne concernait en fait qu'une dizaine de manifestantes) accompagnée d'un titre racoleur sur les dangers de l'islam.
Ce que sont, dans le fond, les véritables motivations de ces vaillants combattants, importe peu. Il est néanmoins troublant de constater les points communs qui unissent ces trublions encochonnés et des intellectuels de haute volée comme BHL et Caroline Fourest, sans compter le douteux Charlie Hebdo, qui ne crache pas dans la soupe du système non plus. Il y a dans la troupe pas mal de naïfs, et d'autres plus sournois, qui savent ce qu'ils font. Quand bien même, du reste, leur ignorance de l'islam s'avère souvent d'une profondeur abyssale, ce qui est fâcheux lorsqu'on combat un ennemi, et que leur savoir se résume à quelques stéréotypes, on est en mal de comprendre quel est, au fond, le danger islamique qui guette la France et l'Europe. Des études sérieuses ont prouvé que les islamistes radicaux étaient très minoritaires, et que la burqa n'était pas forcément le nec plus ultra chez les beurrettes. Il est plutôt vraisemblable que la majorité des musulmans ne cherche qu’à pratiquer sa religion pacifiquement, et que, comme nos ancêtres paysans catholiques, ils se fondront dans la société de consommation, adoptant un islam « social », comme il existe un christianisme minimal de codes et d'usages, avant, peut-être, comme « nous », occidentaux, de perdre la foi.
Au fond, ce n'est pas ce que je leur souhaite. La religion sécularisée massive contemporaine est le culte du progrès. Remettez-le en cause, on vous répondra avec agressivité, malgré les évidences. Notre nation, comme l'Europe, perd sa puissance, son indépendance, et paraît avoir abandonné toute idée d'un destin. Tout ce qui peut faire oublier cette vérité, cette cruelle souffrance, qui nous ramène à notre vide, à notre déréliction, est vain et trompeur, à commencer par la réduction au biologique, à la race – signe tangible de décadence et de rabaissement matérialiste – ou à la laïcité, qui n’est qu’un « lieu » neutre, vidé de substance, sans saveur ni couleur, sans humanité, comme ces « espaces » qui percent la peau de nos cités, pour abriter les fantomatiques rassemblements d’humains en peine d’identité, ou les objets, plus concrets, de consommation.
Ceux qui manifestent contre un prétendu « fascisme islamiste » (et cela rappelle d'ailleurs fâcheusement le jargon de SOS racisme, du MRAP etc.) présentent un grigri pour exorciser leur médiocrité, et, plus sournoisement, un leurre destiné à épuiser les forces de résistance, et à nous éloigner de nos véritables ennemis. La crise civilisationnelle actuelle est économico-sociale ET spirituelle. Avant de s'en prendre à des épouvantails créés pour éluder la vraie question, il faut se demander pourquoi nous nous trouvons dans ce cœur de l'ouragan historique contemporain, dans cet œil vide, immobile, néantisé, pourquoi nous sommes à peu près les seuls, dans le monde, à nous noyer dans une sorte de marasme, de déprime, de démoralisation profonde. Ce n'est pas en nous attaquant à des boucs émissaires que nous trouverons la réponse.
(ndlr: "nr" = "national-révolutionnaire" = euphémisme pour "national-socialiste")
(voxnr.com)
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