mercredi 22 octobre 2008

POUR EN FINIR AVEC LE POPULISME ***Blog-notes N°21

"Le peuple est une putain
qui suit le proxénète vainqueur"
(Benito Mussolini)



La plupart des auteurs qui traitent de la question "populiste", s'intéressent généralement et prioritairement aux "mouvements" populistes : Boulanger, Déroulède, Poujade... aujourd'hui - le dernier avatar- le "Parti Populiste" de Christian Perez et Franck Timmermans.

Cela ne sera pas mon propos. En effet, on n'en "finira" jamais avec les partis ou les mouvements populistes ! Ils continueront à réapparaître, périodiquement, sur la scène politique de notre malheureux pays... jusqu'à la fin des temps. J'essayerai simplement, ici, d'en rechercher les origines, et surtout d'en démontrer le caractère aberrant.

S.P.Q.R. : Senatus Populusque Romanus (le Sénat et le Peuple Romain). Judicieusement inscrite sur toutes les bouches d'égouts de Rome, cette devise symbolise bien l'universalité de la DEMAGOGIE (gr. agogueus : guide, führer et dêmos/lat. plebs : la plèbe), comme caractéristique des "politiciens" (de tout poil) - c'est-à-dire ceux qui se sont donné comme "mission" (vocation ?) de gérer la Cité (gr. polis).
Tous, sans exception, font appel au sacro-saint "peuple", afin d'être élus ; ensuite ils parleront "en son nom"...
Les Bolcheviks, en 1917, introduisent une nuance : le Parti Communiste et ses apparatchiks ("bras armé de la dictature du prolétariat") représentent et parlent au nom du "prolétariat" (la Bourgeoisie, et  a fortiori l'aristocratie, ne pouvant être considérées comme faisant partie du peuple russe...).
En fait, tout le monde parle au nom du Peuple : même l'Exécuteur des Arrêts criminels, coupait les têtes (jusqu'en 1981) "au nom du peuple français" (ce qui ne m'empêche pas, soit dit en passant, d'être pour le rétablissement de la Peine de mort).
Mais qui est donc ce fameux "peuple" ?
Le juriste que je suis, se permet de poser la question : "quels sont les critères objectifs qui permettraient à un Tribunal de décider si une personne appartient ou non au "peuple français" ? (pour les marxistes-lénisnistes-trotskistes, à partir de quel salaire peut-on considérer qu'une personne appartient au "prolétariat" ? ou, pour utiliser la terminologie de notre Arlette nationale - très sympathique, bien que cela ne vole pas très haut -, à partir de quel salaire une femme peut-elle être considérée comme une "travailleuse" ? Madame Christine Lagarde est-elle une "travailleuse" ?).
On pourrait multiplier les exemples ad infinitum.
En réalité, ce concept échappe à toute définition rationnelle. Il n'est du ressort ni du juriste, ni du spécialiste des sciences politiques. Seules, comme nous le verrons plus bas, les Sciences religieuses ont peut-être quelque chose à dire à ce sujet.


Bon peuple, mauvais peuple

Tous les politiciens, disais-je, font appel au "peuple" ; mais pas à n'importe quel peuple !
C'est au "vrai" peuple qu'ils s'adressent : celui de la "vraie" France, de la France "profonde", de la France "éternelle". Le peuple du "pays réel".
Ce qui laisse déjà entendre qu'il existe un "autre" peuple - dont ils n'attendent rien.
Chez les marxistes, les choses étaient originellement plus simples : il y avait deux "classes sociales", les (méchants) Bourgeois... et les (gentils) Prolétaires.
Malheureusement, en 1848, peu de temps après la publication (en janvier) du "Manisfeste", un empêcheur-de-penser-en-rond, Louis-Antoine GARNIER-PAGES, Maire de Paris, eut la malencontreuse idée de créer les GARDES MOBILES : des jeunes "prolétaires" (souvent des "poulbots"), qui, au cours des "Journées de Juin" 1848, tirèrent, sans aucune hésitation, et sans états d'âme, sur leurs "frères de classe", participant ainsi, sous le commandement du Général Cavaignac (qu'on avait fait revenir spécialement d'Algérie) à la répression - plus tard qualifiée de sanglante - des émeutes.
Marx et Engels, qui observaient - à distance (c'est-à-dire de Cologne, où ils avaient fondé le "Neue Rheinische Zeitung") - ces "Luttes de classes en France", faillirent avaler leur bière de travers : "Qui sont ces jeunes prolétaires qui tirent sur d'autres prolétaires ?" s'indignaient-ils. Y avait-il finalement des bons - et des mauvais - prolétaires ?
Le concept de "Lumpen" (all. "haillons") était né.
En vérité, on n'avait pas attendu les co-auteurs de l' "Idéologie Allemande" (1846), pour montrer du doigt le "dêmos", la "plèbe", ou la "canaille" - ancêtre de la "racaille" (avec ou sans kärcher).
Disons les choses très simplement : le "peuple", ce sont ceux qui sont d'accord avec moi - les autres, c'est la plèbe, la populace, le "lumpen".


