vendredi 10 avril 2009

LE GENOCIDE ARMENIEN PERPETRE PAR LES TURCS





































24 avril 1915
Le génocide arménien

Article illustré par une émissionde radio de Canal Académie

Le samedi 24 avril 1915, à Istamboul,
capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement.

C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.

Il va faire environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc.

Un empire composite

Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan. Ces «protégés» (dhimmis en arabe coranique) n'en étaient pas moins soumis à de lourds impôts et avaient l'interdiction de porter les armes.

Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne - esclave du harem de leur père -, témoignaient d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des Arméniens monophysites.

Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie, au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province du sud de l'Asie mineure que l'on appelait parfois «Petite Arménie». On en retrouvait aussi à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.
L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.

Ébauche de génocide

Dans les années qui précèdent la Grande Guerre, la décadence de l'empire ottoman s'accélère après une tentative de modernisation par le haut dans la période du Tanzimat, entre 1839 et 1876. Le sultan Abdul-Hamid II n'hésite pas à attiser sans vergogne les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à 250.000 avec le concours diligent des montagnards kurdes.

Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force.

Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées...

Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.

Ces massacres planifiés ont un avant-goût de génocide.

L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit : «Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre.

Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint» (*).

Les Occidentaux se contentent de plates protestations mais le crime ne profite guère au sultan.

Celui-ci tente de jouer la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II.

Mais il est déposé en 1909 par le mouvement nationaliste des «Jeunes-Turcs» qui lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes.

Les «Jeunes-Turcs» veulent se démarquer des «Vieux-Turcs» qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire
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Ils installent au pouvoir un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans), sous l'égide d'un nouveau sultan, Mohamed V.
Ils donnent au pays une Constitution... ainsi qu'une devise empruntée à la France: «Liberté, Égalité, Fraternité».

Ils laissent espérer un sort meilleur aux minorités de l'empire, sur des bases laïques. Mais leur idéologie emprunte au nationalisme le plus étroit.

Confrontés à un lent démembrement de l'empire multinational et à sa transformation en puissance asiatique (l'empire ne possède plus en Europe que la région d'Istamboul), ils se font les champions du «touranisme». Cette idéologie prône l'union de tous les peuples de langue turque ou assimilée, de la mer Égée aux confins de la Chine (Anatolie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, etc) (*).
Dès 1909, soucieux de créer une nation turque racialement homogène, les Jeunes-Turcs multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure.

On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts à Adana le 1er avril 1909...

Les Jeunes-Turcs lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens.

Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité.

Ce nationalisme outrancier ne les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.

La Turquie dans la guerre de 1914-1918

Le 8 février 1914, la Russie impose au gouvernement turc une commission internationale destinée à veiller aux bonnes relations entre les populations ottomanes. Les Jeunes-Turcs ravalent leur humiliation mais lorsque la Grande Guerre éclate, en août de la même année, ils poussent ils poussent le sultan Mahomet V à entrer dans le conflit, aux côtés des Puissances centrales (Allemagne et Autriche), contre la Russie et les Occidentaux.

Le sultan déclare la guerre le 1er novembre 1914. Les Turcs tentent de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend... Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à Sarikamish le 29 décembre 1914.

L'empire ottoman est envahi.

L'armée turque perd 100.000 hommes. Elle bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des Arméniens dans les territoires qu'elle traverse. Les Russes, à leur tour, retournent en leur faveur les Arméniens de Turquie.

Le 7 avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome.

Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill, les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le détroit des Dardanelles pour se saisir d'Istamboul.

Le génocide

Les Jeunes-Turcs profitent de l'occasion pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens de l'Asie mineure, qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.

L'un de leurs chefs, le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, ordonne l'assassinat des Arméniens d'Istamboul puis des Arméniens de l'armée, bien que ces derniers aient fait la preuve de leur loyauté (on a ainsi compté moins de désertions chez les soldats arméniens que chez leurs homologues turcs).

C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).
Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep :

«Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie.
Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».

Le gouvernement destitue les fonctionnaires locaux qui font preuve de tiédeur, ainsi que le rapporte l'historien britannique Arnold Toynbee, qui enquêta sur place.

Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place.

La «Loi provisoire de déportation» du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.

Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont réunis en longs convois et déportés vers le sud, vers Alep, une ville de la Syrie ottomane.

Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdes, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux.

Elles débouchent en général sur une mort rapide.

Survivent toutefois beaucoup de jeunes femmes ou d'adolescentes (parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de Turcs sont ainsi troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une jeune chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).

En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le tour d'autres Arméniens de l'empire. Ceux-là sont convoyés vers Alep dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour.
Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane.

Les Européens et le génocide

En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires !
Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12.000 hommes).

Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha.

Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien. Mais l'assassin sera acquitté par la justice allemande, preuve si besoin est d'une réelle démocratisation de la vie allemande sous le régime républicain issu de Weimar !

Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du génocide.

Mais le sursaut nationaliste de Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions et entraîne une amnistie générale, le 31 mars 1923.

Les nazis tireront les leçons du premier génocide de l'Histoire et de cette occasion perdue de juger les coupables...
«Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens ?» aurait lancé Hitler en 1939, à la veille de massacrer les handicapés de son pays (l'extermination des Juifs viendra deux ans plus tard).

À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'investigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.

Les historiens multiplient depuis lors les enquêtes et les témoignages sur ce génocide, le premier du siècle. Le cinéaste français d'origine arménienne Henri Verneuil a évoqué dans un film émouvant, Mayrig, en 1991, l'histoire de sa famille qui a vécu ce drame dans sa chair.

André Larané.

Commentaire :
les Turcs et le génocide

Les «Jeunes Turcs» sont à l'origine du sentiment national turc.
Ils ont permis l'émergence d'une grande nation.

Mais ils sont aussi responsables de l'extermination de la plus grande partie des chrétiens arméniens d'Asie mineure en 1915.

En 1923, le général
Moustafa Kémal a parachevé la «turcisation» de la Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute Antiquité.

Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, est devenue exclusivement turque et musulmane après cette date.

Depuis lors, les gouvernements turcs s'obstinent à ne pas vouloir reconnaître le génocide arménien. C'est le cas aussi de la presque totalité des citoyens de ce pays.
Qu'ils appartiennent à la minorité laïque ou à la majorité islamiste, ils ne veulent rien renier du nationalisme et de l'idéologie raciale de Moustafa Kémal et des Jeunes Turcs.

Les Turcs les plus accommodants attribuent la responsabilité des massacres à un régime disparu, le sultanat, ou aux aléas de la guerre.

Ils font aussi valoir que ces massacres ne visaient pas à l'extermination du peuple arménien et en donnent pour preuve que les Arméniens de Jérusalem et du Liban n'ont pas été affectés.

Ils relativisent le drame et le comparent par exemple aux méfaits de la guerre d'Algérie.

Enfin, la plupart des Turcs considèrent -sans doute à tort- que leur nation s'affaiblirait en reconnaissant la réalité du génocide
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