vendredi 2 mai 2014

LE GAULLISME





Le DICO des idées : le Gaullisme

Charles de Gaulle, président fondateur de la Ve République.

Le DICO des idées : le Gaullisme



  • Acteurs : Charles de Gaulle, Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré, Philippe Séguin…
  • Idées liées : empirisme, pragmatisme, patriotisme, nationalisme, souveraineté nationale, association capital-travail, conservatisme, interventionnisme.
  • Idées contraires : atlantisme, fédéralisme, libéralisme, communisme.
  • Courants : Gaullisme de guerre, Gaullisme de gauche, Gaullisme social, Néogaullisme.
  • Partis et associations : RPF, UNR, UDR, RPR.
  • Symbole : Croix de Lorraine

Gaullisme : Sans équivalent dans les autres pays, le gaullisme est aujourd’hui un mouvement éminemment respecté aussi bien par la gauche (qui lui a pourtant été très hostile) que par la droite (qui a pourtant abandonné progressivement ses principes fondateurs). Il constitue une spécificité française difficile à classer dans les catégories traditionnelles. Par son lien direct avec la personnalité et l’action du Général de Gaulle, le gaullisme est vu comme un mouvement populaire auquel il est encore fait référence. Même s’il est divers, il est encore vu sous le prisme du résistancialisme. Le fait qu’il soit à l’origine de notre actuel régime politique (la Ve république) le rend aussi important. Quelles sont les origines intellectuelles et politiques du gaullisme ? Est-ce une idéologie ? Quels sont ses grands principes ? Quelle fut son importance au cours de l’histoire et qu’en reste t-il de nos jours ?

Histoire du gaullisme : une succession de gaullismes


De manière générale, être gaulliste, c’est avant tout adhérer à la personnalité, à l’action et à la pensée du Général de Gaulle. Il s’agit donc d’un mouvement s’appuyant sur le peuple plutôt que sur une idéologie construite a priori. Le gaullisme correspond à une action construite progressivement et pragmatiquement reposant sur quelques grands principes. C’est ce pragmatisme qui fait qu’au cours de l’histoire et en fonction du contexte, il exista plusieurs types de gaullisme. C’est ce qui amena André Malraux à affirmer que « tout le monde a été, est ou sera gaulliste ».


Le gaullisme de guerre

Le gaullisme de guerre est la première forme de gaullisme qui se développa. On peut dire qu’il est au départ très intimiste et rassemble peu de personnes. Il est une réaction essentiellement militaire pendant la 2nde guerre mondiale : il refuse d’abord la drôle de guerre et la stratégie défensive, puis ensuite l’armistice. Ce gaullisme est donc celui de la résistance à partir de l’appel du 18 juin 1940 : il est peu politisé mais augmente son influence, suivant le progressif retournement de situation. Il atteint son apogée lorsque De Gaulle défile sur les Champs-Élysées le 26 août 1944.


Opposant à la IVe république

rpfSuite à la 2nde guerre mondiale, Charles de Gaulle connaît sa première expérience politique véritablement poussée avec le Gouvernement Provisoire. Il fait passer un certain nombre de réformes qui pourraient classer le gaullisme à gauche : vote des femmes, planification économique, nationalisations, sécurité sociale. Cependant, il entre vite en conflit avec la majorité de gauche de l’Assemblée constituante où il ne parvient pas à imposer sa conception d’un régime républicain. Il démissionne le 20 janvier 1946 et attend alors douze ans pour retrouver le pouvoir. Douze ans pendant lesquels il devient opposant à la IVe république et ses principaux dirigeants : la Troisième Force (coalition des socialistes, des centristes, des radicaux, et modérés). Cette période, aussi appelée la traversée du désert, permet aux gaullistes de cultiver leur scepticisme à l’égard du jeu des partis et des manœuvres politicardes qui sont inhérentes à un régime parlementaire instable mené par les partis plutôt que par des hommes providentiels. Bien que devenu très anti-communiste dans un contexte de guerre froide, le Rassemblement du Peuple Français (créé en 1947) constitue la principale force d’opposition avec le Parti Communiste. C’est même entre 1952 et 1956 la première force politique en nombre de députés (121) mais son isolement l’empêche de peser suffisamment.



Le gaullisme se politise autour des conceptions politiques du Général De Gaulle (exécutif et État fort, démocratie, recours au peuple…) qui se teintent d’un versant social avec l’association capital-travail, censée être une troisième voie économique entre communisme et libéralisme.

