mercredi 26 mars 2014

MAFIA



La famille sicilienne : les raisons d’un repli
Photographie issue du film de Francis Ford Coppola, « The Godfather » (1972).

La famille sicilienne : les raisons d’un repli



Qui n’est pas au courant de l’attachement que portent les Siciliens à la famille ? Ces derniers la placent au-dessus de tout ; au-dessus de l’État, au-dessus des lois. D’où vient ce repli marqué sur la cellule familiale ? Il suffit, pour le savoir, de s’en rapporter à l’Histoire tumultueuse de cette île insoumise.

Dans l’Antiquité, la Sicile est habitée par les Sicules, qui donnent leur nom à l’île. Puis vinrent les premiers colonisateurs, les Phéniciens, suivis par les Carthaginois et les Grecs. 
Après avoir été le théâtre de la guerre entre Grecs et Spartiates, l’île devint un enjeu stratégique des guerres puniques opposant Rome et Carthage. 
Les Romains triomphant s’installèrent. À la chute de l’Empire, les Germains en prirent possession avant que l’empereur Justinien ne la fasse repasser sous le joug des Byzantins.

La conquête musulmane vint ensuite s’imposer, et s’installer durablement dans l’île : près de 250 ans. 

 Entre 1030 et 1060, les Normands, chargés par le pape de reconquérir la Sicile pour y imposer de nouveau le catholicisme, menèrent leur mission à bien. On passât alors dans un régime féodal. Par héritage, la dynastie germanique des Hohenstaufen la récupérèrent en 1194. Mais un conflit l’opposant à la papauté la vît délogée par les Français.

C’est à cette période qu’eurent lieu les Vêpres siciliennes (1282) où les habitants se révoltèrent et massacrèrent l’occupant français. 

Les Aragonais (Espagnols) en profitèrent pour conquérir l’île mais reçurent également une vive opposition. 

Celle-ci se concrétisa en 1860 lorsque le patriote italien Garibaldi vint pour libérer la Sicile et unifier l’Italie. La population rejoignit le mouvement, plus par haine des Bourbons que par amour de l’Italie.

Se rendant compte qu’ils n’avaient fait que passer d’un maître à l’autre, les Siciliens se révoltèrent de nouveau et furent sévèrement réprimés. La guérilla durât 10 ans et provoqua une énorme émigration de la population. 

La Sicile est aujourd’hui une région autonome de la République italienne.

Mouvementé n’est-ce pas ? C’est à en perdre ses repères, pourrait-on dire. Et bien c’est exactement le ressenti de la population sicilienne. Passés de mains en mains, d’un colonisateur à l’autre, les Siciliens se sont logiquement repliés sur la dernière – et la plus solide – cellule de la société : la famille.
 Ils placent celle-ci au-dessus de tout, et surtout au-dessus des lois et des gouvernements, toujours considérés comme des étrangers, des occupants. N’est-ce pas en Sicile que sont nées les – très familiales – organisations mafieuses ? 

On date leur naissance à l’époque de l’Unification, après 1860, ou peu avant, lors du règne très contesté de Ferdinand Ier.

Joseph Bonanno, dit « Joe Bananas ».
Joseph Bonanno, dit « Joe Bananas ».
 
Dans son livre « Mafia : la véritable histoire du crime organisé » (éditions Encore, 2011), Nigel Cawthorne nous explique cette mentalité : « Comme les Siciliens ne pouvaient compter sur un État indépendant, ils faisaient preuve d’une loyauté féroce envers leurs familles étendues. Ils avaient peu de considération pour les lois, qui leur étaient principalement imposées par des étrangers, et les crimes étaient considérés comme une expression du patriotisme, une forme de résistance contre l’occupant. »

Pour Joseph Bonanno, dit « Joe Bananas » (« Joe le fou »), chef de l’une des Cinq Familles de New-York dans les années 60, les Siciliens ne se sont jamais sentis Italiens, ni quoi que ce soit d’autre : 
« C’est un concept vague, qui exigeait des hommes qu’ils apportent la plus grande loyauté à une entité abstraite, la nation, plutôt qu’à leurs familles, la chair de leur chair. Cela signifiait que les hommes jeunes allaient devoir combattre au nom de l’État national, contre des étrangers qui ne leur avaient rien fait personnellement, qu’ils ne connaissaient même pas… Les Siciliens sont l’un des peuples les plus idéalistes du monde, mais ils n’aiment pas l’abstraction. Ils aiment que les choses soient à l’échelle humaine. Même pour de petites transactions professionnelles, ils aiment traiter d’homme à homme, les yeux dans les yeux. C’est pareil quand ils se battent. Ils prennent les batailles très personnellement. Ils croient à un honneur personnel, qui n’a rien d’abstrait. »

Que seraient devenus les Siciliens sans leur famille ? Celle-ci fut leur seul repère, leur seul soutien durant ces siècles de turbulences. Aujourd’hui, l’Union Européenne tend à faire adopter aux pays membres des lois sur le « mariage » homosexuel et l’adoption homoparentale, projet sinistre visant ni plus ni moins qu’à détruire la famille traditionnelle et la filiation.

 La République Française est tombée, bien que les opposants n’aient pas encore dit leur dernier mot. 

La Sicile en est encore bien loin. La pieuvre européenne aura-t-elle raison, comme en France, d’une histoire millénaire ?
Christopher Lings

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