mercredi 5 septembre 2012

LA RETRAITE DE RUSSIE

La retraite de Russie 1812 vu par les Popov

Publié le 04/09/2012
 par konigsberg


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La Commission d'État pour la préparation et le déroulement des célébrations en l’honneur du 200ème anniversaire de la victoire de la Russie contre l’armée de Napoléon a organisé le 8 août sa dernière réunion avant le début des événements.
 
 
Depuis le début de cette année, la vie culturelle de la Russie se déroule sous l’influence des événements consacrés au 200ème anniversaire de la victoire de la guerre de 1812. A cette occasion, de nombreux monuments ont été restaurés, des spectacles consacrés à la victoire des Russes contre l’armée de Napoléon ont été mis en scène, et des expositions sur la thématique de la guerre de 1812 ont ouvert leurs portes.
Les principales festivités sont prévues en automne de cette année. L'un des points forts du programme culturel, ce sera la reconstruction de la bataille de La Moskova/Borodino, la principale bataille, où se sont affrontées l’armée russe et napoléonienne. Il s’agit d’une bataille sanglante, qui s’est déroulée près de Moscou, et lors de laquelle les Français ont remporté tactiquement la bataille. Epuisée et par ordre du commandement de l’armée russe, la capitale de la Russie avait été livrée à Napoléon. Le triomphe de l'Empereur français a par la suite été ébranlé, car c’est à partir de Moscou qu’a commencé la retraite des troupes françaises de Russie. La théâtralisation de la bataille de La Moskova/Borodino est devenue une tradition dans les célèbrations. On l’organise en septembre de chaque année. Mais cette fois, environ 700 « soldats étrangers », des participants des clubs de reconstitution historique se joindront aux célébrarations. Car il y a 200 ans, sur le champ de La Moskova/Borodino, presque toute l’Europe se battait aux côtés des Français contre les Russes. L’orchestre militaire de France aura l’honneur de jouer l’ouverture solennelle 1812 de Tchaïkovski. Pour Boussyguine, l’attention que les historiens attachent à La Moskova/Borodino est tout à fait naturelle.
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Une des caractéristiques de la Campagne de Russie ce fut l’engagement et le rassemblement d’une gigantesque cavalerie dans les rangs de la Grande Armée. Cette cavalerie extrêmement nombreuse pour l’époque ne doit pas faire oublier que cette armée utilisait également les chevaux dans toutes les autres armes et services.
Combien de chevaux furent-ils ainsi utilisés durant la Campagne ? A ce jour, les historiens n’ont toujours pas donné de réponses satisfaisantes, 150 000 ? Beaucoup plus ? Nous serions en peine à l’heure actuelle de répondre.
Il faut toutefois s’imaginer l’aspect qu’avaient les colonnes impériales en marche, les centaines de canons avec leurs attelages, les ambulances, les caissons d’artillerie, les caissons de munitions, les voitures des cantinières, des Etats-majors, des services cartographique, de la Poste, mais aussi les forges roulantes, les cuisines roulantes et les nombreuses charrettes et autres voitures ramassées plus ou moins sur la route pour transporter vivres, eau-de-vie, havresacs et combien encore de matériels différents ?
Car le cheval à cette époque est la seule force motrice utilisée, mis à part les bras de l’homme qui ici ou là donne la main pour le passage difficile des pièces d’artilleries ou des voitures. Il est une des épines dorsales de l’Armée, il sert à porter, à transporter, il sert aux reconnaissances, il sert à briser. A cette époque, la Cavalerie napoléonienne était divisée en trois grandes catégories, la cavalerie légère, la cavalerie de ligne et la grosse cavalerie. La première formée des Hussards et des Chasseurs à Cheval avait la tâche d’éclairer l’armée, mais aussi d’aveugler l’ennemi et de le poursuivre le cas échéant. La seconde formée des Dragons et des Lanciers avait une tâche mixte. La dernière la plus prestigieuse, formée des Cuirassiers, des Carabiniers et des Grenadiers à Cheval avait un rôle de choc, d’écrasement de l’adversaire dans les batailles.
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Cette Cavalerie dont les meilleures unités étaient rassemblées dans la Garde Impériale a fait la légende impériale, et l’a rendu immortelle. Les Chasseurs à Cheval de la Garde portaient le nom « d’immortels » ou « d’invincibles », sobriquets qui leur fut donné par les autres composantes de l’Armée car ils avaient la charge de l’escorte de l’Empereur et ne voyaient de fait que bien rarement le feu… il aurait toutefois mieux valu ne pas avoir à le dire en face de l’un de ces glorieux vétérans ! Les Cuirassiers étaient surnommés « les gros frères », car ils étaient choisis parmi les hommes les plus grands et les mieux battis et se trouvaient juchés sur de gros chevaux capables de les porter, eux et leurs cuirasses étincelantes. Quant, aux Hussards, mauvais garçons par excellence, leur courage et leur propension à tirer le sabre en duel a été mise à l’image dans le magnifique film de Ridley Scott, Les duellistes.
Durant les guerres de la Révolution et de l’Empire, la Cavalerie française avait connu une évolution constante. Aux débuts de ces guerres, elle avait une réputation d’infériorité par rapport à ses homologues prussienne, russe et surtout autrichienne, mais au fil du temps et des combats elle était devenue la meilleure de toute l’Europe. Le Duc de Wellington lui-même, après la guerre, avait déclaré que la Cavalerie française était la plus mal montée mais la meilleure cavalerie du Monde tout en affirmant qu’il n’aura pas aimé voir s’affronter un escadron français et un escadron anglais, sachant d’avance le résultat ! Lorsque ce grand général anglais parlait des montures de la Cavalerie française, il faudrait dire que celle-ci était passée par le désastre de la Campagne de Russie…

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En effet, si les hommes eurent à souffrir atrocement dans cette campagne, les chevaux furent des victimes encore plus fragiles… décimés dans la marche allée par les fatigues, l’ingestion de blés verts et la désastreuse conduite du Maréchal Murat, jamais économe des hommes comme des chevaux, les chevaux furent ensuite décimés dans les batailles, éreintés dans la retraite, mangés enfin… dernière ressource des survivants. La perte des chevaux fut une catastrophe pour l’Empire de Napoléon. Ils avaient été réquisitionnés dans toutes les parties de l’Empire, les zones rurales et les centres de Remonte, comme celui de Versailles avaient fourni le maximum, car les besoins en chevaux de la Grande Armée étaient colossaux. Malgré les efforts, leur nombre n’était pas suffisant lors de l’entrée en campagne et les Français durent faire main basse sur toutes les montures des contrées russes qu’ils traversèrent.
La perte subie en chevaux, laissa après la campagne, l’Armée française démunie avec une cavalerie squelettique. Sa qualité était toujours exceptionnelle en 1813 et 1814, mais jamais l’Empereur ne put à nouveau réunir 50 000 ou 60 000 cavaliers comme ce fut le cas en 1812. Et sans cavalerie, sans l’art de l’association des trois armes que sont l’infanterie, l’artillerie et la cavalerie, il est impossible de vaincre de manière nette et définitive. Finie les poursuites légendaires d’un ennemi aux abois ! Terminée les géniales manœuvres permises par l’omniscience d’une cavalerie légère paralysant l’ennemi et l’empêchant de se renseigner. En partie aveugle, l’Empereur dans les années 1813 et 1814, va se trouver en mauvaise posture non pas par le défaut de soldats, mais bien par le défaut de Cavalerie. Ces chevaux en effet avaient été perdus en Russie, engloutis dans le cataclysme de cette malheureuse campagne.

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A plusieurs reprises, notamment et surtout en 1813, à Bautzen en particulier où les russes et les prussiens étaient sur le point d’être totalement écrasés, l’Empereur ne put achever ses victoires, l’ennemi pouvant se protéger dans sa retraite par une abondante cavalerie, les Français étant empêchés de les poursuivre et de les anéantir. C’est dans cette immense perte en chevaux, en particulier, que l’Armée impériale doit pour une grande part sa défaite finale. Certes, cette cavalerie glorieuse allait continuer d’en imposer dans toutes les batailles qui suivirent après la campagne de Russie, mais jamais elle ne put retrouver sa force initiale. Elle devait mourir sur les pentes de Waterloo glorieusement, dans la « Morne plaine » de Victor Hugo.
Durant la campagne, les Français gaspillèrent, nous l’avons dit beaucoup par les imprudences du Maréchal Murat, la vie des chevaux. Ils purent compenser en partie sur le terrain et par des prises en s’emparant de petits chevaux russes, très robustes mais aussi impropres à mouvoir correctement des charges aussi lourdes que les charrois de l’artillerie. Le destin de ces animaux fut cruel et pathétique. Leur perte fut irréparable, et s’aggrava considérablement dans la poursuite de la guerre en 1813 et 1814. Les témoins de l’époque furent particulièrement marqués par l’hécatombe de chevaux. Le Comte de Ségur dans ses mémoires indique que dans la marche sur Vilna à la fin de juin, environ 10 000 d’entre eux laissèrent déjà leurs os sur les routes de Russie :

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Alexandre Bellot de Kergorre dans ses mémoires notamment écrivait :
« Par des chaleurs accablantes, la privation d’eau était affreuse, les villages sont très éloignés les uns des autres, nous arrivions en grand nombre, les premiers épuisaient les puits, les derniers mourraient de soif. Les mares étaient pleines de chevaux morts et nous étions obligés d’en boire l’eau puante et épaisse. J’ai souvent fait la soupe avec un liquide vert et sirupeux, avant d’y jeter ma viande, j’y faisais bouillir du charbon, je l’écumais et l’eau devenait un peu plus limpide, avec cette précaution le potage n’était pas nuisible à la santé. Comme vin, nos cantiniers nous vendaient fort cher une espèce de décoction de bois de teinture à laquelle de la bonne eau fraîche eût-été, certes, bien préférable »
Et le Général Griois dans ses mémoires commentées par le célèbre historien militaire A. Chuquet écrivait de son côté :
« Notre corps resta je crois, quatre jours pour aller de Kovno à Wilna. Le deuxième jour, la pluie commença et nous bivaquâmes à Novo-Troki, où nous ne trouvâmes aucune ressource. Une très grande abbaye, entourée de hautes murailles, est bâtie sur une hauteur qui domine le village et un petit lac. La température se refroidit tout à coup et une pluie froide qui ne cessa pas jusqu’à Vilna rompit bientôt les chemins. Les chevaux, mouillés pendant le jour et dépourvus d’abri pendant la nuit, n’avaient d’autre nourriture que du seigle vert et mouillé. Ils succombèrent en grand nombre, la route était couverte de leurs cadavres, et pendant ces trois jours l’armée perdit au moins le quart de ses chevaux d’artillerie et un grand nombre de ses chevaux de cavalerie, quoique en moindre proportion à cause de la différence de fatigue qu’ils avaient à essuyer ».
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Lorsque Griois écrit ses lignes, il raconte les événements qui se passèrent à la fin du mois de juin et le tout début du mois de juillet 1812… La route jusqu’à Moscou et le retour jusqu’au Niémen allait décidément être très longue. Les chiffres que nous connaissons sur le retour de la Campagne de Russie au-delà du Niémen en janvier 1813 sont également imprécis. 2 000 ? C’est un nombre qui est certainement proche de la vérité, la race chevaline elle aussi avait durement contribuée aux gloires impériales. Il restait si peu de cavaliers montés sur la fin de campagne, qu’il fut même formé un escadron de légende avec tous les hommes possédant un cheval encore apte à le porter : L’escadron sacré. Hommes et chevaux connurent ici comme dans d’autres moments de l’histoire un destin commun, un tragique destin, l’homme fut-il tant que cela l’ami du Cheval ?

