dimanche 23 janvier 2011

DOCTEUR DESTOUCHES ...& MISTER CELINE

23.01.2011

Céline, écrivain essentiel

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

« Le monde n'est, je vous assure, qu'une immense entreprise à se foutre du monde. » Louis-Ferdinand Céline, ("Voyage au bout de la nuit", 1932)

« Il est temps d’expliquer ce qui sous-tend le despotisme bon teint appliqué à la langue qu’on a appelé politiquement correct. Il s’agit ni plus ni moins d’un racisme inconscient déchaîné et garrotté dans une camisole de bons sentiments. » Stéphane Zadganski, ("Suite et fin du professeur Y", L’Infini, n°63, automne 1998, p. 113)

Notre bon ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, retire Louis-Ferdinand Céline des célébrations nationales 2011. Cela fait 50 ans que l'écrivain est mort et cela ne sera pas l'occasion d'évoquer ses livres. Verboten ! La Kommandantur a parlé !

Frédéric Mitterrand a annoncé le retrait de Céline du recueil des célébrations nationales 2011 après la polémique suscitée par la présence dans cette liste de l’écrivain qui a été également l'auteur de textes antisémites orduriers.

Serge Klarsfeld, président de l’association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), s’est indigné de voir l’anniversaire de la mort de Céline inscrit dans ce recueil au côté par exemple de Blaise Cendrars, Franz Liszt, André Leroi-Gourhan ou encore Georges Pompidou.

“Après mûre réflexion, et non sous le coup de l’émotion, j’ai décidé de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales”, a dit M. Mitterrand vendredi soir dernier.

Je suggère à notre chère Police de la Pensée de supprimer de l'école Voltaire. Je ne cite que ce pilier de nos Lumières pré-Révolutionnaires devant lequel tout le monde se pâme et j'invite les lecteurs à se forger une opinion en lisant ces quelques extraits de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations de Voltaire, paru en 1756, où le philosophe considère les juifs d'une façon... guère philosophique :

« Si Dieu avait exaucé toutes les prières de son peuple, il ne serait restés que des Juifs sur la terre ; car ils détestaient toutes les nations, ils en étaient détestés ; et, en demandant sans cesse que Dieu exterminât tous ceux qu'ils haïssaient, ils semblaient demander la ruine de la terre entière »

« On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enracinée dans leurs cœurs, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce ».

Mais également ce qui suit...

« Vous me semblez être le plus mauvais du lot. les Kaffirs, les Hottentots, et les Nègres de Guinée sont beaucoup plus raisonnable et plus honnête que vos ancêtres, les Juifs. Vous avez surpassé toutes les nations, dans des fables impertinentes, dans une mauvaise conduite et dans le barbarisme. Vous méritez d'être puni, tel est votre destiné. » (Lettre que Voltaire a envoyé à une personne de confession juive qui se plaignait de son antisémitisme dans son Essai sur les mœurs et l'esprit des nations)

« Pourquoi les Juifs n’auraient-ils pas été anthropophages ? C’eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable de la terre ». (Dictionnaire Philosophique, 1764, article : Anthopophage)

« …une horde de voleurs et d'usuriers… ». (Dictionnaire Philosophique, 1764, article : États, gouvernements)

« C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre ». (Dictionnaire Philosophique, 1764, article : Tolérance)

Dois-je évoquer l'antisémitisme de Kant, Wagner, Shakespeare ou de Goethe, ou celui de Ronsard, d'Holbach, Rousseau, Dickens, Balzac, Gide, John Lennon, Gandhi, Freud, Simenon ou encore Marlon Brando, et des centaines d'autres, a priori non suspects d'hostilité à l'égard des Juifs, qui n'ont pas échappé à cette tentation facile. Voyez le "Dictionnaire de l'antisémitisme" de Paul-Eric Blanrue.

