Elisabeth Scotto - Les Légumes Oubliés
Photographies : Christine Fleurent



Pâtisson, ail rocambole, salsifis, ficoïde glacial, autant de trésors oubliés qui font aujourd'hui une réapparition remarquée sur nos marchés. 


Certains avaient disparu des étals des maraîchers pour des raisons de rentabilité, laissant place à une triste uniformité. D'autres, comme le rutabaga ou le topinambour, avaient acquis une mauvaise réputation durant des périodes de restriction où leur consommation fut excessive. Tous étaient menacés de disparaître du patrimoine naturel. Grâce à un petit nombre de passionnés attachés aux produits du terroir, de nombreuses espèces et variétés ont été sauvées. Elisabeth Scotto nous emmène dans ce riche potager pour nous présenter des légumes superbement photographiés par Christine Fleurent, et nous propose quatre-vingts recettes savoureuses et inventives.



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Comme leurs ancêtres simiens, les premiers hommes qui foulèrent le sol de notre planète se nourrissaient de racines et de baies. L'évolution leur apprit d'abord à distinguer les bonnes nourritures des aliments empoisonnés. Le jour lointain où l'homme ne se contenta plus de cueillette mais comprit qu’il pouvait planter et jouir du fruit de ses récoltes, a sans nul doute célébré le début de sa domination sur la Terre, il devenait enfin l’homo sapiens, l'homme de sagesse.
A l’orée du XXIe siècle, qu’avons-nous encore de commun avec ces ancêtres à l’existence précaire ? Un corps qu il faut nourrir. L'homme a appris combien la nourriture issue de la terre lui était bénéfique. S’il ne part plus à l’aventure cueillir des baies incertaines, sauf pour le plaisir, il achète sur son marché légumes, racines, bulbes, fleurs, fruits ou feuilles, qu’il prépare selon des recettes savantes héritées de ses aïeux ou élaborées selon le goût du jour...

Les légumes qui figuraient déjà dans les jardins de Babylone, furent par la suite relégués dans le rôle peu gratifiant de simple base pour la soupe du pauvre. Il fallut Catherine de Médicis et la Renaissance, venues de l’Italie voisine, pour leur redonner la place de choix qu’ils avaient perdu au profit de la viande, aliment des riches. Cardons, oxalis, topinambours, carottes, panais, salsifis, scorsonères, navets firent alors leur entrée dans les potagers du Roi à Versailles. Une grande variété que l’on trouve encore au XIXe siècle dans le célèbre catalogue Vilmorin-Andrieux qui recense plus de 200 espèces de légumes courants.

Les deux guerres mondiales, et plus particulièrement la seconde mirent un frein à cette magnifique évolution. L’économie affaiblie, les approvisionnements aléatoires, le seul moyen de se nourrir devint la cueillette des légumes sauvages ou cultivés dans les fermes. Fini la diversité. Vint alors le temps des topinambours et autres salsifis qui poussent comme du chiendent et nourrissent aussi bien l’homme que l animal... Le retour à la paix entraîna naturellement un rejet de ces légumes, symboles de disette, et l’on se tourna vers des produits faciles à cultiver et peu onéreux : pommes de terre, carottes, poireaux...

Mais le renouveau des légumineux ne s’est point fait attendre. L'envie de retrouver les goûts perdus de l’enfance, de redécouvrir un plat dégusté à l’autre bout du monde ou de savourer cette étrange salade découverte au hasard d’un marché a contribué à faire le succès de bon nombre d’entre eux. Regain d’intérêt suscité aussi par les mouvements écologistes prônant un retour à la terre et aux produits élevés sainement et, épaulé par les nutritionnistes qui n’ont cesse de vanter les bienfait des légumes, crus et cuits, dans notre alimentation.

Plus question de se contenter de pauvres carottes : les légumes rares, anciens, oubliés, reviennent en force. La roquette, le pourpier ou le cardon dont l’usage était réduit à quelques régions, retrouvent aujourd’hui une implantation nationale. La salade iceberg, belle et croquante, est revenue chez nous après un exil momentané aux États-Unis. D’autres variétés encore, fort goûteuses, sont revenues égayer nos tables : tomates des Andes, roses de Berne ou tigrella bicolores... Sans oublier les centaines de variétés de courges et potirons aux couleurs et aux goûts si différents.


Si au détour d’un marché vos yeux découvrent une étrange salade, une tomate à la joue boursouflée, une courge à la peau de pastèque, un poivron vert tendre, un crosne tout blond ou un topinambour bien terreux, laissez-vous porter par votre curiosité naturelle : achetez-les... et régalez-vous !



Pour plus d'informations



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