Néanmoins, malgré sa mise en minorité, le gaullisme voit son heure arrivée avec les difficultés de la IVe république face à la décolonisation notamment (guerres en Indochine et en Algérie). René Coty fait alors appel à De Gaulle, vu comme un sauveur, pour assurer la présidence du conseil, à la suite du coup d’État du 13 mai 1958.


La Ve république : la revanche gaulliste

Dès le discours de Bayeux le 16 juin 1946, Charles de Gaulle avait exposé sa conception de la République et ses principes constitutionnels. Grâce à la crise des institutions de la IVe République, il va pouvoir mettre en application ses principes, grâce à la constitution du 4 octobre 1958, soumise à un référendum et approuvée par plus de 80 pour cent des Français. Cette constitution donne au président de la République bien plus de pouvoir que les précédents régimes qui étaient essentiellement parlementaires. La Ve république est ainsi considérée comme semi-présidentielle (on parle même de « monarchie républicaine »), d’autant plus que dès 1962, l’élection du président est donnée au peuple directement (alors qu’auparavant les parlementaires votaient pour le président de la République). Le but est de donner toute la légitimité possible au président pour exercer sa fonction.


Une fois le cadre donné, le gaullisme devient donc un parti de gouvernement pendant les mandats de Charles de Gaulle de 1958 à 1969. Ce gaullisme continue d’être marqué à droite surtout parce que le centre et la gauche s’en éloignent. Même si l’interventionnisme de l’État dans l’économie reste important, les réformes sociales sont moins nombreuses que lors de l’après-guerre. Finalement, les difficultés vont arriver pour le gaullisme : après avoir réglé le problème algérien dans la controverse (surtout pour les nationalistes), le pouvoir gaulliste s’est intéressé à la politique extérieure de 1962 à 1965 avant d’être de plus en plus contesté ensuite. La pratique du « référendum-chantage » par de Gaulle le pousse à démissionner en 1969 alors même qu’il avait résisté au mouvement de mai 1968. Charles de Gaulle meurt en 1970 : tout ne sera plus comme avant, malgré la volonté qu’ont les gaullistes de faire perdurer l’héritage.

Une idéologie gaulliste ?


Les grands principes du gaullisme

Malgré son pragmatisme qui l’empêche d’être une véritable doctrine politique, le gaullisme repose sur quelques grands principes qui guident son action politique. Ces principes découlent en fait d’une vision particulière de la France et de son histoire : la France fut capable d’être grande, voir dominante dans l’Occident lorsqu’elle s’est unie dans un objectif commun, mais fut aussi parfois divisée et repliée sur ses querelles internes. Selon Charles de Gaulle, la France ne peut donc être grande que lorsqu’elle est unifiée autour d’un chef, d’un homme providentiel qui la guide vers son destin de grandeur. Il s’agit aussi d’éviter à tout prix les luttes internes par des institutions politiques et économiques stables garanties par un État fort. C’est cette « philosophie de l’histoire » qui guide les quelques grands principes politiques du gaullisme.


- Tout d’abord, les gaullistes sont intransigeants sur la volonté d’indépendance nationale, cette « certaine idée de la France » qui est si chère au « grand Charles » dans ses Mémoires de guerre. La grandeur de la France ne peut passer que par son indépendance, nécessaire à la maîtrise de son destin selon ses intérêts avant tout. La grandeur de la France, c’est aussi son rayonnement politique et culturel dans le monde et sa puissance militaire. La France doit pouvoir se gouverner seule : en cela le gaullisme est une forme de souverainisme. C’est cette volonté de grandeur et d’indépendance (mêlée au réalisme et au pragmatisme) qui amène le président à quitter le commandement intégré de l’OTAN en 1966, à se rapprocher de l’Union Soviétique, à ouvrir des relations diplomatiques avec la Chine communiste. Le gaullisme, s’il entend préserver la France et l’Europe de l’impérialisme américain, n’est toutefois pas anti-américain : John Kennedy pourrait en témoigner au vu du soutien qu’a apporté la France aux États-Unis lors de la crise de Cuba en 1962. La grandeur passe également par un empire colonial rénové par une politique de coopération militaire, technique et culturelle, et apaisé après l’indépendance de l’Algérie notamment.


