CERCLE DU SIX FEVRIER

Le procès et l'exécution de Louis XVI
- 21 janvier 1793
Elue en septembre 1792 pour établir une constitution, la Convention nationale proclamait la République dès le 21 septembre 1792.
Le 3 décembre 1792, elle décréta que "Louis XVI serait jugé par elle".Le 6 décembre 1792, elle institua la commission chargée de dresser "l'acte énonciatif des crimes dont Louis Capet est accusé".Le même décret prévoit que le Roi sera amené à la barre de la Convention pour entendre la lecture de l'acte d'accusation et répondre aux questions du Président.Il aura ensuite deux jours pour préparer sa défense et être "entendu définitivement".
L'article VIII stipule que le lendemain de cette dernière comparution, la Convention prononcera sur le sort du Roi, par appel nominal, chaque membre devant se présenter à la tribune.Du fait du retard apporté à la transmission des pièces du dossier, constitué à partir des documents trouvés dans l'armoire de fer aux Tuileries dans laquelle Louis XVI avait serré ses papiers, c'est le 10 décembre que la Convention adopte l'acte d'accusation et décrète qu'après lecture de chaque chef d'incriminition, il sera posé au Roi la question: "Qu'avez-vous à répondre?"Seul le Président pourra interroger Louis XVI sur les questions que feraient naître ses réponses.Le mardi 11 décembre, le Roi est conduit à la barre de la Convention et interrogé.
De retour au Temple, il est mis à l'isolement avec son valet Cléry qui, comme les gardes, se voit interdire de communiquer avec des tiers et d'abord avec la famille du Roi.La Convention se préoccupe de ce que le Roi ne puisse échapper à la condamnation dont il sait déjà qu'il sera l'objet et donne à cette fin des instructions pour que le prisonnier ne puisse par aucun moyen attenter à ses jours.
Louis XVI sera ainsi privé de l'usage d'un rasoir jusqu'à ce que sa protestation n'amène la Convention à décider qu'il pourra se raser en présence de quatre commissaires. L'intervention d'un dentiste lui sera en revanche refusée.
La Convention décrète que le Roi pourra avoir des conseils. Louis XVI désigne Guy Target qui avait été l'avocat du Cardinal de Rohan dans l'affaire du collier de la Reine.Obèse et handicapé par la goutte, Target refuse, non par couardise comme il lui sera reproché, mais parce que sa santé ne lui permet pas - comme il l'écrit au Roi - d'assumer un procès dont la tension s'annonce extrême. Il publiera d'ailleurs un mémoire pour la défense de Louis XVI.A défaut de Target, Le Roi a choisi Tronchet qui accepte. Parmi d'autres, Lamoignon de Malesherbes s'est proposé pour assister le souverain.
Avec l'accord de Louis XVI, ils s'adjoignent Romain de Sèze.Les avocats peuvent communiquer avec le Roi mais en présence des officiers municipaux afin de prévenir "la complicité présumée de toute la famille".De Sèze écrit en quatre jours et quetre nuits la plaidoirie qu'il prononcera au nom de ses confrères pour le Roi. Le jour de Noêl 1792, il en soumet le texte à Louis XVI qui l'approuve, sous réserve d'en modifier la fin, dont le Roi trouve qu'elle fait inopportunément appel aux sentiments des conventionnels. Le même jour, ne nourrisant aucune illusion sur son sort, le Roi a rédigé son testament et en donne lecture à de Sèze.Le 26 décembre, Louis XVI est traduit de nouveau à la barre de la Convention.
Le Président, Barère de Vieuzac, donne la parole à l'avocat du Roi qui plaide pendant près de trois heures.L'histoire a retenu l'apostrophe de son introduction: "Je cherche parmi vous des juges, je n'y vois que des accusateurs".De Sèze argumente sur l'impossibilité pour la Convention de juger le Roi. Il s'appuie sur la Constitution qui a disposé que le Roi perdrait son statut immunitaire en cas de trahison.Les chefs d'accusation portant sur la trahison de Louis XVI, il n'est juridiquement plus le Roi et ne peut plus être jugé que comme un simple citoyen et pour des faits postérieurs à la perte de sa qualité.
L'avocat réfute ensuite les accusations portées contre le souverain et soulève des murmures de réprobation lorsqu'il affirme que Louis XVI avait lui-même donné au peuple la liberté qu'il réclamait. Ce propos lui sera imputé comme une maladresse dans la défense du Roi. A la supposer telle, elle était sans incidence sur la conviction faite des conventionnels d'autant plus que la Convention avait liminairement décrété qu'elle serait à la fois l'accusateur et le juge.Achevant sa péroraison, de Sèze interpelle les députés:"Je m'arrête devant l'histoire. Songez qu'elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles".