Les voies de l'utopie mènent inéluctablement à l'archipel du goulag

Essayons quand même de ne pas rester au ras des pâquerettes.
Si l'on veut rechercher les "origines" du populisme, on ne peut faire l'économie des travaux d'Alain PESSIN, qui fut Professeur de sociologie à l'Université de Grenoble, et en particulier de son ouvrage "Le Mythe du Peuple".
Feu Alain Pessin, tout en admettant le caractère irrationnel de ce concept, et l'impossibilité de le définir selon des critères objectifs, ne pouvait cependant se résoudre à le disqualifier totalement, et à l'envoyer rejoindre la longue liste des aberrations humaines, comme le mythe du "bon sauvage"... ou les prédictions de Michel de Notre-dame.

Pour Pessin, le "peuple" est bien un mythe - qui ressortit à la pensée "utopique" du XIXème siècle - mais, en tant que tel (toujours selon Pessin), "il apporterait une contribution non négligeable à l'élaboration d'un éventuel projet politique" (de gauche, bien entendu...).
On fait généralement remonter la littérature utopique aux poèmes celtes, chantant, au moyen-âge, les vertus du "Pays de Coquaigne" (cocagne) : Cité idéale, paradis terrestre, où, comme l'écrivait l'auteur de l'Exode, "coule le lait et le miel" (Ex 3:8).
Mais on peut également inclure des oeuvres de l'antiquité, comme la "République" de Platon (vers 370 avant JC).
Nous devons le néologisme à Saint Thomas More (Chancelier d' Henri VIII), qui publia au XVIème siècle "UTOPIA" (du grec U-topos : nul endroit).
Mais l'âge d'or de la littérature utopique - ainsi que des tentatives (infructueuses, ou, en tout cas, éphémères) de fondation de "Communautés" et de Cités "modèles" - fut le XIXème siècle.
Marx les qualifiera de "socialisme utopique", par opposition à son "socialisme scientifique".
C'est le Comte de Saint-Simon (1760-1825) qui inspira le Père Enfantin, entre autres. C'est Charles Fourier (1772-1837) qui conçut une "Cité harmonieuse", le "PHALENSTERE", où l'homme s'épanouirait "par le travail". C'est encore Etienne Cabet (1788-1856), auteur de "Voyage en Icarie" (1840) et fondateur de la Communauté "Nauvoo", d'abord au Texas, puis dans l'Illinois (le potentiel de "pigeons" étant probablement plus élévé en Amérique qu'en France)... et bien sûr Jean-Baptiste Godin (1817-1888), dont les bâtiments du "FAMILISTERE" qu'il créa à Guise, sont toujours "habités".
Conçu dans une perspective "collectiviste", l' architecture du Familistère n'est pas sans rappeler le "Panoptique", la prison "modèle" de Jeremy Bentham (1791) : on n'est pas surveillé par "Big brother", mais on se surveille les uns les autres (c'est le "village global" avant la lettre) - ça vaut la visite !
Contrairement aux Français, les auteurs Britanniques avaient rapidement compris l'absurdité de telles entreprises (littéraires ou rélles), et les "utopies" d'outre-manche devinrent très tôt des "contre-utopies" (ou des "anti-utopies").
C'est le cas des "Voyages de Gulliver" de Jonathan Swift (1726) ou , en 1872, de l' "Erewhon" de Samuel Butler (une Cité, où l'on fouette les malades, afin qu'ils ne trouvent pas trop "d'avantages secondaires" dans leur état, et donc guérissent plus vite...).
Mais c'est le XXème siècle qui portera un coup fatal à ce genre littéraire - et surtout aux idées qu'il propageait.