Peut-être devrions-nous supprimer de la mémoire collective tous ces penseurs et artistes ? Les jeter dans les basses-fosses de l'oubli ? Pour le grand bonheur de Serge Klarsfeld qui se trompe de cible et devrait se contenter de chasser les nazis cachés (en reste-t-il ?) et, peut-être, leurs sinistres descendants idéologiques (y'en a pas mal), au lieu de mettre sur le même niveau qualitatif "Voyage au Bout de la Nuit" et "Bagatelles pour un massacre" ou "L'École des cadavres" , sans oublier le détestable "Les Beaux Draps" . Car c'est ce que Serge Klarsfeld a fait avec son caca nerveux. Je peux comprendre que sa douleur soit grande à l'évocation des textes monstrueux que l'écrivain a commis à l'endroit des juifs, mais, par contre, 10 pages du "Voyage au bout de la nuit" (1932) écrasent une bonne partie de toute la production littéraire de ces 50 dernières années... et, croyez-le ou non, je pèse mes mots. Et puis n'oublions pas "D'un château l'autre" (1957), "Nord" (1960) et "Rigodon" sorti après sa mort (1969)... toute une époque passée au scalpel.
Les Pamphlets antisémites de Céline sont des diarrhée haineuses et verbales, des monstres en mutation dans un Siècle qui, de toute façon, avait déjà entièrement perdu la tête dés la première guerre mondiale. Ces criminelles erreurs parfaitement condamnables moralement, littérairement sans grand intérêt , n'enlèvent rien à l'esprit vif et au style unique des autres livres de Céline qui n'ont pas le même rapport avec l'antisémitisme. Céline est, probablement, le dernier authentique styliste de la langue française avec Proust. Les décisions, comme celle de notre ministre de la Culture, nous évitent de considérer droit dans les yeux la seule chose qui compte : le trou béant de la Shoah et ses 6 000 000 de cadavres au pied du Moloch machinique... La posture moraliste et "vertueuse" de Frédéric Mitterrand à cause des états d'âme de Serge Klarsfeld ne nous permet aucunement d'avancer dans la fange de ce charnier. Or, nous nous devons de le faire, c'est même notre devoir pour l'avenir de l'humanité.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent que l'on puisse séparer l'auteur de son oeuvre, car s'il est bien un art qui mêle fortement l'auteur à son oeuvre c'est bien la Littérature. Il y a plusieurs niveaux de lecture pour chaque livre. Or il est indéniable qu'il se passe quelque chose, chez Céline, avec la Langue, à laquelle il fait atteindre un degré de délire nouveau sous le soleil. Et ce degré de délire augmente soudainement dans l'invective criminelle lorsqu'il s'en prend aux juifs qui ne sont ni plus ni moins et une fois de plus, c'est banal de le dire, que les boucs émissaires d'un monde à l'agonie.

« Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître. [...] Dans l’élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangreneux, ravageurs, pourrisseurs. Le juif n’a jamais été persécuté par les aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d’hybride.»
L'école des Cadavres

Ouvrez L'école des Cadavres à n'importe quelle page et c'est sur ça que vous tomberez. De quoi vous donner le vertige du dégoût.

Je ne sépare pas, quant à moi, l'auteur de l'oeuvre car je ne suis pas un révisionniste qui cherche à épurer l'écrivain de ce qui ne serait pas présentable aux yeux du politiquement correcte. Gilles Deleuze voit, dans "Critique et Clinique" , le style de Céline comme une espèce de langue délirante creusée dans la langue, qui n’est pas spécifique, d'ailleurs, à l’antisémitisme. Les pamphlets sont, du point de vue du style, du pur Céline. Il y a une haine chez Céline, la haine d'un homme revenu de tout : de la première guerre mondiale, de la merde des conventions humaines qui nous masquent ce que nous sommes, de cette immense entreprise qu'est l'univers et qui se fout du monde, de l'Afrique Coloniale, alors il choisit l'abandon au sanglant délire pour alléger sa carne de ce qu'il ne supporte guère. Il faut toujours se trouver une explication qui rassure, n'est-ce pas ?, même lorsqu'on se croit éduqué et qu'on pense avoir l'esprit critique. Désigner le juif comme responsable de tous les malheurs que nous rencontrons est une vieille recette qui n'a toujours pas fini d'être remise sur la table d'ouvrage des conspirations haineuses toujours recommencées.
Non, le filtrage doit se faire à un autre niveau, par delà Bien et Mal, ai-je envie de dire comme Nietzsche aurait pu le formuler, dans un cercle qui, d'ailleurs, n'est pas donné à tous... « Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi » affirmait à juste titre le moustachu allemand.
« Tout ce qui ne chante pas, pour moi, c’est de la merde. Qui ne danse pas fait l’aveu tout bas de quelque disgrâce. » écrivait quant à lui Céline qui parvint même à faire chanter sa haine et à rendre la merde dansante.

Je suis bien incapable de dire si Céline savait, en 1941, ce qui se tramait, à l'Est, avec l'avancée des allemands sur l'URSS, mais après avoir écrit dans les années 30 « Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître», il fait publier en pleine collaboration "Les beaux draps", livre dans lequel il ne se calme guère et tout cela prend une résonance bien nauséabonde.
Pas folle la guêpe, Céline refusera que ses Pamphlets soient publiés après la guerre alors que, curieusement, ils n'étaient pas interdits de publication et, officiellement, ne le sont toujours pas. Mais que les naïfs parmi vous ne s'en sentent pas davantage rassurés. Autant un Ezra Pound ouvertement pro-Mussolini durant la seconde guerre mondiale dira au poète beatnik, et juif, Allen Ginsberg, venu lui rendre visite à Venise bien après la guerre que l'antisémitisme est un « Stupide préjugé banlieusard » et aussi « J’avais tort. Tort à 90 %. J’ai perdu la tête dans un orage. ». En 1946, Pound aurait murmuré au poète Charles Olson : « J’ai toujours dit ce qu’il ne fallait pas, et renversé autour de moi toute la foutue porcelaine. » Lorsqu'on lui demandait où il vivait, Ezra Pound répondait, en montrant son coeur, « En Enfer. » Céline, par contre, adopte une tout autre stratégie. Dans une lettre à Albert Paraz (qui a préfacé, bien qu'en prenant ses distances avec l'auteur sur la question des chambres à gaz, "Le Mensonge d'Ulysse" de Paul Rassinier, l'un des ouvrages fondateurs du négationnisme) Céline écrit à propos de ce même livre qui le fascine : « Son livre admirable va faire grand bruit – quand même il tend à faire douter de la magique chambre à gaz ! Ça permettait tout ! », ("Lettre à Albert Paraz", Cahier Céline 6, Paris, Gallimard, 1980, p. 276) Comme quoi... on n'en sort pas. Car tenace est le ressentiment lorsque, par exemple, dans son livre "D'un château l'autre" l'auteur en vient par une crispation assumée à chercher à amoindrir les souffrances du peuple juif, en les comparant aux siennes propres, à amoindrir les crimes des nazis en insistant sur la violence des épurateurs français à la Libération, où d’autres crimes de l’Histoire. Céline se plaint de n’avoir pas vu le même accueil réservé à la gare aux rescapés des camps de la mort et aux collaborateurs exilés. Mais seulement voilà, nous avons ici un témoignage unique d'une époque à la dérive, écrit dans un style singulier, vociférateur à souhait, plaintif, malheureux, équarrissage de l'humaine condition. Et ce livre est tout de même publié à la fin des années 50, l'auteur aurait eu le temps de réfléchir, il n'a sans doute pas manqué de le faire, mais pour se trouver des excuses uniquement ce qui, à mon humble avis, ne suffit pas à la Rédemption. Il en est même ridiculement touchant, Céline, en même temps qu'il frôle une fois encore la crapulerie nauséabonde.

C'est, une fois encore, Ezra Pound qui donne de la situation célinienne la plus juste réponse, alors qu'il parlait de lui-même, mais vous allez voir, c'est parfaitement transposable, sans le moindre effort et sans adaptation aucune : « Il est difficile », avait dit Pound, « d’écrire un paradis quand tout semble vous pousser à écrire une apocalypse. Il est évidemment beaucoup plus facile de peupler un enfer ou même un purgatoire. » Et la façon dont Pound devait qualifier ses Cantos va à merveille aux Pamphlets orduriers et criminels de Céline : « Un échec qui vaut toutes les réussites de son époque. »

Môssieur Mitterrand ne veut pas que Céline apparaisse aux côtés de Blaise Cendrars ? Il faudrait considérer ce que Cendrars a pu écrire sur les juifs également. Autant le dire, ça ne manque pas de piquant...

A l'été 1936, juste après l’arrivée au pouvoir du Front populaire de Léon Blum, Blaise Cendrars avait rédigé une ébauche de pamphlet pour une collection intitulée « La France aux Français » . Cela ne vous rappelle-t-il pas les zeuléplussombredeuhnot'histwouare ? Intitulé "Le Bonheur de vivre" , ce document non publié du vivant de l’auteur (Ouf ! Le mec s'en est bien sorti) est cependant conservé dans les archives de Blaise Cendrars à la Bibliothèque nationale suisse de Berne . En voici le seul extrait paru à ce jour, cité par la fille de l'auteur, Miriam Cendrars, dans la biographie "Blaise Cendrars", Paris, Balland, 1984, chapitre 31, p. 493 :

« [...] il faut, par ces temps de désordre et de bourrage de crâne, traverser [la France] en chemin de fer de bout en bout pour comprendre que malgré le malheur des temps et les menaces de dictature d’un gouvernement de Front populaire, ce verger n’est pas encore entre les mains des Juifs… »

Charmant !

(incarnation.blogspirit.com)

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