mardi 19 avril 2011

LES MUSULMANS : EUX PAS CONTENTS !



Nigeria : émeutes au Nord après l'élection de Jonathan


Par Tanguy Berthemet 19/04/2011

À Kano, dans le Nord, lundi, les soldats ont été déployés dans les rues pour repousser les contestataires.
À Kano, dans le Nord, lundi, les soldats ont été déployés dans les rues pour repousser les contestataires. Crédits photo : SEYLLOU DIALLO/AFP

L'élection de ce chrétien du Sud a provoqué des émeutes dans le Nord musulman.

Goodluck Jonathan restera aux commandes du Nigeria.

Le président sortant a été proclamé lundi vainqueur de l'élection à la tête du pays, cinquième exportateur mondial de pétrole et géant de l'Afrique de l'Ouest.

Selon les résultats officiels définitifs, Goodluck Jonathan a obtenu 22,5 millions de voix, soit près de 57 % des suffrages exprimés.

La commission électorale attribuait 12,2 millions de voix à son rival principal, Muhammadu Buhari, un ancien général à la tête d'une junte en 1985, originaire du nord du pays, à majorité musulmane.

La victoire revient donc au président Jonathan et au Parti démocratique du peuple, l'ultradominant PDP, qui a remporté toutes les présidentielles dès le premier tour depuis l'instauration de la démocratie au Nigeria, en 1999.

Le scrutin, qui s'est déroulé dans le calme samedi, est loin de satisfaire tout le pays. La fraude massive de ces dernières années, qui avait transformé les votes en kermesses, semble avoir été contenue. La mise en place d'un fichier électronique et la refonte de la liste électorale, qui a permis de radier les morts et les centaines de milliers d'électeurs fantômes, y sont pour beaucoup. Les observateurs ont donc jugé l'élection 2011 plus honnête que la précédente, en 2007.

Mais l'examen plus précis des ­votes laisse planer des doutes, en particulier les scores anormalement élevés obtenus par Goodluck Jonathan dans son fief du Sud chrétien. Ainsi, l'État d'Akwa Ibom lui a accordé 95 % des voix et celui de Bayelsa, son État natal, a proclamé le score de 99,63 %. C'est, certes, plus crédible que les 102 % dont Olusegun Obasanjo avait été gratifié en son temps dans certaines villes du Nigeria…

«Des chiffres inventés»

Chidi Odinkalu, responsable de l'ONG Open Society Justice Initiative, estime cependant que «l'élection présidentielle a été libre et transparente, ce qui est vraiment incroyable». Pour Jibrin Ibrahim, du Centre pour la démocratie et le développement, «de tels chiffres au-dessus de 95 % paraissent inventés et posent de graves interrogations sur la crédibilité de l'élection». Des accusations largement reprises par les partisans de Buhari et qui trahissent le fort clivage géographique et religieux des 120 millions de Nigérians entre le Sud chrétien et le Nord musulman.

Dans le Nord, l'annonce de la victoire de Jonathan a provoqué de violentes réactions. Une règle non écrite veut qu'à un président chrétien succède un président musulman.

Or Umaru Yar'Adua, le dernier musulman élu, était mort après seulement 18 mois au pouvoir. Goodluck Jonathan, son vice-président, avait pris la succession. Lundi, à Kaduna, des manifestants ont incendié des pneus dans les rues en hurlant : «Nous voulons Buhari !» À Zaria, des protestataires ont incendié une église et l'armée a dû intervenir.

Selon un témoin, des maisons et des voitures appartenant à des chrétiens ont été détruites par des supporteurs furieux de Buhari.

Lundi, un couvre-feu a été décrété dans l'État de Kaduna. L'armée avait été massivement déployée et des hélicoptères survolaient la cité de Jos, théâtre de récentes émeutes interreligieuses.

La Croix-Rouge faisait état lundi soir de 276 blessés et 15 000 déplacés en 48 heures, depuis l'élection.

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