LE DROIT DE PORTER DES ARMES
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Montréal, 2 février 2002 |
| par François-René Rideau Nombreux sont ceux, même parmi les libéraux, qui restent insensibles à l'argumentation selon laquelle le droit de porter des armes relève de la liberté individuelle. Pour les libéraux qui se rapportent aux principes du droit naturel, le droit de porter des armes relève du droit naturel à l'auto-défense. L'auto-défense est pour eux le premier de tous les droits individuels, celui garant de tous les autres – car un droit non défendu ne vaut rien. Nulle autorité ne pouvant revêtir un pouvoir qui ne lui a pas été délégué, et nul ne pouvant déléguer un pouvoir qu'il n'a pas, il est inconcevable que des agents de l'État (policiers, militaires) aient le droit de porter les armes pour défendre les citoyens si ce droit n'appartient pas déjà aux citoyens, qui peuvent librement choisir de le déléguer ou d'en faire usage eux-mêmes. |
Mais soit qu'ils rejettent cet argument (souvent sans discussion), soit qu'ils le considèrent comme secondaire (aussi sans discussion), les adversaire du droit de porter des armes prétendent n'être sensibles qu'à des arguments utilitaristes ou conservateurs. Aussi est-ce de ce point de vue que je vais aborder la question. Les prohibitionnistes pointent constamment vers le danger que représente le fait que des hommes soient armés. Mais la question n'est pas de savoir s'il doit y avoir des hommes armés; elle est de savoir si les seuls hommes armés seront les policiers et les criminels, ou si les citoyens honnêtes aussi le seront. Les criminels seront toujours armés et aucune loi ne les désarmera. La loi peut les forcer à cacher leurs armes, mais ils sauront toujours le moment venu être plus armés que leurs victimes. Les lois prohibant le port d'armes ne sont pas autre chose que des lois qui désarment des victimes potentielles. Il est donc absurde de prétendre que le port d'arme libre conférerait un avantage aux criminels. Les armes sont en fait le plus grand égalisateur entre les hommes. Entre la bande de grosses brutes épaisses habituées aux bagarres de rue et leur victime potentielle, gringalet tranquille ou faible femme, un pistolet chargé est l'assurance que les relations resteront courtoises; quoique, s'il s'agit d'une bande contre une seule femme, une mitraillette Uzi serait plus adaptée. J'ai déjà été agressé, été témoin d'agressions, de rackets, d'intimidations, etc., et je peux attester qu'aucun de ces incidents n'aurait eu lieu si les victimes et témoins honnêtes avaient été aussi armés que les agresseurs. Le maniement des armes requiert une formation, dit-on. Certes, mais celle-ci est minime, bien plus simple qu'un permis de conduire. En quelques heures d'entraînement, la faible femme sera à égalité avec ses agresseurs potentiels quant à sa capacité de tirer à bout portant. Par comparaison, avec la prohibition du port d'arme, même avec quelques milliers d'heures de cours d'arts martiaux, elle ne pourra jamais espérer être à la hauteur pour se défendre contre un voyou musclé et encore moins contre deux ou toute une bande. Elle le sera encore moins si ces voyous sont armés d'un cutter ou canif ou d'autres armes blanches impossibles à prohiber, voire d'une vraie arme – puisqu'ils ne respectent pas la loi. Les armes sont le plus grand égaliseur entre les baraqués et les gringalets! Le géant de deux mètres spécialiste en arts martiaux n'osera pas s'en prendre à la plus minuscule petite vieille s'il soupçonne qu'elle ou un témoin puisse être armé (incertitude donc qui, autant que l'esthétique, suppose aussi le droit de cacher une arme que l'on porte). Ainsi, la familiarité de tout une nation avec les armes assure qu'au sein de cette nation, les relations entre individus même désarmés resteront courtoises. Il est impossible de demander à des personnes âgées de se défendre elles-même, dit-on. Mais, avec la liberté de porter les armes, ces personnes âgées auraient appris depuis longtemps à se défendre; elles vivraient à côté de voisins armés, et se feraient accompagner de personnes armées pour tout déplacement dangereux en dehors des sentiers battus; à défaut de voisins, amis ou parents, elles loueraient des gardes. Au contraire des prétentions alarmistes des prohibitionnistes, en rendant toute délinquance dangereuse, la liberté de porter les armes aurait des retombées positives pour la sécurité même des personnes incapables de se défendre elles-mêmes. Pensez-vous vraiment que l'interdiction de porter des armes empêche aucunement quiconque d'agresser un petit vieux sans défense? La peur de se faire surprendre par un témoin, un voisin, un parent, ou pire, un garde, armé, voire une victime elle-même récalcitrante et armée, en fera réfléchir plus d'un. Le risque d'être pris n'augmentera pas, mais la sanction en cas de surprise, si, et cela a un effet dissuasif certain. Les adversaires du droit de porter les armes feront miroiter le spectre de bandes armées dominant le pays. Mais c'est là un argument non fondé, car la liberté d'organiser son auto-défense permet de lutter plus efficacement contre le crime organisé.