Pour l’Empereur des Français, la Russie était devenue une pierre d'achoppement sur le chemin de la domination mondiale. Quelques années avant de prendre cette décision fatidique, il avait essayé de la persuader de devenir son allié. Napoléon essayait même de courtiser les deux sœurs du Tsar Alexandre Ier. Sans succès. La raison officielle de l'agression fut le refus de la Russie de participer au blocus continental de la Grande-Bretagne, auquel elle devait participer en vertu du traité de Tilsit. Le noyau de son énorme armée était constitué de troupes françaises épaulées par des milliers d'européens.

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C’étaient pour partie, les forces militaires qui avaient remporté les victoires à Marengo, Austerlitz, Iéna et Auerstaedt - comme les soldats de la vieille garde, dirigés par les plus grands stratèges français de l’époque, notamment les Maréchaux Ney, Murat et Davout. Mais l’armée de Napoléon comptait aussi un grand nombre de soldats qui étaient originaires des seize pays européens qui étaient plus ou moins sous sa domination. L'Armée russe était aussi nombreuse que l'Armée française mais ses principales divisions étaient dispersées, explique le spécialiste du Département de l'information scientifique du Musée Panorama de Borodino Alexeï Monakhov.
« C’était sans doute l’une des raisons pour lesquelles les troupes russes étaient contraintes de renoncer aux actions actives au début de la campagne. Il était clair que se lancer dans une bataille avec un tel déséquilibre de forces aurait amené à un fiasco ».
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Napoléon voulait écraser les armées russes séparément, une par une, mais les troupes russes s’éloignaient vers l’Est du pays, en essayant de s’unir. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas de batailles au tout début de la guerre. Par exemple, les cosaques de l’Ataman Platov et les hussards du général Koulnev ont attaqué à plusieurs reprises l'ennemi. Au début du mois d’août, deux armées russes sous le commandement de Bagration et Barclay de Tolly ont réussi à s’unir. Et plus tard, un nouveau commandant en chef a été nommé. Il s’agit du célèbre stratège Golenichtchev-Koutouzov. Enfin, le 7 septembre la célèbre bataille de La Moskova/Borodino a eu lieu. Plus tard, l'Empereur des Français a dit de cette bataille unique et mémorable : « lors de la bataille de Moscou, les guerriers ont le plus fait preuve de courage, mais ont eu le moins de succès. Les troupes françaises se sont montrées dignes de la victoire, et les Russes ont mérité le droit d'être invincibles ». Le 19 septembre, les troupes fatiguées de Napoléon sont entrées à Moscou, où l’Empereur des Français a attendu la capitulation de la Russie pendant un mois.
Ces dernières années, l’intérêt des historiens européens envers cette campagne russe de Napoléon a considérablement augmenté, explique le conservateur en chef du Musée Panorama de Borodino Lidia Ivtchenko.
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« L’un des livres les plus respectés sur la campagne de Russie a été publié en France cette année, en 2012. Son auteur est une dame, Marie-Pierre Rey. Avant cela, elle avait publié une monographie d'Alexandre Ier. Et peut-être la monographie la plus brillante sur ce sujet a été publiée par le chercheur britannique Dominic Lieven. Et je cite ici des historiens, qui parlent couramment le russe. Ils ne racontent pas des fantaisies dans leurs livres, car ils ont fait un travail de recherche dans les archives russes ».
Dans son livre La Russie contre Napoléon, Dominic Lieven a réfuté l'idée que la raison de la défaite de Napoléon était un hiver rude, des grandes distances et un concours de circonstances. Selon le professeur d'histoire de la London School (Ecole de Londres), l'armée russe était l'une des meilleures d’Europe et un adversaire qu'avait sous-estimé l'Empereur Napoléon