- La grandeur et l’indépendance nationale amènent nécessairement à la volonté d’un pouvoir exécutif et d’un État fort permettant au chef, à l’homme providentiel, de mener à bien sa politique de grandeur au profit d’un peuple français uni et qui lui donne sa légitimité (par le suffrage universel direct et par les différents référendums). Le fait de vouloir une France unie amène aussi le gaullisme à vouloir dépasser le clivage gauche-droite : « La France, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la droite, c’est la France. »


- Cette force de l’État se caractérise par un certain interventionnisme économique, un véritable colbertisme qui fait de l’État un puissant acteur économique, sans pour autant que la politique sociale soit très développée. Il s’agissait de développer dans chaque grande filière économique un « champion national », de favoriser l’innovation, d’aménager le territoire, d’organiser de grands projets et chantiers. Le gaullisme souhaite dépasser l’opposition socialisme-capitalisme par une troisième voie : celle de l’association capital-travail pour concilier justice et efficacité économique. Il s’agit de plus faire participer les ouvriers et employés aux activités d’une entreprise (participation aux bénéfices, aux décisions, à la propriété…). Cependant, il faut dire que la politique sociale des gaullistes ne fut pas aboutie pendant la Ve République et l’association capital-travail fut oubliée au fil des générations de gaullistes.


- Enfin, on peut dire que malgré des idées humanistes, le gaullisme est plutôt conservateur moralement. Charles de Gaulle, en tant que chrétien croyant, était par exemple opposé à l’avortement et favorable à la peine de mort.


Les origines intellectuelles

Pour savoir d’où vient le gaullisme, il faut tout d’abord s’intéresser au parcours politique de son fondateur. Dans les années 1930, Charles de Gaulle semblait participer à des mouvements de la démocratie chrétienne comme Jeune République, qui fait suite au mouvement Le Sillon de Marc Sangnier. Ces mouvements visent à rapprocher le catholicisme de la République pour lutter contre l’anticléricalisme. Il participe à des débats organisés par le journal l’Aube qui rassemble des syndicats et partis de la mouvance démocrate-chrétienne. Plus tard, Charles de Gaulle fait partie des lecteurs des revues Sept, puis Temps présent, également intégrées à la démocratie chrétienne.


Il eut de même des liens avec le parti Ordre Nouveau dans les années 1930, un parti proposant une alternative entre capitalisme, socialisme, nationalisme et internationalisme. Ce parti est classé dans le courant de pensée appelé les « non-conformistes des années 1930 ». Il a développé une idée, le personnalisme, qui fonde la politique sur le respect de la personne humaine. Cela a pu inspirer à de Gaulle l’idée de Troisième voie. Toutefois, il faut bien dire que le gaullisme se séparera clairement de la démocratie chrétienne et du personnalisme quant à son idée d’indépendance et de souveraineté de la France qui s’oppose au fédéralisme.


Pour comprendre les origines du gaullisme, on peut également s’intéresser à différents mouvements politiques français ayant des similitudes avec les principes du gaullisme.


Le colonel de la Rocque.
Le colonel de la Rocque.


L’anti-parlementarisme du fondateur de la Ve République était déjà perceptible dans certaines ligues des années 1930, en particulier les Croix-de-feu, devenus ensuite (après leur dissolution) le Parti Social Français, qui souhaitaient également un dépassement du clivage gauche-droite et furent historiquement le premier parti de masse considéré comme appartenant à la droite française. Son chef, le colonel de la Rocque, a aussi mis en avant la participation des ouvriers à l’entreprise, comme une association capital-travail avant l’heure, et ce dès 1938 dans son livre Service public. Il revendiqua même le droit de vote des femmes (ce qui fut mis en place plus tard lors du GPRF). Il faut cependant bien dire que le Parti Social Français (rebaptisé Progrès Social Français pendant la 2nde Guerre Mondiale) n’a pas unanimement pris parti pour le gaullisme de résistance (ni d’ailleurs pour le régime de Vichy) : les attitudes de ses représentants et militants furent diverses. Selon l’historien Jean Lacouture, il existe une vraie filiation entre le projet défendu par le Colonel de la Rocque et celui de Charles de Gaulle.


Plus tôt lors de la IIIe République, le boulangisme apparaît aussi comme un avatar précurseur du gaullisme notamment par le dépassement du clivage gauche-droite qu’il a réussi à son époque : les « comités de protestation nationale » créés par le général Boulanger (1837-1891) réunissaient ainsi une bonne partie du spectre politique contestataire de la IIIe République, des blanquistes (socialistes) aux monarchistes. Sa politique sociale dans l’armée (amélioration des conditions de vie des soldats, liens avec les grèves de Decazeville) ont attiré la gauche et l’extrême gauche, alors que son désir de revanche contre l’Allemagne attirait le nationalisme, républicain comme monarchiste. Toutefois, si l’alliance politique est très large, elle ne s’accorde pas autant que le gaullisme sur une ligne claire, chaque camp espérant obtenir ce qu’il souhaite (soit affermissement de la République, soit renversement de celle-ci). Le boulangisme est donc plus ambigu institutionnellement. On peut toutefois penser que le refus du coup d’État rapprochait plus Boulanger d’un certain républicanisme que du monarchisme, sur le déclin après cette expérience.

