mardi 29 septembre 2009

SAVEZ-VOUS QUEL EST LE DENOMINATEUR COMMUN, ENTRE LE LIBANAIS IMAD LAHOUD, LE TROTSKISTE PLENEL ET DE VILLEPIN ?

Quand Edwy Plenel exonère Villepin


Edwy Plenel au procès Clearstream
(c) Sipa Edwy Plenel au procès Clearstream

C'ETAIT lundi la journée des seconds rôles, un moment de pause dans la bataille qui oppose Dominique de Villepin, principal accusé de l'affaire Clearstream, et Nicolas Sarkozy, primus inter pares de la quarantaine de parties civiles qui se demandent toujours -et demandent au tribunal- pourquoi et par qui ils ont été couchés sur la liste d'infamie qui les accusait à tort de disposer des comptes occultes chez des banques étrangères pour y dissimuler les commissions qu'ils auraient touchées sur la vente de frégates à Taiwan.

Premier en lice, Alain Gomez, ancien P-DG de Thomson-CSF (devenu Thales), qui porte beau ses 70 ans, venu dire que Jean-Louis Gergorin a fait preuve à son égard, pendant des années, d'une véritable "animosité personnelle", sans rapport avec le conflit industriel "naturel" qui l'opposait à Jean-Luc Lagardère, patron de Matra. Il lui impute la rédaction d'une "fausse note de la DST" qui le décrit comme un "agent américain menaçant les intérêts de la défense nationale". Diffusée dans tous les cercles de pouvoir, cette note, selon Gomez, n'a pas été étrangère à son éviction, en février 1996. Autre note "tamponnée", celle qui rapporte une conversation tenue entre lui et Lord Windstock, patron du groupe britannique GEC, qui aurait affiché ses intentions malignes...

Tirant la leçon de diverses déstabilisations, Gomez résume la méthode Gergorin pour "assassiner un individu": d'abord, attribuer à la cible un acte condamnable ; ensuite, manipuler ou inventer une "source"; enfin, officialiser le tout par le sceau d'un service officiel, qui peut indifféremment être "un ministre, un patron des renseignements généraux, la DST, les ‘services'". Gergorin, selon Gomez, l'aurait accusé "d'avoir fait défenestrer le fils du général Humbot" et d'avoir "mobilisé la mafia ukrainienne pour assassiner Jean-Luc Lagardère".

Gergorin ne perd pas contenance: s'il reconnait avoir vécu la bataille Matra-Thomson de façon "excessivement passionnelle", il réfute tout en bloc, assure que ses relations avec Gomez étaient apaisées, mais ne peut s'empêcher d'en rajouter une couche sur sa prétendue corruption. Poussé dans ses retranchements, il s'en sort par une pirouette: "Je peux affirmer maintenant qu'il n'y a pas eu de rétrocommissions dans la vente des frégates". Un ange passe, car ce mot de "rétrocommission", qui a fait flores, nous l'avions inventé ensemble, sur un coin de table, pour expliquer comment, lors des grands contrats, une partie des commissions versées aux décideurs étrangers est rétrocédée à certaines personnalités françaises!

Vient le tour de Pierre Martinez, ancien patron de la brigade financière, passé par le Crédit Lyonnais et embauché chez Thomson CSF le 1er septembre 1995, qui évite soigneusement de citer le nom de Gergorin, qu'il appelle "ce monsieur". Martinez est accusé, dans la première lettre de dénonciation adressée par Gergorin au juge Van Ruymbeke, de faire partie du "bal des crapules" avec son "ami" Gomez. Or, relève son avocat, Jean-Yves Dupeux, en 1994, Martinez n'était pas chez Thomson et ne connaissait pas Gomez, ce que Gergorin savait parfaitement. C'est la preuve du mensonge et de sa volonté de nuire. Là encore, Gergorin ne se démonte pas et va même jusqu'à se moquer de "l'extrême fantaisie du falsificateur", provoquant quelques rires dans l'assistance...

Arrive ensuite Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde, qui parle avec force, détermination et précision. Pour lui, l'affaire se résume à trois chimères qui se sont emboitées comme des poupées gigogne: une chimère vertueuse, celle de Denis Robert, traquant la corruption chez Clearstream; une chimère perverse, celle d'Imad Lahoud, qui ajoute des noms; et enfin une chimère politique, avec Nicolas Sarkozy à la manœuvre. Il s'indigne car en 2003 et 2004, de nombreux hauts responsables français savaient qu'il était sur la liste d'infamie, alors qu'il était l'objet d'attaques violentes contre sa politique éditoriale, qui l'ont poussé à la démission.

Plenel s'en prend au général Rondot, qui n'a pas été renvoyé devant le tribunal alors que son rôle était d'être la "vigie de toutes les désinformations". Or, il "prend en main Imad Lahoud deux jours après sa sortie de prison, le présente aux plus hautes figures françaises du renseignement". Plenel affirme que ceci n'a pu se faire à l'insu du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy. L'attaque indirecte du chef de l'Etat s'accompagne d'une exonération, non étayée, de son ennemi juré: "Jamais Dominique de Villepin ne relève à mes yeux d'un cabinet noir [...]. Je l'ai eu pour adversaire, ses contre attaques ont été faites à la loyale, en mobilisant des avocats et des journalistes. Il me parait clair que Villepin n'est ni l'organisateur ni le commanditaire, c'est l'ensemble du dispositif militaire et gouvernemental qui est compromis".


C'est ensuite le tour de l'avocat Alain Guilloux, qui se fait le porte-parole de tous les anonymes et déplore que la liste n'ait pas été mieux épluchée par les juges d'instruction. Il relève que plusieurs noms ne pouvaient être connus ni de Lahoud, ni de Gergorin, ni de Villepin, mais seulement des Renseignements Généraux, alors dirigés par Yves Bertrand. Dernière partie civile à la barre, ensuite: Pierre Pasqua, inscrit sur la liste, selon lui, dans le cadre "du combat politique féroce engagé contre [son] père depuis 1994".

Alors que la journée a plutôt été favorable à Dominique de Villepin et difficile pour Nicolas Sarkozy, son avocat, Thierry Herzog, est resté coi, alors qu'il brûlait de répondre. "Il fallait laisser s'exprimer les autres parties civiles, qui se plaignent d'être négligées", nous confie-t-il à la sortie de l'audience. "Mais je répondrais le moment venu".

par Airy Routier, journaliste à Challenges, lundi 28 septembre.
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