LE LINCEUL DE TURIN : L'UNE DES PLUS VASTES SUPERCHERIES DE TOUS LES TEMPS !
Ostension télévisée du Linceul de Turin le 30 mars : l'une des dernières décisions de Benoît XVI
L'ostension de 1973 |
Par l'un des derniers actes de son pontificat, Benoît XVI a autorisé une
ostension exceptionnelle du Saint Suaire le samedi 30 mars prochain,
Samedi Saint et donc « le » jour du Linceul qui a contenu le Corps de
notre Sauveur entre le moment de sa sépulture et sa Résurrection.
Ce
sera une « ostension technologique » puisque le linge sera déployé sur
le lieu de sa conservation la cathédrale Saint-Jean de Turin et présenté
à la télévision pendant une heure à la veille de Pâques. C'est la RAI
Uno qui assurera la retransmission mais celle-ci sera probablement
reprise par de nombreuses télévisions du monde entier et se fera
également par internet.
Sans être une première, l'ostension télévisée prend une dimension
exceptionnelle par le retentissement mondial de l'événement. Une seule
ostension de ce type a eu lieu à ce jour, il y a quarante ans, le 23
novembre 1973, lorsque le Linceul avait été exposé verticalement dans le Salon des Suisses du Palais-Royal et que l'événement avait été filmé.
Il s'agit ici d'autre chose : c'est à l'occasion de l'année de la Foi
que le pape a accepté de montrer ainsi la plus vénérable relique de la
chrétienté au monde entier, appelant à la méditation sur la Mort du
Christ et sa Résurrection dont le Linceul demeure l'émouvant témoin,
maculé de son Sang rédempteur et portant l'empreinte de sa Sainte Face,
de ses souffrances sans nom mais aussi de sa gloire.
Mgr Cesare Nosiglia, archevêque de Turin et custode papal du Saint
Suaire, donnera plus de précisions sur cet événement vendredi 1er mars à
11 h lors d'une conférence de presse.
Cette page facebook
devrait donner des informations supplémentaires au fur et à mesure de
leur parution, les plus amples informations étant actuellement sur www.shroud.com.
C'est en quelque sorte un cadeau d'adieu du Saint-Père…
Jane Smits
Directrice de "Present"
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
(texte intégral du livre - "complément d'enquête")
Voir aussi : Analyse du tissu - L'image, une peinture ? - Caractéristiques de l'image - La formation de l'image - Les lettres autour du visage - La carbone 14 et son échantillon
La Science et le Saint Suaire - Les "Pères Fondateurs"
(texte intégral du livre - "complément d'enquête")
Voir aussi : Analyse du tissu - L'image, une peinture ? - Caractéristiques de l'image - La formation de l'image - Les lettres autour du visage - La carbone 14 et son échantillon
Le
linceul de Turin est l'un des objets archéologique le plus étudié et le
plus contesté au monde. En 2010, année d'exposition, on peut penser que
les études et les polémiques autour de ce tissu et de cette image sont
récentes et datent du siècle dernier.
Mais l'histoire de l'étude du linceul est plus vieille que cela car, dès son apparition à Lirey en 1357, le linceul a suscité des débats. Le désir de l’analyser et de connaître sa provenance est apparu très tôt.
L'image de l'homme qui est sur le linceul de Turin a toujours fasciné. L'observation de ce corps ensanglanté a, dès le début de son histoire, attiré non seulement l'intérêt des fidèles venus le vénérer mais aussi la curiosité des autres pour savoir si cette image était surnaturelle ou « faite de mains d'homme ».
La recherche scientifique, quelle soit une recherche par des documents, par l'observation directe, ou plus tard par des tests à l'aide d'appareils très sophistiqués, fait partie de l'histoire du linceul de Turin et se pose parfois en alternative à l'admiration, car la fascination qu'il exerce pousse ceux qui sont en face de lui à comprendre la raison d'être de ce linceul et sa réelle nature.
Le premier à avoir étudié le linceul de Turin est, d'après le document de 1389 (1), l'Évêque Henri de Poitiers vers 1355, pour savoir au travers les Évangiles canoniques (2) si le linceul exposé à Lirey à cette époque pouvait être le linceul qui avait recouvert le corps du Christ au tombeau. Toujours d'après ce document, le linceul de Lirey était un faux, fabriqué et peint par un artiste inconnu et dont la technique n'est pas citée. Devant le peu d'éléments concrets et le manque de preuves flagrantes de la supercherie, les ostensions continuent même si une certaine réserve est émise par le Pape (3) quant à la « nature » de l'image.
Puis suite à l'incendie de la chapelle Royale de Chambéry en 1532 où le linceul fut conservé dans un reliquaire d'argent, les Pauvres Clarisses procédèrent en 1534 à sa restauration, le consolidant sur la face sans image d'une toile de Hollande. À cette occasion, elles firent un compte rendu détaillé de l'image et de son tissu (4) décrivant avec émotion l'ensemble des plaies qu'elles observèrent de très près. On peut ainsi dire qu'à cette occasion fussent élaborées les premières observations « médicales » de l'homme du linceul de Turin.
En Avril 1868, Monseigneur Gastaldi, Évêque d'Aluzzo, mesure avec précision le linceul de Turin. Il fait alors 410 cm x 140 cm (5).
Mais c'est le 28 Mai 1898, que commence vraiment l'histoire scientifique de linceul de Turin. À l'occasion de l'exposition de 1898, le photographe amateur Secondo Pia prend pour la première fois une photo du linceul de Turin. Le négatif photographique le bouleverse. C'est à partir de cette date que les polémiques sur « l'authenticité » historique du linceul vont fleurir.
La science va alors s'emparer de ce tissu et de son image, essayant de savoir si oui ou non ce linceul date de l'époque du Christ et si c'est bien ce dernier qui a laissé son empreinte sur ce linceul.
Les critiques historiques ne vont pas tarder et c'est le chanoine Ulysse Chevalier (6) qui ouvre le bal en 1900, dénonçant un faux d'après ses recherches, notamment sur le « mémorandum de Pierre d'Arcis ».
En Avril 1902, le scientifique Yves Delage (7), professeur d'anatomie, présente à l'Académie des Sciences de Paris un compte rendu médical et scientifique sur le linceul de Turin et sur les observations faites sur le corps de l'homme du linceul de Turin. Il conclura notamment :
« Je reconnais le Christ en tant que personnage historique, et je ne vois pas de raisons pour que quelqu'un se scandalise du fait qu'il existe encore des traces matérielles de sa vie terrestre. »
Pour lui, il n'est pas inconcevable que ce linceul soit celui du Christ et que son empreinte corporelle s’y soit imprimée. Il subira à la suite de ce compte rendu de nombreuses pressions de ses collègues lui demandant de revenir sur ses déclarations. Ce qu'il ne fera pas.
En ce début de siècle, les premières hypothèses pour expliquer la formation de l'image apparaissent.
Pour Paul Vignon en 1902, l'image qui est sur le linceul de Turin est naturelle ; ce serait de la vaporographie. L'aloès répandu sur le corps et le tissu lors de son embaumement aurait été bruni par les vapeurs ammoniacales émanant du cadavre en décomposition.
Paul Vignon est aussi à l'origine de l'étude entre les similitudes des traits caractéristiques du visage de l'homme du linceul de Turin et le visage de Jésus dans la tradition chrétienne depuis le VIe siècle.
En mai 1931, le photographe Giuseppe Enrié, prend une nouvelle fois des photos du linceul. Ces photos d'une très grande qualité serviront plus tard de base à de nombreuses recherches.
La même année, le Dr Pierre Barbet, chirurgien à l'hôpital Saint Joseph de Paris, commencera une longue série de tests sur des cadavres pour comprendre comment est mort l'homme du linceul. Il publiera pendant des années différents ouvrages sur ses recherches (8). Ses travaux serviront de base pour tout ce qui touche à l'analyse médicale des plaies, marques, et mort de l'homme du linceul. Il conclura notamment que les clous n'ont pas été enfoncés dans la paume de la main, comme le veut la tradition chrétienne, mais dans le creux des poignets. Il sera aussi à l'origine de
l'hypothèse selon laquelle l'homme du linceul adopta plusieurs positions sur la croix, une position haute et une position basse, avant de mourir d'asphyxie. Ses travaux sont une référence en la matière.
En 1973, le linceul est examiné pour la première fois directement par des scientifiques et des prélèvements sont effectués afin d'analyses. C'est notamment Gilbert Raes qui découpera un échantillon de tissu pour en déterminer la composition. Il sera le premier à trouver des traces de coton dans cet échantillon, un élément capital à l'étude du linceul et à la datation qui sera effectuée en 1988. Le même jour, Max Frei, un criminologiste suisse, spécialiste des pollens, effectuera des prélèvements de surface en appliquant directement sur le linceul des pressions avec du scotch spécial. Il découvrira plusieurs types de pollens dont certains venant du moyen-orient. Ces résultats seront toutefois contestés par manque de transparence quant aux échantillons de pollens prélevés et on sait aujourd’hui que les moyens utilisés ne permettaient pas de connaître avec certitude le type exact des pollens et donc leur provenance. De nombreuses difficultés techniques empêchent aujourd’hui encore des études plus approfondies.
