mardi 7 mai 2013

LA VIE MUSICALE PENDANT L'OCCUPATION

 

Vichy à la baguette




Musique et choeur allemands sur les marches de l'Opéra Garnier, à Paris, en juillet 1940.
Musique et choeur allemands sur les marches de l'Opéra Garnier, à Paris, en juillet 1940. Crédits photo : © LAPI / Roger-Viollet/© LAPI / Roger-Viollet
 
 
Du 12 au 18 mai, la Cité de la musique explore «La Vie musicale pendant l'Occupation» pour tenter de comprendre ces années noires.

Symbole: lorsque Hitler ­visite Paris, à l'aube du 23 juin 1940, le premier bâtiment qu'il demande à voir est le Palais Garnier… 

Comme tout le pays, la musique française va donc être occupée. Le répertoire germanique sera à l'honneur et les jeunes loups du Reich, tel Herbert von Karajan, seront reçus avec faste. Dans la capitale, l'orchestre le mieux payé est celui de Radio-Paris (la radio allemande) où vont bientôt «cachetonner» de nombreux membres d'autres formations pour donner, au Théâtre des Champs-Élysées, des concerts gratuits de musique allemande. On se rappelle enfin cette délégation de musiciens qui fait le voyage à Vienne, en 1941, pour fêter les 150 ans de Mozart.

Ce serait toutefois un contresens de penser que les théâtres français ne diffusent plus que de la musique teutonne. À Paris, les opéras les plus joués restent Faust au Palais Garnier et Carmen à l'Opéra-Comique, tandis que les œuvres allemandes ne constituent «que» 31 % des représentations. C'est même dans un esprit de collaboration artistique que l'Occupation va favoriser l'éclosion d'un art spécifiquement français.

 Si la collaboration musicale est moins politisée que celle de la littérature ou de la presse, rappelons que les grands artistes juifs, tel Darius Milhaud, sont contraints à l'exil. 
On se souvient aussi que le vénérable Conservatoire est le seul établissement d'enseignement public à exclure tous les Juifs. Une fois aryanisé, le même Conservatoire va beaucoup œuvrer pour l'établissement d'un patrimoine national. La partie muséologique (les collections d'instruments anciens) est remise à l'honneur et l'on s'engage dans une profonde redécouverte des traditions régionales et populaires, à l'instar d'un Joseph Canteloube et ses fameux Chants d'Auvergne.

D'une manière générale, Vichy veut développer le goût musical français en créant une nouvelle génération de mélomanes. Ainsi sont mises en place les Jeunesses musicales, en 1942 ; ainsi le chant choral devient-il une véritable discipline (notamment dans le cadre des Chantiers de jeunesse) car elle est une activité fédératrice ; ainsi l'enseignement de la musique à l'école subit-il un beau coup de jeune.

Ce souci pédagogique est tout droit issu du vieux rêve du pianiste Alfred Cortot, homme clé de la vie musicale sous l'Occupation. Mettant sa carrière de côté, il devient conseiller technique au cabinet d'Abel Bonnard et crée différentes commissions pour centraliser les professions musicales. Le «comité Cortot» chapeaute l'organisation professionnelle de la musique et supervise les autres comités, tels le «comité ­Rabaud» (du nom du compositeur Henri Rabaud, père de Mârouf, savetier du Caire) qui opère une forme de nationalisation de la Sacem et de la SACD.

«Maréchal, nous voilà!»

Dans l'optique de défense et illustration de la musique française, l'État développe l'industrie du disque (La Voix de son Maître est très active) et passe une cinquantaine de commandes officielles. De ce répertoire (des cantates d'André Gailhard, Germaine Taillefer ou Jean Françaix ; des opéras de ­Marcel Delannoy…), il ne reste plus grand-chose. Seul le Requiem de ­Maurice Duruflé, commandé pendant la guerre mais créé en 1947, a survécu.

Si la musique a connu des collaborateurs convaincus (Florent Schmitt, Max d'Ollone, Serge Lifar), elle a aussi eu ses résistants. Ainsi le Front national des musiciens joue-t-il les compositeurs interdits.

 Ainsi l'éditeur de musique Raymond Deiss crée-t-il le journal clandestin Pantagruel. Arrêté, il est déporté à Cologne et décapité à la hache en 1943…

Comme dans bien des domaines officiels, c'est surtout le double jeu qui se développe. Claude Delvincourt, directeur du Conservatoire, est également très actif au Front national des musiciens. 

De même, si Francis Poulenc est membre du comité Cortot, il n'en compose pas moins Figure humaine, sur des textes de Paul Éluard, qui sera diffusé sous le manteau…
 
Hors des sentiers classiques, la chanson vit un âge d'or car les Français, privés de tout, écoutent beaucoup la radio. 

Même période bénie pour le jazz: contrairement aux idées reçues, cette musique est très populaire et les Hot Clubs fleurissent, affranchis des canons américains ; on connaît le succès de Django Reinhardt à cette époque. 

 Maréchal, nous voilà! est enfin la mélodie la plus célèbre des années noires. Rappelons toutefois qu'elle ne fut qu'une chanson populaire, quand La Marseillaise est restée l'hymne national.

ùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùùù

Aucun commentaire: