QUAND PAPY VA-T-IL ALLER CHAUFFER SES VIEUX OS SUR LA COTE D'AZUR (IL EN A CERTAINEMENT LES MOYENS...)
Jean-Marie Le Pen vu
par son garde du corps
Thierry Légier protégeant Jean-Marie Le Pen au Conseil constitutionnel, en 2002. Crédits photo : Jean-Loup Gautreau / AFP
VIDÉO - Thierry Légier a été pendant 20 ans le garde du corps de l'ancien président du FN. Il raconte tous ses secrets dans un livre dont nous publions des extraits en exclusivité.
Menaces sur la personne de Le Pen
Ce que Jean-Marie Le Pen ne sait pas, c'est que le plus souvent, il ignore les dangers auxquels il est confronté ou ne les apprend que plus tard quand la situation a été désamorcée et que le danger s'est éloigné.
C'est ainsi qu'il a longtemps ignoré qu'il avait manqué d'être harponné par un fou qui attendait depuis le balcon de son appartement, avec son fusil de pêche sous-marine en main. L'homme avait été désarmé quelques minutes avant que Le Pen ne pénètre dans l'Opéra de Toulon où il devait donner un meeting. Il attendait que le président sorte de sa voiture pour lui décocher une flèche. Il n'en eut pas le loisir (...).
Le 22 avril 2002, au premier jour de la prise en compte du candidat du FN par le SPHP, un des officiers, bousculé involontairement par les militants présents en masse au Paquebot, laissa tomber au sol une grenade de désencerclement. La plupart des hommes présents s'écartèrent brusquement. Le Pen, lui, ne bougea pas et regarda rouler la grenade qui n'était pas dégoupillée, avec le regard de l'expert. Le président se tourna avec calme vers l'officier du SPHP qui se trouvait à ses côtés et lui dit seulement, discrètement: «Ce n'est pas encore le moment pour lancer les grenades.»
Des liens serrés avec Grossouvre
L'annonce de la mort de François de Grossouvre ne surprit pas Jean-Marie Le Pen. Celle de son suicide bien davantage. Le président a toujours nourri des doutes quant à la version officielle de la mort du conseiller spécial de François Mitterrand le 7 avril 1994. D'autant que ce dernier l'avait sollicité quelques jours avant sa mort. Pourquoi? La question taraude encore Jean-Marie Le Pen. Quels secrets voulait-il lui livrer? Se savait-il menacé? Les deux hommes se connaissaient. Mieux, ils s'appréciaient et se respectaient.
Jean-Marie Le Pen a toujours vu dans cet homme aux traits aristocratiques, élégant, un patriote, un vrai. C'est un ami commun qui les avait fait se rencontrer au début du premier septennat de Mitterrand. Ils s'étaient depuis revus à intervalles très irréguliers, toujours à la demande de Grossouvre. Dans des circonstances ultra-confidentielles. Le pouvoir, les renseignements généraux étaient-ils au courant de leurs entrevues? Impossible de l'affirmer. Mais la coïncidence de l'annonce brutale du suicide de Grossouvre avec la demande d'un rendez-vous en urgence quelques jours plus tôt laisse planer le doute.
J'ai eu l'occasion d'accompagner Jean-Marie Le Pen à l'un de ces rendez-vous du soir auprès de François de Grossouvre. C'était à la fin de l'année 1993 ou aux premiers jours de 1994, dans un appartement du VIIe arrondissement. (...) Je m'étais tenu à l'écart de leurs échanges, dans un boudoir voisin du salon où ils se trouvaient. Après une petite heure, je me souviens seulement que Jean-Marie Le Pen était ressorti passablement énervé de leur tête-à-tête. A moins que ce ne fût de la frustration. Grossouvre lui avait conté pis que pendre sur François Mitterrand, et avait tenu des propos très désagréables sur la clique du Château, le climat qui régnait à l'Elysée. «Je le déteste, c'est un voyou», avait-il lâché à plusieurs reprises comme écoeuré.
Un vrai passionné de sport et de boxe
Complice des bons et des mauvais jours, Thierry Légier connaît tout de Le Pen. Crédits photo : Collection particulière
Jean-Marie Le Pen ne se contente pas de faire du sport. Il aime suivre les sportifs et peut passer des heures devant sa télé. Foot, rugby, boxe. Tout y passe. (...) Je me souviens notamment d'une soirée épique. C'était à Toulouse. Le Pen, après avoir achevé un meeting, avait donné rendez-vous à un certain nombre de cadres du Front national pour dîner avec lui. Ils étaient une quinzaine autour du président. Ambiance joyeuse. Debrief du meeting, des réactions des militants. (...) Le président m'avait chargé de l'avertir lorsqu'il serait près de 22h30. A 22h25, je me suis approché de lui et en même temps que je lui glissais un papier d'un air grave, je lui soufflais quelques mots à l'oreille. Immédiatement, le président s'est levé. Un masque de gravité sur le visage, les sourcils froncés et dans une précipitation qui ne lui était pas coutumière, il a quitté le dîner, plantant Bruno Gollnisch, Bruno Mégret et quelques autres qui me lançaient des regards inquiets. On eût presque dit que je venais de lui annoncer la mort d'un de ses proches ou un attentat-suicide sur la tour Eiffel.
Pour ma part, j'accompagnai Jean-Marie Le Pen à vive allure jusque dans sa chambre d'hôtel. Dans l'ascenseur, il m'a demandé: «Tu es bien certain que j'ai Canal?» Avant de refermer sa porte, je pris soin de suspendre à la poignée le petit écriteau «Do not disturb». Pas question que le président soit dérangé par qui que ce soit. Il lui fallait absolument s'isoler et trouver un poste de télé pour suivre un combat de Mike Tyson qui s'annonçait grandiose. Ce n'est que plus tard, redescendant dans le salon où attendaient Bruno Gollnisch et quelques autres, que je les avertis de la véritable raison de ce départ soudain!
Thierry Légier a été garde du corps de Jean-Marie Le Pen durant 20 ans. Crédits photo : Sébastien Soriano / Le Figaro
En virée avec la bande des Bretons
«En route», me fit-il, avec l'air de celui qui piaffe de ce qui l'attend. Nous avons roulé pendant près d'une heure. Lorsque la voiture stoppa, en lisière d'un petit village perdu au milieu de la lande bretonne, au lieu-dit La Boixière, un petit château s'élevait devant nous. (...) Lorsqu'un homme apparut sur le pas de sa porte, les cheveux encore tout ébouriffés, comme s'il sortait de sa sieste, pour venir à notre rencontre, je ne reconnus pas immédiatement celui que Le Pen salua d'un «Bonsoir, l'idiot international», sans que ce dernier ne souffre de l'apostrophe un peu brutale de mon chef. Ce n'est que lorsque ce dernier me serra la main en guise de bienvenue que je réalisai que nous étions reçus chez Jean-Edern Hallier, au château de la Boixière. (...)
Toutes les précautions avaient été prises pour que le caractère privé de ce dîner soit préservé. D'autant que le dernier grand témoin de cette soirée n'était pas des plus causants. Le Pen et Jean-Edern pouvaient sans crainte compter sur sa discrétion pour que ne s'ébruitent pas leurs agapes et les propos licencieux. Je l'ai croisé au moment de rejoindre la cuisine, où une petite table m'avait été dressée. C'est là que j'eus la demi-surprise de voir se dessiner, dans l'embrasure de la porte du salon, la silhouette massive et trapue d'Eric Tabarly.
Ses dîners en tête-à-tête avec Giscard
Après le père, Thierry Légier assure désormais la sécurité de Marine Le Pen. Crédits photo : Christophe Morin
A deux reprises, au cours de ces dernières années (...), Jean-Marie Le Pen a dîné en tête-à-tête avec Valéry Giscard d'Estaing. (...) Si Jean-Marie Le Pen avait pris un soin évident à se ménager des tête-à-tête avec Giscard, recréant un lien que le temps et l'histoire avaient distendu, c'était avec l'idée que, si lui ou maintenant sa fille Marine était en mesure un jour de l'emporter, la voix de l'ancien président puisse s'élever pour lever les dernières barrières et rassurer ceux qui hésiteraient à voter Le Pen.
Longtemps, je m'étais persuadé, à force d'entendre dire dans les médias, mais aussi parfois jusque dans son entourage, que le président ne voulait pas le pouvoir, mais s'accommodait finalement de son rôle de porte-voix des protestataires, que cela était vrai. Cette confession m'apportait la démonstration que Le Pen n'a jamais renoncé à l'idée d'accéder au pouvoir.
Quand Le Pen rencontre le chef du KGB
«Je vous en prie, asseyez-vous, Monsieur Le Pen. Je vous attendais.» L'homme s'est à peine levé pour saluer le président. S'il semble affaibli physiquement, il n'en manifeste pas moins une véritable autorité. Le ton de sa voix est dur. «Je me présente. Je m'appelle Vladimir Alexandrovich Krioutchkov.» L'interprète qui nous accompagne égrène les qualités de ce vieil homme au regard usé. Si Jean-Marie Le Pen semble ne rien découvrir des fonctions que cet homme a pu exercer dans le passé, pour ma part, je dois l'avouer, je n'en reviens pas de son CV. En face de Jean-Marie Le Pen est assis le dernier patron du KGB soviétique.
» Jean-Marie Le Pen revient sur l'histoire tumultueuse du Front National et la politique française.
Mission Le Pen, de Thierry Légier, avec la collaboration de Raphaël Stainville, Le Toucan, 200 p., 15 eur, en librairie le 22 février.
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