Au USA, en 1973, les scientifiques John Jackson et Bill Mottern, utiliseront un appareil appelé le VP8 qui donnera pour la première fois au monde l'image tridimensionnelle de l'homme du linceul de Turin. Cette image est l'une des caractéristiques majeures du linceul. Elle est l'information codée au sein même de l'image, donnant la distance entre le linceul et le corps de l'homme qu'il recouvrait. Cette caractéristique est extrêmement difficile à reproduire par des techniques humaines lorsqu'on veut réaliser une copie de l'image du linceul.
En 1978, une étape capitale dans l'histoire scientifique du linceul est franchie. Un groupe de scientifique dénommé le STURP (9) (Shroud of Turin Research Project) est mis en place.
Leur travail se fera durant l'exposition de 1978 à Turin. Durant cinq jours, les scientifiques de différentes disciplines utiliseront entre autres les ultraviolet, l’infrarouge, la fluorescence aux rayons X et en lumière visible, les rayons X, feront des centaines de photographies, prélèveront des échantillons de surfaces de l'image, du sang et des fibres du tissu. Des scientifiques travailleront en même temps à différents endroits du linceul pour un total de 120 heures continues de travail.
Les résultats de ces travaux serviront de base de référence pour toute la communauté scientifique afin de connaître les caractéristiques du tissu et de l'image du linceul de Turin.
Cependant Walter McCrone dès 1979, fera entendre une voix discordante par rapport aux premiers résultats du STURP. Alors que ce dernier ne trouve pas de trace du travail d'un artiste, McCrone évoque une peinture. Il sera la référence de tous ceux qui voient dans l'image du linceul l'oeuvre picturale d'un artiste. Affirmant plus tard avoir trouvé dans les échantillons qu'il avait en sa possession des composants de vermillon, malgré le désaccord de tous les autres scientifiques du STURP. Il ne changera pas d'avis jusqu'à sa mort.
En 1977, le professeur Harry Gove et ses collègues de l'Université Rochester inventent la méthode de datation par le radiocarbone, AMS (Accelerator Mass Spectrometry), qui ne nécessite que des échantillons de petites dimensions. C'est cette méthode qui sera utilisé pour dater le linceul de Turin en 1988. Harry Gove et le Dr Harbottle seront entre autres à l'origine du protocole initial pour dater le linceul de Turin. Ce qui sera fait en 1986, où les représentants de plusieurs laboratoires de datation au radiocarbone établissent un protocole précis de datation au carbone 14 du linceul de Turin. Dans cette liste, huit laboratoires de datation sont choisis. Mais en 1987, et malgré les ardentes protestations des huit laboratoires, de Gove et Harbottle, invoquant qu'une modification du protocole initial vouerait à l'échec toute datation, le Cardinal Ballestrero de Turin, réduit le nombre de laboratoire à trois, sans que le laboratoire de Gove en fasse partie.
Les Dr John Heller et Alan Adler publieront pendant des années des articles sur les analyses d'échantillons prélevés en 1978 sur la partie image du linceul et sur le sang. Leurs travaux serviront de référence pour connaître les caractéristiques chimiques de l'image et ils arriveront à la conclusion que les tâches rouges sur le linceul sont bien du sang (10). Ian Wilson écrira pour sa part plusieurs articles sur l'histoire du linceul de Turin. Il sera à l'origine des différentes hypothèses qui relient le linceul de Turin au Mandylion d'Édesse/Constantinople et proposera de faire des Templiers les possesseurs du linceul pendant plusieurs dizaines d'années.
Enfin Raymond Rogers, un chimiste du Laboratoire National de Los Alamos, ancien membre du STURP ayant effectué des analyses sur des échantillons du linceul en 1978, sera le pionnier de nouvelles découvertes (11) fondamentales et qui risquent de changer l'histoire du linceul de Turin. Il découvrira en effet que la zone de prélèvement de l'échantillon de 1988 faisant du linceul un tissu médiéval, est une zone non représentative du reste du linceul sur plusieurs points fondamentaux, – ce qui entraîne pour conséquence une datation invalide. Le linceul de Turin ne peut donc plus être daté du Moyen Âge. Une nouvelle datation est nécessaire.
Grâce à tous ces chercheurs, qu'ils soient convaincu d'un linceul authentique ou non, ou qu'ils cherchent juste à comprendre la formation de l'image, toutes ces personnes ont fait du linceul de Turin un des objets archéologiques le plus étudié au monde. Sans ces personnes et leur immense travail, sans leur détermination, leur conviction ou sacrifice, sans une concurrence parfois acharnée entre ceux qu'on appelle les sindonologistes et les sceptiques, le linceul de Turin aurait été très vite plongé dans l'oubli.
La recherche scientifique n'est absolument pas finie. D’autres découvertes sont en cours grâce à des hommes et des femmes passionnés.
Peut-être aura-t-on la chance un jour de voir de nouvelles analyses faites directement sur le linceul comme en 1978. C'est ce que les scientifiques appel-lent de leurs voeux les plus chers.
Références :
1- Voir Mémoire de Pierre d’Arcis, évêque de Troyes, au pape d’Avignon Clément VII, Paris, Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, v. 154, fol. 138.
2- Voir également l'étude comparative détaillée des Évangiles Canoniques, le linceul de Turin, op. cit., pp. 187 à 238.
3- Bulle du 1 Juin 1390 qui accorde des indulgences aux pèlerins de l’église de Lirey qui viennent voir « l’image ou représentation du suaire du Seigneur conservée avec respect (ou vénération)».
4- Extrait du livre Le Saint Suaire de Chambéry à Sainte Claire-en-ville (Avril-Mai 1534) par l'abbé Léon Bouchage, Chambéry, Imprimerie, C. Drivet, 1891.
5- www.shroud.com/history.html
6- Alphonse PICARD, Chanoine Ulysse Chevalier, Étude critique sur l'origine du saint suaire de Lirey-Chambéry-Turin, Paris, 1900.
7- Lettre de Yves Delage à Charles Richet le directeur de la Revue Scientifique en 1902. Publié dans : Revue scientifique, n° 22 du 31 mai 1902, pp. 683-687. Pour plus de détails voir le blog de Dominique Autié : http://blog-dominique.autie.intexte.net/blogs/ index.php/2006/04/21/lettre_d_yves_delage_a_charles_richet
8- Entre autres : P. BARBET, La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien, Éditions Médiaspaul, 1986.
9- Voir la liste complète sur : www.shroud.com/78team.htm
10- John H. HELLER, Alan D. ADLER, a chemical investigation of the Shroud of Turin, Canadian Society of Forensic Sciences Journal, 14(3), 1981.
11- Studies on the radiocarbon sample from the Shroud of Turin, Thermochimica Acta, Volume 425, Issues 1-2, pp. 189-194.
Analyse du tissu - L'image, une peinture ? - Caractéristiques de l'image - La formation de l'image - Les lettres autour du visage - La carbone 14 et son échantillon
Le roman ebook est disponible en téléchargement sur ce site pour 3,99€.
(Et également en vente sur ibookStore ou Kindle)
Une aventure passionnante qui conduira une jeune femme en proie à des doutes au sujet de sa foi, a enquêter sur la véracité du linceul de Turin. Mais elle se retrouvera vite confrontée à des hommes prêts à tout pour l'empêcher de révéler la vérité. Un roman basé sur des faits scientifiques réels.
Et toujours disponibles :
Les livres sur les dernières découvertes concernant la datation au carbone 14 et l'échantillon découpé en 1988, sur le codex de Pray, les documents historiques récement découverts, les analyses médicales, la crucifixion, l'étude des évangiles canoniques, les pollens, les lettres autour du visage, les caractéristiques de l'image...
Mais l'histoire de l'étude du linceul est plus vieille que cela car, dès son apparition à Lirey en 1357, le linceul a suscité des débats. Le désir de l’analyser et de connaître sa provenance est apparu très tôt.
L'image de l'homme qui est sur le linceul de Turin a toujours fasciné. L'observation de ce corps ensanglanté a, dès le début de son histoire, attiré non seulement l'intérêt des fidèles venus le vénérer mais aussi la curiosité des autres pour savoir si cette image était surnaturelle ou « faite de mains d'homme ».
La recherche scientifique, quelle soit une recherche par des documents, par l'observation directe, ou plus tard par des tests à l'aide d'appareils très sophistiqués, fait partie de l'histoire du linceul de Turin et se pose parfois en alternative à l'admiration, car la fascination qu'il exerce pousse ceux qui sont en face de lui à comprendre la raison d'être de ce linceul et sa réelle nature.
Le premier à avoir étudié le linceul de Turin est, d'après le document de 1389 (1), l'Évêque Henri de Poitiers vers 1355, pour savoir au travers les Évangiles canoniques (2) si le linceul exposé à Lirey à cette époque pouvait être le linceul qui avait recouvert le corps du Christ au tombeau. Toujours d'après ce document, le linceul de Lirey était un faux, fabriqué et peint par un artiste inconnu et dont la technique n'est pas citée. Devant le peu d'éléments concrets et le manque de preuves flagrantes de la supercherie, les ostensions continuent même si une certaine réserve est émise par le Pape (3) quant à la « nature » de l'image.
Puis suite à l'incendie de la chapelle Royale de Chambéry en 1532 où le linceul fut conservé dans un reliquaire d'argent, les Pauvres Clarisses procédèrent en 1534 à sa restauration, le consolidant sur la face sans image d'une toile de Hollande. À cette occasion, elles firent un compte rendu détaillé de l'image et de son tissu (4) décrivant avec émotion l'ensemble des plaies qu'elles observèrent de très près. On peut ainsi dire qu'à cette occasion fussent élaborées les premières observations « médicales » de l'homme du linceul de Turin.
En Avril 1868, Monseigneur Gastaldi, Évêque d'Aluzzo, mesure avec précision le linceul de Turin. Il fait alors 410 cm x 140 cm (5).
Mais c'est le 28 Mai 1898, que commence vraiment l'histoire scientifique de linceul de Turin. À l'occasion de l'exposition de 1898, le photographe amateur Secondo Pia prend pour la première fois une photo du linceul de Turin. Le négatif photographique le bouleverse. C'est à partir de cette date que les polémiques sur « l'authenticité » historique du linceul vont fleurir.
La science va alors s'emparer de ce tissu et de son image, essayant de savoir si oui ou non ce linceul date de l'époque du Christ et si c'est bien ce dernier qui a laissé son empreinte sur ce linceul.
Les critiques historiques ne vont pas tarder et c'est le chanoine Ulysse Chevalier (6) qui ouvre le bal en 1900, dénonçant un faux d'après ses recherches, notamment sur le « mémorandum de Pierre d'Arcis ».
En Avril 1902, le scientifique Yves Delage (7), professeur d'anatomie, présente à l'Académie des Sciences de Paris un compte rendu médical et scientifique sur le linceul de Turin et sur les observations faites sur le corps de l'homme du linceul de Turin. Il conclura notamment :
« Je reconnais le Christ en tant que personnage historique, et je ne vois pas de raisons pour que quelqu'un se scandalise du fait qu'il existe encore des traces matérielles de sa vie terrestre. »
Pour lui, il n'est pas inconcevable que ce linceul soit celui du Christ et que son empreinte corporelle s’y soit imprimée. Il subira à la suite de ce compte rendu de nombreuses pressions de ses collègues lui demandant de revenir sur ses déclarations. Ce qu'il ne fera pas.
En ce début de siècle, les premières hypothèses pour expliquer la formation de l'image apparaissent.
Pour Paul Vignon en 1902, l'image qui est sur le linceul de Turin est naturelle ; ce serait de la vaporographie. L'aloès répandu sur le corps et le tissu lors de son embaumement aurait été bruni par les vapeurs ammoniacales émanant du cadavre en décomposition.
Paul Vignon est aussi à l'origine de l'étude entre les similitudes des traits caractéristiques du visage de l'homme du linceul de Turin et le visage de Jésus dans la tradition chrétienne depuis le VIe siècle.
En mai 1931, le photographe Giuseppe Enrié, prend une nouvelle fois des photos du linceul. Ces photos d'une très grande qualité serviront plus tard de base à de nombreuses recherches.
La même année, le Dr Pierre Barbet, chirurgien à l'hôpital Saint Joseph de Paris, commencera une longue série de tests sur des cadavres pour comprendre comment est mort l'homme du linceul. Il publiera pendant des années différents ouvrages sur ses recherches (8). Ses travaux serviront de base pour tout ce qui touche à l'analyse médicale des plaies, marques, et mort de l'homme du linceul. Il conclura notamment que les clous n'ont pas été enfoncés dans la paume de la main, comme le veut la tradition chrétienne, mais dans le creux des poignets. Il sera aussi à l'origine de
l'hypothèse selon laquelle l'homme du linceul adopta plusieurs positions sur la croix, une position haute et une position basse, avant de mourir d'asphyxie. Ses travaux sont une référence en la matière.
En 1973, le linceul est examiné pour la première fois directement par des scientifiques et des prélèvements sont effectués afin d'analyses. C'est notamment Gilbert Raes qui découpera un échantillon de tissu pour en déterminer la composition. Il sera le premier à trouver des traces de coton dans cet échantillon, un élément capital à l'étude du linceul et à la datation qui sera effectuée en 1988. Le même jour, Max Frei, un criminologiste suisse, spécialiste des pollens, effectuera des prélèvements de surface en appliquant directement sur le linceul des pressions avec du scotch spécial. Il découvrira plusieurs types de pollens dont certains venant du moyen-orient. Ces résultats seront toutefois contestés par manque de transparence quant aux échantillons de pollens prélevés et on sait aujourd’hui que les moyens utilisés ne permettaient pas de connaître avec certitude le type exact des pollens et donc leur provenance. De nombreuses difficultés techniques empêchent aujourd’hui encore des études plus approfondies.
Au USA, en 1973, les scientifiques John Jackson et Bill Mottern, utiliseront un appareil appelé le VP8 qui donnera pour la première fois au monde l'image tridimensionnelle de l'homme du linceul de Turin. Cette image est l'une des caractéristiques majeures du linceul. Elle est l'information codée au sein même de l'image, donnant la distance entre le linceul et le corps de l'homme qu'il recouvrait. Cette caractéristique est extrêmement difficile à reproduire par des techniques humaines lorsqu'on veut réaliser une copie de l'image du linceul.
En 1978, une étape capitale dans l'histoire scientifique du linceul est franchie. Un groupe de scientifique dénommé le STURP (9) (Shroud of Turin Research Project) est mis en place.
Leur travail se fera durant l'exposition de 1978 à Turin. Durant cinq jours, les scientifiques de différentes disciplines utiliseront entre autres les ultraviolet, l’infrarouge, la fluorescence aux rayons X et en lumière visible, les rayons X, feront des centaines de photographies, prélèveront des échantillons de surfaces de l'image, du sang et des fibres du tissu. Des scientifiques travailleront en même temps à différents endroits du linceul pour un total de 120 heures continues de travail.
Les résultats de ces travaux serviront de base de référence pour toute la communauté scientifique afin de connaître les caractéristiques du tissu et de l'image du linceul de Turin.
Cependant Walter McCrone dès 1979, fera entendre une voix discordante par rapport aux premiers résultats du STURP. Alors que ce dernier ne trouve pas de trace du travail d'un artiste, McCrone évoque une peinture. Il sera la référence de tous ceux qui voient dans l'image du linceul l'oeuvre picturale d'un artiste. Affirmant plus tard avoir trouvé dans les échantillons qu'il avait en sa possession des composants de vermillon, malgré le désaccord de tous les autres scientifiques du STURP. Il ne changera pas d'avis jusqu'à sa mort.
En 1977, le professeur Harry Gove et ses collègues de l'Université Rochester inventent la méthode de datation par le radiocarbone, AMS (Accelerator Mass Spectrometry), qui ne nécessite que des échantillons de petites dimensions. C'est cette méthode qui sera utilisé pour dater le linceul de Turin en 1988. Harry Gove et le Dr Harbottle seront entre autres à l'origine du protocole initial pour dater le linceul de Turin. Ce qui sera fait en 1986, où les représentants de plusieurs laboratoires de datation au radiocarbone établissent un protocole précis de datation au carbone 14 du linceul de Turin. Dans cette liste, huit laboratoires de datation sont choisis. Mais en 1987, et malgré les ardentes protestations des huit laboratoires, de Gove et Harbottle, invoquant qu'une modification du protocole initial vouerait à l'échec toute datation, le Cardinal Ballestrero de Turin, réduit le nombre de laboratoire à trois, sans que le laboratoire de Gove en fasse partie.
Les Dr John Heller et Alan Adler publieront pendant des années des articles sur les analyses d'échantillons prélevés en 1978 sur la partie image du linceul et sur le sang. Leurs travaux serviront de référence pour connaître les caractéristiques chimiques de l'image et ils arriveront à la conclusion que les tâches rouges sur le linceul sont bien du sang (10). Ian Wilson écrira pour sa part plusieurs articles sur l'histoire du linceul de Turin. Il sera à l'origine des différentes hypothèses qui relient le linceul de Turin au Mandylion d'Édesse/Constantinople et proposera de faire des Templiers les possesseurs du linceul pendant plusieurs dizaines d'années.
Enfin Raymond Rogers, un chimiste du Laboratoire National de Los Alamos, ancien membre du STURP ayant effectué des analyses sur des échantillons du linceul en 1978, sera le pionnier de nouvelles découvertes (11) fondamentales et qui risquent de changer l'histoire du linceul de Turin. Il découvrira en effet que la zone de prélèvement de l'échantillon de 1988 faisant du linceul un tissu médiéval, est une zone non représentative du reste du linceul sur plusieurs points fondamentaux, – ce qui entraîne pour conséquence une datation invalide. Le linceul de Turin ne peut donc plus être daté du Moyen Âge. Une nouvelle datation est nécessaire.
Grâce à tous ces chercheurs, qu'ils soient convaincu d'un linceul authentique ou non, ou qu'ils cherchent juste à comprendre la formation de l'image, toutes ces personnes ont fait du linceul de Turin un des objets archéologiques le plus étudié au monde. Sans ces personnes et leur immense travail, sans leur détermination, leur conviction ou sacrifice, sans une concurrence parfois acharnée entre ceux qu'on appelle les sindonologistes et les sceptiques, le linceul de Turin aurait été très vite plongé dans l'oubli.
La recherche scientifique n'est absolument pas finie. D’autres découvertes sont en cours grâce à des hommes et des femmes passionnés.
Peut-être aura-t-on la chance un jour de voir de nouvelles analyses faites directement sur le linceul comme en 1978. C'est ce que les scientifiques appel-lent de leurs voeux les plus chers.
Références :
1- Voir Mémoire de Pierre d’Arcis, évêque de Troyes, au pape d’Avignon Clément VII, Paris, Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, v. 154, fol. 138.
2- Voir également l'étude comparative détaillée des Évangiles Canoniques, le linceul de Turin, op. cit., pp. 187 à 238.
3- Bulle du 1 Juin 1390 qui accorde des indulgences aux pèlerins de l’église de Lirey qui viennent voir « l’image ou représentation du suaire du Seigneur conservée avec respect (ou vénération)».
4- Extrait du livre Le Saint Suaire de Chambéry à Sainte Claire-en-ville (Avril-Mai 1534) par l'abbé Léon Bouchage, Chambéry, Imprimerie, C. Drivet, 1891.
5- www.shroud.com/history.html
6- Alphonse PICARD, Chanoine Ulysse Chevalier, Étude critique sur l'origine du saint suaire de Lirey-Chambéry-Turin, Paris, 1900.
7- Lettre de Yves Delage à Charles Richet le directeur de la Revue Scientifique en 1902. Publié dans : Revue scientifique, n° 22 du 31 mai 1902, pp. 683-687. Pour plus de détails voir le blog de Dominique Autié : http://blog-dominique.autie.intexte.net/blogs/ index.php/2006/04/21/lettre_d_yves_delage_a_charles_richet
8- Entre autres : P. BARBET, La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien, Éditions Médiaspaul, 1986.
9- Voir la liste complète sur : www.shroud.com/78team.htm
10- John H. HELLER, Alan D. ADLER, a chemical investigation of the Shroud of Turin, Canadian Society of Forensic Sciences Journal, 14(3), 1981.
11- Studies on the radiocarbon sample from the Shroud of Turin, Thermochimica Acta, Volume 425, Issues 1-2, pp. 189-194.
Analyse du tissu - L'image, une peinture ? - Caractéristiques de l'image - La formation de l'image - Les lettres autour du visage - La carbone 14 et son échantillon
Les enquêtes scientifiques et le roman sur le Saint Suaire ou Linceul de Turin
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XIVème siècle. Ainsi donc, toute une croyance tombe de son piédestal.
Je
ne vais pas m'intéresser ici sur les circonstances et les moyens qui
ont permis à ces scientifiques de prouver la supercherie. D'autres sites
vous l'expliqueront mieux que moi. Ce qui arrête mon regard et ma
réflexion sur ce fameux tissu, c'est la façon dont l'humain a besoin de
deux éléments combinés, un fait d'éléments magiques, l'autre fait de
confirmations sérieuses, ou tout du moins d'un flou entretenu par des
déclarations données par les autorités religieuses, pour croire en la
réalité d'une divinité.
C'est
ce qui se passe dans toutes les religions. Ces deux ingrédients, l'un
magique, l'autre d'autorité, sont indispensables pour que la mayonnaise
monte. Si les docteurs de la foi confirment un fait ou entretiennent un
doute, les gens confiants en leur foi ont tôt fait de basculer dans la
croyance de l'existence du fait. En religion, c'est le principe de
légitimité et de crédibilité qui l'emporte toujours sur le doute. Si des
gens de ce calibres confirment le fait, c'est la vérité. Si elles
sèment le trouble et le flou, c'est toujours la vérité. Seul un rejet
catégorique du fait miraculeux par l'ensemble de la prélature détourne
les croyants du miracle.
Il est d'ailleurs très intéressant de lire la définition du saint suaire dans Le Petit Larousse, édition 2005 (!): « linceul qui servit à ensevelir le Christ ». Aucune
distance critique, aucun conditionnel. Une affirmation: le linceul est
un vrai, et l'image est bien celle du Christ. Et comme le dictionnaire
est la base même des définitions exactes...
Cette petite phrase « le linceul qui servit à ensevelir le Christ » pourrait
se révéler propre à assassiner le Christ lui-même. On passe de
l'explication divine au Ier degré « ce linceul est mystique, il a
imprimé le visage du Christ » a une mystification organisée par un
groupe de personnages du XIVème siècle.
On passe alors à un second degré
« ce linceul est une escroquerie, le dictionnaire en donnait une petite
définition anodine qui l'a transformée en une définition assassine « « le linceul qui sert à ensevelir le Christ ».
Si le saint suaire est un faux, le Christ est définitivement mort et
enterré. Il n'y a plus rien à croire car toute l'histoire de ce
personnage est une suite de mystifications significatives et non plus un
fait mystique réel. Le dictionnaire devient, à son corps défendant, un
nouveau complice des meurtriers du personnage en tant que personne
représentante de Dieu sur Terre...
La
modernité, le XVIII ème siècle en particulier , l'époque des Lumières
nous ont appris à prendre de la distance par rapport aux croyances
religieuses. Si demain nos enfants veulent encore s'intéresser au fait
religieux, à la spiritualité, il est tout-à-fait nécessaire de donner
des cours d'histoire des religions et non du catéchisme qui ne tient
plus la route, voir pire, qui construit des individus irrationnels qui
se jettent soit dans des aventures religieuses extrémistes soit dans des
sectes dangereuses pour leur intégrité.
La
preuve d'un faux saint suaire est salutaire. Cette supercherie montre
combien des gens peu scrupuleux se sont servis de leurs connaissances
pour manipuler et induire en erreur des foules entières
Elle jette une
lumière crue sur la fascination des foules par la religion et la
facilité avec laquelle on peut tromper des gens pendant des centaines
d'années, voir des millénaires...
Les
autorités religieuses perdent de plus en plus en légitimité. Elles ont
du pain sur la planche. Elles doivent redonner au Christ son identité
humaine à part entière et ne plus se servir de soi-disant miracles
littéraires pour donner du poids et de la force à ce magnifique
personnage historique sorti de la grande Histoire par la porte d'un trou
noir divin, et réapparu dans les Evangiles plus de septante ans plus
tard...
Drôle d'histoire, vous ne trouvez pas, Lolita?
Pacha K Mac
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Malgré l’émission d’Arte du 3 avril, le « suaire » de Turin est (et reste) une imposture !
Un siècle de sindonologie
Pour
ses partisans, le « suaire » est la relique « la plus insigne de la
chrétienté », car elle contient l’empreinte et le sang du Christ.
Le
Fils de Dieu y a été enveloppé après sa Crucifixion, pour être porté au
Sépulcre.
Comme les corps des cadavres ne s’impriment pas ainsi sur le
tissu qui les enveloppe, l’image du « suaire » est inexplicable.
Selon
l’archevêque de Turin, gardien de la relique, c’est un « objet
impossible ». Pour beaucoup de catholiques, la mystérieuse image portée
par l’étoffe est la « preuve physico-chimique » de la Résurrection.
Le
« suaire » de Turin a été exposé six fois au cours du XXe siècle : en
1931, 1933, 1973, 1978, 1998 et lors du Grand Jubilé de l’an 2000. A
chaque reprise - sauf en 1973, qui ne fut qu’une ostension télévisée -
des centaines de milliers de fidèles catholiques se sont déplacés pour
le vénérer.
Les
papes du XXe siècle ont constamment encouragé cette dévotion. En 1953,
Pie XII évoque « le saint Linceul qui, pour notre émotion et notre
réconfort, nous montre l’image du corps inanimé et du visage
divinanéanti de Jésus ». En 1959, Jean XXIII déclare qu’il y voit le
« doigt de Dieu ». En 1973, Paul VI médite sur « son mystère caché et
fascinant ». En 1980, Jean-Paul II se rend à Turin, où il baise « la
Relique la plus splendide de la Passion et de la Résurrection. » ; pour
l’ostension de 1998, il s’y est déplacé à nouveau pour prier auprès de
« l’un des signes les plus bouleversants de l’amour dans la souffrance
du Rédempteur », etc.
Contrairement
à la plupart des autres reliques catholiques, le « suaire » fait
l’objet depuis près de 50 ans de recherches scientifiques et
historiques. Il existe une discipline qui s’attache exclusivement à son
étude : la sindonologie (du grec, sindon, linceul), qui
mêle histoire, archéologie, étude du textile, physique, chimie,
numismatique, palynologie, photographie, etc. Elle n’est toutefois pas
reconnue par la Faculté (au motif premier qu’une science ne se restreint
pas à un seul objet) et reste le fait des avocats de la relique.
