samedi 8 mai 2010

CHRONIQUE DE L'EMIRAT DE SEINE-SAINT-DENIS


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Les Tilleuls au Blanc-Mesnil : « Ici, tout est cassé »

Mercredi 05/05/2010 |

Posté par Kahina Mekdem

De cette cité du 93 on aperçoit au loin la Tour Eiffel. Mais l’enchantement s’arrête ici. Portes sans code, boîte aux lettres cassées, ascenseurs en panne : les habitants ont envoyé une pétition au bailleur.

Arrêt de bus du 148, un centre commercial, avec ses boutiques en plein centre de la cité des Tilleuls du Blanc-Mesnil. De grands ados parlent entre eux. Le son de Sexion d'Assaut à fond dans les voitures garées devant eux. Je me dirige vers la Maison de Quartier. Colette, la cinquantaine, en vient rapidement aux conditions de vie dans le quartier. « Elles se sont dégradées et j’ai même l'impression de revenir à l'époque où j’étais môme. »

Devant l’entrée d’un immeuble trois jeunes, dont l’un est assis sur une chaise en bois, observent les allers et venues. Dans le hall une des vitres est cassée, des boîtes aux lettres sont défoncées, la porte s'ouvre sans code ni clé. Un homme âgé d'une cinquantaine d'années, habillé d'une djellaba grise à rayures, entre au même moment. « Regardez, les boîtes aux lettres, les jeunes qui bougent pas, tout est cassé ici... » Il m’invite à monter jusqu'au 4e, où il réside depuis 1994. « Vous avez de la chance, l’ascenseur fonctionne, d'habitude non, et puis la femme de ménage est passée ! C'est propre aujourd'hui ! »

En arrivant au 4e étage, des tags sur les murs, le sol est relativement propre, les lampes du palier fonctionnent. Dans son appartement, l'homme tient à me montrer sa feuille de loyer. Il paie un peu plus de 200 euros par mois, le reste est pris en charge par les APL. « Heureusement qu'il y a cette aide, parce que 600 euros chaque mois je ne pourrais pas. » Sa fille, de 18 ans, scolarisée au lycée de la ville, explique que son père est malade et qu'il lui est difficile de monter les étages lorsque l'ascenseur est en panne. « Là ils l'ont réparé, mais dans deux jours ce sera fini ! » s'exclame le père.

« Ils », c'est le bailleur, Vilogia, qui a repris l’affaire le 1er Janvier 2009. « Ils font rien pour nous », continue l'homme. Sa fille acquiesce. Je ressors de l’appartement, j'appuie sur le bouton de l'ascenseur. Dix minutes d’attente. Je monte à pied jusqu’à l’étage au dessus espérant que là l’ascenseur fonctionnera. Coup de bol, il fonctionne. Direction 16e étage, le sommet de l’immeuble. Le spectacle est ici différent : le sol est encombré de détritus, de sacs poubelles noirs entassés les uns sur les autres, de cartons jetés à même le sol. Sur les murs, des personnes ont exprimé leur amour pour leur cité : « Tilleuls en force » revendique un graffiti. L'endroit est lugubre.

Retour au rez-de-chaussée. Je discute avec une femme d'origine antillaise : « Je n'habite pas ici, et je ne voudrais pas y vivre, je rends seulement visite à une amie », confie-t-elle. Un homme au physique imposant ajoute : « Je suis parti d'ici en 2006, et je ne reviendrai pas. » A un autre habitant de la tour qui attend l'ascenseur, je demande : « C’est pas trop dur d’habiter ici ? » « Vous voyez ce qui vous entoure, pourquoi cette question ? », s'étonne-t-il dans un sourire crispé.

Les résidents de l’immeuble sont peu causants, cela dit ils se bougent pour obtenir du bailleur Vilogia, des locaux propres et en bon état. Le maire de la ville, Didier Mignot a écrit un courrier. A ce jour il n'a reçu aucune réponse. Son adjointe, Sabrina Boussekine, suit de près les revendications des habitants. Selon elle, le responsable local de Velogia est de bonne volonté. Mais cela ne change rien à la situation. Les habitants ont rédigé une pétition. Ils se sont réunis début mars, une avocate était présente.

Madame Sauvage, un petit bout de femme, âgé d'une soixantaine d'années, fait partie de l'amicale des locataires. Elle habite dans la tour dite « infernale » et témoigne : « J'habite dans le même logement depuis 1986. Ce sont de beaux logements qui ont été bien conçus et spacieux. J'habite au 6e étage, de chez moi j'aperçois la Tour Eiffel, je vois les couchers de soleil. Le quartier est très bien desservi par les transports en commun, et quand on ne conduit pas comme moi, c'est vraiment appréciable. J'ai le bus 350 au bout de ma rue, pour aller à Paris, et le 148 pour aller à Bobigny. C'est un quartier où l'on pourrait vivre très bien. Le problème c'est le manque d'entretien. Il y avait deux portails à code et un interphone, mais ça n’a duré quelques jours », raconte-t-elle en riant.

Kahina Mekdem

Photos : Delphine Vaisset

(fdesouche.com)

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