LE SOCIALISME EN CHEMISE BRUNE
Extrait du nouveau livre “Le socialisme en chemise brune”
“Ce livre était né d’une déception. Lorsque l’Allemagne Nazie arriva enfin au programme de mes cours d’Histoire, je n’étais pas impatient de comprendre comment cette idéologie s’était diffusée : j’étais d’abord impatient de découvrir cette idéologie elle-même. Pourquoi elle avait séduit le peuple allemand, pourquoi elle avait entraîné la guerre, pourquoi elle signifiait la perte des libertés fondamentales — la compréhension du national-socialisme hitlérien suffirait, me disais-je, pour répondre à ces questions.
Quelques semaines de cours suffirent pour me faire perdre mes illusions. Il me fallait apprendre, en somme, que le nazisme avait été totalitaire par hasard, antilibéral par hasard, anticapitaliste par hasard, et socialiste par hasard. Une déception du même ordre intervint avec l’étude du communisme soviétique.
Dès le début, je refusais d’accepter que l’Histoire puisse se dérouler par hasard. Bien que je la savais insensible aux grandes règles et aux lois supposément « intangibles », j’étais conscient du fait que l’intelligence humaine finirait par se détruire par la recherche des effets sans cause. Au fil de mes lectures, je voyais la grande image se dessiner devant moi. De l’Allemagne Nazie et de son histoire je connaissais déjà les faits et leur enchaînement logique. Je venais d’en découvrir les fondements idéologiques, et leur enchaînement logique.
La conséquence que je tirais de mon analyse était trop importante pour que je la laisse mourir dans des notes éparses ou des réflexions personnelles. Ainsi me vint l’idée de ce livre. Dans La Route de La Servitude de Friedrich Hayek, je reconnaissais le modèle général et étendu de l’étude particulière et spécifique que je souhaitais réaliser sur le national-socialisme. Bien que mes conclusions soient les mêmes, mon point de vue diffère. Qu’on ne se méprenne pas néanmoins : cet ouvrage est bien plus qu’un traité sur le nazisme. Les principes généraux sont illustrés par l’exemple du national-socialisme hitlérien, mais ils restent valides pour toutes les époques. La nôtre comprise.
Il serait imprudent de supposer que le livre que je présente ici au lecteur puisse faire naître un consensus autour des thèses qu’il développe. Parce qu’il s’oppose frontalement et volontairement à la manière qu’ont eue la majorité des historiens traditionnels de considérer l’idéologie hitlérienne — sans parler de ceux qui nièrent jusqu’à son existence — il a la double tâche de bâtir et de déconstruire : d’abord, de fournir une interprétation cohérente et intellectuellement satisfaisante des douze années du régime national-socialiste ; ensuite, d’exposer les interprétations erronées et les biais idéologiques qui les ont causées.
Le récit de l’histoire n’a de sens que s’il participe à la compréhension rétrospective de l’histoire : s’il se place dans la logique positive selon laquelle, pour reprendre les mots du poète allemand Schiller, « l’histoire du monde est le tribunal du monde ».
S’il refuse de juger les événements historiques ou de leur donner suffisamment de sens pour que le lecteur fasse lui-même ce travail critique, l’historien se relègue de lui-même au rang d’un vulgaire passeur de témoin : d’un fait historique en apparence incohérent il offre un récit resté incohérent. En évitant de tomber dans cette trappe malheureuse, l’historiographie du national-socialisme peut être d’une utilité considérable pour notre époque. Replacé dans l’enchaînement causal des évènements et des idées, le nazisme peut alors apparaître non comme une folie inexplicable, mais comme l’échec prévisible de principes politiques destructeurs, dont l’antisémitisme n’en était qu’un parmi d’autres.
Dans la mesure du possible, je me suis efforcé de laisser au livre sa teneur originelle. Outre quelques ajouts bibliographiques et la reformulation de certains passages, l’ensemble de l’ouvrage est structuré et rédigé comme il l’avait été dès sa naissance. Les quelques modifications textuelles ont essentiellement consisté à retirer des éléments que des recherches historiques ultérieures ont invalidé, ou qui reposaient sur des preuves dont la validité me semblait être devenue trop douteuse.
Le manuscrit auquel mon travail avait d’abord donné naissance n’aurait sans doute jamais obtenu une forme publiable sans les encouragements, les conseils et les révisions attentives de Stéphane Geyres. Par sa disponibilité et par l’exigence positive qui transpirait systématiquement dans ses commentaires critiques, il m’a apporté une aide précieuse dont je me sentirai toujours redevable. Plus globalement, l’enthousiasme avec lequel ma démarche a été accueillie et l’énergie déployée par certains pour l’encourager ont constitué pour moi des sources majeures de motivation. Qu’ils trouvent tous dans ces quelques mots le témoignage sincère de ma gratitude.”
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