LES LEBENSBORN : LE SEUL MOYEN DE CONCURRENCER LA NATALITE MAGHREBINE !
Archives de presse 2009 - Entre février et la Libération, en août, un manoir de l'Oise a abrité l'unique Lebensborn créé par les nazis en France.
L'Express a retrouvé plusieurs personnes nées dans ces maternités où une « race supérieure » devait voir le jour. Voici leur histoire.
Le
carillon de la pendule tinte dans le salon : 14 heures. Assis devant
une tasse de café, cheveux blancs mi-longs, le
regard bleu un peu perdu, Erwin Grinski tire sur son cigarillo et se
lance. Cette histoire, ce mécanicien à la retraite ne l'a jamais
racontée. A personne. « Le peu que je sais, je le tiens de ma
mère, prévient-il avec son accent chantant du Midi. Elle ne
répondait pas à mes questions mais, deux ou trois fois, elle m'a lâché
un détail. » Elisabeth Grinski est décédée en 2007. Depuis,
Erwin, 65 ans, divorcé, vit seul avec son secret, dans un
appartement HLM un peu défraîchi, en Avignon. Ce secret, celui de sa
naissance, renvoie à l'un des projets les plus effrayants entrepris
par les nazis : des maternités, les Lebensborn (« source de vie » en
vieil allemand), où devaient naître des enfants « parfaits », grands,
blonds aux yeux bleus. La future élite du IIIe
Reich.
Erwin
a vu le jour le 21 mai 1944, à Lamorlaye (Oise), à 40 kilomètres au
nord de Paris. Là, au manoir de Bois-Larris,
caché dans la forêt de Chantilly, les SS avaient installé l'une de
ces maternités. On y accueillait des femmes enceintes de SS ou de
membres des services de police nazie. Les deux parents, soumis
à une rigoureuse sélection, devaient correspondre aux critères
raciaux « aryens » définis par le régime hitlérien. L'objectif était de
créer une race « supérieure de Germains nordiques ».
L'organisation
Lebensborn a commencé à fonctionner à partir de 1935 en Allemagne (voir
l'encadré page 98). Puis, pendant la
guerre, les nurseries SS ont essaimé en Norvège, en Autriche, en
Pologne, au Luxembourg, en Belgique et... en France. Le foyer Westwald
(« forêt de l'Ouest » - en fait la forêt de Chantilly), à
Lamorlaye, fut ainsi l'unique pouponnière nazie ouverte sur le sol
français. Son histoire reste malgré tout méconnue : seuls deux livres
d'historiens, l'un publié en 1975, l'autre cette année,
lui consacrent quelques pages. En 2004, l'Association Lamorlaye
mémoire et accueil a organisé une conférence sur le sujet, mais sans
pour autant apporter de nouveauté.
L'Express
est parti à la recherche des enfants français des Lebensborn, des
hommes et des femmes aujourd'hui âgés d'au
moins 65 ans. Retrouver leur trace n'est pas évident. Leurs noms de
famille ont parfois été modifiés pour brouiller les pistes, quand ils
furent emmenés à la hâte en Allemagne, à la fin de 1944.
Certains, rapatriés après la guerre, ne connaissent même pas leurs
véritables origines. Ou ne veulent pas les connaître. Un rapport établi
en 1948 par les services français en Allemagne, que nous
avons pu consulter, permet toutefois d'affirmer que « 23 enfants
sont nés » ou ont transité à Lamorlaye. « Le nombre de femmes y ayant
séjourné n'a pas dépassé 21 », précise le document. A cette
époque, trois bébés étaient morts en bas âge. Parmi les 20 autres
enfants, nous avons retrouvé sept noms : Ingrid, Helga, Edith, Gérard,
Jean-Pierre... Deux sont décédés : Ingrid et Songard.
Quatre autres n'ont pu être localisés. Le septième nous a reçus :
Erwin Grinski.
Sa
mère, Elisabeth, s'est retrouvée à Lamorlaye par un terrible
enchaînement de circonstances. Née dans une famille de
mineurs polonais venus s'installer dans le Gard en 1921, elle ne
parlait qu'allemand, comme la plupart des habitants de Poméranie
occidentale. En 1941 ou 1942, la jeune femme monte à Paris. Elle
travaille d'abord dans un orphelinat avant, semble-t-il, de devenir
interprète au service de l'occupant. C'est ainsi qu'elle aurait
rencontré Erwin Schmidt, un officier originaire des Sudètes.
Travaillait-il pour la Croix-Rouge allemande ? C'est en tout cas ce
qu'elle racontera, bien plus tard, à leur fils, également prénommé
Erwin. L'unique trace de son séjour à Lamorlaye figure dans
les registres d'état civil de la commune : Elisabeth Grinsky a
reconnu l'enfant le 31 mars 1948. La date de naissance a été ajoutée au
crayon à papier.
Les Français ? Un peuple abâtardi, racialement sans intérêt
Le
projet d'ouvrir une maternité SS en France avait germé dans l'esprit
des nazis au printemps de 1942. « Jusqu'alors, ils
considéraient les Français comme un peuple abâtardi, issu de sang
mélangé et donc racialement sans intérêt, précise l'historien Fabrice
Virgili, auteur de Naître ennemi
(Payot, 2009), un livre consacré aux enfants franco-allemands conçus
pendant la guerre. Leur position évolue en 1942, en raison de la
multiplication des naissances. « A cette date, en France, 50
000 enfants étaient déjà nés de père allemand », indique Fabrice
Virgili. Même le jugement sur les Français change : certaines femmes du
Nord sont désormais considérées comme « aptes » à procréer
des Aryens. Le 29 mai 1942, le secrétaire d'Etat à la Santé du
Reich, Leonardo Conti, écrit au Reichsführer SS Heinrich Himmler : « Ces
enfants ne sont pas mauvais [...]. Je propose que le
Lebensborn [s'en] occupe énergiquement. »
Interdiction formelle d'approcher du manoir
Reste
à trouver un lieu adéquat : proche de Paris, mais suffisamment retiré,
dans un cadre champêtre, bénéfique pour les
petits « pensionnaires ». Le choix se porte sur le manoir de
Bois-Larris, une jolie demeure de style anglo-normand, avec écuries et
dépendances. Cette propriété, réquisitionnée à la famille
Menier (celle des chocolats), est occupée par la SS depuis 1942.
La
suite de l'histoire oblige à se plonger dans les archives du Service
international de recherches de la Croix Rouge
(SIR). A Bad Arolsen, une petite ville de Hesse, le SIR conserve 50
millions de documents, concernant 17,5 millions de victimes du nazisme.
Dans la salle de lecture, le visiteur est prié
d'enfiler des gants de tissu blanc pour manipuler les feuillets
jaunis, à en-tête du Lebensborn et de l'état-major SS. Une vingtaine de
courriers et de télégrammes évoquent le foyer Westwald de
Lamorlaye. Le 2 novembre 1943, l'Oberführer SS Gregor Ebner, médecin
en chef des Lebensborn, spécialiste de la « sélection raciale » et ami
personnel de Heinrich Himmler, écrit au commandant
Fritze, tout juste nommé responsable de l'établissement : « Le lieu
devra être aménagé à la manière du foyer de Steinhöring [la maison mère,
en Bavière]. J'espère pouvoir venir à Paris au cours
de l'hiver [1943-1944]. ». Faute de temps, Ebner ne pourra pas
honorer ce rendez-vous. Finalement, Westwald sera inauguré le 6 février
1944.
La
plupart des femmes accueillies ici sont françaises, comme la maman de
la petite Edith de V., née le 11 avril 1944. Mais
il y a aussi quelques étrangères. Ainsi, la mère de Helga M., née le
20 juin 1944, est une Flamande, enceinte d'un SS belge ; celle d'Ingrid
de F. (31 juillet 1944) est probablement néerlandaise.
Par souci de discrétion, elles préfèrent accoucher dans un
Lebensborn éloigné de leur région ou de leur pays d'origine. Toutes
vivent en communauté dans cette maternité gardée en permanence. Il
est formellement interdit d'approcher du manoir perché sur les
coteaux. « Pourtant, à Chantilly, beaucoup de gens savaient qu'il y
avait une nurserie nazie, là-haut, et que les Allemands
recrutaient de grandes femmes blondes pour faire des enfants aryens
», raconte Michel Bouchet, 83 ans, ex-journaliste hippique qui habite
toujours dans les environs.
