« Langue archaïque »?
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SAINT MALO DE BEIGNON (Morbihan) |
Langue belle tout comme celle de la vénerie qui nous offre dans le langage « courant » de belles expressions...
Portemont, le 16 avril 2011
Une langue qui n'exclue pas la poésie...
José-Maria de Heredia (1842-1905) « J'ai vu parfois, ayant tout l'azur pour émail, Pour cimier, pour supports, l'héraldique bétail, Certe, aux champs de l'espace, en ces combats étranges Comme ceux qui jadis prirent Constantinople, |
Si la langue du blason apparaît hermétique à nos contemporains c’est parce qu’au fil des siècles passés (depuis le XVème environ) elle s’est progressivement éloignée de la langue usuelle. Ceci tient à la culture d’un certain archaïsme dans le vocabulaire autant qu’à l’emploi de formules souvent compliquées et parfois pédantes dans sa syntaxe. Devenant inintelligible pour le commun des mortels celui-ci, même s’il reconnaît et apprécie la beauté et la richesse symbolique des images, s’est détourné de son usage au profit des logotypes qui se passent de descriptions car ils ne s’adressent qu’au cerveau primitif. Pourtant cette langue est facilement accessible à chacun d’entre nous au prix de quelques minimes efforts et d’un peu de temps. Si l’on se donne la peine de franchir le pas des premières difficultés apparentes on en est vite récompensé et on devient capable de décrire les trois quarts des armoiries rencontrées. On est alors tenté d’aller plus loin et le désir d’identification des armoiries observées sur les monuments, les œuvres et objets d’art, la vaisselle ou les reliures de livres anciens par exemple vient naturellement. Mais vient aussi le désir de blasonner et pourquoi pas, si l’on n’en a pas de familiales, celui de créer ses propres armoiries puisque nous avons rappelé que chacun est libre d’adopter les armoiries de son choix et d’en faire l’usage privé qui lui convient, à la seule condition de ne pas usurper celles d’autrui. Pour tout cela il convient de rappeler les quelques règles fondamentales de la composition des armoiries dont nous savons déjà qu’elles sont des emblèmes constitués de figures en couleur prenant place sur un support. LE SUPPORT Il s’agit le plus souvent d’un écu rappelant le bouclier médiéval. Il est généralement à peu près triangulaire mais, en réalité, la forme de l’écu a varié selon les pays et les époques. Il n’existe en réalité aucune obligation en la matière et la forme du support doit être laissée au choix du possesseur ou du créateur des armoiries. D’ailleurs, certaines figures s’inscrivent plus judicieusement dans des périmètres moins conventionnels que le seul écu. C’est ainsi que l’on trouve des supports carrés (rappelant les bannières des anciens chevaliers et l’on parle parfois d’écus « en bannière »), circulaires, ovales ou losangiques par exemple (principalement pour les armoiries des femmes). Parfois même il n’existe pas de support spécifique et la ou les figures prennent place en tout ou partie sur l’objet qui les reçoit : vêtement, objet d’art ou pièce de vaisselle mais aussi caparaçon (on en trouvera les plus beaux exemples dans le Grand Armorial équestre de la Toison d’or –1-).
L’émail (pluriel : émaux) est le nom générique des couleurs en héraldique. Il est l’élément primordial d’une armoirie car s’il existe des armoiries sans figure il n’en existe pas sans émail. Les émaux concernent le champ (surface du support) et les figures (dont nous reparlerons plus loin). Ils sont en nombre limité et divisés en deux catégories : les métaux et les couleurs proprement dites. Les métaux sont au nombre de deux : l’or (jaune) et l’argent (blanc). Les couleurs au nombre de cinq : gueules ( rouge), azur ( bleu ), sable ( noir ), sinople ( vert ) et pourpre ( rouge-violacé ) auxquelles s’ajoute le tanné ( brun orangé ) beaucoup plus rare. Au XVIIème siècle, pour des raisons liées aux techniques d’impression en noir et blanc, la représentation des couleurs fut traduite en un système de hachures encore utilisé de nos jours : or : un pointillé argent : un fond blanc gueules : des traits verticaux azur : des traits horizontaux sable : des traits horizontaux et verticaux croisés sinople : des traits obliques de gauche à droite pourpre : des traits obliques de droite à gauche tanné : des traits obliques croisés Notons qu’un support dont le champ est d’un seul émail dépourvu de figure est dit « plain » (exemple : un écu uniformément rouge est dit « de gueules plain » -cf. armoiries d’Albret ancien-). On doit ajouter aux émaux un certain nombre de fourrures (qui rappellent les pelleteries qui recouvraient parfois les boucliers médiévaux mais dont se vêtaient aussi les combattants).
Il en existe deux principales : l’hermine (représentée par de petites mouchetures de sable sue un champ d’argent) et le vair (représenté par une alternance de petites clochettes d’argent et d’azur posées tête-bêche sur plusieurs rangs horizontaux, appelés « tires », et décalées d’un rang à l’autre).
Deux autres sont moins fréquemment utilisées : la contre-hermine (représentée par des mouchetures d’argent sur un champ de sable) et le contre-vair (représenté par une alternance de clochettes d’argent et d’azur posées tête-bêche sur plusieurs rangs mais opposées par le sommet ou la pointe).
A ce stade il est essentiel de savoir que la disposition des émaux sur un support répond à une règle fondamentale, stricte et universelle : on ne peut mettre métal sur métal ni couleur sur couleur. On ne peut donc, en principe, jamais poser une figure de métal sur un champ ou une autre figure de métal pas plus qu’une figure de couleur sur un champ ou une autre figure de couleur. On ne peut pas non plus associer, en principe, côte à côte deux métaux ou deux couleurs. Cette règle ne souffre que de rares exceptions sur lesquelles nous aurons à revenir plus tard. Dans tous les autres cas, les armoiries ne respectant pas cette règle des émaux sont dites « à enquerre » (car il est alors nécessaire de « s’enquérir » du motif de cette dérogation). Le plus bel et classique exemple réside dans les armoiries de Jérusalem au temps du Royaume chrétien d’Orient : d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même.
En revanche, les fourrures peuvent être combinées indifféremment aux métaux, couleurs ou autres fourrures. Il en est de même des petits détails tels que langues, griffes, couronnes, etc. des animaux, par exemple, représentés sur le champ d’un écu. LES FIGURES Elles constituent le second élément de la composition d’une armoirie après les émaux. Elles se répartissent en deux groupes : d’une part les figures géométriques résultant de la division du support sur lequel elles occupent un emplacement immuable et d’autre part les meubles qui sont des éléments décoratifs mobiles. Les premières se subdivisent en deux catégories : les pièces honorables, obtenues par des lignes horizontales, verticales ou obliques et qui sont posées sur le champ du support qu’elles laissent donc voir en partie (les plus fréquentes sont le chef, la fasce, la bande, la barre, le pal, la croix, le sautoir, le chevron, la bordure, etc.) et les partitions qui résultent de l’assemblage de plusieurs pièces honorables de même forme et d’émaux alternés, toujours en nombre pair et recouvrant intégralement le champ (les plus fréquentes sont le parti, les écartelés, le fascé, le bandé, le barré, le palé, l’échiqueté, etc.). Nous aurons bien sûr l’occasion de revenir sur tout cela. Les traits séparant les pièces ou les partitions sont généralement droits mais ils peuvent être courbes ou avoir des formes très variées facilitant ainsi la diversité des armoiries. Les héraldistes scandinaves contemporains ont particulièrement développé ce dernier aspect comme nous le verrons plus tard. Les seconds sont de nature très diverse : animaux, végétaux, édifices, objets en tous genres représentés sous des formes toujours stylisées au point d’être parfois assez éloignées de la réalité. Le répertoire de ces meubles a toujours été très ouvert et il s’est régulièrement enrichi de figures exprimant la vie, les centres d’intérêt ou les croyances du moment. Cette grande souplesse de l’héraldique en fait un système emblématique sans pareil et qui, contrairement à ce que pensent ses détracteurs, au nom d’une prétendue modernité, n’est en rien archaïque. Les meubles peuvent être posés sur le champ du support comme sur les pièces honorables ou les partitions ; ils peuvent également varier en nombre, taille ou forme. La situation et la combinaison des meubles y est assez libre et résulte davantage des habitudes que de règles précises : un meuble unique occupera généralement le centre de ce support et sera le plus grand possible ; plusieurs meubles seront en revanche disposés, selon leur nombre, soit côte à côte, soit les uns au-dessus des autres, soit répartis deux et un, deux et deux, deux/un/deux, trois/deux/un, etc. Au-delà de douze meubles on n’en précise plus le nombre et on parle alors d’un semé, comme dans les premières armoiries de la France : d’azur semé de fleurs de lis d’or.
(1) Grand Armorial équestre de la Toison d’Or, publié par Michel Pastoureau et Michel Popoff, éditions du Gui, Saint-Jorioz (74), 2001. |
Le plus célèbre de tous les armoriaux et un des plus beaux manuscrit peints que le moyen âge finissant nous a laissés. Un ouvrage en deux volumes dont le premier est un fac-similé du manuscrit original (vers 1435 – 1440) conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal et le second un livre d’étude et d’édition. Lire: http://www.culture-cadeaux.com/ouvrage-epuise-toison-d-or-cuir-p-99.html Le plus ancien et le plus célèbre recueil d’armoiries peintes sur parchemin, conservé dans une bibliothèque française... Lire:
« Editions du Gui » Stéphanie et Guy LECOMTE (éditeurs) éditions du Gui |
Visitez:
http://histoire.over-blog.com/categorie-166323.html
http://armorialdefrance.fr/accueil.php
http://drebeta.wordpress.com/2007/09/30/heraldique-3/
Et pour conclure en poésie...
Abrégé en vers des Règles du Blason
par le p. Ménestrier, de la Cie de Jésus.
Le blason, composé de différents émaux,
N'a que quatre couleurs, deux pannes, deux métaux.
Et les marques d'honneur qui suivent la naissance
Distinguent la noblesse et font sa récompense.
Or, argent, sable, azur, gueules, sinople — vair,
Hermine, au naturel (1) et la couleur de chair.
Chef, pal, bande, sautoir, fasce, barre, bordure,
Chevron, pairle, orle et croix, de diverse figure
Et plusieurs autres corps nous peignent la valeur,
Sans métal sur métal, ni couleur sur couleur.
Supports, cimier, bourlet, cri de guerre, devise,
Colliers, manteaux, honneurs et marques de l’Église (2)
Sont de l'art du blason les précieux ornements,
Dont les corps sont tirés de tous les éléments.
Les astres, les rochers, fruits, fleurs, arbres et plantes,
Et tous les animaux de formes différentes
Servent à distinguer les fiefs et les maisons,
Et des communautés composent les blasons.
De leurs termes précis énoncez les figures
Selon qu'elles seront de diverses postures.
Le blason plein échoit en partage à l'aîné,(3)
Tout autre doit briser comme il est ordonné.
Notes de l'auteur :
1- Au lieu de au naturel, d'autres mettent : blanche et noire. 2- Au lieu de et marques de l'Eglise, d'autres mettent : que le prince autorise. 3- Ce dernier précepte est tombé en désuétude, beaucoup trop tard, malheureusement.
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