AMBIGUITE, C'EST LE MOT !
Márton Gyöngyösi, député hongrois :
« Le radicalisme du Jobbik est contagieux »
Depuis hier, la Hongrie assure pour six mois la présidence de l’Union européenne.
Le poids que pèse dans ce pays le Jobbik, parti « national radical », inquiète en Europe.
Créé en 2006, le Jobbik a obtenu 16,67 % des voix aux élections législatives d’avril.
Márton Gyöngyösi, député Jobbik au Parlement hongrois, vice-président de la section des affaires étrangères du parti, répond aux questions de Novopress. Et explique pourquoi le Jobbik voit dans la Turquie « un pays cousin ». Le Jobbik est décidément un étrange mouvement…

Novopress : Avant toute chose, pourriez-vous présenter pour nos lecteurs le parti Jobbik ?
Márton Gyöngyösi : Le Jobbik est un parti national radical. En détaillant ces deux adjectifs, on peut comprendre l’essence même de Jobbik. Tout d’abord national, car il tient pour prioritaire la représentation du point de vue national face à tout autre point de vue. Bien que durant les deux dernières décennies tous les membres de l’élite politique régnante en disaient autant, c’est un fait difficilement discutable que le pouvoir, sous contrôle moscovite pendant les années communistes, s’est maintenant soumis, avec le même asservissement de la souveraineté nationale, à l’atlantisme, ou plutôt à l’axe Bruxelles-Washington-Tel Aviv. C’est également un fait que chaque parti du changement de régime – dans des proportions et à des degrés différents – a pris part à cette nouvelle soumission. Le Jobbik rejette cette politique et met l’accent sur l’intérêt national. Logiquement, nous n’appuyons que ce qui mène vers l’autodétermination.
Quant au radicalisme du Jobbik, il vient de notre diagnostic plus pessimiste que celui des autres partis à la vue des dernières années. Nous ne croyons pas qu’un traitement en apparence puisse soigner les blessures profondes et gangréneuses qui se sont développées depuis le changement de régime. Un changement de paradigme, de point de vue, est nécessaire dans tous les domaines. Et il semblerait que les temps nous donnent raison, car cette idée commence aussi à faire son chemin – après qu’elle l’a fait dans les pays occidentaux à la direction économique néolibérale. Si l’on considère la révélation des intentions du gouvernement Orbán concernant la monnaie, les banques, les multinationales et les fonds de pension, il nous faut le dire : le radicalisme du Jobbik est contagieux.

Comment expliquez-vous votre très forte progression électorale pour un parti si jeune ?
Le but du changement de paradigme évoqué plus haut est d’aborder les questions concernant au plus près les électeurs devant eux, et non de façon bâclée, en allant au fond du problème. Il n’existe pas de thème tabou pour le Jobbik. Même si cela est désagréable, nous ne pouvons nous permettre de ne dire mot sur des sujets tels que le régime social, le régime des retraites, la démographie, la politique économique et les abus de la politique étrangère. Le Jobbik ne fait pas que mentionner ces problèmes, il propose aussi des solutions. C’est ce que nous avons présenté le 15 janvier 2010 dans notre programme de campagne des législatives.
L’énorme succès de Jobbik réside également dans son aptitude à communiquer directement avec les électeurs. Nos candidats et représentants n’ont rien à cacher, et nous menons campagne dans chaque commune, de façon directe et authentique, afin de faire passer le message du parti. Et les gens voient cela d’un bon œil, d’autant plus que l’élite politique a rompu tout contact avec le peuple, alors que mandatée pour comprendre et résoudre ses problèmes. L’humilité est le principe essentiel de la politique.
Certains en France s’inquiètent de la « montée des nationalismes » à travers l’Europe, et pointent du doigt le Jobbik. Quelle est votre vision de ce phénomène ?
Les médias sont ce qu’ils sont. « Une certaine partie » des médias voit les choses ainsi, une autre partie autrement. Je ne crois pas que nous devrions nous en préoccuper. Les médias français jugent évidemment en se basant sur leur point de vue et d’après la conjoncture locale, alors que nous devons décider à notre niveau de la politique à suivre dans l’intérêt national hongrois. Pour ma part, je suis prêt à chaque instant à expliquer à un journaliste étranger la politique du Jobbik, et les réponses spécifiques que nous apportons aux problèmes actuels de la Hongrie. Et les médias français ne font pas exception.

Début novembre, Gábor Vóna, le président du Jobbik (ci-contre), donnait une interview où il disait que le Jobbik optait pour une politique étrangère différente, privilégiant des partenariats avec des pays comme la Russie, la République populaire de Chine ou encore la Turquie. Jobbik n’a pas, malgré des débats internes à ce sujet, donné, sa position officielle sur la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Est-il prévu de vous prononcer à ce sujet prochainement ?
Le Jobbik est le seul parti de la droite européenne, parmi les radicaux nationaux, à se rapprocher de la Turquie et des autres pays musulmans.
Nous voyons dans la Turquie et dans d’autres pays cousins (Kazakhstan, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan), non pas un peuple d’une autre croyance, mais un cousin, une ancienne civilisation issue du même arbre, partageant l’héritage des Huns.
Nous comprenons les problèmes de l’Europe de l’Ouest liés aux immigrés, et je comprends leur réaction, mais pour nous le danger est autre. Le renforcement des relations avec la Turquie ne signifie pas pour nous un danger, mais de nouvelles possibilités. C’est la raison pour laquelle le Jobbik ne prend pas part à la propagande antimusulmane et antiturque que mènent les partis de droite radicale en Europe de l’Ouest ou en particulier l’Ataka bulgare.
Le Jobbik rejette-t-il l’Occident dans l’optique d’une politique étrangère alternative pour la Hongrie ?
Le Jobbik a prôné un changement de paradigme également en matière de politique étrangère. La considération centrale déterminant notre stratégie en matière d’affaires étrangère, est qu’une dépendance monodirectionnelle vers Moscou a été remplacée par une dépendance similaire en faveur de l’atlantisme lors du changement de régime. Cette posture occidento-atlantiste est le crédo incontesté des partis et gouvernements régnants.
La Hongrie changeant de régime a évidemment opté pour orienter sa diplomatie vers l’intégration de l’UE et de l’Otan pour plus tard se mettre à servir sans critique ces institutions. Et en partie contre nos intérêts nationaux. Le Jobbik considère cela comme une erreur.
Au lieu de l’orientation exclusive vers l’Occident, le Jobbik propose une politique étrangère équilibrée, avec une forte ouverture sur l’Est. Ceci ne vient pas seulement du fait que le monde fut considéré à tort comme unipolaire, alors qu’il est évidemment devenu multipolaire, avec des poids lourds à l’Est, mais est également motivé par l’emplacement géographique de la Hongrie et son histoire et sa culture. Ce n’est pas seulement le fait que nous soyons situés sur la frontière entre l’Est et l’Ouest, qui nous pousse vers cet équilibre diplomatique, mais également que le peuple hongrois est un peuple occidental aux racines orientales, avec une forte identité orientale, qui se retrouve dans notre histoire, nos légendes, nos chants folkloriques, nos coutumes et notre langue. Ce n’est pas un fait négligeable qu’à l’Est on considère les Hongrois comme des frères. Ainsi, au-delà de la pression de la realpolitik, c’est une motivation profonde et intérieure qui pousse vers l’ouverture à l’Est. Le Jobbik a pour but de mettre en œuvre cette idée. Pas pour ruiner notre attachement à l’Ouest, mais pour le compléter.
Propos recueillis par Ferenc Almássy
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