L’attention
du monde catholique et des chercheurs s’est éveillée en 1898, lorsque
l’avocat Secondo Pia prit les premières photographies de la relique. Sur
son négatif, le chevalier Pia remarqua que c’est l’image positive
du corps du Christ qui se dégage du fond de la toile, devenue sombre,
et non l’image inversée traditionnelle. Alors que sur l’original on ne
voit qu’une silhouette assez vague, on distingue sur le négatif des
détails insoupçonnés qui rendent le Christ étonnamment présent. N’est-ce
pas précisément grâce au négatif que les empreintes floues de la
relique sont rendues compréhensibles à notre regard ? Si tel est le cas,
comment le « suaire » peut-il être un faux, puisque le principe de la
photographie n’est connu que depuis le XIXe siècle ? Ce sont là, en tout
cas, les premières questions que se posent les premiers sindonologues.
La
propriété négative du « suaire » fascina les croyants, relança une
dévotion perdue depuis le XVIIIe siècle et propulsa la relique dans le
« siècle de la science ».
Les
proto-sindonologues s’occupèrent surtout de glaner des témoignages
historiques en faveur de la relique. Le Français Pierre Vignon fit une
comparaison entre les portraits des christs byzantins et remarqua des
signes communs qui lui semblèrent accréditer l’histoire ancienne du
« suaire ». Mais ce n’est qu’en 1950 que se tint le premier congrès
international d’études à prétentions scientifiques consacrées au « saint
suaire ». L’aspect médical du « crucifié » y fut abordé, avec en point
d’orgue la prestation du Dr. Barbet, chirurgien de l’hôpital
Saint-Joseph de Paris.
A l’en
croire, le Dr Barbet avaient fait deux découvertes révolutionnaires. Il
avait d’abord observé que les clous de l’homme de « suaire » n’étaient
pas fichés dans les paumes des mains, à l’endroit où les artistes
médiévaux avaient coutume de les représenter, mais « dans les
poignets ». Il avait conduit des expériences sur des cadavres qui,
disait-il, avaient démontré que lorsque l’on plante des clous dans les
paumes d’un homme en croix, la peau des mains se déchire sous la
traction du corps jusqu’à la commissure. Si on les plante au contraire
dans « l’espace de Destot » - un espace libre limité par le grand os, le
semilunaire, le pyramidal et l’os crochu, c’est-à-dire là où Barbet
voyait la plaie sur le « suaire » - le clou lésait le nerf médian et
avait pour résultat la contraction réflexe des muscles thénariens,
faisant fléchir le pouce contre la paume de la main. Or, selon Barbet,
on ne voyait justement que quatre doigts sur les deux mains de « l’homme
du suaire »... Comment un artiste quelconque aurait-il pu avoir l’idée
de représenter ces détails anatomiques ? N’était-ce pas la preuve, par
l’observation médicale, que le « suaire » avait bien contenu le corps
d’un homme ?
Les
observations de Barbet relancèrent les recherches. Ce n’est toutefois
qu’en 1969 qu’une commission (secrète) put approcher le « suaire ». Les
« savants » de cette commission furent désignés par le cardinal Michele
Pellegrino, archevêque de Turin, avec l’aval du pape Paul VI. Ils
examinèrent le « suaire » aux rayons ultraviolets et infrarouges - mais
ne rendirent aucune conclusion définitive…
En
1973, les membres d’une nouvelle commission (toujours secrète…) eurent
le droit de mener des investigations plus poussées. Ils purent prélever
des pollens et deux petits échantillons de tissu. La conclusion de cette
commission ne fut publiée qu’en 1976. Elle était assez nuancée, mais on
en retint que le « suaire » n’était pas une peinture.
Dans
les années qui suivirent, le criminologue suisse Max Frei fit beaucoup
parler de lui. Frei affirmait que l’étude des pollens disséminés sur
l’étoffe démontraient que le « suaire » avait séjourné aux abords de
Jérusalem. Le journaliste anglais Ian Wilson, président de la British Society for the Turin Shroud, lui emboîta le pas et rédigea Le suaire de Turin, qui devint un best-seller mondial.
C’est
en 1978, sous l’égide du S.T.U.R.P, qu’eut lieu l’examen scientifique le
plus médiatisé de la relique. Les Drs Jackson et Jumper, capitaines de
l’armée de l’Air américaine, furent les leaders de l’opération. Ils
avaient démontré l’année précédente que le « suaire » contient une
information tridimensionnelle, c’est-à-dire que l’intensité de son image
variait en raison inverse de la distance qui sépare la toile du cadavre
qu’elle est censée avoir enveloppé. Comme un portrait classique est
bi-dimensionnel, leur découverte semblait démontrer que le « suaire » ne
pouvait être une oeuvre humaine.
Le
S.T.U.R.P. se composait d’une quarantaine de membres, dont une grande
partie se déplaça à Turin avec 6 tonnes de matériel sophistiqué. Du 9 au
13 octobre 1978, l’équipe prit des photographies et des
microphotographies de la relique. Elle en effectua une radiographie
complète, l’examina aux rayons infrarouges, sous éclairage ultraviolet,
préleva des échantillons de poussières et de molécules. Mais elle ne fit
aucun prélèvement de tissu car les propriétaires ne le permettaient
pas.
Le 18
avril 1981, le S.T.U.R.P. rendit public ses conclusions. Pour
l’organisation sindonologique, il y avait bien du sang sur la relique et
l’image résultait d’un procédé mystérieux excluant la peinture. Les
articles scientifiques supportant ses conclusions furent publiées les
années suivantes.
Parmi
ces études, ce sont celles des Drs John Heller et Alan Adler qui
rencontrèrent le plus grand succès médiatique. Dans leur premier
article, Heller et Adler indiquèrent que leur échantillon contenait de
la porphyrine. Comme la porphyrine est un pigment entrant dans la
synthèse de l’hémoglobine, ils en conclurent qu’ils tenaient une
« preuve positive par présomption » ( ?) de la présence de sang sur le
« suaire ». Dans leur second article, ils rapportèrent avoir trouvé de
la bilirubine (un pigment biliaire) et détecté la présence de protéine
et plus particulièrement de l’albumine (une variété de protéine simple
existant dans le sérum sanguin). La mise en évidence de ces composants
du sang semblait confirmer la présence de sang sur la relique.
Les
milieux catholiques furent très émus en apprenant cette information.
Pour eux, le sang du Christ est au centre de la messe (l’Eucharistie) et
au cœur du plus étrange mystère chrétien (le sang versé par le Christ
pour le rachat des péchés de l’humanité). Le « suaire » devenait donc un
objet doublement sacré.
C’est
en se fondant sur ces observations que les associations sindonologiques
engagèrent une nouvelle croisade en faveur de l’authenticité de la
relique. Pour elles, la science du XXe siècle démontre sans l’ombre d’un
doute que le « suaire » est le véritable linceul du Sépulcre. De
nombreux médias relayent aujourd’hui encore leurs campagnes et des
milliers de livres propagent ces informations.
Des résultats… non significatifs
En
réalité, les résultats proclamés sont loin, très loin, d’être aussi
concluants qu’ils le paraissent. Ils sont même radicalement contredits
par des analyses plus fines qui ont, elles aussi, été réalisées sur la
relique.
D’abord, point primordial, l’image du « suaire » n’est pas un
négatif photographique, contrairement à ce que prétendent les
sindonologues. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les « taches
de sang » qui, de couleur foncée sur l’image du « suaire », « deviennent
blanches sur une image inversée » (Henri Broch). Sur l’original, ces
taches se présentent sous leur aspect normal et ne deviennent vraiment
négatives que lorsqu’on les observe sur un négatif photographique.
L’image
du corps, étudiée isolément, n’offre pas non plus de propriété
photographique. Le photographe James Burke, a ainsi démontré qu’il y a
« des espaces en blanc entourant les diverses formes imprimées (par
exemple, le nez, les joues, etc.) dans les contours de la silhouette »
qui ne correspondent pas à ce que l’on observe dans les photographies
habituelles. De plus, « la barbe est d’un ton opposé à celui que nous
pourrions attendre (foncé sur le « négatif » original imprimé) ». Si le
suaire était bien un négatif photographique, il faudrait donc en
conclure que « Jésus était un vieil homme à la barbe blanche », ce qui
serait une révolution exégétique en même temps qu’un pis-aller
sindonologique.
Bref, le « suaire » se comporte comme un négatif, mais comme un négatif non
photographique. Ce type de négatif est si ancien qu’on le retrouve dans
l’art pariétal et les « mains négatives » retrouvées dans des grottes
datant du paléolithique nous en livrent en parfait exemple.
Par ailleurs - et malgré ce qui est répété dans tous les congrès de sindonologie - la plaie dans la main ne se situe pas à l’endroit déterminé par Barbet, c’est-à-dire au niveau du poignet, mais au contraire dans la paume de la main. En
1534, à l’occasion du raccommodage faisant suite à l’incendie qui avait
en partie endommagé le « suaire », les sœurs clarisses de Chambéry
l’avaient d’ailleurs noté, puisqu’elles écrivirent dans leur rapport :
« Les ouvertures des clous sont au milieu des mains longues et belles, d’où serpentent un ruisseau de sang depuis les côtes jusqu’aux épaules. »
Le Dr
Zugibe fait de nos jours remarquer que « si le nerf médian était blessé,
causant une stimulation mécanique comme le proclame Barbet, cela ne
pourrait entraîner le pouce à l’intérieur de la paume de la main ». Le
Dr. Ernest Lampe, l’un des plus grands chirurgiens de la main au monde,
rapporte ainsi que lorsqu’il y a rupture du nerf médian « il y a
incapacité à fléchir le pouce, l’index et le médium », ce qui ruine
définitivement la théorie de Barbet.
Les
pouces manquants s’expliquent simplement par leur position naturelle
dans la mort : en face et légèrement sur le côté de l’index. Une telle
caractéristique ne signifie pas, bien sûr, que le « suaire » ait
enveloppé un véritable cadavre, puisque elle est présente sur de
nombreuses oeuvres artistiques comme le Pavement de Toulouse, conservé
au Louvre.
Les
reconstitutions de Barbet démontrant l’impossibilité de suspendre un
cadavre en plantant un clou dans la paume de ses mains ont elles aussi
été infirmées à plusieurs reprises. Une thèse de doctorat a notamment
fourni l’exemple d’un cadavre crucifié par les paumes.
Ce qui
est plus gênant pour l’authenticité de la relique, c’est que celle-ci
comporte des erreurs anatomiques patentes comme les doigts démesurément longs
et le bras droit beaucoup plus long que le gauche, qui, lorsqu’on le
déplie, arrive d’ailleurs à la hauteur du genou du Christ, ce qui lui
confère une allure simiesque très étonnante…
L’étude
des pollens est un cas à part. Les sindonologues du S.T.U.R.P ont pour
leur part rejeté l’argument de Max Frei, au motif que les pollens
peuvent être transportés par les vents et se retrouver sur n’importe
quelle étoffe sans rien indiquer sur sa provenance. Mais pour le
micropaléontologue Steven Shafersman, Frei ne fut pas un chercheur
incompétent mais un « fraudeur ». Son argumentation est convaincante.
Contrairement au S.T.U.R.P, Shafersman remarque en effet qu’il est
exceptionnel que le vent transporte les pollens sur d’aussi longues
distances, car en général ceux-ci retombent dans le voisinage immédiat
de leurs plantes. Il serait donc particulièrement surprenant que 33
espèces de pollens du Moyen Orient (chiffres donné par Frei) aient été
transportées par le vent pour se concentrer sur une même étoffe. A moins
de prétendre qu’il s’agit de pollens à tête chercheuse, une telle concentration est hautement improbable.
Shafersman
s’est également aperçu que sur les illustrations que Frei projetait à
son public « chaque espèce de pollens était représenté par quatre ou
cinq spécimens parfaitement conservés, comme s’ils étaient neufs ». Bien
que partisan du « suaire », le moine traditionaliste Bonnet-Eymard
s’est lui aussi rendu compte de cette étrangeté... jusqu’à ce que Max
Frei lui concède que les photographies qu’il présentait lors de ses
réunions n’étaient que des pollens de référence. Comment appeler autrement que « fraude » de telles méthodes ?
Il faut enfin signaler qu’à sa mort (1983), Frei n’avait pas publié ses résultats dans une revue scientifique
L’information
tridimensionnelle du « suaire » est-elle au moins assurée ? En partie,
oui. Mais il est faux de déclarer qu’elle prouve que le « suaire » a
enveloppé un corps humain.
Pour
démontrer que le « suaire » comporte une telle propriété, les
sindonologues ont reporté les détails de l’image sur une toile taillée
aux dimensions du « suaire », dont ils ont recouvert un de leur collègue
officier. Ils ont mesuré sur ce drap les distances corps-tissu et les
ont ensuite comparées aux différences de densité relevées sur le
« suaire ». Puis, le Dr Jackson a demandé aux laboratoires Sandia de
passer l’image du « suaire » dans un analyseur d’images VP-8, un
appareil qui présente la particularité de traduire l’intensité lumineuse
en termes de distance.
Or lorsque les sindonologues ont mesuré l’intensité de l’image du « suaire », ils ont obtenu une image de qualité plate qui ne correspond pas au relief d’un corps humain,mais à celui d’un simple bas-relief. Comme ils n’étaient pas satisfaits de cette image, ils ont donc décidé d’en modifier le plan de référence. Et cette modification, qui implique des ajouts multiples, correspond exactement à l’image d’un corps.
Comme le note le Pr Broch : « les sindonologues ont donc introduit dans
leur appareil de mesure le corps qu’ils voulaient trouver à la sortie
(...) Les données ont été trafiquées ».
L’étude
hématologique accomplie par les sindonologues présente un autre genre
« d’erreur ». Car cette fois, les chercheurs n’ont pas tenu compte de
l’ensemble des données du dossier et n’ont pas non plus réalisé les
analyses qui s’imposaient.
La
commission réunie en 1973 à Turin a été la première à mener des
expériences sur ce point précis. Le laboratoire du Pr Frache, directeur
de l’Institut de médecine légale de l’Université de Modène, reçut à
l’époque dix échantillons de fils prélevés sur les « taches de sang ».
Les chercheurs procédèrent à des tests destinés à mettre en évidence la
présence de sang. Ils firent d’abord le test de la fluorescence UV :
l’examen se révéla négatif. Ils poursuivirent avec le test de la
benzidine : là encore, aucune réaction. Ils firent enfin à des tests
destinés à mettre en évidence de très petites quantité de sang, tel que
la microspectrophotométrie. Ceux-ci furent à nouveau négatifs.
De fait, tous les résultats furent négatifs.
Or dans
leurs deux études, les Drs Heller et Adler, qui n’étaient ni l’un ni
l’autre spécialisés dans la chimie du sang, ont omis de conduire des
tests spécifiques pour la présence de sang. La porphyrine, la
bilirubine, les protéines et l’albumine qu’ils ont mises en évidence ne
se trouvent pas seulement dans le sang : on les trouve dans de
nombreuses autres substances, comme, par exemple, celles qui servent de liant à une peinture… Leurs analyses ne sont donc absolument pas significatives.
L’examen scientifique du « suaire »
En vérité, la thèse de l’authenticité du « suaire » a été définitivement battue en brèche par deux séries d’analyses qui satisfont aux critères de sérieux et d’objectivité.
La
première d’entre elles est celle du défunt Dr Walter McCrone, directeur
du McCrone Research Institute, un laboratoire spécialisé dans la
détection scientifique des faux en art. Le sindonologue Ian Wilson a
écrit (avant les analyses…) que ce laboratoire était « peut-être le lieu
du monde où l’on peut extraire un maximum d’informations de
l’échantillon le plus infime qui soit ». L’équipe du Dr. McCrone s’est
ainsi illustrée dans la détection de nombreux faux (de Vinci, Turner,
Picasso, etc.), ainsi que de la carte du Vinland », qui a défrayé la
chronique dans les années 70.
Les chercheurs de la commission de 1973 ayant noté sur l’image du « suaire » la présence de granules rouges qu’ils n’étaient pas parvenus à identifier, c’est à cette identification que s’employa justement le Dr McCrone.
En tant
que membre du S.T.U.R.P., il reçut, après les examens d’octobre 1978,
une série de 32 échantillons prélevés à l’aide d’un ruban adhésif
spécial : 14 provenaient de zones sans image (zones-témoins), 12 de
l’image du corps ; 6 des zones du « sang ». McCrone les étudia au
microscope à lumière polarisée.
Il
s’aperçut que dix-huit de ces échantillons présentaient une quantité
significative d’un très pur oxyde de fer, utilisé depuis les temps
préhistoriques comme pigment de peinture. Une étude en aveugle de ces 32
échantillons démontra en revanche qu’aucun des échantillons de contrôle (ceux sans image) ne contenait de telles particules.
Les
particules de pigments d’oxyde de fer (Fe2 O3) collaient aux fibres,
comme si elles étaient en suspension dans un médium. Elles étaient
d’autre part identiques à l’ocre rouge, un pigment très courant au moyen âge.
McCrone
découvrit encore que les fibres des zones à image étaient faiblement
teintes en jaune. Avec une collègue, il examina « plus de 8 000 fibres
des zones à images et sans image » et trouva que « les zones à image
avaient beaucoup plus de fibres teintes (30-72% des fibres) que le
contrôle sans image ou les échantillons d’image faible (10-26%). » Cette
découverte accréditait la thèse d’un médium ayant jauni avec le temps.
McCrone
utilisa alors une technique de rehaussement des contrastes, qui lui
confirma que la dispersion des pigments correspondait à la présence d’un
liant. Procédant à divers tests, il fut capable de préciser qu’il
s’agissait d’une détrempe composée à partir de collagène animal,
un produit à base de peaux d’animaux, de muscles, d’os, etc. Comme
seules les fibres jaunes et/ou à pigments réagirent positivement,
c’était le signe que ce liant était absent des zones témoins et
correspondait à l’emplacement des pigments d’ocre rouge.
Conclusion
du Dr. McCrone : « l’image entière a été appliquée sur le linge par un
artiste très habile et bien informé ». L’artiste avait utilisé un pigment d’oxyde de fer associé à un médium à base de collagène.
Avec
son équipe, McCrone mena des analyses complémentaires. Grâce au
microscope électronique à balayage et à la microsonde électronique (electron mirocprobe),
ils déterminèrent qu’un pigment particulier correspondait au « sang »,
en s’ajoutant à l’ocre rouge : le vermillon, également appelé cinabre,
un pigment également courant au moyen âge.
Le
S.T.U.R.P n’apprécia pas ces conclusions qui remettaient en cause le
travail de près d’un siècle de sindonologie. Au printemps 1980, McCrone
fut prié de rendre ses échantillons. En juin, se voyant dans
l’incapacité de produire de nouveaux travaux, il envoya une lettre de
démission à John Jackson. Seul le Rév. David Sox, sindonologue anglican,
accepta son verdict et se rangea à ses côtés.
Les sindonologues cherchèrent des échappatoires, mais ne parvinrent jamais à réfuter la découverte fondamentale de McCrone : la mise en évidence de la présence de pigments d’oxyde de fer sur les zones à image et son absence sur les zones vierges.
L’ordalie du C14
Dès
qu’il commença son étude sur le « suaire », le Dr. McCrone demanda que
l’on fasse passer à la relique le test de datation au C14. Au milieu des
années 70, le pasteur Sox se chargea de contacter le Pr. Gove,
co-inventeur de la spectrométrie de masse par accélérateur, une
technique nouvelle de datation C14 qui consiste à séparer les ions C14
des C12, pour déterminer le rapport des deux isotopies.
Longtemps
les autorités ecclésiastiques firent valoir qu’il n’était pas
envisageable de détruire la relique pour procéder à de telles analyses.
Mais l’idée suivit son chemin.
En
1983, une opération d’intercomparaison avec l’ancienne technique des
petits compteurs à gaz et la technique des accélérateurs démontra que la
datation au C14 était fiable. Les échantillons nécessaires pour une
datation étant infimes, les dernières réticences de l’Église tombèrent.
En
octobre 1986, un accord de protocole fut établi entre les représentants
de sept laboratoires. Le 10 octobre 1987, l’archevêque de Turin,
agissant pour le compte du Saint Siège, désigna trois d’entre eux : ceux
d’Arizona, d’Oxford, et de Zurich. Tous trois utilisaient la technique
des accélérateurs. Le British Museum fut choisi comme garant de la
datation.
C’est
le 21 avril 1988 qu’eut lieu la prise d’échantillon. L’Italien Riggi, du
S.T.U.R.P, tailla un échantillon de tissu à côté de l’endroit où l’on
avait déjà prélevé des échantillons en 1973, en bas et à gauche de
l’empreinte ventrale. Cet emplacement était volontairement éloigné « de
tout rapiéçage ou de toute zone carbonisée », comme le souligne le
rapport publié dans la revue scientifique Nature.
L’échantillon
fut divisé en trois parties équivalentes, d’environ 50 mg chacune.
Riggi découpa de la même façon les deux échantillons de contrôle
apportés par le Dr. Tite, du British Museum. Testore, l’expert textile,
les pesa. Les neuf fragments furent ensuite introduits dans neuf
récipients d’acier inoxydable. Les tubes furent scellés, numérotés, puis
remis aux trois laboratoires. Le second expert textile, Gabriel Vial,
remit à Tite un échantillon de contrôle supplémentaire. Cet excédent fut
également remis aux laboratoires. Toute l’opération fut photographiée
et prise en vidéo.
Dans
les différents laboratoires, les échantillons furent soumis à des
procédures de nettoyage. Ensuite les analyses furent exécutées. Lorsque
les mesures furent achevées, les laboratoires les envoyèrent au British
Museum, chargé d’en faire l’analyse statistique.
Les
résultats obtenus pour les trois échantillons de contrôle s’accordèrent
avec leurs dates historiques connues. Pour le lin du « suaire », ces
résultats aboutirent « à une plage d’âge calendaire calibrée, pour un
intervalle de confiance d’au moins 95%, de 1260-1390 ». Conclusion : « Ces résultats conduisent donc à conclure d’une manière décisive que le lin du Suaire de Turin est médiéval. »
Le 13
octobre 1988, le cardinal Ballestrero, custode pontifical du « suaire »,
rendit public les résultats des laboratoires. Il déclara que le
« suaire » de Turin n’était plus considéré par l’Église comme une
relique insigne, mais seulement comme une « vénérable icône du Christ ».
Les
sindonologues ont tenté de réfuter ses résultats par tous les moyens
possibles. Le moine intégriste Bonnet-Eymard a évoqué un « complot
maçonnique », mais a peu été suivi par ses collègues... La thèse
majoritaire du camp des sindonologues prétend aujourd’hui qu’une
contamination due à des bactéries et des champignons a rajeuni le lin.
Le Pr. Broch a démontré que cet argument ne vaut rien, car « si l’on
suppose que la "contamination" a eu lieu vers l’an 1800, alors la masse
de carbone contaminant vaut 2,7 fois celle du suaire » et « si l’on
suppose que la "contamination" a eu lieu vers l’an 1500, alors la masse
de carbone contaminant est égale à plus de 8 fois celle du suaire. » A
ce compte-là, il faudrait considérer que c’est le lin qui a pollué les
« polluants »…
Il ne
reste plus aux sindonologues que la thèse du « flash de la
Résurrection », une libération d’énergie émanant du cadavre du Christ
qui aurait brouillé les mesures. Ne pouvant être testée, cette thèse
extravagante a l’avenir pour elle. Mais elle se situe tout à fait en
dehors du champ de la science et n’est qu’une tentative désespérée pour
sauver les (dernières) apparences.
En
réalité, aucun spécialiste de la technique radiocarbone n’a remis en
cause les résultats des laboratoires. Le Pr Hall, du laboratoire
d’Oxford, considère que ceux qui le feraient peuvent s’allier avec « les
partisans de la Terre plate ».
Le « suaire » aux prises avec l’histoire
Les
historiens n’ont toutefois pas attendu les résultats de l’analyse
radiocarbone pour attribuer au « suaire » une date médiévale.
Au début du XXe siècle, le chanoine Ulysse Chevalier a exhumé des archives des textes prouvant déjà que la relique était une peinture du XIVe siècle. De ses études, il ressort ceci.
En
1353,une église collégiale fut fondée à Lirey, près de Troyes, en
Champagne, par le sire Geoffroy Ier de Charny, seigneur de Lirey,
Savoisy et Monfort. Le chroniqueur Froissart dit de lui qu’il était « le
plus prud’homme et le plus vaillant » des chevaliers.
La
collégiale, établie sous le vocable de l’Annonciation, était une
construction de bois, d’une architecture assez pauvre. La communauté
comptait six chanoines prébendés. Peu de temps après sa fondation, un
« suaire » du Christ, portant la double effigie, de face et de dos du
Christ, avec les stigmates de la Passion, y fit son apparition et fut
présenté aux foules.
Robert
de Caillac, doyen de la collégiale, faisait courir le bruit que ce linge
était le suaire avec lequel Jésus avait été enveloppé au Sépulcre. Des
« miracles » avaient lieu pendant les ostensions… Mais les conseillers
de Mgr Henri de Poitiers, l’évêque de Troyes, trouvèrent étrange
l’apparition subite de ce « suaire » et apprirent que des individus
soudoyés simulaient la guérison, dans le seul but d’extorquer l’argent
des pèlerins. L’évêque commanda une enquête et ses résultats furent
totalement négatifs pour la relique.
Selon
les termes de l’un de ses successeurs, Mgr Pierre d’Arcis, Mgr Henri de
Poitiers « découvrit la fraude et la façon dont ce fameux linge avait
été peint par un procédé artistique ; il fut prouvé par l’artiste qui
l’a peint, que c’était une oeuvre due à la main de l’homme et non
miraculeusement confectionnée ou octroyée. »
Comme
saint Augustin, Mgr Henri de Poitiers ne tolérait pas les manifestations
excessives auxquelles donnaient lieu les fausses reliques. Il engagea
une procédure contre le doyen et ses complices. Mais, comme le rapporte
toujours Pierre d’Arcis, « ceux-ci virent leur ruse découverte et
cachèrent ailleurs ledit linge afin qu’il échappât aux recherches de
l’ordinaire. ». Le « suaire » fut mis à l’abri pendant quelques
décennies.
Et en
1389 tout recommença. Poussé par le doyen de la collégiale, Geoffroy II
de Charny, fils du fondateur de la collégiale, se rendit auprès du légat
de Clément VII dans la région, pour lui demander l’autorisation
d’exposer à nouveau la relique dans l’église de Lirey, omettant de lui
rappeler l’expérience malheureuse de jadis. Mal informé, le cardinal lui
concéda un indult.
Mgr
d’Arcis se rendit compte du subterfuge. Il s’aperçut de plus que « si
l’on ne dit pas en public qu’il s’agit du véritable Suaire de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est néanmoins annoncé et répété partout
en privé et beaucoup le croient, d’autant plus (...) qu’il fut un temps
où on le présentait comme le vrai suaire du Christ ».
Les
foules accoururent à nouveau et Mgr Pierre d’Arcis prit l’initiative
d’interdire au doyen d’exposer le linge devant le peuple « sous peine
d’excommunication ». Le doyen fit appel au pape d’Avignon ClémentVII. Le
28 juillet, le pape adressa une lettre au seigneur de Lirey, par
laquelle il confirmait l’indult de son légat. Il imposait également à
Pierre d’Arcis un « silence perpétuel » sur la question. Cependant,
Clément VII ne parlait de la relique qu’en terme de « figure ou représentation du suaire de Notre-Seigneur Jésus Christ », ne s’engageant pas sur son authenticité.