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Alors que les armées françaises chassaient devant-elle les forces russes de Bagration et de Barclay de Tolly ce dernier se décide à livrer à un combat d’arrière-garde ne serait-ce que pour faire face à un ennemi devant lequel les soldats russes ne cessaient de battre en retraite.
Conscient de la nécessité de cette retraite mais aussi des dégâts causés sur le moral de ses troupes, Barclay tente de défendre Vitebsk durant quelques jours, ce sera la bataille de même nom du 25 au 27 juillet 1812. Les russes sont battus durant trois journées de combat meurtrières, Barclay de son côté, Bagration de l’autre et doivent reculer. Les Français laissaient 3 000 tués et blessés sur le terrain et quelques prisonniers, les russes environ 4 000 tués et blessés, 6 canons et quelques centaines de prisonniers.
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Mais une fois encore l’Armée russe échappait à l’Empereur Napoléon et cette bataille de trois jours n’avait pas été décisive. Barclay avait gagné du temps, perdu un peu de monde mais avait infligé des pertes à l’ennemi. Son arrière-garde avait permis au gros des forces de se replier en ordre et de gagner du terrain se trouvant hors de portée de la Grande Armée. Bataille encourageante, elle ne devait pas cacher les difficultés des Français à se ravitailler, malgré les prises nombreuses que firent les Français dans la ville en victuailles. Cette bataille nous amènent à tenter de vous expliquer ce que pouvait être une bataille à cette époque, les films rocambolesques étant passés par là nourrissant toujours des légendes et des mythes.

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En premier lieu sachez que les armées évoluaient selon des règles anciennes mais qui connurent durant les guerres de la Révolution des évolutions. Nous évoquerons chacune des armes, mais nous privilégierons aujourd’hui, une arme technique, l’Artillerie. Les Français furent à l’origine de la création d’unités d’artillerie à cheval, une Révolution pour l’époque, qui permettait de tracter un canon au plus près de l’ennemi sans le dételer et de faire feu à petite distance, causant des ravages dans les rangs ennemis. Les premières compagnies furent créées durant l’année 1792, et toute l’Europe devait s’empresser de suivre cet exemple. L’artillerie était à cette époque déjà la Reine des batailles, bien que l’infanterie soit montrée comme jouant ce rôle. Les pertes subies montrent bien le rôle prépondérant de l’artillerie d’autant que Napoléon était artilleur de formation, et l’un des plus brillants, si ce n’ai le plus brillant de cette arme.
Dans les armées de l’époque les pertes se répartissaient à peu près de cette manière, 50 % des hommes mourraient de maladies ou des « fatigues de la guerre » c’est-à-dire d’épuisement et même de faim, parfois de lassitude ou sombraient dans la folie. Le restant, c’est-à-dire un homme sur deux seulement tombait sur un champ de bataille. 24 % étaient fauchés par l’artillerie, 20 % étaient victimes des armes blanches employées dans ces guerres, c’est-à-dire les sabres, les baïonnettes et les lances pour l’essentiel et un petit 6 % d’entre eux succombaient d’une balle de pistolet ou de fusils…. Nous aurons à revenir sur l’efficacité du tir de mousqueterie. Comme nous le voyons clairement, c’est l’artillerie qui déjà, mais pas de manière aussi nette qu’un siècle plus tard domine le sujet dans la bataille.


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La France possédait un système de matériels d’artillerie hérité de l’Ancien régime et du génial ingénieur Gribeauval. Le fameux système Gribeauval qui uniformisait les matériels en imposant un système de calibre, cohérent, nécessitant des munitions similaires ce qui simplifiait beaucoup l’approvisionnement des pièces d’artillerie et rendait également compatible à la fois les munitions, mais aussi les matériels du train, c’est-à-dire les attelages devant tracter les pièces. Les pièces principales étaient pour l’artillerie à pied, celles de 4, 6, 8 et 12, dénommées ainsi par le poids du boulet tiré par le canon, celle de l’artillerie à cheval de 4 ou de 6 et les pièces de siège, utilisées pour la prise de ville fortifiée qui n’étaient en principe pas utilisées sur un champ de bataille conventionnel, les pièces de 24, 36 et même 48.


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L’Empereur, artilleur s’était fait sa réputation en tant que canonniers, lors de la prise de Toulon en décembre 1793 et de la journée insurrectionnelle de Vendémiaire en octobre 1795. L’artillerie au fil du temps devait jouer un rôle de plus en plus important, d’autant que l’infanterie napoléonienne perdait en qualité après les brillantes victoires de 1805 à 1807. L’Empereur invente et abuse du système des grandes batteries, c’est-à-dire la réunion de nombreux canons sur un point précis afin de pulvériser un point du front puis de l’enfoncer en jetant une forte colonne d’infanterie ou de cavalerie, ce fut le scénario de Wagram. Cette prépondérance de l’arme de l’artillerie s’expliquait nous l’avons vu par les ravages que l’arme pouvait faire, mais aussi par sa technicité.

