mercredi 29 mai 2013

HG WELLS

HG Wells, barbe bleue aimable de la Science Fiction

 « Un homme de tempérament » de David Lodge

220px-H_G_Wells_-_Sandgate_-_Project_Gutenberg_eText_13715.pngDavid Lodge évoque dans ce livre l'écrivain et ses créations, son processus de travail, ses sources d'inspiration, et il parle aussi de l'homme privé, de sa vie sensuelle. Dans les premières pages, le lecteur a d'ailleurs un peu peur, car les attributs naturels de Wells qui était un séducteur compulsif semble une obsession pour le biographe, puis ensuite, pris par la vie chaotique, tourmentée, pleine de paradoxes de « HG », comme l'appelait familièrement ses proches, on tourne les pages presque sans pouvoir s'arrêter.

Wells est né dans une famille pauvre des environs de Londres, à la fin de l'ère victorienne. C'est à la faveur d'une fracture du genou alors qu'adolescent qu'il commença à s'intéresser à la littérature, son père lui amenant pour le distraire des romans d'aventures, des illustrés humoristiques et progressivement des livres plus sérieux. Le jeune homme de frêle constitution, persuadé qu'il n'en pas pour longtemps, sent alors grandir en lui sa soif d'instruction, obtenant de ses parents de commencer des études, financé en partie par un travail d'aide aux plus jeunes élèves.

Dans le même temps, grandit en lui une autre soif, car Wells a des appétits sexuels tout aussi importants que ceux concernant le savoir. Il théorisera sur ceux-ci plus tard en théorisant sur l'Amour Libre dont il devient un des promoteurs au sein de la société dite « fabienne », ce qui n'évitera pas chez lui les contradictions, car il est aussi un amant jaloux et possessif, et un mari somme toute autoritaire imposant à sa première femme des arrangements dont elle ne veut pas, et qui lui conviennent surtout à lui pour se donner bonne conscience. Enfin, il ne conçoit l'Amour libre que réservé bien entendu aux hommes.

Les « fabiens » sont des socialistes à la mode victorienne, à savoir, dans les déclarations d'intentions de leur société, le socialisme n'est qu'une idée vague, éloigné de la théorie marxiste, et ils évitent soigneusement de spécifier les modalités par lesquelles ils souhaitent y parvenir, les « fabiens » étant aussi des propriétaires aisés qui ne souhaitent pas renoncer aussi rapidement que cela à leurs biens et à leur personnel de maison.

Wells est un ogre, qui a de multiples compulsions, qui étouffe vite pris dans le carcan des habitudes ménagères, qui pour satisfaire ses élans a toujours besoin de beaucoup plus qu'un petit peu de satisfactions, raisonnables pour le commun des mortels, largement insuffisantes pour lui. Comme beaucoup d'autres, cela se comprend par le fait qu'il voudrait en somme faire tenir le monde entier dans ses rêves et sur les pages qu'il noircit chaque jour car le besoin d'écrire est chez lui existentiel.

C'est un « Barbe bleue » aimable qui consomme quelques épouses et maîtresses dont les deux filles d'une de ses amies proches, écrivain elle aussi, Edith Nesbith, célèbre auteur pour enfants. Il n'en conçoit guère de scrupules et prétend faire leur éducation littéraire et social, ce qui compenserait à ses yeux de donner libre cours à ses désirs d'amoureux non pas romantique mais un peu brutal, Wells n'est pas exactement un cérébral. « Il a des besoins » ainsi qu'il l'avoue évasivement à sa première femme le soir de leur nuit de noces catastrophique.

On peut préférer quant au titre de cette biographie romancée de Herbert Georges Wells le titre anglais « A man of parts », à la fois très fin et trivial en même temps. Je te laisse, ami lecteur, le soin de traduire, « parts » ayant une autre signification que celle indiquée dans ton dictionnaire.

Comme tout gosse peu doué pour la vie sociale, j'ai grandi en lisant beaucoup, et évidemment, j'ai lu les classiques de Wells que sont « la Guerre des Mondes », « la Machine à voyager dans le temps », et « l'Homme invisible », après avoir dévoré une bonne partie des romans de Jules Verne. Dans ces livres, Wells offre un point de vue sur le progrès et l'être humain beaucoup moins optimiste que celui de l'auteur du « Tour du monde en 80 jours », moins marqué par le positivisme de la bourgeoisie industrielle, Verne qui cependant en dira toute la désillusion qu'il en concevra à la fin de sa vie dans « le Nouvel Adam ».

Et Wells évite les descriptions instructives qui sont parfois chez son confrère français un peu longues. Il a un sens littéraire parfois plus aigu.

Si les trois romans classiques que j'ai cité conservent encore un aspect passionnant de par les fables qu'ils sont aussi, plus que des récits d'anticipation purs, ou de science-fiction explicite, il est permis d'apprécier également les nouvelles fantastiques de Wells dont la plus intéressante est sans doute « la porte dans le mur ». Dans cette histoire, un homme maintenant d'âge mûr se souvient d'une porte cochère qu'il a ouverte étant enfant un jour qu'il s'était perdu, donnant sur un jardin extraordinaire, où il se retrouve entouré de bêtes sauvages d'une douceur singulière et de jeunes filles diaphanes.

A chaque fois que sa vie prend un tournant d'importance, il retrouvera la porte, mais à chaque fois il choisira le confort de la vie quotidienne. Il regrettera toute sa vie ce jardin étrange et n'aura de cesse de le retrouver.

Une autre des nouvelles intéressantes de Wells raconte le don par un aventurier de la pomme de l'arbre de la connaissance à un jeune étudiant plein d'avenir et de promesses qui l'abandonnera sur un siège de train par peur du « qu'en dira-t-on » et aussi car il n'y croit guère. Après un cauchemar qu'il fera la nuit suivante, il comprendra ce qu'il avait laissé derrière lui et en perd le sommeil à jamais.
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Wells n'est par contre pas très intéressant quand ses livres ne servent qu'à vendre un discours lénifiant un rien « prêchi-prêcha », se traduisant par exemple par son roman « Au temps de la Comète » qui inspirera cependant le très beau classique de cinéma britannique, « Things to come », décrivant une utopie concrète, poétique et grandiose tout à la fois. Il s'oppose plusieurs fois à Orwell dont on est en droit de penser que la vision politique a plus d'acuité.

Quand il meurt, il ne croit pas que l'être humain atteindra jamais l'âge des Elois et des Morlocks de l'an 800 002 que son explorateur du temps découvre, étant persuadé que les pitoyables primates que nous sommes se seront détruits d'une manière ou d'une autre bien avant. Il est dans l'état d'esprit d'un de ses personnages qui rêve la nuit d'un autre temps, une guerre future encore plus meurtrière que celle que l'Angleterre vivait en 1944, dans la terreur des « V2 », tout en subissant le « Blitz » le jour.

Il meurt insatisfait également de sa vie amoureuse car la dernière femme qu'il aima refusa toujours de se marier avec lui, suprême ironie pour un chantre de l'amour libéré des contingences.


image du haut emprunté ici
image du bas, de Loustal, empruntée là

ci-dessous l'intégralité de "Things to come" et la bande annonce de "The Time Machine" de Georges Pal beaucoup plus intéressant que le "remake" pâlot de 2005

(mesterressaintes.hautetfort.com)
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