La
vie quotidienne à Westwald, c'est l'Oberführer SS Gregor Ebner lui-même
qui l'évoque dans un rapport de trois pages
dactylographiées, après sa visite d'inspection du 24 avril 1944.
Passant en revue les lieux et le personnel, il écrit : « Les chambres
non attribuées ont été correctement reconverties et servent
de salle d'accouchement, note-t-il. Une activité impressionnante
règne au rez-de-chaussée, où se trouvent la salle de visite, les
chambres des mères et le réfectoire. » En revanche, le matériel
laisse à désirer : les meubles sont de mauvaise qualité, les
berceaux « sont fabriqués dans un matériau très sommaire, ce qui les
rend dangereux ».
Autre
problème : la maternité est mal gérée. Son responsable, le commandant
Fritze, passe son temps à Paris et ne vient «
qu'une ou deux fois par semaine ». Surtout, une querelle oppose le
sergent SS Grünwald et son épouse - qui veillent sur le domaine depuis
l'hiver 1943 - au reste du personnel, le régisseur SS
Engelien, l'infirmière en chef, Josefa Knoll, la sage-femme et les
trois autres infirmières. Gregor Ebner termine cependant son rapport sur
une note positive : « Les six mères présentes à
Westwald font bonne impression sur le plan racial et pour ce qui
concerne leur intégration. Les quelques enfants du foyer sont en bonne
santé, seul un d'entre eux laisse apparaître une légère
dégénérescence. » Erwin Grinski, né en mai, ne restera pas longtemps
à Lamorlaye. Quelques semaines plus tard, ses parents partent en effet
avec lui vers Dortmund. « Nous avons passé les derniers
mois de la guerre dans cette ville, terrés dans des abris
souterrains, pour échapper aux bombardements alliés », raconte-t-il.
En
ce printemps 1944, les Lebensborn, qui sont d'ordinaire bien
approvisionnés, connaissent des pénuries. L'Oberführer SS
Gregor Ebner s'en inquiète dans une note du 2 mai : « La plupart des
foyers manquent de solution vitaminée [pour les enfants]. Ils manquent
de produits alimentaires de toutes sortes, comme la
semoule, le riz, les flocons d'avoine et le cacao. » Le manoir de
Lamorlaye est au plus mal, lui aussi. Surtout après le débarquement
allié en Normandie, le 6 juin. Engelien, le régisseur, est si
préoccupé qu'il alerte Ebner : Fanny M., la sage-femme, a « appris
la nouvelle de l'invasion [le débarquement] et en a informé les mères ».
De plus, elle passe toute la journée dans sa chambre,
vu « le peu d'accouchements qui se produisent ». Quant au commandant
Fritze, il est toujours aux abonnés absents. Autre souci : il devient
de plus en plus difficile de nourrir correctement les 12
bébés encore présents. « Le jardin ne fournit pas assez de carottes
et d'épinards », relève Ebner. A son tour, celui-ci informe son
supérieur, le colonel SS Max Sollman, l'administrateur en chef
des Lebensborn. Les jours de la maternité sont comptés...
7
août 1944. Le commandant Fritze sait qu'il est temps de filer. De Paris
il envoie un télégramme de cinq lignes à
l'état-major personnel de Heinrich Himmler, à Berlin : « Evacuation
du foyer Westwald prévue le 10 août, sous la direction du
sous-lieutenant SS Decker. Le mobilier sera transporté par train
jusqu'à Munich [...]. »
Des bambins transbahutés d'une maternité nazie à l'autre
C'est
ainsi qu'une semaine avant la libération de Paris la maternité ferme en
urgence. Ses pensionnaires - une dizaine
d'enfants, dont Edith de V., Helga M., Gérard S., né le 28 juin ou
Ingrid de F., âgée d'à peine 10 jours, ainsi que quelques mères
volontaires - sont transférés au Lebensborn Taunus de Wiesbaden,
près de Francfort. Début septembre, une dizaine d'autres bébés,
évacués du Lebensborn Ardennen, de Wégimont (Belgique), les y
rejoignent. Parmi ces derniers se trouvent Gisèle Niango et Walter
Beausert (voir l'encadré).
Au
fil de la débâcle, ces bambins sont transbahutés d'une maternité nazie à
l'autre. Leur périple à travers le Reich
s'achève le 3 avril 1945, à Steinhöring, près de Munich. C'est là,
dans la maison mère, ouverte dix ans plus tôt, que des soldats
américains découvrent, au début de mai 1945, environ 300 enfants
et une poignée de mamans livrés à eux-mêmes. Les maîtres de
l'organisation ont pris la fuite après avoir brûlé les archives. Pour
identifier les gosses, il ne reste que des fiches très
succinctes. Un prénom germanique, un patronyme, parfois modifié, une
date de naissance, le nom de code du lieu où ils ont vu le jour :
Westwald, Ardennen... Les petits, confiés à une équipe de
secours des Nations unies (l'Unrra), sont regroupés et soignés dans
un couvent désaffecté. Le 14 décembre 1945, le père Ludwig Koeppel, curé
de Steinhöring, les baptise collectivement.
Photographiés, reconnus, certains sont rendus à leur mère. D'autres
sont rapatriés, un an plus tard, vers leur pays d'origine. Du moins le
croit-on. Car plusieurs bébés belges et néerlandais, nés
à Wégimont ou à Lamorlaye, sont envoyés par erreur en France.
Aux
mois d'août et octobre 1946, deux trains affrétés par la Croix-Rouge,
en provenance d'Allemagne, s'arrêtent ainsi à
Bar-le-Duc (Meuse). Sur les 37 enfants confiés aux services locaux
de l'Assistance publique, 17 sont encore bébés. Un an plus tard, la
justice décide de les déclarer « nés à Bar-le-Duc ». Les
prénoms trop allemands sont francisés. Ingrid s'appellera Irène,
Gizela sera Gisèle, Songard et Ute deviennent Dominique... Plusieurs
d'entre eux sont accueillis par des familles de la région,
certains sont adoptés. Tous gardent en mémoire les injures des
autres gamins, voire de l'instituteur : « A l'école, on me traitait de
"sale boche" », raconte Gisèle Niango, 65 ans, de Nancy. Nous
sommes déchirés entre le fait d'être des victimes innocentes et la
honte d'avoir été conçus pour servir cette idéologie monstrueuse. »
En
1946, Erwin a 2 ans à peine quand il est rapatrié en Avignon et
récupéré - avec son nom inscrit sur un écriteau accroché
autour du cou - par l'une de ses tantes. Sa mère les rejoint un an
plus tard. Erwin n'a plus jamais revu son père. Il a découvert son nom
par hasard, en 1987, en tombant sur son propre certificat
de baptême, daté de 1945. Le document mentionnait ceci : « Père :
Erwin Konstant Johannes Schmidt. » « Ma mère me l'a arraché des mains
avant de le déchirer et de le jeter au feu », poursuit
Erwin.
Jamais reconnus en tant que victimes
A
l'adolescence, il faisait le coup de poing quand on se moquait de son
physique, mais personne n'a jamais eu connaissance
de ses origines. « Ma mère m'avait fait jurer de ne jamais raconter
que mon père était allemand. Elle ne voulait pas que j'apprenne cette
langue », souffle-t-il. Je ne dois pas être tout seul
dans ce cas. Souvent je me demande où sont passés les autres
enfants... » Pour la première fois depuis le début de son récit, une
larme coule sur son visage. Pourquoi être ainsi sorti du silence
? « Peut-être que quelqu'un me reconnaîtra. » Quelqu'un capable de
le faire sentir moins seul avec son histoire. Quelqu'un capable de lui
répéter que les bébés des Lebensborn - jamais reconnus en
tant que victimes - ne sont coupables de rien. Nés d'un père SS ou
non, ils n'étaient que des enfants.
La quête sans fin d'une famille
Pour
les enfants des Lebensborn, la recherche de leurs origines est une
quête vertigineuse. Certains d'entre eux, rendus à
leur mère après guerre, ont obtenu ainsi des bribes d'informations
sur leur père. D'autres, de parents inconnus, ont été confiés à
l'assistance publique ou adoptés, et cherchent à « savoir ».
C'est le cas de Walter Beausert et de Gisèle Niango.
Nés
au Lebensborn de Wégimont (Belgique), ils sont français depuis 1947,
après leur rapatriement - par erreur - en France.
Tous deux ont appris l'existence de ces maternités en ouvrant leur
dossier personnel à la Ddass (ex- Assistance publique). Depuis, ils ont
sillonné la France, la Belgique, l'Allemagne, pour
suivre des pistes, vérifier des hypothèses, souvent floues. «
Beausert n'est peut-être même pas mon vrai nom et je pense être né en
juin 1943 plutôt que le 1er janvier 1944 », explique Walter, en
regardant une photo prise en 1945, par les Américains, à Indersdorf
(Allemagne). Sur le cliché, un blondinet blessé à l'oeil fixe le
photographe. C'est lui.
En
1993, il retrouve en Belgique une femme nommée Rita P., qu'il pense
être sa mère. « Elle ne me l'a jamais dit, mais elle
m'a donné tant d'indices... » Walter connaît aussi l'identité de son
père allemand, un certain Hugo Lunderstedt. Rita, elle, est décédée en
1998.
De
son côté, Gisèle Niango - bébé, elle s'appelait Gizela Magula - a
identifié une partie de sa famille maternelle,
également en Belgique. Elle croyait avoir ainsi découvert le nom de
sa mère jusqu'au moment où, en avril, un nouveau document lui a démontré
qu'il y avait erreur sur la personne. Sa quête va donc
reprendre.
Thiolay Boris
« Des géniteurs grands, blonds, aux yeux bleus »
La
procréation d'enfants de « pure race aryenne » dans les Lebensborn est
au cœur même du fanatisme eugéniste des
idéologues SS. L'historien allemand Georg Lilienthal, spécialiste du
sujet, y voit le résultat d'une stratégie double : « D'un côté,
éliminer les êtres considérés comme ?inférieurs?, ce qui a
conduit à l'extermination des juifs et des Tsiganes ; de l'autre,
renforcer une supposée élite raciale en sélectionnant des géniteurs
grands, blonds, aux yeux bleus. »
En
1935, la première maternité de ce type est ouverte à Steinhöring
(Bavière). Heinrich Himmler, qui rêve de fonder un Etat
SS peuplé de 120 millions de Germains nordiques, place l'institution
sous son autorité. La direction est confiée au colonel SS Max Sollman,
administrateur en chef, et à l'Oberführer SS et médecin
Gregor Ebner, chargé de la sélection. Le but est d'éviter 1million
d'avortements annuels, en permettant à de futures filles-mères
d'accoucher en secret. C'est l'un des aspects les plus mystérieux
du programme : les naissances ne sont pas déclarées à l'état civil,
l'identité du père est cachée.
Les
maternités accueillent des femmes enceintes de membres de l'ordre noir
SS, éventuellement de cadres de la Wehrmacht et
du Parti nazi. Les SS, en particulier, se doivent d'avoir une
nombreuse progéniture, y compris hors mariage. Ces enfants sont «
offerts » à Hitler et confiés à des familles d'adoption. Plus tard,
ils constitueront l'élite d'un IIIe Reich censé durer mille ans...
Objets
de multiples fantasmes, « les Lebensborn n'étaient ni des haras humains
ni des bordels, poursuit Georg Lilienthal.
Ils prétendaient être des établissements modèles, exploitant du
matériel génétique ». En 1940, on en compte 10 en Allemagne. D'autres
sont créés durant la guerre : 9 en Norvège - sanctuaire
supposé de la « race nordique » - 3 en Pologne, 2 en Autriche, 1 au
Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en France. Environ
9 000 SS-kinder (enfants SS) seraient nés en Norvège,
presque autant en Allemagne, quelques centaines ailleurs.
Les
responsables du Lebensborn, obsédés par le fait de récupérer le « sang
aryen » disséminé en Europe, ont aussi kidnappé
près de 200 000 enfants en Pologne. Ils furent placés dans des
familles, envoyés au front ou contraints au travail forcé. En 1947-1948,
Sollman, Ebner et leurs complices ont été jugés à
Nuremberg, mais le tribunal allié n'a pas retenu le « caractère
criminel » du Lebensborn : ils furent libérés à l'issue du procès.
Thiolay Boris
France 1944 - La fabrique des enfants parfaits
Par Boris Thiolay, publié le 06/07/2009
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