SOUS TOUTES RESERVES
L’ECONOMIE VUE PAR MAR(X)INE LE PEN
Si si le FN a changé avec Marine.
Le programme économique du Front National a été mis au diapason de ses idées.
Et se dessine un projet authentiquement fasciste. Décryptage, première partie.
Les « points forts » du programme du Front National, et des idées qu’il développe, ont toujours tourné autour de l’insécurité et de l’immigration.
Si ces axes de propagande restent porteurs, notamment auprès de gens honnêtes et modestes confrontés à des « incivilités » quotidiennes, victimes de vols et de violences, craignant de prendre le RER le soir, dont les immeubles sont tagués et les voitures détériorées voire brûlées, ils ne suffisent plus à assurer un développement national à un parti se voulant le troisième de France, dans le contexte de la crise économique majeure dont, surtout, les économies dirigées d’Europe continentale de l’Ouest sont aujourd’hui le théâtre.
Cantonné par son fondateur, Jean-Marie LE PEN, dans une fonction tribunicienne, le FRONT NATIONAL a pu développer pendant des décennies un programme et des thèmes économiques libéraux.Ceux-ci renforçaient son originalité, dans un pays où droite et gauche se rejoignent sur le dirigisme et l’étatisme, et lui permettait, malgré les saillies de son chef, d’échapper à juste raison – et par-delà les polémiques gauchisantes – à toute accusation de « néofascisme ».
Comme nous l’avons souligné dans un précédent article, c’est, par-delà des différences de vêture, « l’économie dirigée », qu’ils ont en commun avec la social-démocratie et le gaullisme, qui va distinguer les fascismes – et leur exacerbation, le national-socialisme – de régimes autoritaires ou dictatoriaux moins interventionnistes dans la sphère économique comme, par exemple, le Chili d’Augusto PINOCHET ou… la Chine « communiste » d’aujourd’hui.
Ainsi, par delà leurs différences, ni Augusto PINOCHET, dictateur brutal, mais économiquement libéral, ni Jean-Marie LE PEN, tribun un tantinet provocateur, mais ni étatiste, ni dirigiste, ne justifient les qualificatifs de « fasciste », « néofasciste » ou « fascisant ». Dussent les polémistes gauchisants en verdir de rage…
Et c’est ici que tout change.
L’ÉCONOMIE DU FN VIRE FASCISTE
L’ « économie dirigée » est, dans ses fondements de base, inspirée par les thèmes marxistes, quelquefois revus à la sauce catholique.Ce qui faisait dire à certains nationaux-socialistes que leur régime et le communisme n’étaient pas antagonistes mais concurrents.
De fait, les principaux caractères de l’un et de l’autre voisinent : prééminence de l’Etat, encadrement des activités économiques par des fonctionnaires, secteur nationalisé – plus ou moins large, mais guère plus dans la Pologne « socialiste » de JARUZELSKI que dans l’Allemagne (national-) socialiste – autarcie et limitation des échanges internationaux, poids des prélèvements obligatoires, planification…
Il n’y a donc, au-delà des apparences, aucune contradiction à qualifier de « néofasciste » un programme économique peuplé de thèmes marxisants. Ce qui le distinguera d’un programme communisant ou gauchisant sera l’articulation sur des valeurs nationalistes, alors qu’un programme gauchisant s’articulera, pour le surplus, sur des valeurs internationalistes ou universalistes.
HARO SUR LES LIBÉRAUX
Mais, sur le plan économique, la parenté est indiscutable, y compris dans les idées, sur le plan économique, fondamentales : défiance à l’égard de l’entrepreneur (« exploiteur » ou « voyou »), condamnation de la concurrence (gaspilleuse ou déstabilisatrice), vénération des techniciens, ingénieurs, scientifiques, managers et autres clercs intervenant dans le processus économique, infantilisation du consommateur qui doit être « protégé » (comme un incapable, y compris au sens juridique du terme), stigmatisation du profit, stabilisation des élites se reproduisant par cooptation balisée.