Tout d'abord la question à poser est celle de savoir d'où surgiraient ces bandes armées, là où elles n'existent pas déjà? Encore une fois, la prohibition ne touche que les honnêtes gens; les bandes criminelles armées ayant vocation à faire leur loi le peuvent déjà, dans tous les endroits abandonnés par la police, et il n'y a aucune raison pour que de nouvelles bandes apparaissent là où les citoyens honnêtes seraient plus difficiles à agresser. Quant aux voyous qui ne sont actuellement armés que de couteaux, qui leur suffisent à faire la loi, ils pourront bien s'armer de pistolets, mais nous avons vu plus haut que face à des victimes potentielles tout aussi armées, ils y perdent en pouvoir d'intimidation. L'idée selon laquelle il y aurait une horde de criminels fantômes tapis dans l'ombre et qui n'attendrait que la liberté de port d'arme pour les citoyens honnêtes avant que de se manifester est tout bonnement ridicule. Même dans les quartiers difficiles où des bandes font actuellement la loi, la majorité silencieuse est composée de citoyens honnêtes, qui se terrent pour survivre sans encombre, à défaut de pouvoir se défendre. L'intérêt de tous ces citoyens honnêtes est que l'ordre public soit respecté, et s'ils avaient la liberté d'organiser leur propre défense, en s'armant soi-même mais aussi en louant les services de polices privées, alors ils ne laisseraient pas les petits malfrats régner en maîtres. D'aucuns prendront comme exemple tel pays arriéré où règnent des bandes armées pour dénoncer la liberté de porter des armes. Mais encore une fois, ces bandes règnent sur des populations désarmées; ces populations qui restent armées sont celles qui restent libres, tandis que celles qui sont désarmées sont sous la botte d'une bande ou d'une autre. Supprimez cette liberté, le pays sera toujours aussi pauvre et aura maintenant une dictature militaire soutenue par la faction toujours armée. La violence armée et l'arriération des pays pris en exemples vient d'ailleurs le plus souvent de guerres pour ou contre des dictatures militaires, causées par une volonté d'oppression gouvernementale. L'absence d'armes dans la population est alors une des conditions de la domination du régime totalitaire passé ou présent, tandis que l'existence d'armes non-gouvernementales représente le seul espoir de liberté pour ceux qui les détiennent. Pour voir l'effet de la liberté de port d'arme sur un pays, il faut comparer sa situation avec celle de pays de richesse similaire où les populations civiles sont désarmées, et voir dans quels pays la situation s'améliore le plus vite. À ce titre, les États-Unis et la Suisse, où règnent une relative liberté de port d'arme, sont aussi des pays relativement plus avancé que le reste du monde occidental du point de vue du respect des libertés individuelles comme de la richesse. Aussi, il est pour le moins douteux de prétendre que la liberté de port d'armes mène à la domination par des bandes armées. Historiquement, les États modernes sont nés de la conquête et de la domination et dans ces États, de l'Antiquité au Moyen Âge et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, le port d'arme a toujours été la marque distinctive de l'homme libre, par opposition au membre d'une nation dominée, au serf, à l'esclave. La première mesure avant tout massacre ou répression a toujours été le désarmement des futures victimes. La reconquête du port d'arme par les bourgeois des villes franches a été la marque de leur affranchissement vis-à-vis des féodaux. La fin de l'Ancien Régime a aussi entraîné la fin du privilège du port des armes. Mais les classes dirigeantes des États-nations contemporains