dimanche 12 février 2012

JPPS A PASSE UNE NUIT A "BOLESKINE HOUSE" (IN 1967)

Aleister Crowley, révolutionnaire-­conservateur inconnu

Christian Bouchet

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Aleister Crowley, révolutionnaire-­conservateur inconnu
De 1875 au début de la Première Guerre mondiale, l'Europe vécut à l'heure de l'occultisme.

En France, sous l'influence de l'abbé Constant — mieux connu sous le surnom d'Éliphas Lévi­ — Stanislas de Guaïta et Joséphin Péladan furent à l'origine de groupes Rose-Croix et le docteur Gé­rard Encausse redonna vie à l'Ordre Martiniste.

En Allemagne, Rudolf Steiner, Théodor Reuss, Leopold Engel et bien d'autres, furent les instiga­teurs qui de l'anthroposophie, qui d'une résurgence de l'Ordre du Temple ou des Illuminés de Bavière, qui de l'apparition d'obédiences maçonniques ir­régulières.

Dans les pays anglo-saxons, la Théo­sophie d'H. P Blavatsky se répandit largement, tandis qu'une société comme la Golden Dawn s'a­dressait à un public plus restreint, plus cultivé aussi.


Ce qui est particulièrement frappant, c'est que cet occultisme renaissant se lia étroitement à l'expres­sion d'idées politiques non conformistes, soit révo­lutionnaires de gauche, soit relevant d'un conser­vatisme radical ou d'un nationalisme völkisch. Ainsi les théosophes furent-ils liés tant au milieu des ex-communards français qu'au nationalisme naissant dans les colonies anglaises ; ainsi, les oc­cultistes allemands se partagèrent-ils entre socia­listes de gauche et militants völkisch ; ainsi, Mau­rice Barrès et Charles Maurras fréquentèrent-ils les Rose-Croix et le martinisme, où l'ambiance était ouvertement légitimiste ; ainsi, des maçons occultisants tels Reghini et Frosini se retrouvè­rent-ils parmi les premiers partisans du fascisme italien ; ainsi, les initiés britanniques prirent parti : certains pour le Sinn Fein (tel Yeats, qui par la suite fera l'éloge de Mussolini) et d'autres se reven­diquèrent du jacobisme militant (c'est-à-dire qu'ils étaient favorables à la restauration de la dynastie des Stuart). Parmi ces théurges engagés, une figu­re tranche. C'est celle d'un aristocrate baudelai­rien, touchant à tout et réussissant en tout, poète, scénariste, dramaturge, peintre, alpiniste, explora­teur, romancier, mais avant tout magicien, qui, de surcroît, s'affirma politiquement comme un au­thentique révolutionnaire-conservateur. Son nom ? Aleister Crowley.

La jeunesse d'un magicien

Edward Alexander (il celtisera par la suite ce pré­nom en Aleister) [*] Crowley naît le 12 octobre 1875 à Leamington Spa dans le Warwickshire.

Sa famille d'origine bretonne s'est fixée en Angleterre sous les Tudor. Son père est un riche brasseur et les Crow­ley mènent une vie aisée, avec de nombreux voya­ges sur le continent. Une vie qui est toutefois as­sombrie par l'appartenance à la secte protestante extrémiste des Plymouth Brethern.

Orphelin à 12 ans, le jeune Crowley entre à l'université à 19 ans, d'abord à Londres puis à Cambridge, à la tête d'une imposante fortune qui lui permet de mener une existence peu commune pour un étu­diant : jeu d'échec (il est un des espoirs de sa géné­ration), alpinisme en solitaire, voyages lointains, poésies qu'il publie à compte d'auteur et en édi­tions de luxe, militantisme en faveur des Carlistes espagnols, vie amoureuse abondante hétéro- et ho­mosexuelle.
C'est aussi durant ces années d'études qu'il découvre les sociétés secrètes, loges et con­venticules, d'abord avec l'Église celtique, puis avec l'Ordre Hermétique de l'Aube Dorée et l'obédience maçonnique de Memphis-Misraïm. Toute sa vie fu­ture est en gestation dans cette période où l'oisi­veté et la volupté l'emportent sur les études.


