dimanche 21 décembre 2008

CE JOUR-LA.....21 DECEMBRE 1912: LA BANDE A BONNOT


SOCIETE GENERALE de la rue Ordener
(Paris XVIIIème)

















LA BANDE A BONNOT

Jules Bonnot









Jules Bonnot naît le 14 Octobre 1876 à Pont-de-Roide, un village du Doubs, à proximité de Montbéliard. A cinq ans il perd sa mère. Plus tard, son frère aîné se suicide en se jetant dans une rivière à la suite d'un amour déçu. Son père ouvrier fondeur, assure seul son éducation.
Jules Bonnot
Déjà à l’école il se fait remarquer :"il était paresseux, indiscipliné, insolent", dira de lui son instituteur. Jules évolue dans un univers d'analphabétisme. Son père illettré, est affaibli par un travail exténuant et des conditions de vie très difficiles. Le fils n'a guère plus d'espoir que son père d'échapper à cette condition misérable. Très tôt c'est la vie harassante. A quatorze ans, Bonnot commence son apprentissage. Refusant toute contrainte, il est en conflit avec ses patrons successifs. Jules connaît sa première condamnation à 17 ans suite à une bagarre dans un bal. En 1901, il se marie avec une jeune couturière. Un temps employé aux chemins de fer, à Bellegarde, sur la frontière, son engagement anarchiste le fait renvoyer. Son nom est connu de tous les employeurs de la région. Personne ne veut engager un tel agitateur. C'est le chômage, la misère et le désespoir.

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L'Exil







Le couple part pour Genève. Bonnot trouve une place de mécanicien. Sa compagne met au monde une fille, Émilie. Malheureusement l'enfant meurt quelques jours plus tard. Révolté, Bonnot se lance de plus belle dans la propagande anarchiste. Les Suisses ne tardent pas à l'expulser. Après quelques pérégrinations, il se fixe à Lyon où ses connaissances exceptionnelles de la mécanique lui procurent un emploi chez un constructeur d'automobiles. C'est là qu'il va parfaire son habileté professionnelle et son art diabolique de la conduite qui, dans quelques années, seront mis au service du crime.


Le 23 Février 1904 naît son deuxième enfant. Cette naissance ne le détourne que peu de temps de la propagande anarchiste. Aux yeux des patrons, il passe pour un meneur dangereux qui, partout, fomente des mécontentements et des grèves. Il quitte alors Lyon pour Saint-Étienne. D'octobre 1905 à Avril 1906, il est mécanicien dans une firme importante de la ville. Un rapport de police le présente comme "très violent et méchant", ajoutant que "les renseignements recueillis sur son compte sont mauvais". Bonnot et sa famille logent chez le secrétaire de son syndicat, Besson, qui ne tarde pas à devenir l'amant de son épouse. Pour éviter la colère de Bonnot, il s'enfuit en Suisse avec sa maîtresse et l'enfant. Bonnot ne les reverra jamais plus. La perte de son emploi est la goutte d’eau qui fait éclater sa révolte.


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L'épopée









Il rejoint la cohorte des innombrables chômeurs. L'épopée de la bande à Bonnot peut donc commencer. Entre 1906 et 1907 il s'exerce à l'ouverture des coffres forts. Parallèlement, il ouvre deux ateliers de mécaniques à Lyon. Pour ses aventures nocturnes il a besoin d'un bras droit : Platano. En 1910, Bonnot se rend à Londres et entre en qualité de chauffeur au service de Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes. Fin 1910, de retour à Lyon, il met au point sa nouvelle technique. A ce jour, aucun bandit n'a encore songé à introduire l’automobile dans l'arsenal du crime. Mais la police le recherche et il est obligé de partir précipitamment en compagnie de Platano et de cinq complices. Pour des raisons indéterminées Bonnot descend Platano.

