LA BATAILLE DE BERLIN (2)
Militaria Hors-série 86 :
La bataille de Berlin (II)-L'encerclement
Il
m'arrive souvent, sur ce blog, de recenser des magazines pour lesquels
je n'écris pas. Etant auteur pour plusieurs groupes différents, je n'ai
évidemment aucun intérêt à massacrer tel ou tel magazine, on l'aura
compris. Ici, j'ai pris le parti de dire ce que je pense : quand c'est
bon, je le dis, quand c'est mauvais, je le dis aussi, et quand c'est
plus mitigé, itou. Ainsi, pour Guerres et Histoire, magazine avec lequel je ne suis pas totalement en phase, mais auquel je reconnais certaines qualités.
J'ai eu l'envie d'acheter Militaria Hors-Série, chose que je n'avais pas faite depuis très longtemps, après avoir pris en cours de route un débat sur le forum Les colleurs de plastique,
spécialisé dans le modélisme. Le débat portait initialement sur les
photos publiées dans ce numéro mais j'y suis intervenu pour parler du
fond. J'avais arrêté d'acheter le magazine il y a longtemps, car le fond
était pour moi déjà insuffisant, à l'époque (il y a dix ans à peu
près). Cependant, comme M. Buffetaut, l'auteur dudit texte, est
lui aussi intervenu dans ce sujet pour défendre son texte, je me suis
dit qu'il serait mieux de critiquer en connaissance de cause. Et je n'ai
pas été surpris.
Je rappelle que les hors-série Militaria (qui
en gros ont dû commencer vers 1990-1991, que quelqu'un me corrige si je
me trompe) sont systématiquement (ou presque) écrits par Yves Buffetaut avec des profils couleur et illustrations fournis par Jean Restayn.
Sur
le fond d'abord, j'ai été un peu surpris par le découpage : la
troisième partie traitera des combats de rues dans Berlin et je ne sais
pas de quoi parlait la première, mais la deuxième, baptisée "L'encerclement", ne manque pas d'étonner. Il est en effet question de la mise en défense de Berlin, des combats dans la poche de Halbe au
sud de la capitale, puis dans une dernière partie, Yves Buffetaut
revient en fait à nouveau sur les défenses de Berlin juste avant
l'arrivée des Soviétiques. Rien sur la branche nord de l'encerclement ni
sur les combats entre Seelow et Berlin elle-même, après la percée sur les hauteurs. Bon, passons.
Problème de taille : on aurait pu appeler ce hors-série "La bataille de Berlin vue du côté allemand".
Rien ou presque sur les Soviétiques (qui sont rappelons-le les
vainqueurs de la campagne, quand même), à part un rapide ordre de
bataille au moment des combats de la poche de Halbe (p.42, et uniquement
pour le 1er Front d'Ukraine de Koniev) et des remarques à
l'emporte-pièce dans le texte ou les légendes des photos qui ne font pas
sérieux. Exemple avec la photo p.39 : "Lors de l'avance au sud de
Berlin, des blessés russes sont évacués sur une charrette qui pourrait
remonter à l'époque de la Grande Armée de Napoléon, alors que passe à côté le matériel le plus moderne : T-34/85, katioucha, etc. Ce cliché est un peu à l'image du communisme russe : rien n'est fait pour le confort de l'individu, tout passe pour l'industrie lourde." . On se demande vraiment où est le cliché... autre cas, la légende de la photo p.76 : "Une colonne de chars JS IIM entre dans les ruines fumantes de Berlin. Les chars lourds russes ont un avantage énorme sur les Tiger : ils sont infiniment plus nombreux !" .
Ce qui rejoint un argument que je développe ci-dessous. Par ailleurs, Yves Buffetaut semble accorder un impact certain aux "Seydlitz",
ces Allemands prisonniers ou communistes recrutés par les Soviétiques
et expédiés dans les lignes allemandes (p.44) : cette cinquième colonne
aurait complètement désorganisé les arrières pour la défense de Berlin.
Difficile à croire. On retrouve cette vieille idée selon laquelle
l'Armée Rouge s'est imposée grâce à la seule force du nombre (p.40) :
autrement dit, un propos daté, qu'on aurait pu lire il y a 30 ans, avant
la fin de la guerre froide. Et ce n'est pas étonnant : les seules
source mentionnées (p.63) sont l'ouvrage de Tony Le Tissier sur la poche de Halbe (assez ancien) et les mémoires de von Luck, un officier allemand. Autant dire que ce n'est guère suffisant. En français, Jean Lopez (dont pourtant je suis loin d'être un inconditionnel) n'a visiblement pas été lu ; en anglais, Glantz, Armstrong, Harrison, Duffy,
pour n'en citer que quelques-uns, non plus. Et je ne parle même pas des
auteurs russes... ce qui explique peut-être, par exemple, les pertes
nettement sous-évaluées mentionnées pour l'anabase de la 9. Armee
dans la poche de Halbe (qui certes font débat parmi les spécialistes :
Tieke, Lakowski, Le Tissier) : les Allemands y laissent probablement
entre 40 et 60 000 tués, peut-être 100 000 prisonniers tombés aux mains
des Soviétiques, avec peut-être 10 à 30 000 survivants qui arrivent à
rejoindre la 12. Armee de Wenck et sans doute encore moins les Américains (la 9th US Army fournissant, selon Yves Buffetaut, le décompte le plus neutre, ce dont on peut douter).
Sur la forme, on relève de nombreuses coquilles dans le texte : p.12, confusion entre le 47. Panzerkorps, qui s'est rendu dans la Ruhr aux Américains en avril 1945, et le 56. Panzerkorps ; p.35, la SS-Panzergrenadier Division Nordland a le numéro 4 et pas 11. Et il y en a d'autres, que je cesse d'énumérer ici.
Il y a des photos intéressantes mais comme je l'ai dit, elles sont
parfois gâchées par un commentaire tendancieux ou approximatif, en
particulier (tiens tiens) sur le matériel soviétique.
Ainsi, p.49, ce
n'est pas un obusier de 230 mais de 203 mm sur chenilles (M1931 B-4). P. 52, Yves Buffetaut ne prend pas la peine d'identifier correctement un canon antiaérien soviétique de 37 mm M1939. Ou p.79, quand l'auteur se demande quels peuvent bien être ces marquages sur le Sherman M4A2 (76)W soviétique : "Les insignes sont intéressants, mais leur signification nous est inconnue.".... une simple recherche Internet de deux minutes suffit pour trouver la réponse : ces marquages sont ceux de la 219ème brigade de chars du 1er corps mécanisé soviétique. CQFD. Il est dommage que les auteurs ne soient pas un peu plus curieux. Je ne suis pas un mordu de l'identification de tel ou tel modèle précis de char mais il s'agit ici, dans plusieurs exemples, d'un repérage de base. Quelques photos ne sont pas de très bonne qualité mais par rapport au reste, c'est très secondaire.
Au
final, vous l'avez compris, un magazine qui propose une vision très en
retard de ce que fut la bataille de Berlin. Bien dommage, surtout pour le prix demandé.
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