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RESTE-T-IL UNE ARISTOCRATIE ?
Aristocratie : selon l’étymologie grecque : « les meilleurs ».
En quoi le sont-ils ?Du point de vue métaphysique, c’est-à-dire du point de vue de l’essence de l’homme, de ce qui différencie l’homme de l’animal ou de la Divinité, les hommes sont les meilleurs en tant que mortels lorsqu’ils sont plus « mortels » que les mortels, c’est-à-dire aptes par vocation au sacrifice suprême.
Qui est censé par vocation à donner sa vie pour les autres ?
Notre tradition historique répond : le prêtre et le soldat !
Un prêtre qui ne serait pas prêt à mourir pour son Dieu, comme l’ont été les martyrs chrétiens, n’est pas véritablement un prêtre ; il n’est qu’un fonctionnaire de la cléricature ! Il en est de même du soldat qui ne l’est vraiment dans son essence que s’il est prêt à mourir ; sinon, il n’est pas un vrai soldat mais un militaire bureaucrate.
Cette capacité à mourir du soldat et du prêtre entraînent des qualités qui sont spécifiquement cultivées par ces deux types humains : le culte de la beauté dans sa gratuité (tradition du Samouraï japonais qui doit être aussi un artiste, peintre et poète) et la distance envers l’accaparement par le fonctionnel, le pur utilitaire.
L’aristocrate en ce sens ne se laisse pas définir en tant que simple animal consommateur de biens et de services, ni comme simple matière première aidant à la production (voir l’ignoble terme de « ressource humaine » !)
Le système qui nous régit et qui est un dispositif utilitaire (« Gestell »* dans la terminologie de Heidegger) ne supporte pas les aristocrates au sens où nous entendons le mot. Le système utilitaire et fonctionnel a besoin de niveler les hommes en masses et de les réduire le plus possible en consommateurs-producteurs obéissant et inoffensifs. C’est ce qui avait inquiété Tocqueville lorsqu’il observait et analysait « la Démocratie en Amérique ». Il craignait que la démocratie, obsédée par l’idée d’égalité, ne transforme les hommes en masses d’individus interchangeables et incultes.
L’Amérique n’a pas d’aristocratie organisée, tout au plus des aristocrates isolés, tolérés mais marginalisés dans le système. La capitale des Etats-Unis ne porte pas le nom d’un héros ou d’un martyr comme Saint-Pétersbourg.
Elle porte le nom d’un propriétaire d’esclaves, d’autant plus favorable à l’indépendance américaine que la puissance coloniale anglaise venait d’abolir l’esclavage sur son sol. Certes, l’esclavage a disparu mais l’homme demeure considéré comme une matière première au premier chef. Il n’est pas surprenant de voir la faiblesse de la beauté face aux ravages du fonctionnel dans ce pays : il n’y a ni Versailles ni Saint-Pierre de Rome ! Le soldat et le prêtre, le roi et le pape s’effacent devant l’homme d’affaires !
C’est une erreur d’opposer l’aristocratie (qui a produit la monarchie) à la démocratie.
Plutarque dans son « Banquet des sept Sages » déclare que le meilleur régime est une démocratie la plus proche possible de l’aristocratie ! La pire des choses pour les anciens Grecs était la démagogie, l’oligarchie ou la tyrannie où le pouvoir politique est dans les mains de personnes qui n’ont aucun sens du don de soi et qui ne cherchent que leur profit personnel.
La vérité est que l’Amérique n’est pas vraiment une démocratie mais plutôt une oligarchie : un petit groupe d’hommes mus par le profit personnel (ni des soldats ni des prêtres !) gouverne en réalité le système. En Russie, lorsque le président Eltsine voulut à toute force imiter l’Occident, il a sécrété non pas une vraie démocratie mais un régime d’oligarques.
On se moque des Russes comme si nos propres régimes n’étaient pas justement oligarchiques.
L’oligarchie combat sur deux fronts : contre l’aristocratie et contre la démocratie. Elle s’oppose à l’aristocratie et met en avant un égalitarisme idéologique propre à manipuler les masses. Elle combat la démocratie : la preuve en est sa méfiance envers la démocratie directe de type suisse. La Suisse est d’ailleurs un contre-modèle intéressant du système actuel : elle est authentiquement démocratique grâce aux référendums d’initiative populaire. Elle est imprégnée de valeurs militaires et religieuses.
Il est certain qu’une aristocratie ne peut durer que si elle est ouverte et non repliée sur elle-même comme une corporation. Les anciennes aristocraties ont perdu le pouvoir lorsqu’elles se sont refermées de façon excessive.
Certes, elles ne peuvent provenir que d’une sélection (et non une élection !). Mais cette sélection, qui est avant tout morale (capacité à « mourir »), est toujours menacée par la facilité, les privilèges indus ou l’égalitarisme jaloux.
L’Occident a besoin de redonner sa place aux valeurs aristocratiques du don de soi.
La religion et l’armée, historiquement, furent les institutions les plus à même de donner à tous cette éducation de l’amour du don gratuit.
L’Amérique ne semble pas la mieux placée pour jouer un rôle modèle en la matière : mieux valent les modèles culturels de Rome, Vienne ou Paris que ceux de New York, Los Angeles ou Chicago !
Yvan Blot
(polemia.com)
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