LA GRANDE GUERRE
Commémorations de la Grande Guerre : la France célèbre ses poilus
L’attentat de Sarajevo ne fut que l’étincelle.
Les
ingrédients pour un embrasement généralisé étaient réunis depuis
plusieurs années.
D’ailleurs,
l’état-major français poussait à grossir les effectifs de l’armée comme
l’attestent des archives du Service historique de la défense
Avec cet article
Les historiens font, d’ailleurs, remonter la cause première de 14-18 à la guerre de 1870, qui a été perdue par le Second Empire français face à la Confédération de l’Allemagne du Nord et qui s’est traduite, en France, par un esprit durable de revanche.
Si cet esprit fut finalement contrebalancé par l’émergence du pacifisme sur la scène politique française, il n’était pas pour autant question d’oublier l’Alsace et la Lorraine, devenues allemandes. « Ni guerre, ni renoncement », avait par exemple déclaré Jean Jaurès, qui fut assassiné à Paris le 31 juillet 1914.
Rivalités coloniales et poudrière balkanique
Depuis le début du XXe siècle, il n’est toutefois pas question de reconquérir l’Alsace et la Lorraine. Ce sont les événements liés à la course aux conquêtes coloniales et à la domination des mers qui ont accru les tensions entre, d’une part, l’Allemagne et la France et, d’autre part, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. L’Allemagne cherche surtout à signifier à la France qu’elle ne veut pas être laissée pour compte dans la compétition pour obtenir des colonies. Elle le fait de manière démonstrative en deux occasions, en terre marocaine convoitée par Paris : en 1905 à Tanger et en 1911 à Agadir.En 1905, Guillaume II s’invite à Tanger pour s’opposer publiquement, dans un discours, à la volonté de la France d’établir un protectorat sur le Maroc. En 1911, l’empereur envoie une canonnière en rade d’Agadir et la confrontation est évitée grâce à un accord, par lequel la France octroie à l’Allemagne 272 000 km2 en Afrique équatoriale lui permettant d’étendre la superficie du Cameroun, sa colonie. Parallèlement, Londres et Paris se sont rapprochés, dans le cadre d’une « Entente cordiale », pour défendre leurs possessions respectives en Afrique.
Le passage aux actes d’hostilité viendra donc sur fond de « poudrière balkanique », les systèmes d’alliance se déclinant aussi dans les Balkans. En attendant, il n’est pas moins vrai qu’on anticipe militairement la guerre en Allemagne et en France. En 1905, l’empire allemand s’est doté d’un plan militaire pour déjouer la menace d’une guerre sur deux fronts, menace qui pèse sur elle depuis la conclusion de l’alliance franco-russe.
Offensive à outrance
Signé du général Alfred Von Schlieffen, chef d’état-major, le document privilégie une « concentration massive » de troupes aux frontières occidentales plutôt qu’orientales afin de vaincre d’abord la France sur une courte durée, puis de se retourner contre la Russie. Ce plan, qui sera pour l’essentiel appliqué en 1914 par le général Helmuth von Moltke (successeur de Schlieffen), trouve notamment sa justification dans le fait que la France s’est relevée militairement depuis 1870, même si elle a une population beaucoup moins nombreuse (respectivement 39 et 67 millions d’habitants) et en conséquence une capacité de mobilisation moindre.En 1913, l’Allemagne décide d’augmenter le volume de ses troupes pour compenser la faiblesse en effectifs de soldats de ses alliés. En France, on s’inquiète en haut lieu de ces préparatifs. Pour rétablir l’équilibre, à savoir mobiliser 800 000 hommes au lieu de 600 000, le gouvernement fait voter, en août 1913, une loi portant de deux à trois ans la durée du service militaire.
En fait, l’objectif est surtout de disposer des forces nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie résolument offensive, que l’on vient d’adopter. C’est ce que révèle le minutier du « Conseil supérieur de la guerre » (dénomination en vigueur depuis 1871) tenu dans les années qui ont précédé 1914 et qui fait partie des archives du Service historique de la défense (1).
la France entre en guerre sans artillerie lourde
Lors de la séance du mercredi 19 juillet 1911, le général Victor-Constant Michel, pourtant plus haut gradé du Conseil supérieur, voit son idée d’organiser aux frontières – grâce aux unités de réservistes – une « attente défensive », en préalable aux offensives, largement repoussée au profit de « l’offensive à outrance », également en vogue en Allemagne. Le général Michel est aussitôt destitué par Adolphe Messimy, ministre de la guerre. Il est remplacé par le général Joseph Joffre, qui sera le commandant en chef des armées en opérations lors de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, le 3 août 1914.« On connaît les désastres auxquels l’offensive à outrance a mené, mais il s’agissait d’une doctrine qui avait les faveurs de l’opinion et du pouvoir politique », explique le lieutenant-colonel Christophe Gué, du département « études et enseignement » du Service historique de la défense et intervenant à l’École de guerre. Selon cet officier historien, « le commandement militaire espérait de son côté apporter ainsi une solution rapide à une guerre, dont on pressentait qu’elle pouvait s’enliser ».
Attachés à la tradition de la « furia francese » et à l’usage de la baïonnette, les hauts gradés ne s’en préoccupent pas moins de doter aussi la troupe d’une artillerie lourde de campagne capable de faire pièce à celle des Allemands. Las, cet équipement n’est pas prêt début août 1914. L’armée française entre en guerre, équipée du seul canon de 75 mm avec des fantassins portant encore le pantalon rouge garance.
Les campagnes préoccupées par les moissons, la ville par l’affaire Caillaux
Tout paraît vraiment complexe dans le premier conflit mondial. Début 1914, les puissances de la Triple-Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) et celles de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie) sont, ainsi, dans une phase de maîtrise des tensions. En France, les premières semaines de juillet sont plutôt calmes. L’opinion ne vit pas dans l’obsession d’une guerre imminente. Dans un pays encore très rural, on se préoccupe surtout des moissons. À la ville, c’est l’affaire Caillaux qui occupe la « une » des journaux – unique vecteur d’information à l’époque.Henriette Caillaux est l’épouse en secondes noces de Joseph Caillaux, président du Parti radical et ministre des finances depuis décembre 1913. Elle a assassiné, le 16 mars 1914, de plusieurs coups de revolver Gaston Calmette, directeur du quotidien Le Figaro. Elle a commis ce geste pour venger son mari, dont la politique faisait l’objet de violentes attaques de la part de ce journal à partir de la révélation de lettres intimes. Le procès, qui s’ouvre dès le 20 juillet 1914, voit la prévenue plaider le crime passionnel et le président de la République en personne, Raymond Poincaré, témoigner en sa faveur. Henriette Caillaux est acquittée au bout d’à peine une semaine, le 28 juillet.
Au Royaume-Uni, l’opinion est encore « étrangère » à l’idée de participer à un conflit sur le continent européen et reste attachée à l’armée de métier. La situation est un peu différente en Allemagne : la poussée belliqueuse y est forte en raison d’un sentiment d’« encerclement » par les intérêts apparemment convergents de la France et de la Russie, mais cette réaction ne fait pas l’unanimité sur un territoire où le pacifisme socialiste est également présent.
(1) Le Service historique de la défense qui est situé au château de Vincennes (Val-de-Marne), propose au public des expositions, des conférences et des publications sur des thèmes historiques qui, en 2014, concerneront notamment la Grande Guerre.
RENS. : 01.41.93.43.90 et www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr
(la-croix.com)
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