jeudi 22 mai 2014

CALAIS : LA GALE



La ville de Calais saturée par les migrants




Installé en plein centre-ville de Calais, ce camp de migrants regroupe environ 250 personnes venues principalement d'Afrique Noire.

 La gale ou scabiose (de galla, « galle », ou de scabies, « gale ») est une maladie infectieuse de la peau causée par un parasite de type acarien microscopique



Les trois principaux camps, où vivent 550 personnes, vont être démantelés.


«L'État a abandonné Calais, il ne s'occupe plus de nous», lâche Arnaud. Un constat partagé par de nombreux Calaisiens qui doivent faire face à un afflux record de migrants. Si la population clandestine est un vieux serpent de mer pour la cité portuaire, aujourd'hui la ville ne fait plus face à la multiplication par trois des migrants. 

De 250 personnes en juin 2013, elle est désormais passée à 700. En plein centre-ville, sous le pont Mollien, au pied de la mairie, dans la zone portuaire, dans des squats disséminés dans la ville. Pire encore depuis 15 jours, dit la mairie de Calais, où «l'on constate un afflux très important de nouvelles populations».

Somaliens, Afghans, Syriens, Palestiniens, Irakiens, Érythréens, Égyptiens, Ukrainiens… Des tentes de fortune amoncelées sur le béton, avec 3 ou 4 occupants vivant dans des conditions désastreuses. «Même les chiens et les chats, on ne les laisse pas vivre comme ça», dit Ali, un Afghan de 20 ans arrivé il y a trois mois.

 «Une situation inhumaine et scandaleuse», résume Natacha Bourchart, maire (UMP) de Calais et sénatrice du Pas-de-Calais. «Un no man's land catastrophique pour le tourisme et l'économie», dit Francis, un enfant du pays.

C'est pourquoi la municipalité a décidé d'agir. Le 27 mai, une vaste opération d'expulsion sera conduite pour démanteler les trois camps principaux, où vivent 550 personnes. Natacha Bouchart a saisi Denis Robin, le préfet du Pas-de-Calais, aux côtés de la chambre de commerce - l'exploitant portuaire -, des autorités policières et des hôteliers et restaurateurs du coin, dont l'activité et l'attractivité du territoire en pâtissent. Le préfet a confirmé cette mesure mercredi après-midi lors d'un déplacement à la sous-préfecture de Calais. «Un plan d'intervention en urgence» sera pris par arrêté «dans les jours qui viennent».

L'urgence est d'abord sanitaire. Les cas de gale, très contagieuse, seraient nombreux, selon les associations et l'Agence régionale de santé (ARS) qui avancent une contamination de l'ordre de 20 à 25 %. 

Traitée au cas par cas jusqu'à maintenant, la gestion de l'épidémie sera cette fois collective. Comprimés et mesures d'hygiène, sur la base du volontariat, a précisé le préfet. Deuxième mesure: la fermeture des trois camps, «pour ne pas revivre la “jungle”», démantelée en 2009. 

Enfin, une solution d'hébergement sera proposée aux migrants mineurs, dans un parc à l'écart de Calais. Dans la région du Calaisis, les migrants seraient 850 au total. Les autorités en avaient éloigné 930 en 2012, 1300 en 2013, compare le préfet Robin, et déjà 1800 à 2000 pour les seuls premiers mois de 2014. 

«Ce n'est plus contrôlable, c'est le ras-le-bol généralisé», constate Natacha Bouchart. Face à «l'inertie», dit-elle, elle ne pouvait plus fermer les yeux, comme il lui avait été recommandé à l'approche des JO de Londres ou bien des élections municipales. La venue de Manuel Valls en décembre dernier lui avait apporté deux compagnies de CRS supplémentaires. Mais «pour le fond du problème, rien!», commente Francis. Même les associations arrivent «à saturation», dit Vincent Lenoir, président de l'association Salam. La nourriture manque, «on est obligé d'organiser la distribution de manière militaire», regrette le bénévole. Ce qui entraîne des tensions, des rixes, des règlements de comptes, admettent plusieurs migrants du camp du port.

Les camions toujours convoités

Sous la tente de Zaid, Syrien de 27 ans, Khaled, Palestinien de 33 ans, et Mouafaq, Syrien de 52 ans, on rêve des côtes anglaises autour d'un thé à l'eau trouble. Mouafaq a une fille de l'autre côté. Huit ans qu'il ne l'a pas vue. Il ne connaît pas son petit-fils. Propriétaire de huit maisons en Syrie, toutes tombées sous les bombes, cet ancien constructeur ironise sur la toile qui lui tient désormais lieu de toit. Tous ont essayé deux, trois, quatre fois de traverser la Manche sous les essieux des camions. «Capturé à chaque fois», regrette Mahdi, un jeune Palestinien. Une fois au port de Calais par les policiers français, une fois en Grande-Bretagne, après une traversée dangereuse mais victorieuse. Ils retenteront tous, prévoient-ils, car «même dans ces conditions, c'est toujours mieux que dans nos pays en guerre», dit Zaid.

Dans la tente à côté s'entassent un médecin, un avocat et un ingénieur. L'un d'eux vient d'arriver, «on le voit à sa chemise encore impeccable et son pantalon de costume, désigne en souriant Abdullah John, le doyen “très respecté” du campement. Quand il sera là depuis 5 mois, comme moi, il s'habillera comme nous!» Comme tous ceux aussi, des Africains ceux-là, qui sont sous le pont du centre-ville.

 Des journées à penser au nouveau plan à monter pour traverser. «Certains ont même essayé à la nage, croit savoir Arnaud, 35 km!» Ou bien à pied. «Des chaussures avec le pied coupé à l'intérieur ont été retrouvées dans le tunnel sous la Manche», assure-t-il. Si les migrants essaient par tous les moyens, les camions sont la façon la plus convoitée. 

Malgré l'arsenal des systèmes de contrôle tels que les scanners géants, les perches à CO2 pour détecter la trace d'une respiration clandestine ou les «heart bit» pour traquer les mouvements du cœur. Peu, en revanche, parlent des passeurs. 

«Pas confiance, dit Khaled, et pas d'argent.» Un ticket sans garantie de résultat qui s'achète entre 2000 et 5000 euros.

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