lundi 23 septembre 2013

SEBASTIEN DE COURTOIS : "UN THE A ISTANBUL"

Sébastien de  Courtois, l’arpenteur de l’Orient chrétien

Spécialiste du Proche-Orient, cet historien français installé à Istanbul vient de publier un récit original autour de la mémoire de Rimbaud. 




23/9/13

Sébastien de Courtois nous propose une balade littéraire à la croisée de deux mondes.
(Nathalie Ritzmann)

Sébastien de Courtois nous propose une balade littéraire à la croisée de deux mondes.


Avec cet article
Entre deux voyages, ses semelles de vent le ramènent parfois vers la vieille Europe qui l’a vu naître et grandir. Depuis 2008, Sébastien de Courtois a établi ses quartiers sur la rive occidentale du Bosphore. De l’ancienne Constantinople, l’historien, qui aura bientôt 40 ans, a fait à la fois un port d’attache et le quai d’appareillage de ses expéditions vers le Proche-Orient. Mais c’est auprès du public français que le doctorant de l’École pratique des hautes études a bâti sa réputation.

Trop curieux du monde pour demeurer sous l’opaline des bibliothèques, ce chercheur a publié une dizaine de récits haletants autour du christianisme oriental. On l’a suivi auprès des derniers Araméens, dans les pas des nestoriens, parmi les communautés éprouvées d’Irak. 
En 2010, il entreprend un voyage sur les rives du Nil et de la mer Rouge, bien décidé à rapporter une étude sur les Coptes d’Égypte. Sa rencontre fulgurante avec l’ombre de Rimbaud en décide autrement.

Les traits de Rimbaud

 « Ce jour d’hiver africain, se remémore, un rien théâtral, Sébastien de Courtois, de passage à Paris pour présenter son ouvrage consacré au poète des Illuminations, je me trouvais à Tadjourah, quand j’ai croisé un visage. Celui d’un jeune homme. Ses traits évoquaient de façon troublante ceux de Rimbaud. » Se peut-il que le poète ait une descendance dans ces contrées ? Ni une, ni deux, il s’élance sur la trace du fantôme auréolé de lumière.

Rimbaud, avec lequel il partage un même air juvénile, chevelure romantique et veste souple, a été pour lui « un accident heureux, un moyen d’entrer à la fois en Éthiopie et dans l’idée de ce voyage, entre découverte et littérature, comme si ses poèmes (lui) étaient devenus accessibles au cœur de cet “ailleurs” qu’il avait parcouru de manière désespérée. » 

La découverte de l’Orient chrétien

À la faveur de cette flânerie poétique, Sébastien de Courtois dépeint aussi la vie des Coptes dont il croise la route, leur crainte face au « nouveau fondamentalisme qui souffle sur les braises du Proche-Orient ». 
 « Ils sont pourtant l’Égypte, son altérité indispensable », professe-t-il.

L’altérité  : une évidence pour ce Montpelliérain né, en 1974, d’une mère protestante et d’un père catholique. Ses parents furent parmi les premiers à contracter un mariage œcuménique dans le Midi. Enfant, il fréquente le Musée du Désert et sa paroisse catholique. 

La découverte de l’Orient chrétien, à la fin des années 1990, élargit son regard. Dans les monastères de Turquie, il s’éprend des communautés syriaques, auxquelles il consacre son mémoire de DEA en 2002. Depuis, il n’a cessé de porter leur voix.

Conversion syriaque

La sienne est devenue familière sur les ondes de France Culture, où il anime l’émission Foi et tradition des chrétiens orientaux : « Même si les temps sont très difficiles, il ne faut pas perdre espoir de les voir se maintenir sur leurs terres ancestrales afin de garder un rôle d’équilibre entre les communautés. » 

Ce catholique de cœur envisage la liturgie orientale comme « un théâtre merveilleux » et confesse avoir caressé l’idée d’une conversion syriaque. Un des prélats de cette communauté, Mgr Youhanna Ibrahim, l’en dissuade alors avec franchise : « Sois un bon catholique, c’est tout ce qui compte. » 

Ce confident est l’un des deux évêques qui a été enlevés le 22 avril en Syrie et, comme beaucoup, Sébastien de Courtois redoute le pire. Orphelin de père à l’âge de 2 mois – cette absence le rapproche de Rimbaud, qui n’a jamais accepté le départ du sien –, il évoque avec affection ces maîtres spirituels qui traversent ses voyages et ses livres.

« Un thé à Istanbul »

En juin, le Stambouliote d’adoption a scruté avec intérêt le mouvement civique du printemps dernier sur la place Taksim. « Après une époque de résignation face à un gouvernement religieux et autoritaire, la société civile s’est réveillée. (Ce réveil,) personne ne l’avait vu venir. C’est un grand pas pour la mentalité turque, peu habituée à extérioriser son mécontentement. Cette année électorale sera déterminante. » 

Comme une respiration, Sébastien de Courtois publiera cet automne Un thé à Istanbul (Le passeur Éditeur), balade littéraire à la croisée des deux mondes.
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 La fibre nomade 
1993  : alors que la Yougoslavie s’embrase, Sébastien de Courtois, 19 ans, se laisse convaincre par un ami de rejoindre Belgrade et, de là, la Hongrie, puis la Croatie. L’étudiant en droit restera longtemps marqué par les stigmates de la bataille de Vukovar. Quelques années plus tard, il découvre la Turquie et, à travers elle, l’Orient, qui lui tend les bras. Ni son service militaire chez les paras, ni sa confortable vie de juriste à Londres, ni même son poste d’attaché parlementaire n’auront raison de sa fibre nomade. Discret sur lui-même, l’auteur se dit froid devant les exploits des écrivains voyageurs qui « décrivent leurs ampoules sans jamais dépeindre un lieu ou un visage ». Son ambition ? Redonner une dimension littéraire et anthropologique au récit de voyage. « Ramener vers d’autres que moi. » 

François-Xavier Maigre et Agnès Rotivel 
 
(1) Éloge du voyage, sur les traces d’Arthur Rimbaud, Nil, 21 €, 312 p.
(la-croix.com)
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