LA DERNIERE TROUVAILLE DE SARKO CONTRE L'INSECURITE : LE RAPPEUR DU 9-3 "LARSEN"
LARSEN, LE RAPPEUR DE PROXIMITE Hacène Souadji, connu sous son nom de scène, Larsen, 26 ans, a grandi à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, et a l'apparence du rappeur des bas-fonds, spécialiste dans l'art de la provocation et de la rime en "nique". Larsen n'est pas Diam's ou NTM, mais avec son dernier album Du seum bien vicère - expression à double sens qu'on peut traduire par "du cannabis bien servi" ou "de la vraie rage" -, il en est à son neuvième disque. Quelques dizaines de milliers d'exemplaires vendus, dont une bonne part en dehors des circuits traditionnels, un succès qui lui permet de vivre de sa musique et de jouer un rôle officieux de médiation et de représentation des quartiers. On pourrait faire comme si Larsen n'existait pas. Fermer les yeux et les oreilles, comme si les rappeurs "underground" n'avaient pas d'impact sur les ados des cités. Se contenter des artistes les plus présentables, ceux qui plaisent aux bobos en criant la souffrance des quartiers populaires, mais pas trop fort et sans être trop vulgaires. Larsen, lui, fait partie de ces rappeurs méconnus du grand public mais influents parmi les gamins des cités. Par son histoire heurtée, ses provocations et sa parole crue. "Il incarne le rap de rue, anti-show-biz, très bien implanté auprès des plus jeunes", relève Bruno Laforestrie, patron de la radio Générations 88.2. Sur les Champs-Elysées, où ils traînent, les gamins de toute la banlieue s'arrêtent pour être pris en photo avec lui. Dans les quartiers, on vient respectueusement faire un "check" avec lui - une première tape paume ouverte, puis une seconde, poing fermé. "Larsen, c'est un vrai, un pur", disent ses admirateurs. Sur le marché de Clignancourt, où il vend ses disques en direct, comme un paysan vendrait ses tomates, il est la star des ados à capuche. Clignancourt, c'est son bureau, "sa base", où il multiplie les contacts. Le règne de la débrouille légale aussi. Un stand de trois mètres sur trois à la gloire du style "banlieue". Des CD de rappeurs et des T-shirt siglés "ghetto" qu'il décline, comme une AOC, en fonction des départements: "9-3", "7-5", "9-1". Larsen ne cache pas son passé délinquant. Il en a longtemps fait un argument commercial vis-à-vis de son public adolescent. Lui a connu sa première convocation devant la justice à l'âge de 11 ans pour avoir frappé un élève au collège. "C'était un Antillais. Il m'avait traité de sale Arabe." Entre 15 et 19 ans, il a baigné dans les trafics et flirté avec le grand banditisme. Des "sales histoires" qui l'ont conduit en prison. Pour des questions de fierté et de territoire : "Un type est venu nous provoquer sur notre terrain. Il nous a fait la misère. Je suis allé chercher un fusil, je l'ai braqué et lui ai dit "Casse-toi". Il a fait le chaud, j'ai tiré." L'homme échappe de peu à la mort. Le jeune rappeur est interpellé, puis jugé : deux ans de prison ferme pour tentative d'assassinat. Il restera dix mois en détention. Il replonge en 2008 pour menaces de mort et violences verbales contre son épouse. Lorsqu'ils viennent l'interpeller, les policiers découvrent des armes. "Après la prison, je suis revenu plus violent que jamais. Je sais que j'ai fait beaucoup de mal. Quand tu prends goût à la violence, aux armes, tu vis dans un monde virtuel." Larsen ou la face sombre de la banlieue. "Il est tombé dans une spirale terrible. Parce qu'il a été aveuglé par l'argent facile", raconte Mustapha Ben Khelifa, 28 ans, un ami d'enfance, employé dans la fonction publique. Rien, dans son histoire familiale, pour expliquer sa descente aux enfers. Des parents, d'origine algérienne, qui travaillent dans la discrétion : père plombier, mère qui fait des ménages. Quatre frères et soeurs qui ont tous obtenu le bac : le plus âgé conduit des trains, un autre est directeur d'une antenne d'éducateurs ; sa soeur aînée est biochimiste, la seconde est capitaine dans l'armée, formatrice à Saint-Cyr. Larsen est le petit dernier de la fratrie, arrivé huit ans après le dernier des autres. Une éducation plus souple, probablement. Puis le hasard des mauvaises fréquentations, la fascination de l'argent et des armes pourrissent son adolescence. Il y gagne un surnom : "Psycho". "J'étais pourtant un bon élève. Mes profs voulaient que j'aille au lycée général. Mais, moi, je voulais gagner de l'argent." Il s'oriente vers un CAP cuisine. Mais sa vie, c'est la rue. "Larsen n'est pas un produit de la misère, c'est le résultat d'une envie de consommer : il lui fallait tout, tout de suite", explique Karim Bellazaar, réalisateur professionnel, qui le connaît depuis son enfance. La prison lui a mis une claque. La visite de son premier enfant au parloir l'a bousculé. La découverte de l'islam - qu'il ne pratiquait pas - lui a donné un cadre. Le rap, un espace d'expression. "J'ai usé les armes de la violence. Puis, j'ai fini par comprendre qu'il fallait agir avec les mots." Larsen, ou l'histoire d'une rédemption ? "Ce que j'ai construit négativement peut m'aider à faire du bien. Je peux aller parler aux gamins les plus durs. Ils m'écoutent. Et quand je leur dis qu'ils se plantent, mon histoire me rend crédible." Larsen a commencé à agir. En 2007, pour inciter les jeunes de Tremblay à s'inscrire sur les listes électorales. A Villiers-le-Bel, pour aider les "grands frères" à s'organiser. Au Blanc-Mesnil, pour tenter de mettre fin aux règlements de compte entre quartiers. Larsen fait partie des rares personnes capables de pénétrer dans tous les quartiers d'Ile-de-France pour aller parler aux plus durs, ceux que les institutions n'arrivent plus à toucher. Sa transformation n'a pas échappé au pouvoir politique, notamment à Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, soucieuse de disposer de relais crédibles dans les cités, une qualité qui s'acquiert rarement dans les colloques. "Il faut qu'on aide à redynamiser le tissu associatif, qu'on s'appuie sur ceux qui peuvent et veulent agir", explique Mohammed Abdi, conseiller de la secrétaire d'Etat. Larsen, lui, veut rester indépendant. "Je veux être la voix des sans-voix. Faire le lien. Parler aux hommes politiques et aux médias des jeunes de banlieue. Et parler aux jeunes des politiques et des médias." Les armes du rappeur, pour tenter de rattraper les enfants perdus de la République.
Le Monde, 10.07.09
ndlr: Convoqué ce matin, par Brice Hortefeux, Il va "conseiller" le Ministre
sur la meilleure méthode à employer, par la Police, dans ses rapports
avec la racaille du 9-3 :
Plus de kärcher, et surtout plus d'interpellations (ça les énerve et çà perturbe le trafic de stupéfiants).
JPPS
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