Aldous Huxley, dans son "Brave new world" (Le meilleur des mondes), en 1932, et George Orwell, en 1945, avec "Animal farm" et, en 1949, avec "1984", démontrèrent brillament que les idées utopistes (de tous les pays et de toutes les époques) étaient non seulement naïves et irréalisables - car elles ne prenaient pas en compte la "véritable" nature de l'homme (elles étaient fondées sur le concept Rousseauiste de sa soi-disant "perfectibilité"), mais surtout elles étaient dangereuses : "le goût des villes parfaites peut aboutir à celui des déserts"... "il arrive que ces sociétés (les utopies) engendrent des communautés de la nuit et du chagrin" (Gilles Lapouge: "Utopie et civilisation"-1990).
Les utopies sont dangereuses, car elles postulent non seulement la bonté intrinsèque de l'homme... mais aussi celle du PEUPLE : "O Peuple, que tu es fort, puisque tu es si bon." écrivait George Sand (Bulletin de la République, 17 mars 1848). George Sand, qui fut la maîtresse (entre autres) du Saint-Simonien Pierre Leroux (que le Sénateur socialiste V. Hugo appelait "le filousophe"),et avec qui elle avait fondé, en 1843, une "utopie", la "Colonie Agricole et Typographique" de Boussac (à quelques lieues de Nohant).
La "Baronne rouge" (elle avait épousé le Baron Dudevant - et fut la première à revendiquer le titre de "communiste") partageait avec Marx et Engels ce culte du "peuple" (qui, chez Lénine, devint le rôle "salvifique" du Prolétariat.
Ce n'est plus le MESSIE, c'est le PEUPLE (ou le Prolétariat) qui devait réaliser la prophétie du onzième chapitre d'Esaïe, en instaurant une société où "Le loup habitera avec l'agneau" et où "le lion, comme le boeuf, mangera la paille" ; ou encore Michée (4:3) "de leurs glaives, ils forgeront des hoyaux, et de leurs lances, des serpes".
Le POPULISME peut donc être considéré comme un détournement du Mythe Messianique judéo-chrétien (Messie en heb. : machiah, en grec : Christos).
Dans sa version marxiste, le Messie n'est plus un Homme tout à fait exceptionnel - ou "Dieu fait Homme" : c'est une "classe sociale".
Comme le dit l'Internationale (du communard Eugène Pottier) : "Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes, décrétons le SALUT COMMUN".
Oui, le salut viendra du Peuple, ce bon peuple dont les femmes tricotaient, en assistant, le 16 octobre 1793, au martyre de Sa Majesté la Reine Marie-Antoinette ; ce bon peuple qui, en la personne de l'un des insurgés des "journées de juin 1848", tua, depuis la fenêtre du "Cabaret de la Tour d'argent", Monseigneur Denis-Auguste Affre, Archevêque de Paris, qui s'était rendu à la barricade Saint-Antoine, espérant éviter un bain de sang ; ce bon peuple, qui en 1871, récidive, et fusille Monseigneur Georges Derboy (également Archevêque de Paris) ainsi que 19 Prêtres et Religieux.
Enfin, plus près de nous, c'est toujours ce bon peuple qui, entre 1943 et 1946, devait "tondre" et maltraiter environ 20.000 femmes, accusées (à tort ou à raison) de collaboration "horizontale".
Ce bon peuple de Paris, qui, au printemps 1944, se pressait, par milliers, pour acclamer le Maréchal Pétain, et qui, à l'automne de la même année, se retrouvait tout aussi nombreux, pour acclamer le Général De Gaulle.

C.Q.F.D. ?
Jean-Pierre Pagès-Schweitzer

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