PREMIERE QUALITE : LE COURAGE
À l'école de la guerre
Par Cyril Hofstein
Mis à jour
Fondée en 1802, l'école spécial militaire de Saint-Cyr forme la fine fleur des futurs officiers de l'armée de terre. Crédits photo : Paolo Verzone
Certains ont choisi la carrière des armes par tradition autant que par vocation. D'autres sont les premiers de leur lignée. Issus de huit grandes académies militaires européennes, tous formeront l'élite militaire de leur pays.
Sévère et tendu, sous le regard de la reine, ce futur officier de la Royal Military Academy de Sandhurst (Angleterre) semble fait de cire. Crédits photo : Paolo Verzone
Pourtant, leur sincérité est à fleur de peau. Ils ont entre 18 et 25 ans. La plupart ont eu jusqu'ici une vie longtemps confortable et virtuelle, entre jeux vidéo et films hollywoodiens, comme tous ceux de leur génération. Mais ils ont déjà appris le sens des mots «honneur» et «patrie». Le sens de l'absolu et la valeur de l'engagement. Volontaires, ils savent déjà quelle direction donner à leur vie. Certains sont issus du sérail et embrassent la carrière des armes par tradition autant que par vocation. D'autres sont les premiers de leur lignée. A Saint-Cyr, la devise de l'Ecole spéciale militaire dit beaucoup de leur condition: «Ils s'instruisent pour vaincre.» Au Royaume-Uni, derrière les hauts murs de la Royal Military Academy de Sandhurst, les choses sont exprimées autrement: «Serve to lead» («Servir pour commander»).
Une approche à l'anglaise de la condition d'officier, où ce dernier doit tout connaître des servitudes de l'homme du rang avant de pouvoir lui donner des ordres. Portrait après portrait, Verzone ne cache rien ni ne s'enflamme. Les poses sont raides. Presque désincarnées. Empruntés et sincères, parfois un peu tendus, tous ont accepté de jouer au soldat de plomb devant son objectif, mais en choisissant eux-mêmes le lieu de leur portrait. Dans la salle de bal, la cour d'honneur, le terrain de manoeuvres, le manège ou le quai face à la mer, ils lui font face selon l'orientation de leur formation et l'histoire de leur établissement. Derrière les teintes un peu délavées des photos, les paysages dépouillés, les peintures fades des couloirs mille fois repeints et les intérieurs rangés au cordeau, des bribes de l'histoire européenne se devinent.
En treillis aussi verts que le gazon de la Haerens Officersskole, ces danois se fondent dans le paysage. Crédits photo : Paolo Verzone
Les marins allemands, en particulier, portent presque la même veste qu'avant-guerre et leurs homologues polonais une tenue sobre qui évoque celle de toutes les marines de guerre du monde. En shako, Espagnols et Français perpétuent ensemble le souvenir des grandes tenues de la fin du XIXe siècle et partagent avec les Anglais le goût des anciennes traditions militaires. Les femmes ont fait leur apparition. Et avec elles, une évolution notable des uniformes de parade: la jupe.
Diaphane, cette élève de la Theresianische Militarakademie (Autriche) pose dans le parc de l'école. Un lieu hors du temps. Crédits photo : PaoloVerzone
Décontractés, les Danois, en treillis de tous les jours, sont, eux, les mains dans les poches. Rien ou presque ne rappelle la gloire de cette école, ouverte en 1713 sur ordre du roi Frédéric IV, et qui forme tous les officiers de l'armée royale danoise dans le palais Frederiksberg, au centre de Copenhague.
Pourtant, en filigrane, tout est dit des choix militaires de ce petit pays scandinave où l'armée est appelée «force de défense», tout en contribuant largement aux opérations de maintien de la paix dirigées par l'ONU, l'Otan ou l'UE, avec, notamment, plus de 750 hommes envoyés en Afghanistan.
Pour les anciens pays du bloc socialiste, comme la Pologne ou la Lituanie, le droit de servir par les armes son propre pays demeure un privilège. Une nouveauté, presque. Un retour à une tradition longtemps oubliée pour ces jeunes gens, dont la vie est si différente de celle de leurs parents nés avant la chute du mur de Berlin. Les batailles navales n'existent plus que dans les tableaux. Les lignes de chars d'assaut roulant à pleine vitesse dans les blés se visionnent en noir et blanc.
Devant les portraits de ses aînés, ce cadet espagnol de l'Académia general militar de Saragosse fondée en 1882 prend la pause comme le ferait un modèle de Vélasquez. Crédits photo : Paolo Verzone
Voici les futurs officiers d'une terrible «non guerre» qui n'en finit pas de commencer.
Des femmes et des hommes qui ne verront peut-être jamais directement le feu, mais qui, derrière l'écran de contrôle d'un drone, ou au plus profond d'une salle de briefing, décideront du sort de milliers de personnes.
Bien sûr, beaucoup iront sur le terrain, bien décidés à faire leurs preuves, à «en être», comme leurs aînés. Leurs années passées dans les meilleures académies militaires d'Europe les auront sans doute bien préparés à faire face à tout ce qui attend un soldat en opération. À l'exception, peut-être, de l'impossible tâche d'imposer la paix à ceux qui la refusent.
LIRE AUSSI:
» Les armées françaises fragilisées par la crise économique
» Les armées françaises craignent de perdre leurs capacités
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire