JIHAD : UN EXCELLENT ARTICLE D'ALEXANDRE DEL VALLE
« Tensions sur le droit au blasphème : voit-on assez le méthodique jihad juridique engagé depuis plus de 20 ans ? »
Depuis que le scandale autour du film
islamophobe L’innocence des musulmans a éclaté à l’occasion de
l’anniversaire du 11 septembre sur une chaîne islamiste égyptienne,
beaucoup d’encre et de sang ont coulé. Les fanatiques salafistes ont
ressuscité un film (au départ passé totalement inaperçu) attribué à un
américano-égyptien, qui a lui-même tenté de le faire endosser par des
« donateurs juifs sionistes ». Cette version a naturellement trouvé un
écho favorable chez les islamistes, adeptes de théories
conspirationnistes, qui rendent juifs et Américains responsables de tous
les maux des musulmans.
La suite est connue qu’elle se soit
déroulée à Benghazi (Libye), en Egypte, en Tunisie, au Yémen ou en
Allemagne. Très vite, on est passé de l’antijudaïsme et de
l’anti-américanisme à une haine antioccidentale généralisée. Au
Pakistan, des « blancs » ont été attaqués, menacés ou insultés juste
parce qu’ils avaient des faciès d’Occidentaux.
Ceci dit, et contrairement à ce qu’ont
laissé croire les médias, meilleures caisses de résonance des
islamistes, peu de mobilisations massives ont réellement eu lieu,
excepté celles organisées au Pakistan par les partisans de la peine de
mort pour le blasphème, puis au Liban, à l’appel du Hezbollah chiite. Il
est vrai que la République islamique iranienne chiite, parraine de ce
dernier, refuse de se faire voler la vedette dans la lutte
antioccidentale et la chasse à « l’islamophobie » : un Ayatollah a donc
opportunément ressuscité l’affaire Salman Rushdie en portant à 3
millions de dollars le contrat mis sur la tête de l’auteur des Versets
sataniques.
Et l’Ayatollah Khomeiny inventa l’expression « d’islamophobie »
Rappelons que c’est l’Ayatollah Khomeiny
qui lança en 1989 l’expression « d’islamophobie » et qui testa le
premier les capacités de réaction (et de soumission) de cet Occident
qu’il méprisait et jugeait lâche. A l’époque déjà, plutôt que de
défendre en bloc Salman Rushdie, les responsables politiques et
religieux occidentaux se désolidarisèrent des propos « blasphématoires »
de l’écrivain, jugés responsables de la « colère » des fous de Dieux
qui tuèrent d’ailleurs le traducteur japonais des Versets Sataniques.
Quelques années plus tard, les
dirigeants occidentaux et les médias se désolidarisèrent d’une autre
Voltaire du monde musulman, la Somalienne « apostat » Ayaan Hirsi Ali,
devenue députée hollandaise, puis de Théo Van Gogh, qui produisit avec
elle le film Submission qui « offensait les musulmans ». Ces deux
« islamophobes » furent accusés d’avoir « provoqué » l’ire de leurs
bourreaux, et Van Gogh fut assassiné en pleine rue par un islamiste
hollandais d’origine marocaine proche d’Al-Qaïda, Mohammed Bouyeri,
tandis que Hirsi Ali dut s’exiler aux Etats-Unis pour fuir les menaces
de mort…
Depuis lors, intimidé par le fanatisme
et tenu par ses « alliés » musulmans producteurs de pétrole (et / ou
protecteurs des Talibans et d’Al-Qaïda comme le Pakistan ou l’Arabie
saoudite), l’Occident a systématiquement abdiqué face aux
offensives-tests des partisans de la censure islamiste désireux de
répandre l’esprit de la charia et de la « dhimmitude » en Occident.
Citons les déclarations officielles des dirigeants américains et
européens (excepté l’Italie et le Danemark) condamnant les
caricaturistes danois de Mahomet (du journal Jyllands-Posten, en 2005)
et les propos mal compris du Pape Benoît XVI sur l’islam tirés du
discours Foi, raison et université (septembre 2006).
Plus récemment, le film anti-islam,
L’Innocence des Musulmans et les énièmes caricatures de Mahomet
diffusées par Charlie Hebdo ont été officiellement condamnés par Barack
Obama et Hillary Clinton, jusque dans des spots publicitaires diffusés
en boucle dans les télévisions du Pakistan… Déjà en 2009, dans son
discours du Caire, plutôt que de demander amicalement aux Etats
musulmans de combattre les jurisprudences le plus liberticides de la
charia et les persécutions des minorités, Barack Obama prononça un
discours totalement déresponsabilisant et victimisant pour les Musulmans
mais qui culpabilisait en revanche la supposée « islamophobie » de
l’Occident et vantait les « Lumières de l’Islam » sans jamais oser
parler de réciprocité dans la tolérance.
Dorénavant, les grands médias et
responsables occidentaux renvoient dos à dos les caricaturistes
pacifiques et les islamistes terroristes, comme si les premiers étaient
comparables à des fanatiques qui trouvent toujours un prétexte pour
étancher leur soif de sang et atteindre leurs objectifs liberticides.
Dans le pays de Voltaire, où le droit au blasphème s’exerce contre
l’Eglise catholique sans jamais être dénoncé officiellement, le Premier
ministre Jean Marc Ayrault et le Quai d’Orsay ont fait une exception
pour l’islam en désavouant les caricaturistes. Renouant avec l’esprit
munichois, les Occidentaux vont souvent encore plus loin que certains
officiels et médias arabo-musulmans qui ont parfois bien plus clairement
que leurs confrères occidentaux refusé d’analyser les violences
obscurantistes comme des « réactions à l’offense » (voir les éditos
courageux d’Al Sharq al Awsat, de L’Orient le Jour, ou de Tahar Ben
Jelloun et du tunisien Abdelwahhab Medeb).
Pétris de mauvaise conscience
d’ex-colonisateurs, les médias, clergés et politiques européens sont
tombés dans le double piège tendu par les islamistes : celui des
fanatiques qui intimident en tuant ; et celui des interlocuteurs
islamiques officiels, qui assortissent le rejet des violences à une
exigence de pénalisation de « l’islamophobie ».
Le « jihad juridique » de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) et des Frères musulmans
Ainsi, pour calmer la « colère » des uns
et satisfaire les requêtes liberticides des autres, les responsables
occidentaux s’excusent collectivement pour des actes « islamophobes »
commis par quelques uns, alors que ni les gouvernements ni les masses
d’Occident n’en sont d’aucune façon justiciables. En reculant de la
sorte, ils reconnaissent de facto la nécessité de limiter la liberté
d’expression. Erreur stratégique majeure, car en condamnant les
journalistes ou scénaristes qui « provoquent » la colère des islamistes,
ils incitent ces nouveaux censeurs à exiger toujours plus.
C’est ainsi que Mahmoud Gozlan,
porte-parole des Frères musulmans, tout en saluant les critiques du
gouvernement français envers Charlie Hebdo, a immédiatement invité la
France à adopter des lois pour pénaliser l’islamophobie, osant même
dresser un parallèle avec les lois mémorielles condamnant le
négationnisme et l’antisémitisme : « Quiconque doute de l’existence de
l’Holocauste est emprisonné, mais si quelqu’un insulte le Prophète, ses
compagnons ou l’Islam, le maximum que fasse (la France) est de présenter
ses excuses en deux mots. Ce n’est ni juste ni logique », a lancé
Mahmoud Gozlan. « Nous rejetons et condamnons les caricatures françaises
qui déshonorent le Prophète et nous condamnons toute action qui diffame
le sacré », a déclaré quant à lui, Essam al Erian, haut responsable du
Parti liberté et justice (PJD, Frère musulman) au pouvoir en Egypte,
exigeant que la justice française « s’attaque au problème avec autant de
fermeté que pour les photos seins nus de la duchesse de Cambridge, Kate
Middleton », publiées dans Closer.
Dans ce processus de renversement des
responsabilités à des fins liberticides, l’organisation de la
Coopération islamique (OCI), plus grande organisation
intergouvernementale après l’ONU, regroupant 57 pays musulmans et dont
l’Arabie saoudite, le Pakistan, la Turquie et l’Egypte sont les leaders,
joue un rôle capital à l’échelle mondiale. Sous couvert de « défense
des minorités musulmanes menacées », l’OCI use de son influence pour
empêcher l’intégration des immigrés musulmans d’Occident, pris en otage
par les barbus et abandonnés par nos gouvernements capitulards qui les
confient depuis des années aux prédicateurs étrangers et aux Etats
islamiques « alliés » qui combattent tout prosélytisme chrétien chez eux
et refusent toute réciprocité mais répandent la « vraie foi » en Europe
et ailleurs…
Pour entériner cette absence totale de
réciprocité et imposer la suprématie de la charia sur la conception
laïque et universelle des droits de l’homme, en 1981 et en 1990, l’OCI a
proclamé deux « Déclarations islamiques universelles des droits de
l’homme » faisant prévaloir l’esprit de la Charia et limitant la liberté
religieuse (condamnation du blasphème et du droit à choisir sa
religion). Et depuis 1999, l’OCI a tenté de faire transcrire dans le
droit international, notamment au sein des Nation Unies, les concepts de
« diffamation des religions » et d’ « islamophobie », véritables armes
de guerre juridiques contre la liberté d’expression et pour promouvoir
la Charia dans le monde.
Comble du paradoxe : les
principaux Etats partisans de la pénalisation de l’islamophobie au sein
de l’OCI sont les plus christianophobes ou les plus intolérants : Arabie
saoudite, Soudan, Pakistan ou Turquie (candidate à l’entrée
dans l’UE mais niant toujours le génocide d’un million et demi de
chrétiens arméniens et araméens…)
Rappelons qu’à l’intérieur de l’OCI et
du Conseil de Droits de l’Homme de l’ONU (CDH), le plus virulent
promoteur de la pénalisation de l’islamophobie, le Pakistan, persécute
officiellement ses minorités à travers un Code pénal qui condamne à mort
les « blasphémateurs » ou les prosélytes chrétiens qui « insultent
l’islam ». Rappelons qu’en 2011, l’ancien ministre pakistanais des
minorités, chrétien, Shahbaz Bhatti, puis l’ancien gouverneur du Penjab,
musulman, furent tués pour avoir proposé l’abolition de la loi sur le
blasphème et demandé la libération de la célèbre mère de famille
chrétienne condamnée à mort pour blasphème, Asia Bibi. C’est ce même
Etat qui, en 1999, présenta au CDH une résolution sur la « diffamation
de l’islam » (édulcorée ensuite en « diffamation des religions »).
Même « deux poids, deux
mesures » au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, où l’
« islamophobie » de l’Occident est officiellement condamnée, alors que
les persécutions des chrétiens et des autres minorités au Pakistan, en
Arabie saoudite, au Soudan, au Nigeria ou en Egypte sont
systématiquement niées avec la complicité des pays occidentaux
qui n’interviennent dans ces instances que pour sanctionner les pays (en
général pro-Russes et pro-Chinois ou pro-Iraniens) qui menacent leurs
intérêts stratégiques et pétroliers, et qui épargnent toujours les
monarchies esclavagistes sunnites « alliées » du Golfe ou du Pakistan
qui persécutent les chrétiens et les chiites…
Grâce à cette inversion des
responsabilités, on observe que depuis le 11 septembre 2001, non
seulement les Etats islamiques les plus liés aux Talibans et à Al-Qaïda
(Arabie saoudite, Egypte, Afghanistan et Pakistan) n’ont toujours pas
entrepris leur nécessaire autocritique, mais ils ont été auto-exonérés
de combattre les racines idéologico-théologiques du totalitarisme
islamiste (qu’ils favorisent dans leurs chancelleries et madrasas) en
accusant Occidentaux et « sionistes » de « persécuter » les musulmans et
de soi-disant « salir l’islam ».
Ainsi, en mars 2008, après trois années
de violences islamistes en « réaction » aux « caricatures » de Mahomet
ou au discours « islamophobe » de Benoît XVI, l’ONU adopta une
résolution de l’OCI condamnant la « diffamation des religions » (en fait
de l’islam). L’Assemblée générale se déclara « profondément blessée par
la diffamation de la religion et de l’islam dans le monde entier et en
particulier dans les démocraties occidentales », en prétextant que les
guerres d’Irak et d’Afghanistan étaient des « génocides » de musulmans,
mais elle passa totalement sous silence les massacres de chrétiens dans
le sud Soudan ou ailleurs…
L’OCI exigea que les démocraties
occidentales pénalisent l’ »islamophobie ». En 2010, une autre
Résolution fut adoptée par le CDH condamnant l’initiative populaire
suisse interdisant les minarets. En juin 2011, un Comité du Conseil des
droits de l’homme décida d’abandonner le concept de « diffamation des
religions », en rappelant que les lois anti-blasphème comme celles en
vigueur en Égypte, en Arabie Saoudite ou au Pakistan violent les Droits
de l’homme.
Mais ce concept liberticide fut
reformulé par l’OCI avec la Résolution “16/18″ adoptée le 19 décembre
2011 au Conseil des Droits de l’homme, résolution qui combattait
« l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la
discrimination, l’incitation à la violence contre des personnes en
raison de leur religion ou de leur croyance ».
Le « Processus d’Istanbul »à l’assaut de la liberté d’expression
La nouvelle stratégie pour appliquer la
‘’Résolution 16/18’’ fut conçue par le Secrétaire général de l’OCI,
Ekmeleddin Ihsanoglu (diplomate turc nommé par le parti islamiste AKP au
pouvoir à Ankara), lors d’une réunion internationale de l’OCI organisée
à Istanbul en juillet 2011. Cette « Conférence d’Istanbul » appelait à
interdire toute critique de l’islam sous le prétexte de combattre
« l’intolérance contre les religions ». Elle permit de faire avancer de
façon nouvelle la notion de « diffamation des religions » appliquée aux
Droits de l’homme.
Le texte de l’OCI invitait à « créer
l’environnement nécessaire favorable à l’interdiction de la diffamation
des religions et l’incitation à la haine, à la violence et à la
discrimination pour des motifs religieux (…) soulignant l’importance des
limites au droit à la liberté d’opinion et d’expression, dans un cadre
structuré multilatéral et à la lumière des événements comme le brûlage
du Coran, selon le test des conséquences ».
Or ce concept très dangereux, qui nous ramène à l’actualité
des caricatures de Mahomet et du film anti-islam, repose sur une
formidable inversion des responsabilités : il ne rend pas les fanatiques
responsables des violences mais les caricaturistes eux-mêmes, accusés
de « provoquer » les réactions violentes des islamistes,
simples « conséquences » de l’islamophobie, d’où l’impératif de la punir
légalement. La « Déclaration d’Istanbul » alerte le monde à propos
« des implications (conséquences) dangereuses de la montée de
l’islamophobie sur la paix et la sécurité mondiales. Nous insistons sur
la nécessité de développer à l’ONU, y compris au Conseil des Droits de
l’homme, un instrument institutionnel juridiquement contraignant afin de
promouvoir le respect de toutes les religions et les valeurs
culturelles et de prévenir l’intolérance, la discrimination et
l’incitation à la haine contre un groupe ou les adeptes d’une
religion ». Après la première réunion d’Istanbul du 12 au 14 décembre
2011, l’OCI rencontra à Washington l’Administration Obama afin de
convaincre le Président américain d’adhérer au « Processus d’Istanbul »
et de mettre en oeuvre la Résolution 16/18 de 2011.
Avec l’approbation officielle d’Hillary
Clinton, l’OCI marqua un coup diplomatique majeur. Désormais, c’est
l’Union européenne qui envisage d’accueillir la prochaine réunion du
« Processus d’Istanbul ».
Les démocraties du monde entier doivent
refuser toute forme de limitation ou de pénalisation du droit
d’expression, y compris celui de critiquer les religions, même les plus
« susceptibles ». Car certains principes universels ne sont ni
négociables ni « adaptables » en fonction des cultures religieuses, ou
alors il faudrait admettre le sacrifice humain, l’esclavagisme ou
l’infériorité des sous-castes sous prétexte qu’ils sont permis dans
certaines religions. Il convient donc de retourner contre les
fanatiques les mêmes armes redoutables qu’ils utilisent pour accabler
les démocraties laïques, en rappelant notamment que nombre de pays de
l’OCI persécutent ou tuent les non-musulmans, les musulmans libéraux et
les incroyants en toute impunité. Les démocraties occidentales, de
culture judéo-chrétienne, doivent agir elles-aussi au sein des Nations
unies afin de dénoncer l’accusation-miroir de l’OCI qui reproche
« l’islamophobie » de l’Occident mais cautionne la christianophobie
islamique légitimée par les « lois anti-blasphème » ou
« anti-prosélytisme ».
La triste réalité est que l’islamisme
radical antioccidental, tel que conçu et diffusé jusque dans les
banlieues européennes par les prédicateurs salafistes formés dans des
pays soi-disant « alliés »(Pakistan, Arabie saoudite, etc), est le
système de haine globale le plus combattif et efficace, l’idéologie
totalitaire antisémite et christianophobe la plus en vogue.
Partout, ce
« fascisme vert » anti-occidental progresse grâce à la peur qu’il
suscite et à la violence qu’il déploie. Et ceci doit hélas beaucoup aux
médias occidentaux qui font plus d’audimat avec les barbus fanatiques
qu’avec des musulmans libéraux…
Or, d’évidence, les premières victimes
de ce « fascisme religieux » sont les minorités et les musulmans
modérés, qui vivent sous la menace et la terreur permanentes.
Un
phénomène croissant que le « Printemps arabe » (vite devenu un « hiver
islamiste ») n’a pas endigué, mais plutôt accéléré.
Car de Rabat à
Sanaa, en passant par Tunis, Damas ou Bagdad, la source de légitimité du
pouvoir est la Charià, qui, lorsqu’elle est appliquée dans sa version
orthodoxe ou radicale, n’est jamais une bonne chose pour les minorités
et les adeptes de la liberté…
© Alexandre Del Valle. L’article original peut être consulté ici
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