vendredi 16 août 2013

TEMOIGNAGE D'UNE ANCIENNE PATIENTE, SUR LE CHS "SAINTE-ANNE" (SOUS TOUTES RESERVES)

Sur "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique" 

sur Arte

Libération en parlait comme un reportage sur les dingos, Focus trouvait le portrait des malades glaçant.

Moi, ce qui m’a profondément choquée, c’est la folie de l’institution, la violence des soignants, leur mépris, des soins qui se résument à des médicaments et des contentions. 


Je n’ai vu aucun soignant essayer de comprendre les patients, de les rassurer, ni même leur parler gentiment ou simplement respectueusement, à une ou deux exception près, sur un reportage d’une heure trente.

A la vue de ce reportage, il est évident que la vraie folie n’est pas où l’on croit.


Je n’ai jamais vu des soignants aussi incompétents et méprisants. 


Et oui, c’est de la folie de traiter les patients de cette façon quand on se prétend soignant en psychiatrie. Comment peuvent-ils ne rien comprendre à ce point alors qu’ils travaillent tous les jours à l’hôpital?

Oui, c’est cette institution folle qui crée de la violence, qui pousse les patients à ne plus se faire soigner, car qui n’aurait pas envie de se révolter et de fuir devant de tels traitements?


Moi qui suis une psychotique stabilisée depuis longtemps, la vue de ces traitements m’a abattue pendant une nuit et une journée. Alors imaginez ce que ressentent ceux qui sont en crise et ont vécus ces traitements.


Les patients psychiatriques sont fragiles, hyper-sensibles et ils se font traiter violemment, on les rabroue, on les menace, on ne les écoute pas, on leur saute dessus pour les piquer ou les déshabiller.


Je suppose que certains me répondront qu’on ne peut faire autrement, que face à la violence il faut bien attacher et piquer.


Je dirais que beaucoup ont fait autrement, mais sans doute ces soignants ne connaissent-ils pas Jean Oury, Lucien Bonnafé, Roger Gentis, etc… Ou pensent-ils que parler, comprendre et rassurer prend plus de temps qu’attacher et que les psychotiques n’en valent pas la peine.


Dans les deux cas, je me demande pourquoi ils travaillent en psychiatrie.


A moi qui ne suis pas une professionnelle, les solutions d’apaisement me sautaient aux yeux. Est-ce parce que je suis schizophrène que je comprends ces patients? Je ne crois pas, car quiconque s’en donne la peine peut arriver à les comprendre aussi.


Deux passages m’ont particulièrement choquée.

Premièrement, celui d’un homme schizophrène en chambre d’isolement. Il a déjà été attaché deux fois. Les infirmiers le détachent, reviennent après une demi-heure, il a cassé quelques objets. Tout de suite le ton monte, l’infirmier lui dit qu’il ne respecte rien, qu’il pense qu’il y a des gens qui sont là pour ramasser à sa place, l’homme dit qu’il va ramasser, avec humeur l’infirmier dit "je vais le faire" et le fait, le ton continue à monter, tout de suite les infirmiers le menacent de l’attacher et de le piquer, lui disant que d’habitude après une fois les gens comprennent qu’ils doivent être calme, mais pas lui, donc on n’hésitera pas à le rattacher. Le reportage finira d’ailleurs sur une image de cet homme attaché à son lit.


Ce patient se révolte contre le réglement, et est donc taxé de psychopathe, on pense même lui faire un scanner. On dit qu’il ne cesse de poser problème et épuise l’équipe.
Mais dès qu’il demande quelque chose gentiment, on le rabroue, on lui parle à peine à travers une porte, alors qu’il demande un pull pour un autre patient qui a froid et une connexion internet.
Le médecin explique à son père qu’on a dû l’attacher car il était très agité, que cétait thérapeutique, et que ce serait très court.


Sans préciser que ce serait à répétition, et que si cet homme a haussé le ton, il n’a eu aucun geste menaçant.