Le 4
août, alerté par Pierre d’Arcis, le roi de France Charles VI dépêcha le
bailli de Troyes signifier aux chanoines qu’ils devaient lui livrer leur
« suaire » sur-le-champ. Ceux-ci refusèrent avec obstination. La seule
chance, pour l’évêque de Troyes, d’obtenir gain de cause, était
désormais d’en appeler au Souverain Pontife. Pierre d’Arcis fit donc
rédiger un long Mémoire pour expliquer à Clément VII les raisons qui le
poussaient à interdire les ostensions. Il lui signala l’enquête menée
par Henri de Poitiers, qui avait obtenu l’aveu du faussaire. Le Mémoire
fut envoyé au pape à la fin de l’année 1389.
En réponse, Clément VII promulgua trois bulles, datées du 6 janvier 1390.
L’une
d’entre elle stipulait que le Siège Apostolique modifiait les
concessions accordées naguère à la collégiale. Les termes employés
étaient explicites :
« Nous
donc, dans le souci de porter un remède approprié à la pratique des
ostensions et d’en écarter tout danger d’erreur ou d’idolâtrie, nous
voulons et, en vertu de notre autorité apostolique, nous statuons et
ordonnons (...) (que) celui qui fera l’ostension devra avertir le peuple
au moment de la plus forte affluence et dire à haute et intelligible
voix, toute fraude cessant, que ladite figure ou représentation n’est
pas le vrai Suaire de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais qu’elle n’est qu’une peinture ou tableau du Suaire qu’on dit avoir été celui du même Seigneur Jésus-Christ. » (souligné par moi, PEB)
Le pape prenait catégoriquement partie sur l’authenticité de la relique : c’était un faux, une peinture,
qui ne pouvait aucunement prétendre au titre de relique. Étrangement,
il se refusa à interdire les ostensions. L’argent pouvait donc continuer
d’affluer dans les caisses de la collégiale... Il ordonnait même à
Pierre d’Arcis de supprimer « tous les obstacles suscités à ces
expositions, pourvu qu’on y observe les règles édictées ». En fait, la
veuve de Geoffroy I de Charny, Jeanne de Vergy, avait épousé Aymon de
Genève et ce personnage était ni plus ni moins que l’oncle (à la mode de Bretagne) de Clément VII, qui s’appelait dans le monde Robert
de Genève. Le pape venait donc de se livrer à un banal acte de
népotisme, essayant de sauver les intérêts de sa famille mis à mal par
l’évêque local…
Ceci dit, connaissant les liens familiaux qui unissaient Clément VII et Jeanne de Vergy, la détermination du pape à déclarer fausse la relique de Lirey n’en devient à nos yeux que plus significative.
Il est plus que probable, d’ailleurs, que ce fut sous Jeanne de Vergy
et non sous Geoffroy Ier, qu’eurent lieu les premières ostensions. Si
les sindonologues ont coutume de dire que le « suaire » existait du
vivant de Geoffroy Ier de Charny, toutes les déclarations censées
corroborer ce fait sont tardives et contradictoires, et aucun élément ne
vient les appuyer. Nul chroniqueur ne rapporte une telle information et
tous les documents se rapportant à la fondation de la collégiale de
Lirey sont muets sur la relique.
Comme Geoffroy Ier est mort en septembre 1356 à la bataille de Poitiers, c’est vraisemblablement après cette date que le « suaire » est apparu, certainement en 1357.
Pierre
d’Arcis précise d’ailleurs que le commanditaire des ostensions fut le
doyen « cupide et avaricieux » qui se procura le linge peint « pour
motif de lucre ». Si Geoffroy était mort, ce « motif » s’explique
naturellement. Comme les finances ne rentraient plus, (Jeanne de Vergy
étant une veuve désargentée) il fallait attirer les pèlerins et nourrir
les chanoines…
On ne
connaît malheureusement pas le nom du peintre qui a exercé ses talents à
Lirey. Toutefois, on sait quelles ont été ses influences, en-dehors des
textes du Nouveau Testament.
Comme
le constate l’historienne Odile Célier, le « suaire » de Lirey « semble
être l’objet que la chrétienté attendait fiévreusement ». Les marques
qu’il porte correspondent très précisément aux thèmes à la mode au XIVe
siècle : ceux du linceul du Christ, de la Passion, des plaies
sanglantes.
Dès le
XIe siècle, des représentations dramatiques jouées dans les églises ont
intégré des linceuls factices dans le déroulement de la liturgie du
temps pascal. L’élévation de ces draps était le grand moment de tels
jeux scéniques. Au XIIIe siècle, on commença également à utiliser des epitaphioi, pièces de tissu représentant un Christ mort, étendu, les mains croisées… C’est également à partir du XIe siècle, que l’on se prit à représenter le Christ mort. Au XIVe siècle, l’époque à laquelle apparaît le « suaire », ce type de représentation était même devenue la règle.
La
ressemblance du « suaire » avec l’iconographie chrétienne du XIVe siècle
gothique est frappante : jambes légèrement fléchies, pieds suggérant
qu’ils ont été ramenés l’un sur l’autre lors du crucifiement, couronne
d’épines (qui apparaît dans l’iconographie chrétienne vers 1245), coulée
de sang le long des bras avec le fort écoulement sanguin au côté
(caractéristiques de l’œuvre de Giotto), doigts extrêmement longs, etc. -
rien ne manque.
Le
portrait du Christ sur le « suaire » s’inscrit visiblement dans la
tradition classique de l’iconographie chrétienne, qui s’est développée
depuis Ve siècle, en passant plus tard par Byzance. La comparaison entre
les caractères du « suaire » et l’iconographie chrétienne ne prouvent
donc pas que celle-ci a été influencée par celui-là, comme le proclament
les sindonologues, mais bien que l’auteur du « suaire » a intégré dans
son oeuvre les éléments iconographiques de son temps.
D’autre part, ce n’est pas une coïncidence fortuite si le culte du Christ sanglant est l’un des traits fondamentaux de la mystique du XIVe siècle.
C’est dans ce siècle que prend naissance en effet la dévotion aux
« cinq plaies ». C’est en ce siècle que la « voyante » Julienne de
Norwich, décrit Jésus avec » de grosses gouttes (qui) tombaient de
dessous la couronne comme des caillots qui paraissaient sortir des
veines ». C’est également au XIVe siècle que des fidèles connus sous le
nom de « flagellants » se rassemblent pour participer à des processions
de pénitence, au cours desquelles ils se fouettent en public en
chantant : « Or avant, entre nous tuit frère ; battons nos charoignes
bien fort en remembrant la grant misère de Dieu et sa piteuse mort ».
S’il cherchait de l’inspiration, le peintre n’eut que l’embarras du choix.
On ne
sait pas avec certitude quelle technique il a utilisé. Mais sur ce point
aussi, il avait à sa disposition des méthodes ingénieuses lui
permettant d’élaborer une figure mystérieuse d’aspect fantomatique.
Le Dr
McCrone a demandé à un artiste de réaliser un portrait du Christ en
inversant le clair et l’obscur (voir images). Celui-ci utilisa un
pinceau fin, de l’eau pure, 1% de gélatine et quelques particules
d’oxyde de fer. Le résultat est impressionnant. Il est impossible de
distinguer à l’oeil nu l’image obtenue par l’artiste contemporain de
celle du « suaire »…
Le Pr.
Randall R. Bresee et d’Emily A. Craig ont décliné cette version. Ils ont
d’abord peint le corps du Christ en positif sur un grand papier, puis
ont placé ce papier sur une pièce de lin de même dimension ; ils ont
frotté vigoureusement pour y décalquer l’image. Le « brunissage »
comporte exactement les mêmes caractéristiques que le « suaire ».
L’Américain
Joe Nickell s’est, lui, servit d’un bas-relief, se souvenant peut-être
de l’analyse tridimensionnelle du S.T.U.R.P… Il a trempé son drap dans
de l’eau chaude, l’a appliqué sur un bas-relief, puis, une fois qu’il
était sec, l’a frotté avec de l’oxyde de fer. Le résultat obtenu est
saisissant. Avec le physicien Patrick Berger, nous avons nous-mêmes réalisé un vrai-faux suaire sous l’égide de Science & Vie, le 21 juin 2005, au Museum d’Histoire Naturelle de Paris.
Conclusion…
Au
final, on ne peut donc que reconnaître que le « suaire » n’est plus un
mystère depuis longtemps et que les sindonologues abusent de la
crédulité du public, avec (parfois, souvent…) la complicité de médias
peu scrupuleux en quête d’audimat.
L’émission d’Arte d’avril 2010 est le
dernier exemple en date : il y en aura d’autres.
Paul-Éric Blanrue,
collaborateur à Historia,
auteur de : Le Secret du Suaire : autopsie d’une escroquerie (Pygmalion, 2006) et Miracle ou imposture ? L’histoire interdite du "suaire" de Turin (EPO/Golias, 1999).
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