Pour Louis Aliot, les homosexuels rejoignent le FN à cause des banlieues et de l'Islam
Sylvain Crépon a analysé le sens
et la portée des thématiques mises en avant par la nouvelle équipe du
Front National :
anticapitalisme, ouvriérisme, laïcité, féminisme et
même défense des homosexuels...
"Enquête au cœur du nouveau Front
national" éclaire sur les mutations d'un parti qui prétend reconfigurer
le système politique français (Extrait 2/2).
Marine Le Pen l’assure : son père « ne s’est jamais positionné contre l’homosexualité ». Crédit Reuters
Marine Le Pen l’assure : son père « ne s’est jamais positionné contre l’homosexualité ».
Étrange affirmation lorsque l’on connaît l’histoire du personnage. Il
suffit de fouiller un peu dans ses discours ou interviews égrenés au fil
de sa carrière politique pour tomber sur de nombreuses déclarations qui
laissent entendre le contraire. Lors de sa première intervention à
l’émission « L’Heure de vérité » sur Antenne 2 le 13 février 1984, et
alors que le FN est en pleine ascension électorale, il déclare par
exemple que « l’homosexualité n’est pas un délit, mais constitue une
anomalie biologique et sociale ». Et d’ajouter par ailleurs que «
l’activisme homosexuel fait peser une menace mortelle sur notre
civilisation », voire même que l’homosexualité « nous conduit, si elle
se développe, à la disparition du monde ».
Lors de son discours prononcé à l’université d’été du Front national en 1995, le chef frontiste lance à l’assistance : « Je
confesse qu’il doit y avoir des homosexuels au FN, mais il n’y a pas de
folles. Les folles, on les envoie se faire voir ailleurs. »
Une déclaration qui sonne étrangement quelques jours seulement après le
décès, dans des circonstances troubles, de Jean-Claude Poulet-Dachary,
adjoint du maire Front national de Toulon Jean-Marie Le Chevallier, dont
la presse vient de révéler, l’homosexualité « tapageuse ». Cet ancien
légionnaire, devenu une figure de la communauté homosexuelle locale,
était connu en effet pour fréquenter assidûment des boîtes gays de la
région où il aimait parfois se présenter en travesti.
Près
de dix ans plus tard, alors que sa fi lle dirige sa
campagne présidentielle et s’efforce de mettre en place la fameuse
dédiabolisation, Jean-Marie Le Pen semble avoir mis de l’eau dans son
vin vis-à-vis de l’homosexualité. Il déclare ainsi le 21 décembre 2006,
lors d’une interview sur BFM, ne pas souhaiter interdire le Pacs, bien
que son abrogation figure dans le programme de son parti : « Je ne vois
pas beaucoup d’intérêt à cette formule, mais dans le fond, si elle
permet à certaines personnes de se témoigner réciproquement de leurs
intérêts matériels, je ne vois pas d’inconvénient. » Dont acte. Mais
quelques mois plus tard, le 20 février 2007, en pleine réunion de
campagne devant des chasseurs, sa verve virile et ses blagues de mauvais
goût reprennent le dessus : « Dans le Marais de Paris, on
peut chasser le chapon sans date d’ouverture ou de fermeture, mais dans
le marais de Picardie, on ne peut chasser le canard en février. » La dédiabolisation n’était décidément pas possible avec ce père ingérable.
Aussi
sa fille surprend-elle l’opinion lorsqu’elle clame haut et fort que son
parti n’est absolument pas homophobe, à l’exception d’une frange
marginale, tels « certains dirigeants traditionalistes[1]»,
à présent partis ou sur le départ. Louis Aliot, le vice-président en
charge du projet, indique de son côté que l’homophobie fait certes
partie de la panoplie haute en couleur d’un Roger Holeindre, ancien de
l’Indochine et de l’Algérie, baroudeur invétéré pour qui la posture
virile était indissociable de son engagement nationaliste et qui « à
chaque discours parlait des pédés[2] ». Mais elle ne serait certainement pas le fait des cadres actuels.
Beaucoup
de dirigeants et de militants expriment en ce sens une certaine
empathie à l’égard de cette population dont ils assurent qu’elle
subirait l’agressivité homophobe des musulmans de certains quartiers
populaires. Ce qui expliquerait que beaucoup d’homosexuels aient, selon
eux, rejoint le FN ces dernières années. C’est, en tout cas, ce qu’a
tenu à m’expliquer Louis Aliot. Écoutons-le :
Question : J’ai interviewé des homosexuels qui ont rejoint le Front national.
Louis Aliot : Ah oui, mais il y en a hein. Beaucoup même.
Q. : Et ça, c’est quand même quelque chose qui me surprend.
L.A.
: Ils souffrent. Ils souffrent ces gens hein. Dans les banlieues euh…
ils sont montrés du doigt, ils sont euh… c’est dur de euh… J’en connais
beaucoup qui vivent ça vraiment comme une ségrégation quelque part dans
certains quartiers.
Q. : C’est le discours de Marine qui… ?
L.A.
: Oui, oui. Mais qui est basé sur des réalités hein ! C’est des gens
qu’on a vus, qui sont venus nous dire : « Voilà comment ça se passe en
banlieue. »
Q. : Et donc, ce ralliement, pour vous, se fait sur la base de problèmes dans les banlieues ?
L.A.
: Ah oui, qui sont liés à l’intégrisme musulman, quoi qu’on puisse en
dire hein. Mais il ne faut pas en faire non plus une question centrale
(...)
Le Front
national érigé en défenseur des homosexuels dans les quartiers
difficiles !
Voilà qui ne manque pas de surprendre, surtout de la part
d’un militant radical, adepte d’un discours aussi viril que martial.
Ce genre de propos est pourtant devenu aujourd’hui un argument de
campagne.
Ce seraient donc autant les persécutions provoquées par les
musulmans que les déclarations de Marine Le Pen visant à les dénoncer
qui auraient amené des homosexuels au Front national.
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