DEFENSE DES DROITS DES MILITAIRES
Reconversion à la Légion Etrangère : à hommes exceptionnels, statut exceptionnel ?
(Par Maître Elodie Maumont, avocat au Barreau de Paris)
Me Maumont est spécialisée dans la défense des droits des
militaires. L’Adefdromil la remercie d’avoir bien voulu publier cet article sur son
site.
« La nature exceptionnelle des hommes que la Légion recrute impose des responsabilités de commandement
centralisées, autonomes et adaptées.
Le COMLE (Commandement de la Légion Etrangère), dépositaire et garant du statut « titre étranger », veille à ce que les liens de confiance réciproques qui se tissent chaque jour entre les légionnaires et leurs chefs restent la source d’un esprit de corps inébranlable, gage de fidélité des étrangers au service de la France. »(1)
Le COMLE (Commandement de la Légion Etrangère), dépositaire et garant du statut « titre étranger », veille à ce que les liens de confiance réciproques qui se tissent chaque jour entre les légionnaires et leurs chefs restent la source d’un esprit de corps inébranlable, gage de fidélité des étrangers au service de la France. »(1)
Fière de son esprit de corps, galvanisée par les milliers d’hommes issus de 136 nationalités différentes, venus
« changer de vie » afin de servir les intérêts de la France, la Légion Etrangère occupe une place à part dans le paysage militaire.
Lorsqu’ils choisissent d’intégrer ce « corps d’élite »,
les
légionnaires signent traditionnellement un premier contrat d’une durée
de 5 ans minimum, puis leur est ouverte la possibilité de signer des
contrats successifs de 6 mois, 3 ans ou 5 ans.(2)
Dès lors, se pose nécessairement la question de la fin de carrière, du « retour à la vie civile » et de la reconversion de ces personnels sous contrat.
Le Code de la Défense énonce clairement en son article L 4111-1 :
« (…)
Le statut énoncé au présent livre assure à ceux qui ont choisi
cet état les garanties répondant aux obligations particulières
imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et
exigences de la vie dans les forces armées.
Il offre à ceux qui quittent l’état militaire les moyens d’un retour à
une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l’institution. »
Plus particulièrement l’article L 4139-5 de ce même Code prévoit :
« I. ― Le militaire peut bénéficier sur demande agréée
:
1° De dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle destinés à
préparer son retour à la vie civile ;
2° D’une formation professionnelle ou d’un accompagnement vers l’emploi,
destinés à le préparer à l’exercice d’un métier civil.
II. ― Pour la formation professionnelle ou l’accompagnement vers l’emploi, le militaire ayant accompli
au moins quatre ans de services effectifs peut,
sur demande agréée, bénéficier d’un congé de reconversion d’une durée
maximale de
cent vingt jours ouvrés, qui peut être fractionné pour répondre aux
contraintes de la formation suivie ou de l’accompagnement vers l’emploi.
Il peut ensuite, selon les mêmes conditions, bénéficier
d’un congé complémentaire de reconversion d’une durée maximale de six
mois consécutifs.
Le volontaire ayant accompli moins de quatre années de services
effectifs peut bénéficier d’un congé de reconversion d’une durée maximale de vingt jours ouvrés selon les mêmes modalités et dans les
mêmes conditions de fractionnement que celles prévues au premier alinéa du présent II. (…)»
Ainsi,
il apparaît que tous les militaires qui envisagent une reconversion,
qu’elle soit liée à un départ
volontaire, à une limite d’âge, à une limite de durée de services ou
aux règles de gestion qui leur sont applicables, peuvent bénéficier de
dispositifs d’évaluation et d’orientation
professionnelle, afin de préparer leur retour à la vie civile.
L’accès aux dispositifs de formation professionnelle ou
d’accompagnement direct vers l’emploi est, en revanche, statutairement limité aux militaires qui ont accompli quatre ans de services effectifs, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent ou le type de leur lien au service
(carrière, contrat, service à titre étranger).
Pour autant et ainsi que le rappelle le 3ème Rapport du Haut Comité d’Evaluation de la Condition de Militaire en
date du 1er juin 2009 : « [ces]
disposition[s] statutaire[s] ne [font] cependant pas obstacle à
l’application au sein de chaque armée, de règles de
gestion pouvant conduire, le cas échéant, à une application plus
restrictive : c’est ainsi que pour des raisons liées à la fidélisation
de ses engagés en premier contrat, l’armée de terre ne
leur accorde aucune aide à la formation ou à l’accompagnement vers
l’emploi avant la fin de la cinquième année de service. » (3)
Et
tel a été le cas s’agissant des miliaires servant à titre étranger
puisque des textes spécifiques sont venus expressément déroger aux
règles précédemment décrites et conférer à ces derniers un statut
différent.
En
effet, aux termes de la Directive n°1617/COMLE/EM/DRHLA/BARLE en date
du 10 février 2012, abrogeant la
Note de service n° 00007402/COMLE/EM/DRHLE/BARLE du 12 juin 2006, il
est expressément mentionné qu’ « il résulte qu’une ancienneté de service
à la Légion Etrangère de 8 ans sera exigée
pour accéder aux aides à la reconversion »
Mais, quelle est la légitimité de cette différence de
traitement ?
Quels sont aujourd’hui l’élément matériel objectif ou le critère précis
qui permettent de justifier de telles différences ?
Alors
même que la Légion Etrangère ne cesse d’ériger l’intégration des
légionnaires au sein de la société française comme une pierre
angulaire de sa tradition, ce corpus juridique distinct ne
constitue-t-il pas une violation de nos principes constitutionnels ou à
valeur constitutionnelle supérieurs ?
En effet, il est ainsi légitimement permis de s’interroger sur la légalité du dispositif de reconversion des
militaires servant à titre étranger au regard notamment :
du principe d’égalité
devant la loi, tel que reconnu par l’article 6 de la Déclaration de 1789 lequel dispose : « La loi doit être la même pour tous, soit
qu’elle protège, soit qu’elle punisse »,
et des principes de
liberté du travail et d’égalité d’accès à l’emploi garantis par l’article 7 de la loi des 2-17 mars 1791 dit « Décret d’Allarde », ainsi que par l’article 5 du Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, lequel appartient au bloc de constitutionnalité.
Ainsi, la différence de traitement opposée aux légionnaires susceptibles de se reconvertir dans la vie civile
n’est pas sans poser de nombreuses difficultés.
Si réellement la Légion Etrangère entend soutenir que ses valeurs sont celles qu’elle affiche en affirmant ainsi
s’agissant des actions sociales menées en son sein : « Ces organismes sont à la fois la réponse de la Légion à un problème particulier
et l’expression de la solidarité qu’elle manifeste à chacun de ses membres »,(4)
elle
doit alors s’interroger sur le maintien d’un tel dispositif
dérogatoire qui au regard des éléments qui précédent ne peut demeurer en
l’état et doit nécessairement évoluer.
(1) Source : Site internet de la Légion Etrangère : http://www.legionetrangere.com/modules/info_seul.php?id=80&idA=110&block=6&idA_SM=0&titre=legion-etrangere-aujourd-hui
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