Tournant carrément le dos à l’orientation libérale qui faisait son originalité, le nouveau projet économique du FRONT NATIONAL, dont nous allons maintenant examiner les thèmes principaux, s’insère exactement dans la définition « néofasciste », grâce à la combinaison, décrite ci-dessus, des thèmes nationalistes et marxisants, ou si l’on préfère, de manière plus parlante, nationalistes et socialistes…
1- DES ERREURS FACTUELLES QUI RÉVÈLENT UNE APPROCHE SUPERFICIELLE DOMINÉE PAR LA DÉMAGOGIE
Comme la presse l’observe majoritairement, ce programme « en construction » comporte beaucoup de questions renvoyées à plus tard, ce qui ne l’empêche de montrer par ses erreurs le caractère superficiel de son approche.
Ainsi, « vouloir éviter de démanteler le salaire minimum comme notre voisin allemand l’a fait ». (p.7) : l’Allemagne n’a jamais « démantelé » (tiens, tiens, une formule sémantique empruntée à la CGT…) le salaire minimum, puisqu’elle n’a jamais institué de salaire minimum généralisé (il existe des salaires minimum dans certaines branches, telle métallurgie).
Quant au salaire minimum généralisé, il n’y a que Die Linke (parti d’extrême-gauche issu notamment de l’ancien parti communiste de la RDA) dans l’Allemagne d’aujourd’hui pour le réclamer (le SPD étant divisé sur la question) ; ce n’est pas le seul constat de « socialisme » dans le programme du FN crû 2011…
Ou encore s’attaquer aux marges indécentes des grandes surfaces : les résultats publiés des grandes surfaces (cotées en Bourse) ne font pas ressortir de profits si extraordinaires, cela se saurait… Et si les marges brutes sur certains produits sont importantes, celles sur d’autres sont nulles. Et entre la marge brute et la marge nette, il faut payer les salariés, les bâtiments, les charges et les impôts…
Sur l’euro, en page 7, l’euro fort est critiqué parce qu’il nuit à nos exportations (dans le programme de papa LE PEN, alors que l’euro était moins fort par rapport au dollar, c’était sa faiblesse qui était critiquée…), tout en affirmant qu’il favorise celles de l’Allemagne ! Allez comprendre.
Cette faiblesse de la réflexion explique que le projet économique « new look » du FRONT NATIONAL ne soit que le ressassement des vieilles formules étatistes dans une continuité crispée de la situation actuelle, considérée comme plus opportune électoralement que la formulation d’un projet novateur mais dérangeant.
C’est dans les vieux pots, dit-on, qu’on fait les meilleures soupes. Et ici, il n’y a même pas de jeunes carottes…
2- ETATISME GALOPANT ET DÉLIRE FISCAL
Le thème central est l’Etat-stratège, nouvel avatar de la planification.
« Qu’est-ce que l’Etat stratège ?
Il s’inscrit dans la tradition colbertiste française.
Il a vocation à organiser une planification stratégique de la ré-industrialisation et à impulser l’innovation, en partenariat avec les industriels et les ingénieurs.
Il devra réorganiser les filières d’études, recréer les compétences nécessaires à l’indispensable projet de ré-industrialisation de la France.
Cela se fera dans le sens d’un aménagement du territoire harmonieux et efficace.
Cela suppose de reprendre des compétences stratégiques perdues par l’Etat dans ce double mouvement de décentralisation ratée et de fuite en avant européiste. (p. 16) »
LA NOSTALGIE DE L’ÉCONOMIE DE VICHY
Plus nostalgique (et incantatoire), tu meurs ! Tout y est, du planisme d’X-Crise (finissant à Vichy) à la référence à Colbert en passant par l’appui pris sur les « ingénieurs », clin d’œil à feu-Staline… Mais ce n’est pas tout… Il faut C4 / Un Etat fort garant des services publics (p. 17) (mais oui…) La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) consiste depuis 2007 à une réduction massive des capacités de l’Etat, dans tous les domaines …Pour un coût social très élevé… Cette voie est absurde. Il faut en sortir, en cessant le non-remplacement systématique des fonctionnaires d’Etat. (p.34)
D’ailleurs Les gouvernements UMP et PS ont largement privatisé les services publics. (Ibid.) Les vilains…
MARINE RESSUSCITE LA GOSBANK SOVIÉTIQUE
L’Etat stratège aura vocation à redevenir actionnaire majoritaire ou exclusif des grandes entreprises stratégiques de service public, dans les domaines des transports et de l’énergie notamment. (Ibid.) Le secteur bancaire sera régulé autour d’un pôle public bancaire sous contrôle de l’Etat. Ce qui, il est vrai, ne changera pas grand chose, mais, la… GOSBANK, il fallait oser…
Toutes les recettes éculées de l’étatisme sont au rendez-vous :
Ateliers nationaux : rebâtir une industrie efficace et compétitive, sous l’impulsion de l’Etat stratège (p. 14)
Tarifs extérieurs : reconstitution de filières technologiques sous l’égide de l’Etat stratège et sous la protection des tarifs extérieurs rétablis. (p. 15),
Contrôle des prix : une politique de contrôle transitoire des prix pouvant être nécessaire pour limiter les effets à court terme des mesures tarifaires sur les produits ne pouvant pas être produits localement (p. 15)
Le « projet » ne s’appesantit pas – et pour cause – sur les sources de financement de ce retour arrière.