Une vue du monde gnostique

Après sa sortie de Cambridge en 1898 et jusqu'à son décès en 1947, il sera un alpiniste reconnu qui effectuera plusieurs “premières” dans les Alpes, l'Himalaya, les montagnes mexicaines ; il sera un poète prolixe tant en anglais qu'en français, un ro­mancier et un nouveliste à succès, un séducteur impénitent, un explorateur qui parcourera au dé­but du siècle la Chine et la Birmanie à cheval et l'Afrique du Nord à pied... Mais avant tout, il dé­veloppera une pensée politique originale, étroi­tement liée à une vue du monde gnostique.

Gnose, mysticisme, illuminisme, technique de réa­lisation spirituelle : tels sont les qualificatifs que l'on peut attribuer à ce que Crowley nomma la Ma­gick (en utilisant une graphie vieille-anglaise). Celle-ci n'est pas pour lui un moyen d'influer sur le réel grâce à certains rites et pratiques, mais la re­cherche d'un but ultime, l'atteinte d'un état où l'homme et Dieu ne sont plus qu'un. Cette magick, Crowley la veut une théorie scientifique, bien qu'il la double d'une révélation à l'origine d'une quasi-­religion.

Le but ultime de la “magick” : l'union avec Dieu

Dans l'ensemble de son œuvre, Crowley affirme l'i­dée que l'homme est un Dieu qui s'ignore et que seul le travail magique peut lui permettre de dé­couvrir cet état. La tâche de sa vie était de « rédiger un traité des méthodes par lesquelles l'homme peut atteindre la divinité », de démontrer qu'« il n'y a qu'une seule définition principale de l'objet de tout le rituel magique, c'est l'union du microcosme avec le macrocosme.

Le rituel suprême et complet est par conséquent l'invocation du Saint Ange Gar­dien, ou, en langage mystique, l'union avec Dieu ».
Affirmations qui rattachent A. Crowley à une longue chaîne de mystiques de Maître Eckart (« L’Être de Dieu doit être mon être. Dieu et moi, nous sommes un ») à Nicolas Berdiaev (« Découvrir jusqu'au bout l'homme, signifie découvrir Dieu »), en passant par les Soufis (« J'ai dit à mon seigneur : qui es tu ? Il m'a répondu : Toi ! »), Angelus Silesius (« Homme, ne reste donc pas homme, il faut monter le plus haut qu'on le peut. Chez Dieu il n'y aura que les Dieux de reçus »), Novalis (« Enfants de Dieu, germes divins nous sommes. Un jour nous serons ce que notre père est ») et bien d'autres.


Pour A. Crowley, tout est « une projection de soi-même ». Donc Dieu n'est pour lui qu'un état de conscience que l'on peut atteindre en prenant d'a­bord conscience de la multiplicité de nos person­nalités (c'est la conversation avec son Saint Ange Gardien — un double de soi-même — et les rapports avec les bons ou mauvais esprits, émanations de notre psyché) puis en unifiant son moi. Pour obtenir ce résultat, A. Crowley, qui a­vait longuement séjourné en Inde [où il aurait mis au point une variante du bridge, le pirate-bridge], a proposé de pratiquer intensivement le yoga, il a aussi préco­nisé l'usage d'une magie rituélique — conçue dans son esprit comme un yoga occidental — et de diver­ses pratiques physico-mentales dans lesquelles le sexe et les drogues jouèrent un rôle non négli­geable.

Une magie scientifique

La luxueuse revue publiée par A. Crowley, The Equinox, portait comme sous-titre : « Notre mo­yen, c'est la science ; notre but, c'est la religion ». Cette affirmation en apparence paradoxale con­cernant une matière, la magie, habituellement considérée comme relevant de l'irrationalisme absolu, était pour Crowley d'une importance ex­trême. Il s'enorgueillissait en effet d'avoir introduit la méthode scientifique dans le travail magique : « je me fis un point d'honneur de ne jamais rien af­firmer que je ne pouvais prouver de la même ma­nière qu'un chimiste peut prouver la loi des poids combinés » ; « il est absolument nécessaire que tou­tes les expériences soient l'objet d'un compte rendu détaillé, soit durant leur déroulement, soit immé­diatement après. Il est très important de noter les conditions physiques et mentales de l'expérimenta­teur ou des expérimentateurs. L'heure et le lieu de l'expérience doivent être précisés, ainsi que le temps qu'il fait, et que toutes les conditions qui peuvent raisonnablement avoir un effet négatif ou positif sur l'expérience ».