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Il n’a pas assez été dit que les artilleurs de l’époque étaient des soldats d’élites à plus d’un titre. Ce fut la raison par exemple de la création de l’Ecole Polytechnique en 1794, qui dans l’idée de Napoléon lui donnant un statut militaire en 1805, était chargée de fournir à l’Armée de jeunes et brillants officiers, formés à l’école des mathématiques et des sciences pour alimenter l’artillerie en cadre. Car tirer au canon n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Dans les films nous avons l’impression qu’il s’agissait d’un jeu d’enfants, mais dans les faits il en allait autrement. Les plus expérimentés des officiers et des pointeurs, étaient à même de calculer des angles de tir, d’appréhender le terrain et sa réactivité, car contrairement aux films hollywoodiens, le canon tire des boulets… qui n’explosaient pas !
Bien sûr l’obusier avait déjà été inventé, mais il se trouvait en général et surtout utilisé dans les sièges de places fortes et de forteresses. Les canonniers devaient chercher à réaliser avec leur boulet des ricochets dans les rangs de l’ennemi en fauchant sur son passage le plus d’hommes possible. En fonction de la formation de l’ennemi et de sa distance, il était ainsi possible de creuser des sillons plus ou moins sanglants dans la chair humaine, la fameuse chair à canon. Les blessures occasionnés par les boulets étaient par ailleurs terrifiantes, les membres arrachés ou tout simplement réduits en bouillie ou encore fracassés au point que l’amputation était la seule chance laissée au blessé, et encore. De brillants et nombreux généraux de l’Empire finirent ainsi leurs jours de cette manière, Duroc, Bessières, Lannes pour ne citer que les plus célèbres.
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En plus des boulets de canon et des obus, les artilleurs de l’époque utilisaient aussi une autre munition, appelée la mitraille ou biscaïen. Il s’agissait d’une boite contenant environ 200 balles ou pièces de fer, qui pouvaient dans des cas d’urgences être chargée par deux dans un canon, la double mitraille. La portée de cette munition était très faible, et elle était utilisée en principe lorsque la cavalerie ennemie ou une colonne d’infanterie était assez proche, ou trop proche. Les effets étaient dévastateurs dans les masses d’hommes et de chevaux, réduisant en charpie les premiers rangs et les criblant de projectiles. Parfois, les colonnes de derrière recevaient le reliquat de ces boites à mitraille et en passant dans les baïonnettes des fusils, les biscaïens émettaient une sinistre musique métallique annonçant aux vieilles moustaches la proximité du danger.
Contrairement aux images des films, les canons avaient également une certaine mobilité sur le champ de bataille. Si certains étaient fixés dans des batteries et plus ou moins retranchés, les artilleurs et l’infanterie d’accompagnement qui les défendaient pouvaient bouger les pièces « à la prolonge », en utilisant des traits pour faire avancer la pièce en avant, parfois prête à tirer. Cette manœuvre compliquée était bien sûr lente, et utilisait les bras des hommes, tandis que le transport lui-même sur des longues distances se faisait à l’aide de lourds chevaux et d’attelage parfois impressionnants, notamment pour les pièces les plus lourdes. L’Empereur avait créé spécialement un nouveau corps pour cette tâche, dès 1807, le train. Chaque canon était servi par un chef de pièce et un nombre de servants ayant une tâche bien précise variant entre 4 ou 5 hommes jusqu’à 15 hommes.
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La période impériale et la campagne de Russie de 1812 ne virent pas d’invention nouvelle majeure, du moins qui furent utilisés massivement. Les Anglais utilisèrent bien des fusées, les fusées dites de Congreve, mais elles jouèrent un rôle mineure et ne furent que peu utilisées, en 1813, sorte de Katioucha avant l’heure. Un ingénieur anglais, Henry Sharpnel avait également mis au point une arme redoutable, qui porte son nom, un obus à mitraille qui fut utilisé avec succès par les Britanniques durant la Guerre d’Espagne en 1808 et jusqu’à Waterloo, le principe étant de tirer l’obus en l’air au-dessus de l’ennemi qui se trouvait criblé d’en haut, avantage non négligeable pour tirer sur un ennemi retranché ou non encore visible. Mais cette innovation ne fut étrangement pas remarquée par l’Empereur sans doute par son absence du théâtre espagnol.
En 1812, en Russie, les Français entrèrent sur le sol russe avec des centaines de canons, peut-être 2 000, dont beaucoup sont restés après la campagne aux mains des russes, vous pourrez les admirer dans le palais du Kremlin, au musée Panorama de Borodino ou encore au Musée de Borodino. Chacun porte sa « date de naissance et son lieu de naissance » quand ils furent fondus et où, et ils sont généralement ornés de dessins et de couronnes qui font d’eux des œuvres d’art. Ils portaient tous un petit nom, gravé sur la pièce, et vous trouverez amusant de lire les noms parfois fleuris ou poétiques qui leur furent donnés. Ils étaient pourtant de terribles instruments de mort.


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Tchaikovsky - 1812 Overture
Version for Orchestra, Choir, Organ, War Canons and Bells.

The Philadelphia Orchestra conducted by Eugene Ormandy.
Mormon Tabernacle Choir.
Canons from Valley Forge Military Academy Band.
Recorded in 1970

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L’usage de l’infanterie. Les Armées napoléoniennes étaient constituées de trois grandes armes qu’étaient l’Artillerie, la Cavalerie et l’Infanterie, dans le dernier opus nous vous avons présenté le rôle des artilleurs, aujourd’hui nous vous emmènerons dans le quotidien de ses fantassins qui avec leurs souliers ont fait les victoires de l’Empereur.
Alors que l’Empereur Napoléon et ses lieutenants viennent de livrer plusieurs batailles victorieuses à Mohilev, Ostrowno et Vitebsk, les Français entrent dans cette grande ville le 28 juillet 1812. Les Forces russes des armées de Barclay de Tolly et de Bagration ont pu faire jonction et ont fait front, mais la confrontation avec la Grande Armée était trop précoce. Le colosse aux pieds d’argile se trouvait encore bien trop redoutable et puissant à une époque où pourtant les pertes étaient déjà lourdes, en particulier par l’attrition, les maladies et les désertions, Faber du Faur, Officier Wurtembergeois de la 25ème division du contingent de ce petit pays de la Confédération du Rhin, nous laisse son impression dans ses mémoires à la date du 31 juillet 1812 :


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« Le 31 juillet nous fûmes relevés par les Bavarois et quittâmes Beschenkowitschi pour aller rejoindre notre division au camp de Liozna. Les deux jours de marche qu’il fallut faire sur les derrières de l’armée, pour nous rendre à notre corps, nous présentèrent de rechef, comme près de Polotzk, une image sensible et affreuse de l’état de la troupe. Ce n’était plus rien de nouveau de voir chaque jour des soldats épuisés rester en arrière, exhortations, menaces, punitions même tout était inutile. On remarquait à chaque halte, à chaque bivouac, que le nombre des troupes diminué, mais sans regarder en arrière, on espérait qu’au premier séjour de quelque durée, les traineurs viendraient rejoindre leurs drapeaux. Vain espoir ! La plupart de ces malheureux tombés d’épuisement sur la route marquaient de leurs cadavres le passage de la Grande Armée, mais c’est ce dont ne pouvaient se convaincre que ceux qui suivaient l’armée à quelques jours de marche, comme cela nous arriva pendant plusieurs jours. Ce fut qu’à deux lieux de Beschenkowitschi, entre autres cadavres, nous en trouvâmes deux couchés près de la route : ils appartenaient à notre infanterie légère. L’un portait encore l’habit à revers, c’était la punition qu’on lui avait infligée pour être resté en arrière, le court séjour que notre détachement fit ici, nous permit de donner la sépulture à ces malheureux ».
Dans ce cours extrait, nous pouvons de suite nous étonner du pourquoi de la mort de ces deux soldats de l’infanterie… La marche, oui la marche pouvait venir à bout de bien des hommes et dans l’Armée de Napoléon les fantassins marchaient beaucoup, beaucoup et vite. C’est ainsi qu’en 1805, les soldats de l’Empereur avaient pu dire qu’il avait gagné la campagne plus avec leurs jambes qu’avec leurs fusils… Alors que les cavaliers et les artilleurs disposaient pour l’essentiel de la possibilité d’utiliser une monture, les fantassins eux n’avaient que le choix de se servir de leurs jambes. Des études réalisées sur les parcours de certain de ces soldats ont démontré que la plupart en moyenne parcouraient des distances hallucinantes.

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Les services d’intendances calculaient qu’une paire de mauvais souliers fournis par l’Armée était usée en 1 000 kilomètres, soit environ un mois de marche seulement et en moyenne ! Le fantassin dès lors était condamné de par les carences de l’intendance à aller pieds nus comme ce fut souvent le cas sous la Révolution ou de dépouiller les morts, amis ou ennemis. Sous l’Empire mieux servi le soldat avait toutefois intérêt à se procurer de bonnes chaussures, car les distances quotidiennes étaient en campagne colossales. 20, 30, 40 kilomètres par jour, parfois beaucoup plus comme durant la campagne de 1805, où avant Austerlitz certaines troupes, notamment du Maréchal Davout parcourent 90, 120 kilomètres en deux jours, le rythme était infernal.
Les soldats du début de l’Empire étaient pour beaucoup de robustes vétérans ayant 10 à 15 de services et oh combien de kilomètres dans les jambes. Ils venaient de milieux divers mais aussi souvent paysans, qui assuraient une infanterie de qualité, des hommes solides et de bons marcheurs. Car le meilleur soldat reste dans les guerres napoléoniennes le bon marcheur. Ils marchaient tellement, que ces hommes ne pouvaient s’encombrer d’un lourd paquetage. Ils emportaient certes un minimum, quelques semelles de rechange, quelques vêtements et chaussettes, des ustensiles de base dont la fameuse pipe, pour les haltes portant également le même nom. Dans la marche éclair de 1805, les troupes françaises avaient droit à une halte toutes les heures de 5 minutes, et les marches forcées pouvaient se prolonger dans la nuit.
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Les soldats marchaient alors en colonne de marche, les hommes en serre file ou sur les bords de la colonne étant remplacés par roulement, pour éviter le risque qu’ils s’endorment et ne tombent, car à l’intérieur de la colonne les hommes étaient soutenus et poussés par leurs voisins de côté et de derrière… Seuls les vétérans de la Garde avaient parfois l’honneur de bénéficier de charrettes pour les conduire d’un point à un autre, mais en Russie, l’état des routes et le manque de chevaux ne devaient pas le permettre. Le soldat malgré un équipement assez léger, emportaient tout de même avec lui un fusil déjà relativement lourd, sans compter le havresac, la giberne à cartouches, son sabre briquet et si possible quelques victuailles pour la route.
Contrairement aux armées étrangères, notamment l’armée autrichienne et l’armée russe réputées pour leur lenteur, l’armée française de l’époque et son infanterie est extrêmement rapide. Ce sera une des raisons et pas des moindres des succès de l’Empereur. Du moins dans les premières années, car en 1812 et a fortiori dans les années suivantes, la qualité des conscrits affaiblie les possibilités de marche des armées françaises. En Russie, les colonnes impériales ont déjà du mal à suivre un ennemi, qui de plus connait parfaitement le terrain et était motivé supérieurement dans la défense de ses terres. Par le passé les troupes de Napoléon avaient usé et abusé d’une technique de survie éprouvée pour avancer vite et bien : Vivre sur le paysan.
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Vivre sur le paysan, c’était ne pas s’encombrer des multiples charrois de nourritures et de matériels, et prendre ou réquisitionner sur la route tout ce dont l’armée avait besoin. En Russie, cette technique fut vite rendue caduque par deux faits : l’immensité d’une armée trop nombreuse, et le soin des russes à ne rien laisser derrière eux, ni vivres ni populations. Cette absence de ressources sur la route, devait dès lors conduire les hommes à devoir faire des haltes pour chercher sur le terrain et les flancs de l’Armée, parfois très loin, de plus en plus loin… de quoi se nourrir en prenant le risque de tomber sur l’ennemi ou sur quelques partisans malintentionnés. Cela s’appelait fourrager ou pour certains « aller à la maraude » ce qui en dit assez long.
C’est ainsi que les troupes de l’avant-garde consommaient et même gaspillaient des ressources pillées sur leur passage et que les troupes de l’arrière-garde avaient beaucoup de mal à subsister. Pour avancer, l’Armée de Napoléon doit avoir recours, en Russie plus qu’ailleurs, à l’intendance et ses lourds convois de nourritures, d’eau-de-vie, de mauvais biscuits, et par effet domino, les autres armes, notamment la Cavalerie se trouvaient contraintes à ralentir leur rythme d’autant. Cette difficulté d’approvisionnement qui se déclare immédiatement en Russie devait être la cause d’une impossibilité de pousser une armée en avant aussi vite que Napoléon l’aurait voulu, comme ce fut le cas en 1806 où les forces françaises marchèrent littéralement sur les armées prussiennes.
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Mathématiquement, les difficultés ne devaient aller qu’en augmentant au point que Napoléon déclarait au Prince Murat à Vitebsk, que la Campagne de Russie de 1812 était terminée… pour se trouver en 1813 à Moscou et en 1814 à Saint-Pétersbourg ! Il était loin de se douter qu’à cette date, ce devaient être la jeunesse de la Venise du Nord qui devait défiler dans Paris et qu’il serait alors exilé dans la petite île d’Elbe.

Dans le précédent article nous évoquions l’infanterie et ses difficultés de marche dans les immensités de la Russie, mais il nous semble intéressant d’aborder en ce jour la façon dont les soldats de l’époque combattaient afin de vous montrer que les tactiques de l’époque n’étaient pas si ridicules que les films peuvent nous le laisser voir.
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Car enfin, combien de fois n’ai-je pas entendu lors du visionnage d’un film sur l’époque, les exclamations des spectateurs à propos du fait que décidément, les combattants étaient des imbéciles… Enfin ! Pourquoi combattre ainsi à découvert, ne pas se jeter au sol, dans une tranchée ou encore se cacher derrière un arbre ou quelques difficultés du terrain ? C’est que, comme je l’ai expliqué dans un autre article sur l’artillerie, l’efficacité de la mousqueterie de l’époque laissait particulièrement à désirer. Ce ne sont que 6 à 8 % des hommes morts durant les campagnes de l’Empire qui succombaient du fait d’une balle de fusil, de mousqueton ou de pistolet… Dès lors nous comprenons mieux comment ces hommes pouvaient s’approcher en colonne ou en ligne si près de l’adversaire sans craindre d’être littéralement cloué au sol et décimé par le feu ennemi.
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La carabine rayée avait bel et bien été inventée à cette date, mais la plupart des armes à feu restaient des armes à chargement par la bouche et à poudre noire. Elles étaient très sensibles au climat, à l’humidité et aux pluies, et en campagne les ferronneries des fusils rouillaient immanquablement jusqu’à rendre le fusil inutilisable, ce fut le cas en Russie, et également par la suite en 1813 et 1814. Avec l’Empire arrivait le temps des guerres plus totales, il n’était plus guère question de se reposer pendant l’hiver pour ensuite se jeter sur l’ennemi à la belle saison comme ce fut le cas encore sous la Révolution. Et les armes souffraient beaucoup, notamment dans les mains de soldats de plus en plus mal formés, et comptant dans leurs rangs de moins en moins de vieilles moustaches. Le fantassin est celui qui marche, mais aussi celui qui sait entretenir son fusil et tirer.
Dans l’Armée française et dans beaucoup d’armées de l’époque le tir était un exercice négligé, sauf dans les rangs de l’armée anglaise qui démontra souvent à cette époque sa supériorité au feu, notamment par le biais des fameux Rifles, les carabines, ayant une portée supérieure aux fusils de l’époque. En Russie, que ce soit dans les rangs français où Russes, peu de soldats sont équipés de cette armée, mis à part quelques chasseurs croates. La différence entre les deux fusils, le français et le russe se situait sur un plus gros calibre des fusils russes ce qui engendrait des blessures plus sévères. Mais dans l’absolu, le feu était le même, imprécis ! Il était également rendu inefficace par l’impossibilité des hommes de voir leur cible… car à l’époque et dans les films nous ne pouvons le voir : les fusils tiraient à la poudre noire, ce qui je peux vous l’assurer répandait dans l’air des nuages opaques de poudres, ajoutés à ceux des tirs des canons.