Prenant à son tour la parole pour déclarer qu'il souscrivait en tous points à la plaidoirie de son avocat, le Roi voulut néanmoins, de manière expresse, ajouter qu'il entendait réfuter comme la plus ignomineuse des accusations portées contre lui, l'imputation "d'avoir voulu faire répandre le sang du peuple".Ce propos révèle le fond de la personnalité de Louis XVI, par-dessus tout soucieux des vies humaines dont il se sent responsables, hors toute autre considdération.La Convention ne votera que le 15 janvier 1793, soit vingt jours après la plaidoirie de de Sèze, sûre d'en avoir effacé toute trace dans l'esprit et le cœur des députés, alors que le décret du 6 décembre 1792 avait prévu que le vote interviendrait dès après la défense du Roi.Les députés sont appelés à voter sur quatre questions.
La première concerne la culpabilité de Louis XVI, la deuxième la faculté d'en appeler au peuple de la décision des députés, la troisième la peine à prononcer et la quatrième le sursis éventuel.Les députés sont appelés nominalement à la tribune et doivent prononcer publiquement leur vote, lequel peut être assorti de commentaires, d'explications ou de conditions.748 conventionnels prennent part au premier vote.
Le Roi est déclaré coupable par 683 voix.Un seul député - Daudenac, du Maine-et-Loire - se prononce contre la culpabilité de Louis Capet.Ceux qui ne votent ni oui, ni non récusent pour la plupart leur qualité de juge, considérant n'avoir mission que de légiférer.A la deuxième question, 425 députés contre 286 décident que le Roi ne pourra appeler du jugement devant le peuple.Le 17 janvier 1793, la Convention vote sur la peine à infliger au Roi.365 élus se prononcent pour la mort, 2 avec réserve de commutation de la peine de mort et 23 avec la condition de fixer la date de l'exécution.La majorité requise étant de 361, la condamnation à mort de Louis XVI recueille ainsi 390 suffrages, 321 députés se prononçant pour la détention.Le vote étant contesté, il est décrété un nouvel appel à la tribune des députés.
Cette fois, la mort est voté par 361 députés mais 26 autres se prononcent pour la peine capitale avec la demande d'une discussion sur les conditions ou conséquences de celle-ci, qu'ils déclarent en toute hypothèse indépendante de leur volonté d'infliger au Roi le châtiment suprême.Le chiffre de 361 députés pour la mort conduisit, à tort, à retenir comme décisoire le vote de Philippe Egalité.Député de Paris, Louis-Philippe d'Orléans vota pour la culpabilité du Roi, refusa l'appel au peuple, se prononça pour la peine de mort et s'opposa au sursis.A l'appel nominal, il expliqua son vote:"Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté du peuple, méritent la mort, je vote pour la mort".L'année 1793 ne s'acheva point sans que le duc d'Orléans ne monte lui-même à l'échafaud.Cependant son vote n'emporta pas la décision de guillotiner le Roi que 387 conventionnels avaient approuvée contre 354 pour la détention ou la mort sous conditions.Le Président Barère déclara que la Convention prononçait contre Louis Capet la peine de mort et l'on passa à la dernière question qui donna lieu au cinquième appel des députés à la tribune.380 voix contre 310 refusèrent le sursis.De Sèze donna alors lecture d'un acte, signé par Louis XVI le 16 janvier, demandant l'appel à la Nation.Les trois avocats du Roi tentèrent une ultime démarche pour convaincre la Convention de rapporter son décret au motif que le Code pénal exigeait que la peine de mort ne puisse être prononcée qu'aux deux tiers des voix des jurés alors que le vote des députés n'avait réuni que la majorité absolue.Le décret de rejet et de condamnation fut notifié le 20 janvier au Roi.Selon ses prescriptions, Louis XVI fut guillotiné le lundi 21 janvier 1793 à 10h22, place de la Révolution, ci-devant place Louis XV, entre le piédestal de la statue de ce monarque et les Champs-Elysées.Santerre fit couvrir par les tambours les dernières paroles du Roi, proclamant son innocence.La Restauration comblera d'honneurs le comte de Sèze qui deviendra premier Président de la Cour de cassation. Malesherbes, qui poursuivit la défense du Roi par ses écrits, fut guillotiné le 22 avril 1794.
Texte rédigé par Henri-Charles Lambert, avocat à Nice,
et publié dans les
Cahiers de Chiré n°21
Editions de Chiré
BP186190
Chiré-en-Montreuil
(six-fevrier.com)
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