LENDEMAINS FISCAUX QUI DÉCHANTENT
Mais attendez-vous à des lendemains fiscaux qui déchantent. En voici un aperçu.
Impôt progressif… fruit de la fusion entre la taxe foncière et l’ISF, sur des bases rénovées assurant la justice fiscale (p. 26)
Ainsi nous avons pour objectif d’instaurer la progressivité de l’impôt partout (p. 24) (l’impôt lourd progressif du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx - 1848 - quel modernisme échevelé !) La justice fiscale suppose aussi de rééquilibrer la taxation du capital et du travail : les revenus du travail doivent être moins taxés, mais le capital et les revenus du capital davantage. (Ibid.)
Et pour la dette, la solution est trouvée : En ce sens, l’épargne massive des Français (17% du revenu disponible) est, dans la crise actuelle, un des atouts majeurs de notre pays. Elle peut nous permettre de rebondir, à condition de la sécuriser et de l’utiliser à bon escient en fonction des besoins du pays. L’objectif est de canaliser une partie de cette épargne vers le financement de notre dette, dans l’intérêt des épargnants et de la Nation. (p. 37).
Sécuriser l’épargne des Français, mais qui la menace ? L’utiliser à bon escient, parce que les épargnants ne savent pas ? La canaliser par quel moyen ? Que de termes galants pour annoncer une simple razzia !
D’ailleurs l’arme de l’impôt (c’est le terme employé !) est omniprésente : le Front National propose d’utiliser l’arme de l’impôt sur les sociétés. Son taux doit être modulé en fonction de l’utilisation qui est faite des bénéfices. Plus les bénéfices vont vers les actionnaires, plus l’impôt sur les sociétés est lourd. Plus ils vont vers la participation, les salaires, l’emploi et l’investissement productif, permettant une relocalisation des activités, plus l’impôt sur les sociétés baisse. Il y a là une fonction incitative de l’impôt que nous devons utiliser. (pp. 22-23, aussi p. 25, c’est un thème récurrent…) Et comment empêchera-t-on ces actionnaires de chercher ailleurs un meilleur placement de leur argent ? Mais en fermant les frontières, voyons !
Le contrôle des changes et des mouvements financiers est implicitement prévu : contribution exceptionnelle prélevée sur les avoirs extérieurs en euros et en autres devises des institutions financières françaises (p. 10) Où commence et où finit une institution financière ? Au nom de quoi les avoirs des seules institutions financières et non ceux des entreprises ou des ménages à l’étranger, qui, libellés en euros, bénéficieraient également de la dévaluation, ne seraient-ils pas taxés ?
Et tout cela nécessitera, naturellement, un appesantissement de la répression.
Exemple : Il faudra en particulier … condamner très fermement les employeurs ayant recours au travail au noir. (p.35) Il ne s’agit pas du "travail clandestin" des immigrés, critiqué dans le programme de papa LE PEN, mais bien du "travail au noir" des gaulois qui prive la vertueuse URSSAF de 10 à 15 milliards d’euros par an (étude d’une commission parlementaire présidée par l’UMP, évoquée, sans la citer, dans le projet).
Tous les ingrédients d’un projet économique néofasciste sont présents. Y compris les incantations socialisantes et les invectives polémiques.
Deuxième partie de notre décryptage du programme économique du FN à suivre
A lire ou relire sur Bakchich.info
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