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En quelques minutes, le vacarme et les nuages de poudre étaient si intenses que les soldats ne pouvaient ni entendre, ni voir le champ de bataille correctement. Les formations de l’époque visaient par ailleurs à contourner ces problèmes, soit par la ligne qui visait à obtenir une puissance de feu concentrée et maximale sur l’ennemi, soit par la colonne visant à avancer en présentant un front réduit et une masse capable de briser les formations adverses. La colonne d’attaque se couplait d’ailleurs souvent par ce qui était appelé « un nuage de tirailleurs ». Des hommes de petits tailles qui enrôlés dans des régiments d’infanterie légère, voltigeurs ou tirailleurs selon les terminaisons de l’époque étaient chargés eux, d’arriver sur l’ennemi dispersés, d’utiliser le terrain et de le harceler par un tir précis, en éliminant si possible les officiers, un héritage des guerres américaines et indiennes.
Comme nous le voyons, nous sommes bien loin des clichés du cinéma ! Et dans les faits, le soldat français depuis les temps héroïques de la Révolution (où la baïonnette était devenue à l’exemple cette fois-ci des charges à l’arme blanche de l’infanterie vendéenne) utilisait plus sûrement cette arme que les balles de son fusil. Là encore, les soldats ne se jetaient pas comme des forcenés sur l’ennemi, au hasard et sans ordre, les attaques en colonne assuraient justement une avance homogène sur un ennemi prompt la plupart du temps à tourner les talons avant le véritable choc, d’autant que depuis les campagnes d’Italie la « Furia Francese » était bien connue.

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Mais en Russie, et déjà durant l’hiver 1806-1807, les Russes fortement disciplinés et courageux à l’excès au point de se faire massacrer sur place et de faire dire à l’Empereur qu’il fallait non seulement tuer le Russe puis le pousser pour qu’il tombe par terre, en Russie donc et en 1812, les Russes donnèrent l’exemple de résistance acharnée à l’arme blanche, comme il en avait été rarement vu auparavant.
La baïonnette du fantassin pouvait être une arme redoutable, et le point d’orgue d’une formation en carré, utilisée par toutes les armées pour se garder des charges de cavalerie, et qui firent le succès des Anglais à Waterloo. Cette formation de trois ou quatre rangées de baïonnettes hérissées sur 4 côtés rendait impossible à la Cavalerie de mettre le désordre, puis de rompre une formation d’infanterie. Une bonne armée se comptait aussi dans sa capacité à former les diverses formations connues dans un temps record afin de contrer l’ennemi ou de le surprendre. Les Français en ce domaine furent les maîtres des champs de bataille, y compris sur les champs de bataille de Russie faisant l’admiration des Russes eux-mêmes, magnifique armée disaient-ils tout en la combattant avec acharnement ! Vers la fin de l’Empire, cette capacité de manœuvre de l’infanterie française avait singulièrement diminuée.

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Au point que les carrés ne pouvaient souvent être formés et étaient remplacés par des colonnes compactes dont la queue se retournait dos à la tête. Mais il s’agissait là véritablement d’expédients, et sur tous les champs de bataille, les meilleures troupes, les meilleures manœuvrières remportaient souvent les batailles. C’est de ce point de vue que l’Armée française, et son infanterie était infiniment supérieure à son homologue russe, possédant toutefois d’autres qualités. Le défaut d’instruction du soldat russe, sa croyance religieuse, son obéissance quasi surnaturelle jusqu’aux portes de la mort, faisait de lui un excellent fantassin, qui faute de manœuvrer aussi vite et aussi intelligemment que le Français était capable de biens plus grands sacrifices et d’une abnégation extraordinaire, parfois jusqu’au seuil du grotesque. Comme ces régiments russes décimés, privés de leurs officiers et qui n’ayant pas reçu d’ordre notamment lors de la bataille de Borodino/La Moskova, furent pulvérisés jusqu’aux derniers par l’artillerie française. Inutile mais magnifique sacrifice.
Dans une bataille, le soldat était donc bien souvent aveugle, assourdi par le tir de l’ennemi et les tirs des troupes amies, pas tellement conscient des événements extérieurs, enfermés dans un combat local où il était mené par les musiques des tambours ou des trompettes, chargées de sonner les ordres que personne n’aurait pu crier assez fort pour que tous puissent les entendre. Lorsque cela était possible par ailleurs les accidents du terrain étaient utilisées, des redoutes étaient préparées, ou des tranchées creusées, mais ces préparations dans une guerre de mouvement comme ce fut le cas de toutes les campagnes napoléoniennes étaient rares et tout juste suffisante pour renforcer une position. Les formations de l’époque n’avaient pour buts que d’occuper le terrain, de le maîtriser et de le garder, selon l’art consommé de la Tactique militaire, dont Napoléon était passé maître avec d’autres généraux de cette époque, comme Soult, Wellington ou Barclay de Tolly dont nous n’avons pas fini de parler.


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(konisberg.centerblog.net)
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