LES OISEAUX : ANGES (MESSAGERS) PAIENS
Les
oiseaux, dans la mythologie celtique, sont presque exclusivement des
émissaires de l’Autre Monde, messagers des dieux (en fait, ils
appartiennent à la Déesse mais elle peut les « prêter » aux dieux) ou
dieux eux mêmes, métamorphosés pour visiter les hommes.
Ils peuvent être
aussi l’esprit des hommes dans une des phases de leur existence, ou de
leur parcours initiatique, illustrant alors les diverses étapes de la
vie spirituelle.
Certains s’accordent habituellement sur le fait que ce sont des
corbeaux, mais Philip Carr Gomm voit des merles (peu cités dans la
mythologie) dans les oiseaux de Rhiannon (l’équivalente de notre
Rigantona/Epona, Grande Reine de l’Autre Monde et de celui ci) qui
veillent sur la tête de Bran le Béni et sur ses sept compagnons en route
pour l’enterrer sur la Colline Blanche à Londres, face à la France (
c.f. « Mabinogi de Branwen »).
Ce sont les mêmes oiseaux que le géant
Yspadadden demande au héros Culhwch de lui rapporter dans le conte du
cycle primitif d’Arthur, « Culhwch et Olwen », et s’« ils réveillent les
morts et endorment les vivants » c’est parcequ’ils sont psychopompes,
qu’ils sont associés à l’Autre Monde et qu’ils servent de liens entre
celui ci et le nôtre : en d’autres termes, ce sont des gardiens du
Seuil.
Au nombre de leurs épreuves, Culhwch et la troupe d’Arthur doivent aussi délivrer Mabon, enlevé et séquestré la 3ème
nuit de sa naissance, dont la présence est indispensable à la capture
du sanglier divin Twrch Trwyth ( c’est parfois une truie divine, symbole
de la Déesse Mère), symbole du pouvoir sacerdotal dont Arthur veut
s’emparer pour réaliser la dualité temporel-spirituel. Certaines nuits,
on entend encore parfois passer cette chevauchée fantastique (la Chasse
Arthur), équivalente à la Chasse sauvage nordique.
Pour
retrouver Mabon, Gwrhyr Gwalstawt Leithoedd, druide magicien (héritier
des traditions chamano-druidiques) qui parle toutes les langues des
hommes et les langages des animaux (comme Merlin, symbole de la
Connaissance druidique primordiale, après sa retraite dans la forêt –
d’ailleurs Markale voit dans « Merlin » une rencontre phonétique entre
le mot « Merle » et le nom gallois Myrddin) interrogent successivement
les cinq animaux primordiaux : le Merle de Cilgwri, le Cerf, le
Hibou/Chouette, l’Aigle et enfin le Saumon.
Le
Merle est ici encore le gardien du seuil, l’initiateur d’un parcours
initiatique qui mène vers la Sagesse et la Connaissance symbolisées par
le saumon qui remonte à la source de toute chose, et identifiées à
Mabon, équivalent de Maponos, notre Bélénos jeune : jeune dieu soleil,
retenu prisonnier par les forces de la Nuit, fils de Modron, divinité
solaire et manifestation de la terre Mère, qui, délivré, naît au
solstice d’hiver.
C’est
justement au solstice d’hiver que le sorbier (dont les baies sont un
régal pour les oiseaux chanteurs, et notamment les merles) atteint une
grande puissance : dénudé et recouvert de givre, il semble couvert
d’étoiles et exprime la manifestation de la lumière au moment le plus
sombre de l’année. Arbre des déesses, plus particulièrement associé à
Brigit (= Rhiannon = Rigantona), proche de l’eau et des rivières, il est
lui aussi au seuil de l’Autre Monde, ainsi donc qu’au seuil de la
nouvelle année solaire.
Revenons
au Saumon : cinq saumons, porteurs de Connaissance, de Sagesse et de
Science, nageant dans la Fontaine de Sagais, séparent les fruits
(symboles de Sagesse) tombés de neuf noisetiers de leur coquille (les
Anciens associaient le noisetier aux royaumes féériques, il était
supposé se tenir à l’entrée –encore une fois au seuil- de ces mondes
magiques) qu’ils envoient dans les courants des cinq sens qui partent du
bassin (« Voyage de Cormac au Pays de la Promesse ») et il est précisé
qu’il faut s’abreuver aussi bien directement à la Source
(inspiration-intuition) qu’aux cinq courants (d’où l’importance de la
stimulation des sens dans la recherche de la Connaissance et de la
Sagesse), pour accéder aux « arts multiples ».
De
plus, par ailleurs, le Merle est l’oiseau du forgeron et/ou le forgeron
de l’Autre Monde puisqu’ il dit à Gwrhyr que depuis qu’il est là, il a
eu le temps d’élimer complètement une enclume de son bec. Or le
forgeron, qui tient une place importante, un peu à part, dans la société
celtique, est associé à la déesse Brigit (que l’on retrouve donc encore
ici) et met en œuvre le pouvoir des quatre éléments : donc on peut
considérer que le Merle qui chante à l’aurore et au crépuscule quand
tout change autour de nous (l’heure bleue) pour attirer notre attention
sur les potentialités de ces moments de seuil alors que le Soleil
(Mabon-Bélénos) n’est pas encore levé ou déjà couché, nous invite à
franchir le pas (le seuil) et à travailler avec l’air, élément de
l’esprit, l’eau, élément du cœur, la terre, lieu de nos instincts et le
feu de notre passion spirituelle pour nous engager dans la Quête de la
Connaissance et d’une vie accomplie.
Un petit poème dit :
Quand Finn et la Fianna vivaient,
Plus chère leur était la montagne que l’église,
Harmonieux leur était le chant des merles
Non la voix des cloches.
La
Fianna était un ordre chevaleresque initiatique et guerrier commandé
par le roi Finn (parfois assimilé à un dieu cerf ), dont l’une des
épouses à la mode celtique était la fille d’un forgeron divin, et il est
le père d’Oisin/Ossian (qui se traduit par « petit faon ») et si j’en
parle ici c’est parcequ’ il a obtenu la Connaissance et le pouvoir de
divination (à noter : les baguettes d’ogams qui peuvent être des outils
de divination, étaient d’if mais aussi de…sorbier et de noisetier !) en
suçant son pouce brûlé lors de la cuisson du Saumon Fintan…
Le
sorbier appartenant à la même famille –des rosacées- que le pommier,
arbre de L’Autre Monde dont le fruit est également symbole de
Connaissance, on pourrait continuer dans la voie de l’interprétation et
des associations pendant des heures mais à ma décharge, il faut bien
rappeler qu’ « un symbole ne prend son sens qu’en fonction des autres
symboles auxquels il est associé au sein d’un même ensemble symbolique
homogène ».
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