PETITE CHRONIQUE BALZACIENNE N°1
BALZAC ET LES PRISONS POUR DETTES
La contrainte par corps (emprisonnement pour dettes) a pratiquement toujours existé en France.
L'ancienne legislation remonte à l'EDIT du Chancellier (Garde des Sceaux) de MAUPEOU (prononcé "mopou"), promulgué par Louis XV, en 1772.
Le PETIT CHATELET, situé sur le pont et le quai St-Michel (détruit en 1782) fut le premier centre de détention pour les DEBITEURS insolvables.
Priso
La Prison de SAINTE-PELAGE(un ancien couvent pour "jeunes filles perdues", dont Ste-Pélagie est la Patronne), située rue Lacépède, rue Larrey et rue Pierre-l'hermite, prendra la relève (elle est décrite dans "Ursule Mirouet"), jusqu'en 1834, date de sa fermeture.Elle sera remplacée par la Prison de la RUE DE CLICHY ("La Dette"), (au niveau du 68 de cette rue).
Le GOUVERNEMENT PROVISOIRE de la IIème République FERMERA cette Prison en 1848 par un Décret signé GARNIER-PAGES....et le Prince-président s'empressera de la rouvrir dès qu'il accède au pouvoir ! Elle fermera définitivement -sans être remplacée- en 1867.
De nos jours, la contrainte par corps, appelée "Contrainte judiciaire" (art 749 et s. du CPP), ne s'applique plus en faveur des créanciers privés,mais seulement pour le non-paiement d'Amendes douanières ou de Taxes diverses.
Elle ne s'applique pas aux mineurs, ni aux personnes de plus de 65 ans (ouf ! J'ai 70 ans).
Honoré de BALZAC était "atteint" de PRODIGALITE (Prodigue: qui fait plus de dépenses qu'il ne faudrait) : il présentait des troubles du contrôle des impulsions (au sens du DSM IV), le poussant à acheter des "antiquités" (il parlait de" Bric-à-brac") -le plus souvent à un prix supérieur à leur valeur réelle.
Par ailleurs, peu scrupuleux -voire même indélicat- il dépensait les avances consenties par ses Editeurs (en particulier Edmond WERDET, puis à partir de 1841 Charles FURNE), avant même d'avoir écrit une seule ligne de la Nouvelle ou du Roman promis.
Il accumula donc les dettes toute sa vie -et mourut endetté.
Il fut constamment poursuivi par ses créanciers; mais surtout par leurs HUISSIERS, et même parfois par les "recors" (surnom donné aux GARDES DE COMMERCE, créés par le Chancelier de Maupéou, et chargés de dépister et d'appréhender les "débiteurs", et de les conduire (en fiacre) à Ste-Pélagie, puis ensuite "Rue de Clichy".
Bien qu'il ait étudié le Droit (Place du Panthéon, dans le bâtiment actuel) -jusqu'à la LICENCE, sans toutefois se présenter à l'examen final- cette discipline ne l'intéressait absolument pas et il en ignorait les subtilités.
Je n'en veux pour preuve que la lettre écrite à sa soeur Laure, le 14 février 1829, lui faisant part de sa crainte d'être enfermé à Ste-Pélagie, à la demande de sa mère, à qui il devait 50.000 F (après la faillite de l'Imprimerie/Maison d'Editions de la rue Visconti et de la Revue "La Chronique de Paris").
La Loi de 1797 (Directoire), prévoyait en effet des "exceptions" ("fins de non-recevoir"), pour les mineurs, les septuagénaires, les frères et soeurs.....et les ascendants et DESCENDANTS.
Balzac, apparemment, ne le savait pas.
Par contre, ses autre créanciers pouvaient parfaitement le faire enfermer (pour dettes au-dessus de 300 F).
Rappelons que l'on ne nourrissait pas les prisonniers pour dettes.
En conséquence, il déménageait assez souvent (plus de DIX logements différents entre 1819 et 1850) -mais surtout il prévoyait dans toutes ses maisons, une "sortie de secours" discrète, grâce à laquelle il réussit toujours à échapper à ses créanciers (ou à leurs "représentant"...).
On peut aller inspecter, de nos jours, sa maison du 47, rue Raynouard (Musée Balzac), et demander l'autorisation de sortir par la porte "secrète" donnant sur la rue du Roc (aujourd'hui rue Berton): une ruelle pavée, restée "en l'état".
Mais c'est au 13, rue des Batailles (aujourd'hui emplacement du 12 avenue d'Iéna -maison détruite lors de l'ouverture de cette avenue), qu'il échappa de justesse aux "recors", grâce à une échelle opportunément placée au fond du jardin, le 30 juin 1837.
Quant à sa dernière demeure, rue Fortunée (aujourd'hui rue Balzac) (1848-1850), elle était reliée, par un passage secret, à la tribune de la Chappelle ST-NICOLAS, qui jouxtait sa maison.
Par surcroît de précautions,il louait ses maisons sous un faux nom: Veuve Durand, rue des Batailles, Madame de Brugnol, rue Basse (Raynouard).
Contrairement à son confrère britannique, Charles DICKENS,(que je soupçonne fort de s'être inspiré de "SPLENDEURS ET MISERES DES COURTISANES", publié en 1847, pour écrire "LES GRANDES ESPERANCES" (1861): où est décrite la même relation "ambiguë" entre le forçat MAGWITCH et PIP -et VAUTRIN et Lucien de RUBEMPRE, chez Balzac), qui, à Londres, faisait l'objet d'un véritable culte (il fut invité à plusieurs reprises à lire des extraits de ses romans à Buchkingham Palace, en présence de la Reine Victoria), le plus grand romancier Français du XIXème siècle vécut comme un fugitif, et mourut prématurément (agé de 51 ans),
d'avoir trop mangé (repas littéralement pantagruéliques), bu trop de café (moka)...et surtout trop TRAVAILLE, pour régler ses dettes.
Harcelé jusqu'au bout par les huissiers, c'est les yeux mi-clos (victor Hugo les lui fermera), mais l'oreille tendue, redoutant la sonnette annonçant la venue de ses "persécuteurs de justice" qu'il rendit l'âme le 18 Août 1850.
Il semblerait que de ce côté-ci de la Manche, on apprécie moins les Hommes de lettres.
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