veulent nous faire croire qu'on est plus libre en n'ayant pas le droit de se défendre soi-même, pour nous faire accepter volontairement notre nouvelle servitude. Les classes politiques électives ont remplacé les classes politiques héréditaires dans une domination plus subtile, mais non moins oppressive, capable un jour d'envoyer des générations entières se faire trucider au nom de la patrie dans des guerres coloniales et impérialistes, capable un autre jour de dépouiller les classes productives des trois quarts de leurs revenus (bien plus que sous l'Ancien Régime). De nombreuses autres sortes de non-arguments fleurissent. Selon certains, la liberté de porter les armes serait justifiée dans les grands espaces de l'Ouest américain, mais pas dans les zones urbaines peuplées de l'Europe ou même de l'Amérique moderne. C'est oublier un peu vite que le taux de criminalité est, et a toujours été, plus élevé dans les villes, et que dans celles-ci pas plus qu'à la campagne la police ne prétend défendre la victime au moment de son agression – dans les deux cas, la victime sera seule face à son agresseur, et ne pourra appeler la police, si elle a survécu, qu'après coup. Un autre non-argument de circonstance consiste à dire que le port d'arme convient à la mentalité américaine, mais pas à la mentalité européenne. Outre le fait que le port d'arme était encore libre en Europe jusqu'au milieu du vingtième siècle, il ne semble pas que les immigrants européens en Amérique aient jamais eu de mal à s'adapter à la chose. Les hommes peuvent parfaitement s'adapter sans que leurs mentalités passées ne posent aucune barrière réelle au retour à la liberté. Ce non-argument relève du renversement causal entre droit et mentalité. Certains verront aussi dans diverses statistiques une augmentation du nombre de crimes par arme à feu dans les pays où ils circulent librement, sans voir qu'elle est plus que compensée par une diminution des crimes sans arme à feu – l'assassin adapte son arme à la législation, mais sa victime meurt ni plus ni moins à coups de machette ou de couteau – et au final, ce qui compte est que le taux de criminalité est moindre là où règne la liberté. D'autres compteront les accidents dus aux armes à feu, sans les mettre en rapport ni avec les accidents de la route, ni avec les coups de couteaux et autres agressions évitées, etc., avant de tirer des conclusions. Les statistiques montrent surtout l'effet dissuasif de la liberté de porter des armes en général et des armes cachées en particulier, et que le crime est plus fort là où les citoyens honnêtes sont entravés par une législation prohibitive et dans les quartiers où les honnêtes gens sont moins armés. Elles montrent enfin que la sévérité de la justice (la C'est bien à ceux qui préconisent la prohibition, et non la liberté, le monopole, et non la concurrence, que devrait revenir la charge de la preuve. Ce sont les prohibitionnistes qui réclament des mesures coûteuses pour interdire, qui exigent de chacun le sacrifice d'une liberté qui ne nuit pas a priori à autrui. C'est à eux à tout le moins qu'il revient de justifier leur position. Notons d'ailleurs que si personnellement ils ne désirent pas porter d'arme, et déléguer leur droit à une quelconque police (voire à ne pas s'en servir du tout), et à refuser l'entrée de leur logis, de leur propriétés à quiconque en porte, nul ne leur conteste ce droit, à eux ni à quiconque partagerait leurs thèses. C'est bien eux qui veulent forcer les autres à vivre selon leurs critères, et non pas le contraire. ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤ |
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