vendredi 30 juillet 2010

GEERT WILDERS MINISTRE ?



Pays-Bas : négociations avec l'extrême droite


Par Thierry Portes 29/07/2010


Mark Rutte, leader du parti libéral, Maxime Verhagen, leader des chrétiens-démocrates, et Geert Wilders leader du parti d'extrême droite, en juin au Parlement de La Haye.
Mark Rutte, leader du parti libéral, Maxime Verhagen, leader des chrétiens-démocrates, et Geert Wilders leader du parti d'extrême droite, en juin au Parlement de La Haye. Crédits photo : AFP

Après les législatives de juin, les partis politiques ne sont toujours pas parvenus à former une coalition.

Le balancier politique néerlandais est reparti vers la droite, jusqu'à l'extrême droite antimusulmane de Geert Wilders, qui pourrait bien être prochainement associée au pouvoir.

Mais on se hâte lentement au plat pays des polders. Les élections législatives se sont tenues le 9 juin dernier, et les Pays-Bas attendent toujours leur nouveau gouvernement. C'est le charme de la proportionnelle intégrale que de favoriser négociations, manœuvres et coalitions. En moyenne, il faut à ce pays 87 jours pour former un gouvernement. Le record a été de 208 jours, en 1977. À l'époque, chrétiens-démocrates et libéraux avaient fini par s'entendre, dans le dos du Parti travailliste, qui venait pourtant de remporter les élections.

Voilà que la même alliance semble à nouveau se dessiner. Sauf qu'aujourd'hui l'émiettement électoral étant plus important que dans les années 1970, deux partis n'ont plus suffisamment de troupes pour constituer une majorité au Parlement. Il faut être au minimum trois, d'où la main tendue par les libéraux du VVD de Mark Rutte aux chrétiens-démocrates du CDA de Maxime Verhagen, et au Parti pour la liberté, le PVV, du populiste Geert Wilders. Depuis le début de la semaine, les trois hommes multiplient les réunions, dans des lieux tenus secrets, sans collaborateurs, et sans la présence de l'«informateur», le négociateur officiel qui normalement préside ce type de réunions.

Au lendemain de chaque scrutin législatif, la reine Beatrix nomme un «informateur», auquel il revient de conduire les négociations pour une coalition gouvernementale.

En juin, la reine a d'abord choisi un «informateur» libéral, le VVD ce qui n'était pas arrivé depuis la Première Guerre mondiale , ce parti étant arrivé premier en remportant 31 sièges au Parlement. Mark Rutte est promis au poste de premier ministre, pour peu qu'il parvienne à constituer une majorité dans la Chambre basse. Il tente donc d'additionner ses 31 sièges, les 21 du CDA et les 24 du PVV.

Le total fait bien 76, ce qui permet de franchir la barre de la majorité au sein d'un Parlement de 150 membres. Mais les chrétiens-démocrates du CDA refusent à l'époque de discuter avec l'extrême droite.

Le programme du populiste Geert Wilders recèle des propositions inacceptables pour les chrétiens-démocrates et contraires à la Constitution des Pays-Bas, telles une taxe sur les foulards islamiques ou l'interdiction du Coran.

Quant à l'interdiction de construire de nouvelles mosquées, cette prérogative ne relève pas du gouvernement, mais des villes, qui, comme en France, suivent leurs propres règles d'urbanisme. Toujours est-il qu'en juin dernier, par la volonté des chrétiens-démocrates, les négociations entre la droite et l'extrême droite ont rapidement tourné court.

La reine Beatrix a ensuite nommé un nouvel «informateur» socialiste, et Mark Rutte a pris langue avec la gauche. Les négociations pour une coalition «violette plus» associaient les libéraux - leur couleur est le bleu - au Parti travailliste, dont la couleur est le rouge. Ces pourparlers engageaient également les centristes de gauche et les Verts.

L'exemple danois

Jusqu'à ce que soit officialisée, le mardi 20 juillet dernier, la fin de ces discussions. «Le désaccord porte sur la question financière», a expliqué Mark Rutte, qui entend économiser 18 milliards d'euros avant la fin de la législature, en 2015. Un objectif que le responsable libéral entend réaliser uniquement par des coupes budgétaires, sans augmenter les impôts, programme auquel la gauche n'a pu donner son accord.

Retour donc à la case départ, en cette fin juillet. La reine vient de nommer un nouvel «informateur», en la personne de l'ancien ministre chrétien-démocrate Ruud Lubbers. Son parti est désormais prêt à discuter avec l'extrême droite.

Son leader, Maxime Verhagen, rappelle certes qu'«il y aura des conditions», et qu'il ne saurait céder sur «les principes constitutionnels de l'État, les droits de l'homme fondamentaux dont chacun devrait bénéficier aux Pays-Bas». Mais il n'en échange pas moins avec Geert Wilders.

Si une coalition à trois ne pouvait être trouvée, est évoquée dans la presse néerlandaise l'hypothèse d'un soutien des députés d'extrême droite au Parlement à une équipe gouvernementale uniquement composée de libéraux et de chrétiens-démocrates. C'est la formule en vigueur au Danemark, où la droite gouverne avec le soutien parlementaire de l'extrême droite. Cette solution pourrait arranger Geert Wilders. Il y a peu de ministrables dans son tout jeune parti. Et puis, il pourrait sans doute mieux négocier en mars prochain les élections provinciales équivalentes de nos régionales s'il n'avait pas à assumer de solidarité gouvernementale.

Ce gouvernement à deux serait la plus belle victoire que pourraient remporter les chrétiens-démocrates qui dirigeaient le pays depuis 2002. En passant de 41 à 21 sièges, ce sont eux qui ont perdu les dernières législatives. Or, en repoussant une première alliance en juin, ils vont peut-être maintenant récupérer des portefeuilles ministériels qu'ils avaient cru abandonner dans les urnes. Et rester, une fois encore, au pouvoir.

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