Alors, j’aimerais comprendre. On veut soigner les fous et on ne supporte pas le moindre haussement de ton? On ne sait pas gérer une discussion un peu vive autrement qu’avec des questions stéréotypées apprises au cours et sans manifester le moindre intérêt, et devant l’énervement bien légitime du patient, l’attacher et le piquer?

Plutôt que de l’engueuler et de le menacer, pourquoi ne pas lui demander pourquoi il a cassé des objets, ce qu’il ressent? Les infirmiers ne peuvent-ils pas comprendre la révolte d’un homme qui a été attaché alors qu’il n’était pas violent? Pourquoi ne pas désmorcer la situation par le dialogue? Lui permettre de ramasser lui-même les débris? Le menacer ne fait évidemment que renforcer sa révolte, ce qui me paraît plutôt normal et sain.


Comment des soignants qui attachent à tour de bras ont-ils la conscience tranquille? C’est simple, ils se convainquent que c’est thérapeutique. Ca ne ressemble pas à du délire, ça? Et puisque les infirmiers utilisent ça comme une menace, ils doivent bien savoir au fond d’eux que ce n’est autre chose que de la maltraitance.


Tout le monde sait que se blottir dans son lit peut être réconfortant. Et moi qui est souvent été "dispersée" comme ils disent, j’ai souvent employé ce moyen pour me protéger et sortir de mes angoisses de morcelement. Mais à qui, sinon à eux-mêmes, vont-ils faire croire qu’y être ficelé sur le dos sans pouvoir bouger peut faire le moindre bien?

Le deuxième épisode marquant était celui d’une jeune fille très angoissée.
Elle avait mis ses vêtements alors qu’elle avait l’obligation d’être en pyjama. On lui ordonne de remettre son uniforme, ce qu’elle fait mais elle garde son pantalon sous celui de pyjama car elle a froid. Commence une dispute avec deux infirmiers, lui demandant d’enlever son pantalon. Elle dit qu’elle est frileuse, qu’elle a froid quand elle va fumer. L’infirmier lui dit qu’elle n’a pas besoin d’aller fumer, elle dit qu’elle peut le faire si on lui donne un pull, il répond qu’on en va quand même pas lui donner un pull pour qu’elle aille fumer, qu’elle n’a qu’à avoir froid ainsi elle fumera plus vite, la patiente dit qu’on ne peut pas discuter avec eux, l’infirmier répond "y en a marre de discuter". Finalement, les deux infimiers essayent de la forcer à se déshabiller, et devant son refus, l’un d’eux conclut par "Bon, je vais chercher l’injection". Finalement, une autre soignante leur dire de la laisser, qu’elle est visiblement très angoissée et que ça ne sert à rien de lui faire une injection de Loxapac. Ils s’en vont et retrouvent quelques instants plus tard la jeune fille sur son lit, visiblement très mal, sans pantalon. Ils la remettent en pyjama et décident de l’attacher. La jeune fille leur demande ce qu’elle a fait de mal, on lui dit que c’est le réglement, elle leur demande pourquoi ils lui font ça, mettez-vous à ma place, et la soignante répond "vous, mettez-vous à ma place. Vous vous faites du mal, on doit vous protéger".


Un exemple criant de la violence de l’institution.
D’abord parce que cette situation n’aurait pas eu lieu si cette stupide habitude de mettre les patients en uniforme n’avait plus cours, comme dans d’autres pays. Enlever à quelqu’un ses vêtements et le mettre en uniforme est le premier geste de toute système concentrationnaire. Pourquoi imposer cela à des gens perdus, dépersonnalisé souvent, qui sont dans un milieu très anxiogène?