Le 21 Décembre 1911 commence réellement l'épopée de la bande à Bonnot. Ce jour-là quelques illégalistes deviennent les "bandits tragiques". Dans une époque de misère, d'injustice, de luttes sociales sans merci, les premiers criminels en auto vont inscrire en lettres de sang une histoire qui tiendra en haleine une France apeurée devant tant d'audace et désespérée par l'échec de la police.
Ce 21 Décembre 1911 vers 9h du matin, Bonnot, Garnier, Callemin et un quatrième homme décident de s'attaquer au garçon de recette de la Société Générale rue Ordener à Paris. C'est la première fois qu'une voiture est utilisée lors d'un braquage. Le butin est plutôt maigre des titres et seulement 5000 francs en espèce. Le garçon de recette, lui, est gravement blessé. Le lendemain les journaux se déchaînent sur la bande. Après avoir abandonné leur automobile à Dieppe, ils reviennent à Paris, traqués par la police démunie devant la rapidité et la mécanique de leurs automobiles. Bonnot et sa bande ne savent que faire, ils errent, traqués, dans la ville, sans évasion possible, prêts à se faire tuer n'importe où. Par solidarité, pour partager cette amère joie du risque mortel, d'autres se joignent à eux: René Valet et Soudy.
25 Mars 1912, attaque de la Société Générale à Paris










A la veille de Noël Garnier et Callemin trouvent refuge chez Kibaltchiche (Victor Serge) et Rirette Maitrejean deux anarchistes. Quelques jours après leur départ Kibaltchiche et Rirette sont arrêtés. Tous deux refusent de livrer Garnier et Callemin.






Type de voiture que la bande à Bonnot utilise

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La bande ne reste pas inactive. En France et en Belgique, ils tentent avec plus ou moins de succès un certain nombre de "coups". Deux armureries sont pillées à Paris. A Gand, ils volent la voiture d'un médecin. Dans la même ville, le 25 Janvier, le vol d'une seconde voiture tourne moins bien. Ils sont surpris par un chauffeur qui est assommé à coups de clé anglaise. Un agent de police les interpelle. Callemin l'abat. C'est autour d'un certain Eugène Dieudonné de se faire arrêter. C'est un anarchiste et Caby le garçon de recette de la Société Générale le reconnaît comme son agresseur. Dieudonné nie sa participation au hold-up de la rue Ordener.
Dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1912 à Thiais, deux vieillards sont assassinés. Puis le 27 Février à Paris à la suite d'une banale altercation un policier est abattu. Le 29 Février le trio tragique abat un boulanger lors d'une tentative de cambriolage d'un pavillon.

Pour les illégalistes, traqués, affamés, sans secours, devant qui toutes les portes se ferment, la lutte terrible engagée contre la société ne peut que se terminer par leur mort.

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L'ultime coup









Leurs photos s'étalent dans les journaux. Les têtes sont mises à prix. Bonnot se devait d'organiser un coup de force inouï. Après avoir volé une voiture sur la route de Melun et avoir blessé gravement ses passagers, ils se dirigent vers Chantilly et notamment la banque de la Société Générale. Garnier, Valet Callemin entrent dans la banque revolver au point. Soudy fait le guet à l'entrée. Le bilan est de deux morts pour 50 000 frs. (7600€)
Deux cents inspecteurs de police se mettent en campagne. La banque offre une prime de cent mille francs (15 000€) à quiconque permettra la capture des bandits.

Pendant toute une semaine, la bande à Bonnot tient la une de tous les quotidiens, avec des pages entières de photos où se retrouvent pêle-mêle les morts, les blessés et les témoins. Soudy se fait arrêter à Berck-sur-mer le 30 Mars 1912. Le 7 Avril, c’est au tour de Raymond Callemin. Le 24 Avril un dénommé Monier est arrêté, il a participé aux affaires de Montgeron et de Chantilly.Pendant ce temps Bonnot loge dans un appartement à l'insu de son propriétaire, absent. Fin Avril Jouin le sous-chef de la sécurité repère Bonnot et se fait tuer en tentant de l'arrêter. Mais le fugitif est blessé au bras. Après l'assassinat de Jouin, Bonnot redouble de prudence. Il arrive ainsi à Paris sans histoire. Chaque soir, il cherche d'un nouvel abri. Personne ne doute de sa prochaine arrestation. La décision de le tuer rallie tous les suffrages. Jamais la police, encouragée par le gouvernement, ne pense un seul instant le prendre vivant. Bonnot court toujours. Sa piste semble perdue lorsqu'un pharmacien de Choisy-le-roi déclare qu'il a donné des soins à un homme blessé à la main et dont le signalement correspond à celui du fuyard. Bonnot trouve refuge chez un autre anarchiste : Dubois.






Jules Bonnot tue le commissaire Jouin, Le petit journal (5 Mai 1912)

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L'état de siège






Le Dimanche 28 Avril une quinzaine d'inspecteurs cernent le pavillon de Dubois. Ce dernier qui était dans le garage leur tire dessus avant de se faire abattre. Bonnot se barricade et blesse un inspecteur. La fusillade est suffisamment soutenue pour tenir les policiers en respect et les obliger à se mettre à l'abri. Ils pensent que Bonnot n'est pas seul. Le siège commence. La fusillade a réveillé toute la localité. De Choisy, d'Alfortville, de Thiais et même de plus loin, arrivent des hommes armés de carabines, de fusils de chasse. Cinq cents hommes armés sont là disséminés dans les haies. Le maire de Choisy et le préfet Lépine arrivent bers 9h suivis peu de temps après par deux compagnies de la Garde républicaine.
De toute la banlieue, de Paris on continue à affluer vers Choisy. Le spectacle est attendu : 20 000 personnes accourent en train, en fiacre, en auto ou à pieds. L’ordre est donné d'acheminer l'entier régiment d'artillerie stationné à Vincennes. On demande également une mitrailleuse lourde. Un cordon de tirailleurs cerne maintenant la maison.
Midi. Il y a maintenant près de trente mille personnes autour du pavillon. Le siège dure des heures, la fusillade ne connaît aucun répit. Tous les assiégeants pensent jouer un rôle historique. Ils sont persuadés qu'ils ont à venger les crimes de Bonnot. On boit, on parle, on s'interpelle, on rit même, se sachant hors de portée des balles. La décision est prise de dynamiter le repaire. Bonnot se sait perdu. Il rampe jusqu'à la table, prend plusieurs feuilles et rédige une sorte de testament. Le siège se fait plus pressant. Le pavillon est dynamité..
Des débris de pierres et de terre frappent Bonnot. Il se réfugie entre deux matelas. Il saigne abondamment. Une nouvelle fois le pavillon est dynamité. Les policiers décident d'entrer. Après avoir traversé la première pièce, ils trouvent Jules Bonnot luttant contre le dégoût, le chagrin et la fatigue, il s'écrie:"salauds". Atteint de six balles Il a encore la force de tirer trois coups mais. Il est transporté à l'Hôtel-dieu où il rejoint à la morgue Dubois. Pendant ce temps, la police parade et une vente aux enchères se tient sur l'emplacement du pavillon.

La fin de la bande à Bonnot











Il reste deux membres de la bande à Bonnot en liberté : Garnier et Valet. Ils logent dans un pavillon de banlieue à Nogent-sur-Marne. Le 14 Mai la sûreté les à repéré. Pour éviter la mascarade de Choisy tout a été fixé et préparé dans le plus grand secret. Ce sera pire. Le pavillon est cerné et les inspecteurs de la sûreté entre dans le jardin ou ils sont accueillis a coups de pistolets. Le siège le plus fou de toutes les annales de la criminalité va commencer. Pour tuer Garnier et Valet, il faudra neuf heures de fusillades nourries, des centaines de policiers, un bataillon de zouaves sur le pied de guerre. Sans parler de plusieurs mitrailleuses lourdes mises en batteries. Durant la fusillade plusieurs inspecteurs de police sont touchés.






