EGLISE DE FRANCE : "ABUS SPIRITUEL" ?
L'Église de France reconnaît des dérives sectaires en son sein
La nouveauté de cette affaire ne réside pas tant
dans la dénonciation d'abus sexuels que quelques-uns des plaignants ont
subis mais dans celle d'«abus spirituel», un concept encore peu usité.
Le fondateur, ou le supérieur, utilise son aura et son pouvoir spirituel
sur des personnalités souvent jeunes et fragiles, pour enfermer leur
liberté dans une dépendance totale afin d'obtenir d'elles le silence
absolu couvrant d'éventuels abus sexuels ou autres abus de pouvoir.
La
seconde originalité tient au fait que c'est la première fois que sont
mises ainsi officiellement en cause quatorze «communautés nouvelles» qui
ont été et continuent d'être, en France notamment, les symboles de la
«nouvelle évangélisation». Elle représente une floraison d'initiatives
pastorales, souvent d'inspiration charismatique mais pas toujours, qui a
comme réveillé le paysage catholique français ces trente dernières
années et qui en fournit toujours la majeure partie des forces vives.
Sur
les quatorze noms de communautés cités par les victimes, seuls cinq à
ce jour ont été l'objet de procès canoniques ou de révélations
publiques, objectifs et indiscutables: les Béatitudes (suspension du fondateur, Frère Ephraïm en 2008), la Légion du Christ (suspension du fondateur, le père Maciel, en 2006), Points-Cœur
(condamnation canonique du fondateur père Thierry de Roucy en 2011), la
Communauté Saint-Jean (accusations officiellement reconnues en mai 2013
par l'ordre contre le fondateur le père Philippe, décédé), les anciens
collaborateurs du père Labaky (interdiction canonique de célébration en
juin 2013).
Dans sa lettre, Mgr Pontier évite donc le risque
d'amalgame que cette démarche collective contiendrait si l'on réduisait
le dynamisme de ces communautés nouvelles aux graves fautes de quelques
individus, fussent-ils des fondateurs, mais il souligne la question
centrale de la «liberté spirituelle». En clair: la manipulation des
consciences. «L'Évangile du Christ que nous voulons servir,
rétorque-t-il, est une école de liberté spirituelle.»
Au nom «de
tous les évêques», il reconnaît que des «pratiques» contraires à ce
respect des consciences «nous heurtent et nous choquent». Il rappelle
que par le passé les évêques «ont alerté les fidèles mais aussi les
familles sur le danger de certains groupes» et qu'ils ont «interpellé
des responsables» mais que «bien souvent» ils n'avaient alors reçu que
«méfiance et silence» pour réponse.
Le président des évêques
s'engage donc, auprès des victimes, à les aider dans leur
«reconstruction» en demandant à tous les évêques de prêter à ces
situations une «oreille attentive et compréhensive» - le service
compétent de l'épiscopat a été de fait réformé en ce sens mercredi - et
appelle les victimes «lorsqu'il y a matière» à «porter plainte».
L'un
des signataires de l'appel ne tient pas à se mettre en avant puisque
les signataires forment un collectif mais son autorité morale reconnue a
joué un rôle décisif dans cette prise en compte épiscopale. Il s'agit
d'Yves Hamant, professeur d'université émérite, spécialiste de la
civilisation russe qui fut l'un des proches de Soljenitsyne. Sa famille a
été concernée par les agissements du Père Thierry de Roucy, fondateur
du réseau Points-Cœur (qui envoie des jeunes dans les pires banlieues du
monde pour un «ministère de compassion» avec les plus pauvres).
Ce
religieux a été condamné le 21 juin 2011, par le tribunal ecclésiastique
de Lyon pour «abus sexuel», «abus de pouvoir» et «absolution de la
victime» - en l'occurrence, son adjoint, un prêtre majeur qui a subi
sept années d'emprise et a fini par s'opposer.
Si Yves Hamant a
décidé d'agir, ce n'est pas «pour nuire à l'Église mais pour avertir et
protéger les jeunes, dénoncer la manipulation des consciences et que les
fruits portés par ces œuvres ne justifient plus l'omerta imposée dans
les communautés, car ce sont des vies entières qui sont détruites en
silence.»
Il demande aussi le respect du droit canonique «séparant le
for interne et le for externe» pour la liberté des consciences.
En un
mot que les supérieurs des communautés n'en soient plus, aussi, les
confesseurs.
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