La Loi de thélème comme nouvelle religion

Les 8, 9 et 10 avril 1904, au Caire, une voix sensée être celle de l'esprit Aiwass — mais qu'il reconnu ê­tre une manifestation de son moi profond —, dicta à A. Crowley le Liber Legis, composé de 3 chapitres et de 220 versets où se mêlent passages à résonances nietzschéennes, positions déclamatives d'un mysticisme sensuel et d'une métaphysique obscure, et indications préci­ses concernant d'éventuels rituels. À partir de l'été 1909, Crowley entreprit d'en faire l'évangile d'une nouvelle religion gnostique et messianiste : le thélè­misme.

Cette nouvelle religion se caractérise par la cro­yance d'une évolution de l'humanité par éons. D'a­bord celui d'Isis, ère des sociétés matriarcales et des Dieux païens, puis celui d'Osiris, l'éon des Dieux agonisants dont le christianisme est le meil­leur, mais non le seul, exemple. Depuis avril 1904, celui d'Horus, le Dieu de l'extase et de la violence, Dieu de feu et de flamme, et dans environ 2.000 ans, l'éon de Maat. Il ne semble pas que Crowley ait cru à l'existence réelle de ces différents Dieux ; ils étaient plutôt pour lui des « aspects diffé­rents et variés d'une unité fondamentale, qui fina­lement se résout dans le néant ». Cependant, par son acceptation de cette “révélation” et par son souci de la faire connaître de tous, Crowley n'était plus un simple instructeur de magie, mais le pro­phète d'un nouveau système de pensée, d'un systè­me qui ressemble beaucoup à une religion, avec son panthéon, ses rites, ses fêtes, ses mission­naires — les membres de l'Ordo Templi Orientis­ et son église — l'Église Catholique Gnostique.

Dans l'éditorial au numéro de 1919 de The Equi­nox, A. Crowley affirma ainsi « La Loi de Thé­lème » (c'est-à-dire le contenu du Liber Legis) of­frant une religion qui remplit toutes les « conditions nécessaires », mais sur ses vieux jours, il semble qu'il revint un peu sur cette idée ; il ne définit plus son système comme une religion que « dans la me­sure où une religion signifie un assemblement en­thousiaste de doctrine qui ne contredisent ni la science ni la magie ».

Le mage et la politique

A. Crowley a été crédité par de nombreux écrivains de l'occultisme alimentaire (parmi les­quels le couple infernal, Pauwels et Bergier, avec leur Matin des magiciens) des prises de position les plus aberrantes et les plus contradictoires : es­pionnage pour les empires centraux en même temps que pour la couronne britannique, sympa­thie envers le nazisme et soutien à la politique de Winston Churchill, etc.
Pourtant une simple lectu­re de ses écrits leur aurait permis de se rendre compte qu'il s'est très clairement et franchement engagé dès sa jeunesse sur une ligne ultra-réac­tionnaire, et que la formulation de la Loi de thélè­me était inséparable d'un messianisme et d'une utopie politique.


Aleister Crowley : un réactionnaire radical


Crowley s'est lui-même défini comme un “réaction­naire conservateur”, définition que l'on ne peut considérer comme pleinement satisfaisante que si l'on précise qu'il ne voulait pas conserver un ordre établi mais défendait un régime politique — le stuartisme — et une forme sociale — le féodalisme aristocratique — disparus d'Angleterre depuis plus de 200 ans. Dans les écrits d'A. Crowley transparaît la société idéale dans laquelle il aurait souhaité vi­vre. Dans ses Confessions, il estime nécessaire l'existence d'un important substrat populaire, dans lequel la paysannerie serait majoritaire « guidée dans son évolution par les intelligentes classes gouvernantes ». Celles-ci formerait une aristocratie non entièrement héréditaire pouvant coopter ses membres mais refusant les anoblissements effec­tués par les monarques anglo-germains visant des couches sociales que Crowley méprisait : « Il y eut d'abord le gros bourgeois, puis le banquier, l'acteur de cinéma, et le comédien ». De surcroît, dans une telle société où n'existeraient plus les circuits de l'économie marchande et les comportement négatifs qui en découlent, régnerait l'abondance, une meilleure moralité et chacun aurait plus de loisirs. Ces loisirs sont pour Crowley indispensables — au moins pour l'aristocratie :

« Je considère une classe qui a des loisirs comme l'uni­que champ où l'on peut faire pousser le meilleur type de blé. L'idée socialiste que chacun devrait travailler manuellement quelques heures chaque jour, si elle était appliquée, serait un frein pour toute la race. Tout travail mécanique dégrade, il est nécessaire qu'il soit effectué, mais il a comme conséquence de produire des classes dégradées. Égaliser les hommes de cette manière serait les a­baisser tous. (...) Tous les travaux les plus élevés requièrent une telle finesse et une telle délicatesse manuelle et mentale qu'une vie de loisir est abso­lument nécessaire ».

Homme de loisir, le véritable aristocrate serait aussi l'homme de l'inutile, celui qui pense que “la chasse vaut mieux que la proie”, ou, selon les termes de Crowley : « Il n'y a pas de but à atteindre, la récompense est la marche elle-mê­me » ; « la joie de la vie consiste dans l'exercice d'une énergie, dans un accroissement continuel, dans un changement constant, dans le plaisir des nouvelles expériences. S'arrêter signifie simplement mourir ». La société rêvée par Crowley est aussi une société de grande liberté. La disparition des libertés de l'a­ristocratie au profit du conformisme bourgeois est un des principaux reproches qu'il adresse à l'An­gleterre victorienne : « Victoria était une pure suffo­cation. Tant qu'elle vécut, il fut impossible de faire un simple pas dans n'importe quelle direction. Elle était un brouillard épais et immense, nous ne pou­vions pas voir, noue ne pouvions pas respirer. Et l'esprit de ce temps a tué tout ce que nous ai­moins ».

Une société aristocratique comme celle envisagée par A. Crowley peut être en même temps une réelle démocratie organique : « Plutôt que d'accepter la démocratie comme une confusion dans une com­mune dégradation, nous devons comprendre que chacun est différent. L'humanité est une républi­que d'aristocrates, notre égalité est celle des orga­nes du corps ». À l'inverse, la démocratie occidenta­le n'a rien de commun avec celle de notre auteur. Les USA constituant l'exemple type de celle-ci, il leur adressera l'essentiel de ses critiques que l'on peut regrouper en 2 thèmes : la démocratie est avant tout le régime politique des marchands et la démocratie engendre l'universalisme, la standardi­sation et la stérilité.

Pour Crowley, la démocratie américaine est parfai­tement symbolisée par la statue de la Liberté : « un projet rejeté d'une statue glorifiant le commerce et destiné au canal de Suez ». Pour lui, « c'est le propre de l'esprit américain de compter et comparer plu­tôt que de se contenter des satisfactions spirituel­les ». À juste titre, il voit dans la position des USA lors de la Première Guerre mondiale le propre de toutes les démocraties libérales :

« Wilson avait été élu pour tenir l'Amérique hors du conflit mais le peuple en Amérique est un esclave qui ne compte pas dans l'esprit de ses maîtres. L'Amérique avait prêté des sommes fabuleuses aux Alliés, et ne les récupérerait pas si les Allemands gagnaient la guerre. L'Amérique n'attendait qu'un prétexte pour déclarer la conduite des Allemands intolé­rable et avoir une raison de participer au conflit ».

La démocratie marchande est aussi pour Crowley l'universalisme niveleur :

« L'irrémédiable calamité qui fait qu'il est maintenant un principe accepté de tenter de rendre la tyrannie internationale, de supprimer toutes les coutumes d'intérêt historique, et tout ce qui tend à la variété de la société hu­maine dans le but de construire un marché pour des produits standardisés. Le progrès de cette pestilence n'est que trop visible à travers le monde. Les hôtels standardisés et les marchandises standardisées ont envahi jusqu'aux districts les plus éloignés, et cela n'a été possible économique­ment que par la suppression forcée de la compéti­tion locale. Les exquis, dignes et confortables vête­ments des peuples lointains, de la Sicile au Japon, doivent céder la place à la vile camelote des usines étrangères, et cela est appuyé par une campagne internationale basée sur le snobisme. Les peuples sont persuadés qu'ils doivent se vêtir comme des ducs sportifs ou des présidents de banques. Un tel plan repose évidemment sur la destruction de tout ce qui fait l'originalité, le respect de soi, l'amour de la beauté et la référence pour l'histoire ».

Cet uni­versalisme devient pour Crowley la pire des tyran­nies :

« la tentative délibérée de standardiser les conditions sociales, de tarir l'originalité, d'ostraciser le génie, de discipliner la vie dans ses moindres détails, va faire de la terre de la liberté une colonie de bagnards et modeler la civilisation sur celle des fourmis ».

De surcroît, A. Crowley voit dans les valeurs de la démocratie marchande un anti-eugénisme et la cause d'une dégénérescence de la race humaine. Celle-ci « grandit en stature et intelligence aussi longtemps que la sécurité fut acquise par la bra­voure, ainsi les plus forts et les plus doués étaient capables de reproduire leur espèce dans les meil­leures conditions. Mais quand la sécurité devint générale, à cause de l'altruisme, les plus dégénérés furent acceptés comme les enfants des plus forts ».

Opposé à l'universalisme, Crowley ne pouvait que refuser le colonialisme, et lui opposer le modèle de l'imperium romain. Pour lui « où l'homme blanc met le pied, l'herbe de la liberté, et les fleurs de la bonne foi, sont foulés pour laisser la place au vice et à l'esprit commercial ». Cette position anti-colonialiste le conduisit à prendre publiquement parti pour l'indépendance de l'Irlande durant la Premiè­re Guerre mondiale et à garder des liens indirects avec certains activistes de l'IRA jusqu'au milieu des années 30. D'autres peuples opprimée reçurent aussi des marques de sympathie de sa part : les Cu­bains, les Tyroliens du sud en 1923, les Arméniens, etc.

Crowley et le fascisme

Vis-à-vis du fascisme, Crowley fut tout d'abord en­thousiaste : « Depuis quelques temps, je m'intéres­sais au fascisme que je regardais avec une entière sympathie. J'étais satisfait du bon sens de son pro­gramme et son attitude vis-à-vis de l'église me ra­vissait » ; pour lui, lors de la marche sur Rome, « leur comportement était admirable. Ils faisaient la Po­lice dans la ville et empêchaient tous les troubles avec la plus grande efficacité». Mais cet enthou­siasme ne dura pas et le rapprochement entre Mussolini et le Vatican qui eut lieu dès la fin de 1922 firent d'A. Crowley un anti-fasciste con­vaincu qui brocarda Mussolini et ses partisans dans de nombreux poèmes, dont le plus marquant est sans doute Chemises noires :

« Qu'il est pratique de porter une chemise
Dont la couleur ne permet pas de voir les tâches,
Qu'il est excellent
D'arborer une chemise qui montre la couleur de son cœur,
Quelle aide c'est d'avoir une chemise de cette teinte,
Pour ceux qui se glissent la nuit, avec des couteaux,
Pour faire leur sale besogne ».

Cette position est particulièrement intéressante car elle reproduit exactement celle des francs-maçons italiens (Crowley était en contact étroit avec 2 de leurs principaux dirigeants : Frosini et Re­ghini) qui, eux aussi, soutinrent d'une façon très active le fascisme avant de passer progressivement dans l'opposition au fur et à mesure des rapproche­ments entre Mussolini et la papauté.

Le “Liber Legis” comme base d'une pensée politique

Le Liber Legis annonçait dans l'esprit de Crowley un monde nouveau dont l'instauration était inces­sante. Le thélèmisme contenait donc à la fois un messianisme et une utopie politique.

Contrairement aux messianismes habituels, la vi­sion historique d'A. Crowley n'est pas liné­aire et n'a pas pour aboutissement la fin de l'histoire par l'établissement d'un paradis sur terre. Elle analyse au contraire — comme on l'a vu ci-dessus — l'évolution du monde comme une suc­cession incessante de 4 cycles, les éons.


Dans l'esprit de Crowley, ces éons se succèdent comme des saisons et chaque changement d'éon est marqué par un “changement de temps” spirituel ; « un nouvel éon implique la fin de la civilisation existante alors ; changer la formule magique de la planète revient à changer toutes les sanctions mo­rales et le résultat est automatiquement désas­treux. Le culte du Dieu mourant introduit par Dionysos détruisit la vertu et la culture romaine. Vrai­semblablement, l'introduction du culte d'Osiris fut la cause première de la chute de la civilisation é­gyptienne ». L’éon d'Horus devait, lui, débuter par les tempêtes de « l'équinoxe des Dieux » et « la natu­re d'Horus étant force et feu, son éon sera marqué par la fin de l'humanitarisme. Le premier acte de son règne devant naturellement être de plonger le monde dans la catastrophe d'une guerre immense et sans pitié ». Ainsi A. Crowley, et ses disci­ples, crurent-ils sincèrement que les 2 guerres mondiales ainsi que les révolutions communistes étaient ces tempêtes équinoxiales.

Si la pensée cyclique de Crowley est en conséquen­ce déterministe, elle laisse cependant une place importante à l'action humaine. En effet, si le dé­roulement des éons est immuable, par contre, il est possible de modifier, de contrer ou d'augmenter leur influence sur les civilisations terrestres. Esti­mant qu'une période plus ou moins longue se dé­roule entre le début d'un éon et l'établissement de la loi de celui-ci, Crowley estimait que les thélèmi­tes pouvaient, par leur action, réduire au mini­mum cette période de transition. S’il envisagea que la Loi soit imposée par la force par un ordre « enga­gé dans les affaires temporelles » et entrant en lut­te ouverte avec les partisans des « dieux déchus », dans les faits, il adopta, sa vie durant, une straté­gie de séduction. Ainsi, tenta-t-il de convaincre les personnalités les plus diverses de l'intérêt de la ré­vélation d'Aiwass. Cela par une politique très ac­tive d'articles, de missives et d'expéditions du Li­ber Legis aux décideurs : industriels, ambassa­deurs, hommes politiques, etc. Dans cette optique, il accorda un intérêt tout particulier à la révolu­tion bolchévique, espérant que celle-ci, en deve­nant mondiale, créerait un vide qui ne pourrait être comblé que par la Loi de thélème. Ainsi vit-on A. Crowley faire entrer clandestinement en URSS des exemplaires du Liber Legis, tenter de prendre contact avec Trotsky, rencontrer Thael­mann en 1931 et dédier un de ses poèmes à Léni­ne.

L'utopie thélèmite

La société qui, dans l'esprit d'A. Crowley, de­vait naître de l'établissement de la Loi du nouvel éon sur une partie ou sur la totalité de la planète, devait être régie par les préceptes du Liber Legis. Structuration des rêves du “higher self”, de l'in­conscient matérialisé de Crowley qu'était Aiwass, il est normal que cette société recoupe sa pensée ultra-conservatrice évoquée précédemment.

Cette société devait avant tout être une société de liberté appliquant un des principaux préceptes du Livre de la Loi : « Fais ce que tu veulx sera le tout de la loi ». Le Liber LXXVII (voir ci-dessous) écrit par le maître en constituait en quelque sorte la “déclaration des droits de l'homme”. L'élite y serait composée des être humains ayant atteint l'illumi­nation et qui auraient dépassé le dualisme ; servis par une foule d'être humains non-éveillés, ils mè­neraient une vie luxueuse et oisive, comme le pré­voyait le Liber Legis. En 1943, près de 40 années après la révélation d'Aiwass, Crowley réflé­chissant sur celle-ci, remarquait qu'elle remplaçait le clan, la famille, l'État, par l'individu, et que « le livre annonce une nouvelle dichotomie dans la so­ciété humaine : il y a le maître et l'esclave, le noble et le serf, le loup solitaire et le troupeau ».

Il voyait alors des prophètes d'une telle société dans Nietz­sche et dans Gobineau et affirmait que le Liber Le­gis annonçait « une société aristocratique, car il pla­ce chaque individu au centre de l'univers, en même temps que démocratique, car il admet que chaque homme est unique, souverain et seulement respon­sable vis-à-vis de lui-même ».




Source : Vouloir n°94/96, 1992.
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Boleskine House

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Boleskine House (boll-ESS-kin; Scottish Gaelic: Both Fhleisginn) was the estate of author and occultist Aleister Crowley from 1899 to 1913. It is located on the South-Eastern shore of Loch Ness in Scotland, two miles east of the Village of Foyers. The house was built in the late 18th century by Archibald Fraser.

Contents

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[edit] Background

Crowley purchased the home in order to perform the operation found in The Book of the Sacred Magick of Abra-Melin the Mage. To perform it, Crowley says,

One must have a house where proper precautions against disturbance can be taken; this being arranged, there is really nothing to do but to aspire with increasing fervor and concentration, for six months, towards the obtaining of the Knowledge and Conversation of the Holy Guardian Angel.

In The Confessions of Aleister Crowley (Chapter 22), he continues:

The first essential is a house in a more or less secluded situation. There should be a door opening to the north from the room of which you make your oratory. Outside this door, you construct a terrace covered with fine river sand. This ends in a "lodge" where the spirits may congregate.

Crowley eventually sold the manor in order to fund the publication of The Equinox, Vol. III. However, he later alleged that the funds were stolen by the Grand Treasurer General of Ordo Templi Orientis, George MacNie Cowie.

[edit] Kiblah of Thelema

Aleister Crowley considered Boleskine to be the Thelemic Kiblah. This is an Arabic word which refers to the direction of Mecca, the holiest shrine of Islam.

It has a slightly different meaning in Thelema, as it is mentioned in several rituals written by Crowley where it is identified with the East. The Gnostic Mass and Liber Reguli [1] both identify the principal orientation (sometimes known as "Magical East") as being towards Boleskine.

It is considered to be the focal point of the magical energies (also called the "93 Current") of the Aeon of Horus. In this way it is similar to Jerusalem in Judaism and Mecca in Islam.

As Sabazius X (1998) notes:

Thus, the location of Boleskine House is to be the Omphalos or Center of Power for Thelema, and is to continue as such for the duration of the Aeon of Horus, regardless of the physical presence of the Stèle or of the house itself. Thus, O.T.O. Lodges, Profess-Houses and Gnostic Mass Temples are ideally to be oriented towards Boleskine.[2]

[edit] House and grounds

Boleskine House is located on the South-Eastern shore of Loch Ness in Scotland at 57°15′55.3″N 4°28′28.8″WCoordinates: 57°15′55.3″N 4°28′28.8″W.

Crowley describes Boleskine in Confessions:

The house is a long low building. I set apart the south-western half for my work. The largest room has a bow window and here I made my door and constructed the terrace and lodge. Inside the room I set up my oratory proper. This was a wooden structure, lined in part with the big mirrors which I brought from London.

The home includes the entrance hall, five bedrooms, three bathrooms, a drawing room, dining room, family room, kitchen, utility room, and the cellars. The grounds (about 47 acres) includes the Gate Lodge, which was originally the home for a coachman. It has a living room, kitchen, bedroom, and bathroom, as well as a pond, small garden and an orchard.

[edit] Ownership by Jimmy Page

From the early 1970s until 1991 Boleskine was owned by famed Led Zeppelin guitarist and Aleister Crowley enthusiast, Jimmy Page, who once called Crowley "a misunderstood genius of the 20th Century"[citation needed].

Page's fantasy sequence in the Led Zeppelin concert film The Song Remains the Same was filmed at night on the mountainside directly behind Boleskine House.

Page claimed that the house was haunted by a decapitated head.[1]

[edit] References

[edit] Sources

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