Caremain, Carouy, Dieudonné, Garnier, Serge, Soudy

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Un nouveau bataillon de zouaves, soit trois cents hommes, arrive au pas de gymnastique. Ils sont salués par les ovations de la foule de plus en plus dense. Deux cents gendarmes, munis de leurs carabine, se placent en embuscade. Le pavillon est dynamité, la toiture s'est envolé mais les deux hommes sont toujours là. La nuit est tombé maintenant. A minuit quarante mille personnes au moins se massent aux abords du pavillon. Deux compagnies de zouaves supplémentaires sont dépêchées. On tente de dynamité le pavillon une nouvelle fois sans succès. Valet et Garnier se déchaînent et un inspecteur est de nouveau tué. La troupe arrête le feu peu de temps après, faute de munitions. Le ministre de l'intérieur arrive sur les lieux. Après avoir éventré le pavillon à la dynamite, les policiers tentent une approche. Tout à coup, c'est la débandade. Garnier et Valet les mitraillent à bout portant.

La fusillade a fait deux blessés. Enfin, sonne le "cessez-le-feu". Ce sera le dernier.. Soldats, policiers, pêle-mêle, se lancent à l'assaut. La bousculade est générale. Ils arrivent enfin dans la pièce ou sont retranchés les deux hors-la-loi. Le spectacle est hideux. Du sang, partout. Sur le plancher, sur les murs. Des douilles de balles par centaines. Il est deux heures du matin. Garnier et Valet tentent une dernière fois de tirer puis sont abattus.
3h, tout est terminé. Le siège a duré plus de neuf heures. Cent mille personnes se précipiteront sur les lieux du drames. Le lendemain, les corps sont jetés dans la fosse commune du cimetière de Bagneux.






Les principaux compagnons de Jules Bonnot :

Callemin Raymond (1890-1913), dit Raymond la science. Il est exécuté le 21 avril 1913, devant la prison de la Santé avec Soudy et Monier.
Carouy Edouard (1883-1913), dit Leblanc. Condamné aux travaux forcés à perpetuité, il se suicidera en prison.
Dieudonné Eugène (1884-1944) Il est condamné à mort le 28 février 1913 mais, disculpé par ses complices sa peine fut finalement commuée en travaux forcés à perpétuité. Il parviendra à s’évader du bagne à la troisième tentative, le 6 décembre 1926. Gracié il sera de retour à Paris et mourra le 21 août 1944.
Maitrejean Rirette (1887-1968), née Anna Estorges. Compagne de Victor Serge, elle est acquittée alors que son compagnon sera emprisonné pour avoir caché Garnier et Callemin. Elle meurt en juin 1968 sans jamais l'avoir revu.
Metge Marius Paul (1890-1933). Condamné aux travaux forcés à perpetuité le 27 Février 1913, il sera finalement libéré du bagne en 1931. 2 ans plus tard, il mourra d'une fièvre.
Monier Antoine (Etienne) (1889-1913), dit Simentof. Condamné à mort avec Callemin et Soudy, il sera guillotiné le 21 Avril 1913.
Serge Victor (Kibalchine) (1890-1947) est condamné à 8 ans de prison. Il quitte l'Europe en 1940 pour Mexico où il meurt dans la pauvreté.
Soudy André (1892-1913) est guilotiné avec Callemin et Monier le 21 Avril 1913.

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Ils ont dit










"Je sais que cela aura une fin dans la lutte qui s'est engagée entre le formidable arsenal dont dispose la société et moi, je sais que je serai vaincu je serai le plus faible mais j'espère vous faire payer cher votre victoire."

Lettre de Garnier au préfet de Police le 19 mars 1912.


"Réfléchissons. Nos femmes et nos enfants s'entassent dans des galetas, tandis que des milliers de villas restent vides. Nous bâtissons les palais et nous vivons dans des chaumières. Ouvrier, développe ta vie, ton intelligence et ta force. Tu es un mouton : les sergots sont des chiens et les bourgeois sont des bergers. Notre sang paie le luxe des riches. Notre ennemi, c'est notre maître. Vive l'anarchie."

Quelques mots trouvés griffonés sur un papier dans les poches de Garnier abattu à Nogent-sur-Marne.


"Vous faites une bonne affaire! Ma tête vaut cent mille francs, chacune des vôtres sept centimes et demi. Oui, c'est le prix exact d'une balle de browning!"

Déclaration de Callemin aux policiers venus l’interpeller













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