COMBIEN Y A-T-IL VRAIMENT DE PETITS FRANCAIS "DE SOUCHE" QUI PARTENT FAIRE LE JIHAD ?
Djihad en Syrie : l'opium des losers


  
Qu'y a-t-il, au juste, dans la tête et le cœur de ces petits Français «de souche» ou enfants de l'immigration, parfois mineurs, qui partent se faire tuer en Syrie au nom du djihad,
 sous la houlette de desperados armés et financés par les 
multinationales terroristes et leurs sponsors étatiques au sein du monde
 sunnite?
Ces jeunes gens ont-ils pour objectifs, comme ils le 
proclament dans les vidéos de propagande qui les mettent en scène, 
la 
destruction des régimes apostats et la restauration du califat sur la 
terre de l'islam?
 la mort d'Israël?
 la punition de l'Occident?
 Ou bien, 
très loin en amont de ces finalités géopolitiques, des buts de guerre 
affichés par leurs marionnettistes, ne faut-il pas d'abord voir en eux 
les prisonniers d'un désarroi et d'un désordre intimes, ensablés dans la
 haine de soi et saisis par l'effroi d'une vie qui commence mal? 
Leur
 premier mouvement, conscient ou non, n'est-il pas d'apaiser la blessure
 narcissique qui fait de leur quotidien en France une insupportable 
agonie - du moins en sont-ils convaincus - un enfer où coagulent 
angoisse économique et sociale, sentiment d'exclusion et de 
victimisation culturelle, écoeurement moral et tourments affectifs?
Il
 y a un romantisme du djihad, que l'on ne peut déconstruire sans 
s'intéresser au préalable à la psychopathologie du djihadiste. Le dépit 
amoureux, universel, aiguisé par la honte et le ressentiment qui rongent
 le chômeur, le désespoir de l'indigent: les idées noires qui 
transforment un individu responsable en imbécile utile et en chair à 
canon ont leur source dans les méandres de son histoire personnelle, 
dans le poison invisible que libère l'accumulation des petits échecs et 
des grandes déroutes, des attentes frustrées et des rêves déçus, non 
dans je ne sais quelle adhésion idéologique ou illumination religieuse. 
Ce qu'ignorent nos décideurs et nos intellectuels patriciens, campés sur
 leur laïcité à géométrie variable et prompts à juger l'inconduite de la
 populace sur le terrain des valeurs, c'est que la certitude de n'être 
rien, de n'avoir aucune chance, aucun avenir, est aujourd'hui 
l'impression la mieux partagée dans les profondeurs de la société 
française.
 
 Le réflexe de religiosité et la 
radicalisation militante interviennent dans un deuxième temps sur ce 
terreau fertile, suivant un mécanisme d'autosuggestion identitaire 
stimulé par YouTube, Facebook, et Al Jazeera,
 bien plus que sous l'hypothétique influence de beaux parleurs en 
provenance du Golfe. Une fois assimilée l'empathie pour le calvaire de Gaza
 et les autres théâtres d'oppression de l'oumma, miroirs hyperboliques 
de la situation perçue en France, il est trop tard pour comprendre que 
cette vision du monde et cette conscience de soi arabo-musulmane ne sont
 qu'une projection subjective, une sublimation du malaise individuel, 
toutes deux fabriquées de bric et de broc, a fortiori chez les 
néo-convertis.
Aux yeux des quantités négligeables de 2014, le 
djihad ne se vit pas comme un conflit de nature politique, mais comme 
une expérience personnelle de la guerre, une aventure, une stratégie de 
reconquête de soi (j'emprunte cette expression à mon ami Raphaël Pouyé),
 qui peut aussi s'interpréter comme une catharsis: partir au front comme
 on arrête de fumer ou comme on se met à la course à pied, pour se 
sentir mieux dans sa peau, plus à sa place et plus important. La 
désignation de l'ennemi et de ce qui est haram s'inscrit dans la même 
logique de consolation du moi, au sens où nommer ce qu'on n'aime pas - 
la viande impure, la société de consommation, les juifs, Israël, les 
Etats-Unis - permet de sauver la face, de passer sous silence qu'on n'a 
pas les moyens de s'offrir les mêmes goûts que tout le monde.
C'est dans ce vide culturel et affectif que fleurissent les représentations de l'islam radical,
 offrant à tous ceux qui s'estiment frappés par le mal du siècle le 
frisson d'une contre-société clandestine, la chaude solidarité des 
braves qui se serrent les coudes, la promesse de l'héroïsme, le mirage 
de la juste cause. Dans cette grille de lecture, le guérillero en 
cagoule et djellaba, kalach en bandoulière ou explosifs à la ceinture, 
n'est autre que le super-héros des vauriens et des ratés, une figure 
rédemptrice de la misère endurée quand on n'a pas la carte. La culture 
mainstream, du reste, n'a pas mis longtemps à repérer la prépondérance 
du simulacre dans la construction de l'imaginaire djihadiste ; elle 
propose déjà ses propres modèles, musulmans convenables et positifs, 
comme en témoignent les personnages de Kamala Khan, dernière création de Marvel et de Disney,
 ou de Burka Avenger, dans le dessin animé plus sulfureux que diffuse 
Geo Tez, la première chaîne d'informations pakistanaise. L'avenir nous 
dira si le djihad est soluble dans sa transfiguration pop.
 
 En attendant, on peut toujours se 
rassurer avec les truismes d'usage sur la révolte, maladie infantile de 
l'Homme: après tout, il faut bien que jeunesse se passe. La liste est 
longue, chez Stendhal ou Flaubert, des têtes un peu fragiles et éprises 
d'absolu, de ces aventuriers improbables partis à la chasse au bonheur, 
par refus de l'ordinaire et désir d'être plus que ce qu'ils sont. 
Historiquement, aussi, les précédents sont multiples et variés, de la 
Commune à la Guerre d'Espagne, de l'Afghanistan des années quatre-vingts
 à la Bosnie et la Tchétchénie des années quatre-vingt-dix. Ce qui fait 
la singularité du djihad contemporain par rapport à ces références, 
c'est l'éclipse de toute rationalité politique, libération nationale ou 
lutte des classes, et la mise en avant d'une transcendance hirsute, 
mélange de dogmes salafistes et de rengaines eschatologiques qui ne 
seraient pas hors sujet dans certaines séries B hollywoodiennes.
Au
 lieu de verser des larmes de crocodile sur le délitement du 
vivre-ensemble et la montée du Front National, nos élites seraient bien 
inspirées de regarder en face cette religion du malheur qui se propage à
 grande vitesse chez les galériens et les paumés de France, au gré des 
revers et des reniements d'une gauche bon teint qui promettait, il n'y a
 pas si longtemps, de réenchanter le rêve français, mais qui ne sait 
plus parler au peuple.

 Dawa  de Julien Suaudeau-492 pages-21 euros  
    
- Soldats d'Allah: Candide au Djihad
 - ùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùù
 

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire