MARC AUGIER DIT SAINT-LOUP
Saint-Loup : Brasillach et les guerriers
Saint-Loup, de son vrai nom Marc Augier, est un écrivain français, né le 19 mars 1908 à Bordeaux, et mort tranquillement dans son lit, le 16 décembre 1990 à Paris.
Durant l'Occupation, Marc Augier dirige le mouvement Jeunes pour l'Europe nouvelle, l'organe de jeunesse du Groupe Collaboration, et devient rédacteur en chef de l'hebdomadaire collaborateur La Gerbe, dont le directeur de publication est Alphonse de Châteaubriant.
Intégrant le Bureau politique du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, il suit ensuite la LVF, en juillet 1942. Il est blessé et rapatrié, et édite en juin 1943 Le Combattant européen, journal de la LVF4.
Il retourne en Allemagne en 1944 auprès de la Waffen-SS française sur le front de l'est, en tant que correspondant de presse attitré.
À la fin de la guerre, il transite par le centre de formation de l'Allgemeine-SS allemande à Hildesheim ; il est également responsable de la publication Devenir, organe officiel de la Waffen SS française.
Il est en avril 1945 en Italie.
Il est condamné à mort par contumace le 15 novembre 19485.En ce 6 février, souvenons-nous aussi des héros de 1934, tombés eux aussi sous les balles de la gueuse, cette vieille putain qui n'en finit plus d'agoniser malgré les renforts de l'extrême droite la plus haïssable. C'est contre eux aussi, contre les parvenus ayant acquis malhonnêtement des fortunes immenses, contre ces politiciens du régime qui, du haut de leurs palais, de Montretout ou d'ailleurs, osaient parler de la France et des travailleurs qu'ils avaient trahi, que ces nationalistes se sont levés, qu'ils ont combattu et sont morts sans avoir cédé.
En l'honneur de nos morts, voici un texte de Saint-Loup qui rappelle que plusieurs voies s'offre au guerrier pour combattre et se sacrifier.
Saint-Loup : Robert Brasillach et les guerriers
Jusqu’en 1941, la collaboration franco-allemande, dans
la mesure où elle existait, intéressait presque exclusivement les partis
politiques de la zone « Nord », les journalistes et les écrivains,
une certaine aristocratie et, bien entendu, les affairistes parmi
lesquels bon nombre de Shylock israélites n’étaient
pas les derniers à prélever leur livre de chair sur le monstre
hitlérien. Le peuple, lui, se réservait. L’Allemagne n’avait exporté que
les formes les plus détestables de sa puissance : la
Wehrmacht frédéricienne, sa police, ses commissions de réquisition
et d’achat. Elle conservait les prisonniers tombés entre ses mains après
le plus loyal des combats. Alphonse de Châteaubriant,
les deux Abel, Bonnard et Hermant, Drieu La Rochelle, Brasillach
avaient annoncé qu’elle apportait, dans ses fourgons, la révolution
fasciste. Les ouvriers attendaient une application française
de cette prodigieuse transformation sociale réalisée en Allemagne
par Hitler. Lui qui avait « rendu l’honneur » au peuple travailleur,
qu’attendait-il pour déprolétariser la
France ?
La collaboration s’enlisait. Aux questions de plus en
plus angoissées de Drieu et de Brasillach, le directeur de l’Institut
allemand, Karl Epting, ne pouvait jusqu’à nouvel ordre qu’opposer la
déclaration du prophète hitlérien : « Le National-Socialisme n’est pas un article d’exportation ».
Il
lui était plus facile de donner satisfaction à François Mauriac qui,
lui, ne demandait pas autre chose qu’un appui pour se faire jouer à
Paris.
La collaboration avait rallié les plus grands des
écrivains français. Plus réservé qu’Henry de Montherlant qui donnait des
articles à La Gerbe, ou Giono dont Signal campait le personnage de faux-prophète, Louis-Ferdinand Céline me disait, alors que je lui demandais un article :
-Mon p’tit, j’ai écrit sur les Juifs tout ce qu’il fallait avant
la guerre. Maintenant que les Boches sont là, j’veux pas en remettre.
Je crache pas sur les vaincus !
Brasillach ne crachait pas sur les vaincus mais il
attendait de Mussolini et d’Hitler la réalisation du fascisme qu’il
avait
annoncé à la France. Angoisse extrême. Nous avions sacrifié le
nationalisme – trente avant ans avant la CED ou le Marché commun – en
faveur d’une Europe unie et socialiste. Et le visage qui s’en
dessinait, à travers les silences de l’Allemagne, les réticences
d’Hitler, c’était un espace asservi à une nouvelle hégémonie nationale. À
travers les lignes de Brasillach on pouvait lire les
prémices d’un proche désenchantement.
22 juin 1941. L’Allemagne s’est jetée sur la Russie.
Août 1941, Jacques Doriot, Marcel Déat, Costaini, Deloncle fondent la
« Légion des Volontaires Français » contre le Bolchevisme. Désormais
une porte permet de sortir, dans l’honneur, de l’imposasse de la
collaboration. Se faire tuer sur le front de l’est,
aux côtés des soldats allemands, voilà le moyen idéal de résoudre
toutes les contradictions internes. Dans une autre hypothèse, vaincre la
Russie aux côtés de l’Allemagne, c’est acquérir des
pouvoirs et des droits sur elle, un moyen d’imposer le fascisme
européen tel que l’entend Brasillach.
C’est aussi, donner de soi-même, en tant qu’homme
politique, écrivain ou philosophe, un gage d’authenticité. Or, que
rencontre-t-on dans la « LVF » ou la « Waffen SS » sur ce front où
« le Diable se plaît à rire » ? Des ouvriers, des paysans, des
soldats de carrière,
mais fort peu d’intellectuels ! Deux écrivains seulement, dont
l’exquis Jean Fontenoy, une poignée de journalistes, Lousteau, Azéma,
Caton, Le Merrer. Tout le monde attend Brasillach.
Il apparaît en 1942, dans le cortège de François de
Brinon qui visite les postes LVF installés entre la Bérésina, Gomel et
Vitebsk, en plein pays partisan. Je me souviens de son air
émerveillé et craintif en même temps, alors qu’il passait devant les
rudes gaillards trempés dans le bain glacé ou brûlant de la Russie.
Je le revois touchant avec une sorte de respect les longs canons
noirs de MG 34 et j’aperçois encore les larmes qui brillaient dans ses
yeux tandis que montait, le long des mâts des petits
postes, le drapeau tricolore qu’une poignée d’hommes faisaient
flamber sur ces espaces inhumains.
Il disparut, entre deux blindés légers de
reconnaissance, dans le sillage de l’ambassadeur, alors que le
crépuscule bleu
pénétrait dans les isbas et nouait ses crêpes autour des croix de
bois marquant les tombes nombreuses, si nombreuses, de nos camarades
français reposant dans le cimetière de Smorki. Il allait
visiter les célèbres fosses de Katyn où se décomposait l’élite des
officiers de l’Armée polonaise, « l’intelligenzia » héroïque de ce petit
peuple, assassinée par Joseph Staline. On le
revit plus sur le Front de l’Est.
Robert Brasillach, second en partant de la gauche
Je le rencontrai de nouveau en 1943, dans un salon de
l’ambassade allemande de Paris. Je ne frayais jamais, par principe, avec
les « salonnards » de la collaboration, une collaboration qui
devenait, pour ces gens, purement alimentaire. Mais il me fallait
rencontrer là Otto Abetz ou Achenbach. C’est Robert
Brasillach que j’aperçus. Il se tenait appuyé aux tapisseries
grises, face aux fenêtres donnant sur le jardin et la Seine, isolé,
recevant de face la froide lumière du nord. On aurait dit un très
sage élève de « Cagne » attendant son tour de passer devant
l’examinateur. Les dames collaborantes ne le fêtaient pas. Il était
célèbre, certes, mais laid. Je m’approchai de lui et
saisi l’occasion pour lui demander un article.
Je dirigeai alors le journal de la LVF, Le Combattant européen que
j’avais arraché à
sa direction purement allemande en revenant de la Russie, avec
l’aide intelligente et francophile de Bentman, le beau-frère d’Otto.
Brasillach me répondit :
-Oh, ce n’est pas vraiment possible. Le Combattant européenest un journal de soldat. Je suis indigne d’y écrire une seule ligne car l’âge et les moyens physiques de me battre à la
LVF et je reste à Paris, « planqué ». Ce n’est pas possible.
Cette merveilleuse sincérité m’impressionna. Elle ne
suffisait pas à expliquer l’absence de Brasillach parmi les guerriers.
Je
sentais bien que son courage était d’une autre essence que le nôtre,
que son combat se situait à des altitudes plus élevées, mais il m’a
fallu des années pour en comprendre la philosophie.
J’ai rapporté dans Les Volontairesles
entretiens de Brasillach avec l’un de ses camarades de l’École
normale que j’appelle, pour d’impérieux motifs de discrétion, « Le
Fauconnier ». Mais je ne le revis qu’une fois en 1944.
Je lui demandai :
-Quand partez-vous ?
C’était en août. La plus gigantesque rafle policière, la
plus impitoyable des Inquisitions que le monde ait jamais connues,
s’apprêtaient à déferler sur la France, vêtues des plus mensongères
couleurs du patriotisme. Brasillach me dit :
-Je ne pars pas.
Il ajouta en souriant, timide et modeste comme à l’accoutumée :
-Voyez-vous, je suis comme Danton. Je ne peux pas emporter ma patrie à la semelle de mes souliers !
Pauvre Brasillach ! Naïf Brasillach ! Il n’avais pas compris que l’heure était venue d’écouter Trotzky :
« En période de troubles graves, le premier devoir d’un révolutionnaire est de plonger dans l’anonymat des foules pour survivre. »
J’avais lu Trotzky. Entre les communistes et
nous n’existait qu’une fragile frontière représentée, il est vrai,
par ce rideau de mort qui flambait sur le front de l’Est. Mais en ce qui
concerne Brasillach, je compris plus tard que ce que je
prenais pour de la naïveté n’était que la réponse fournie à l’appel
du destin plus élevé que celui du révolutionnaire que j’étais.
Je ne le revis plus. J’appris la nouvelle de son supplice dans les Alpes de Bavière.
C’est en parlant avec Charles Lesca, en relisant Je Suis Partoutbien
des années plus tard, en République argentine, que j’ai compris
pleinement le sens profond de l’absence de Brasillach parmi les
guerriers du fascisme. En 1944, le
climat interne du journal qu’il animait s’était profondément altéré.
Il y avait le clan des propagandistes et celui des consciences.
Brasillach dominait celui-ci. C’était l’époque où il
déclarait :
-Je ne puis tromper mes lecteurs en écrivant que l’Allemagne va gagner la guerre puisque je sais désormais qu’elle est perdue.
Admirable leçon pour les journalistes d’aujourd’hui, qui
ne savent plus résister aux ordres de « grands patrons » de
presse qui poussent leurs entreprises dans les bas-fonds les plus
troubles de l’esprit humain !
Enfin je compris tout. Brasillach ne s’était pas mêlé
aux guerriers parce qu’il avait horreur de la guerre. Plus exactement,
il
ne pardonnait pas au fascisme de s’être laissé acculé à la guerre,
ou de l’avoir provoquée (l’histoire ne s’est pas encore prononcée
là-dessus et toutes les propagandes de
« responsabilités », y compris à Nuremberg, tomberont dans l’oubli).
La grande chance du fascisme, c’était la paix. Nous, les guerriers, ne
regrettons rien, sinon, comme Brasillach,
cette grande espérance de l’Europe fasciste en grande partie trahie
par Hitler lui-même ; Hitler donnant à son appétit de nouvelles terres
germaniques la primauté sur l’exportation de la
révolution sociale qu’il avait réalisé et qui possédait une valeur
universelle. Nous, les guerriers, avons été trompés quant aux buts de la
guerre en Russie. Mais nous l’avons faite pour détruire
le Bolchevisme, donc le Mal (et nous l’avons effectivement détruit
en Russie) en même temps que pour sortir, le front haut, de l’impasse de
la collaboration. Brasillach a choisi une autre voie,
mais il s’est échappé par une porte plus étroite. Et lui vit – alors
que nous sommes depuis longtemps oubliés.
Un être de lumière comme lui ne pouvait pas mener le
combat avec des armes ordinaires. Il lui en fallait de mieux trempées
que
celles des Spartiates qu’il admirait. Il les a trouvées dans le
supplice et sa mort vise plus haut que sa vie, son sacrifice porte
infiniment plus loin que sa plume. Il a
« transfiguré » jusqu’au fascisme qu’il soutenait.
Le fascisme, le national-socialisme sont morts en même
temps que lui et ne ressusciteront point. Mais pendant que les guerriers
luttaient pour leur conservation, que Spartacus poussait à l’extrême
la révolte des Aryens, naissaient des formes plus hautes de la pensée,
façonnées par une objectivisation de la science.
L’homme d’avant 1939, qui ne pouvait se définir comme le chrétien du
Moyen Age, qui ne savait plus exactement qui il était, ne savait même
plus s’il « était », après 1945, sait
exactement ce qu’il représente, du moins à travers les élites. Il
existe aujourd’hui une nouvelle créature , une nouvelle religion.
En se précipitant sur
la France en 1944, les Inquisiteurs, chargés de mission par les
Cosmopolites, ne pouvaient pas ne pas commettre les fautes capitales
qui ont toujours produit les mêmes effets.
En suppliciant Brasillach,
ils ont fourni un martyr à la religion qui venait de
naître, un parmi bien d’autres, certes, mais de qualité
exceptionnelle.
Sanguis martyrum semet christianorum. Il est vrai qu’il ne s’agit plus de
christianisme, puisque Dieu, lui aussi, est mort.
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