MAFIA
La famille sicilienne : les raisons d’un repli
Qui n’est pas au courant de
l’attachement que portent les Siciliens à la famille ? Ces derniers la
placent au-dessus de tout ; au-dessus de l’État, au-dessus des lois.
D’où vient ce repli marqué sur la cellule familiale ? Il suffit, pour le
savoir, de s’en rapporter à l’Histoire tumultueuse de cette île
insoumise.
Dans l’Antiquité, la Sicile est habitée
par les Sicules, qui donnent leur nom à l’île. Puis vinrent les premiers
colonisateurs, les Phéniciens, suivis par les Carthaginois et les
Grecs.
Après avoir été le théâtre de la guerre entre Grecs et
Spartiates, l’île devint un enjeu stratégique des guerres puniques
opposant Rome et Carthage.
Les Romains triomphant s’installèrent. À la
chute de l’Empire, les Germains en prirent possession avant que
l’empereur Justinien ne la fasse repasser sous le joug des Byzantins.
La conquête musulmane vint ensuite
s’imposer, et s’installer durablement dans l’île : près de 250 ans.
Entre 1030 et 1060, les Normands, chargés par le pape de reconquérir la
Sicile pour y imposer de nouveau le catholicisme, menèrent leur mission à
bien. On passât alors dans un régime féodal. Par héritage, la dynastie
germanique des Hohenstaufen la récupérèrent en 1194. Mais un conflit
l’opposant à la papauté la vît délogée par les Français.
C’est à cette période qu’eurent lieu les
Vêpres siciliennes (1282) où les habitants se révoltèrent et
massacrèrent l’occupant français.
Les Aragonais (Espagnols) en
profitèrent pour conquérir l’île mais reçurent également une vive
opposition.
Celle-ci se concrétisa en 1860 lorsque le patriote italien
Garibaldi vint pour libérer la Sicile et unifier l’Italie. La population
rejoignit le mouvement, plus par haine des Bourbons que par amour de
l’Italie.
Se rendant compte qu’ils n’avaient fait
que passer d’un maître à l’autre, les Siciliens se révoltèrent de
nouveau et furent sévèrement réprimés. La guérilla durât 10 ans et
provoqua une énorme émigration de la population.
La Sicile est
aujourd’hui une région autonome de la République italienne.
Mouvementé n’est-ce pas ? C’est à en
perdre ses repères, pourrait-on dire. Et bien c’est exactement le
ressenti de la population sicilienne. Passés de mains en mains, d’un
colonisateur à l’autre, les Siciliens se sont logiquement repliés sur la
dernière – et la plus solide – cellule de la société : la famille.
Ils
placent celle-ci au-dessus de tout, et surtout au-dessus des lois et des
gouvernements, toujours considérés comme des étrangers, des occupants.
N’est-ce pas en Sicile que sont nées les – très familiales –
organisations mafieuses ?
On date leur naissance à l’époque de
l’Unification, après 1860, ou peu avant, lors du règne très contesté de
Ferdinand Ier.
Dans son livre « Mafia : la véritable histoire du crime organisé » (éditions Encore, 2011), Nigel Cawthorne nous explique cette mentalité : « Comme
les Siciliens ne pouvaient compter sur un État indépendant, ils
faisaient preuve d’une loyauté féroce envers leurs familles étendues.
Ils avaient peu de considération pour les lois, qui leur étaient
principalement imposées par des étrangers, et les crimes étaient
considérés comme une expression du patriotisme, une forme de résistance
contre l’occupant. »
Pour Joseph Bonanno, dit « Joe Bananas »
(« Joe le fou »), chef de l’une des Cinq Familles de New-York dans les
années 60, les Siciliens ne se sont jamais sentis Italiens, ni quoi que
ce soit d’autre :
« C’est un concept vague, qui exigeait des hommes
qu’ils apportent la plus grande loyauté à une entité abstraite, la
nation, plutôt qu’à leurs familles, la chair de leur chair. Cela
signifiait que les hommes jeunes allaient devoir combattre au nom de
l’État national, contre des étrangers qui ne leur avaient rien fait
personnellement, qu’ils ne connaissaient même pas… Les Siciliens sont
l’un des peuples les plus idéalistes du monde, mais ils n’aiment pas
l’abstraction. Ils aiment que les choses soient à l’échelle humaine.
Même pour de petites transactions professionnelles, ils aiment traiter
d’homme à homme, les yeux dans les yeux. C’est pareil quand ils se
battent. Ils prennent les batailles très personnellement. Ils croient à
un honneur personnel, qui n’a rien d’abstrait. »
Que seraient devenus les Siciliens sans
leur famille ? Celle-ci fut leur seul repère, leur seul soutien durant
ces siècles de turbulences. Aujourd’hui, l’Union Européenne tend à faire
adopter aux pays membres des lois sur le « mariage » homosexuel et
l’adoption homoparentale, projet sinistre visant ni plus ni moins qu’à
détruire la famille traditionnelle et la filiation.
La République
Française est tombée, bien que les opposants n’aient pas encore dit leur
dernier mot.
La Sicile en est encore bien loin. La pieuvre européenne
aura-t-elle raison, comme en France, d’une histoire millénaire ?
Christopher Lings
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