Passons, on a décidé dans pas mal d’endroit d’enlever tout effet personnel aux patients dès qu’ils arrivent, pour quelle mystérieuse raison, je ne l’ai jamais compris.
Soit. Cette jeune fille est frileuse et veut garder son pantalon sous l’uniforme. Où est le problème? Réellement, pour quelle personne sensée est-ce un problème? Non, c’est le réglement et apparemment certains soignants ont un réglement à la place du cerveau, au point qu’il faille sauter sur une patiente très angoissée. Je rappelle, ce qui me semble une évidence mais pas pour tout le monde apparemment, que beaucoup de psychotiques n’aiment pas voire ne supportent pas qu’on les touche quand ils sont en crise. Imaginez donc la violence que subit cette jeune fille pour une histoire de pantalon. On se moque aussi d’un des seuls réconfort qui reste à l’hp, fumer. Impossible apparemment pour cet infirmier de comprendre qu’une clope est un réconfort, que beaucoup de malades fument et ce n’est pas par hasard. On lui dit aussi clairement qu’on ne veut plus discuter avec elle. Alors que justement, discuter, ce serait la clé. Enfin, normalement on appelle ça un entretien thérapeutique, mais je n’en ai pas vu un seul dans ce reportage Cette jeune fille est très angoissée, elle a besoin d’apaisement, de réconfort, de compréhension, pas qu’on la menace de le piquer juste parce qu’elle n’est pas d’accord avec les infirmiers.


Car oui, apparemment il est pathologique de ne pas être d’accord avec les infirmiers.

 Ou plus vraisemblablement, le traitement est utilisé comme une punition. Non, on ne veut pas vous soigner, on veut vous shooter pour que vous la fermiez.

Et après on se demande pourquoi les patients ne veulent plus d’un traitement.
Quant à l’attacher parce qu’elle se fait du mal, c’était le comble! Oui, à Sainte-Anne, vouloir mettre ses propres vêtements, c’est se faire du mal!
Encore une fois, la logique est pour moi du côté de la patiente, qui ne veut pas se dissoudre totalement dans cet univers dépersonnalisant.


Plutôt que de l’attacher, il me semble plus judicieux de la mettre au lit pour qu’elle s’y blotisse, qu’on reste à côté d’elle en lui parlant gentiment pour qu’elle se calme.


Beaucoup de choses m’ont révoltée quand j’étais à l’hôpital, j’aurais pu être attachée moi aussi avec des soignants pareils. Je pensais qu’on attachait juste les gens qui frappaient et cassaient tout, mais non, on attache les gens dès qu’ils font la moindre vague, c’est-à-dire dès qu’ils montrent un peu leurs symptômes. Oui, la folie est insupportable à l’hp.

Mais de l’hôpital, qui m’a donné des années de cauchemar alors que je n’ai pas vécu le dixième de ce qu’on l’a fait subir à ces patients, j’ai retenu deux gestes qui m’ont bouleversée, deux simples petits gestes qui ne coûtent rien: une infirmière qui m’a pris la main, et la même infirmière qui est venue me saluer dans ma chambre avant de finir sa journée. De l’attention, du respect, de la douceur. Des gestes qui évitent bien des violences.


A cette soignante qui demande à la patiente de se mettre à sa place, je lui aurais répondu que beaucoup d’autres soignants ont été à sa place et n’ont pas attaché, piqué et tourné le dos. Non, ils ont rassuré, parlé, ils essayent de comprendre la psychose et de rejoindre le patient dans son monde pour l’emmener un peu dans le leur.

Je lui aurais répondu que je préférais être à ma place qu’à la sienne, car à la fin de sa vie, soit elle ne serait pas fière de ce qu’elle a fait, soit elle n’aurait toujours rien compris, et je ne sais pas ce qui est le pire.


Je n’ai rien vu qui soignait. Je n’ai vu que de la violence, des sarcasmes, du mépris envers des gens fragiles, qui souffrent beaucoup plus de cette attitude que ceux en bonne santé qui peuvent se défendre. 

Ces gens qui viennent à l’hôpital pour se protéger de la violence du monde qui les détruit, sont traités encore plus violemment par ceux-là mêmes qui sont censés les soigner.

Alors sans doute la psychiatrie a besoin de moyen, mais aussi et surtout d’une vraie formation.

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