Pour remonter encore plus loin dans l’histoire, on peut rapprocher le gaullisme du bonapartisme. Dès les années 1940, Raymond Aron fait cette comparaison et plus tard, René Rémond, spécialiste des droites françaises (Les droites en France), théorise plus concrètement cette similitude. En effet, les deux mouvements sont liés à une personnalité charismatique, un chef militaire. Les deux hommes se méfient aussi du parlementarisme (leurs régimes respectifs n’ont qu’une dose de parlementarisme) et souhaitent rassembler le peuple français autour d’un projet à la fois traditionnel et moderne. Leur pratique du plébiscite est aussi un point commun : les deux hommes souhaitent être proche du peuple français. Le souci de grandeur pour la France rapproche également le gaullisme et le bonapartisme.



En définitive, par sa volonté de grandeur et de souveraineté de la France, on pourrait classer le gaullisme dans le mouvement du nationalisme français. Même s’il est plutôt classé à droite, le gaullisme adopte toutefois une conception assez ouverte et démocratique du nationalisme, s’inspirant donc plus de Maurice Barrès que de Charles Maurras et son nationalisme intégral (qui est monarchiste). Toutefois, le nationalisme gaulliste se différencie du nationalisme des républicains de la IIIe République qui n’adoptent pas du tout la même conception institutionnelle de la République (avec un régime parlementaire et non présidentiel).


Différents courants gaullistes

Le gaullisme n’étant pas une doctrine à part entière mais un pragmatisme, il fut l’objet d’interprétations plus ou moins divergentes selon les points de vue et thématiques chères à ceux qui s’en sont revendiqués. On peut ainsi distinguer trois grands courants gaullistes.

- Le « néogaullisme » : plus proche de la droite, cette tendance fut celle qui a pris la relève du gaullisme originel en prenant possession des différents partis gaullistes après le RPF (UNR, UDR, RPR). Il a réorienté le gaullisme à partir des années 1980 dans une sensibilité plus libérale et conforme aux autres droites européennes dans le cadre de la construction européenne. Cette tendance est représentée par George Pompidou puis Jacques Chirac.


- Le « gaullisme social » : cette tendance est plus centrale et défend une forme de social-démocratie sans remettre en cause le capitalisme. Il est vu comme plus proche du gaullisme originel et se compose d’hommes politiques très attachés à la souveraineté nationale (Philippe Séguin, Nicolas Dupont-Aignan).


- Le « gaullisme de gauche » : comme son nom l’indique, c’est une tendance de gauche qui met l’accent sur la troisième voie et l’association capital-travail. Ils se sont progressivement ralliés à la gauche traditionnelle. Jean Pierre Chevènement peut être considéré comme un survivant de cette tendance quasi oubliée de nos jours.


On le voit donc, au fil du temps passé après la mort de son homme providentiel, le gaullisme s’est progressivement fissuré notamment autour des questions économiques. Les différents partis gaullistes ont refondé un nouveau gaullisme, abandonnant de fait le gaullisme originel. Cela a entraîné une division calquée sur le clivage gauche-droite pourtant si dénoncé. Alors que son influence est maintenant nettement affaiblie par ces divisions, on peut se demander ce qui reste de l’héritage du gaullisme.

L’héritage du gaullisme


Réalisations du gaullisme

Charles de Gaulle.
Charles de Gaulle.


On peut attribuer au gaullisme d’importantes réalisations politiques dans un premier temps. L’action de Charles de Gaulle a littéralement transformé la pratique du pouvoir au sein d’une République rénovée et renforcée. Et cette transformation a facilement conquis les Français qui se sont fréquemment prononcés assez nettement en faveur de la politique menée par le fondateur de la nouvelle République. Alors qu’auparavant il était impensable d’attribuer un pouvoir plus fort au président qu’au parlement, quelques années de stabilité politique ont suffit à pérenniser le régime gaulliste qui fut même adopté par ses détracteurs. Ainsi, après avoir critiqué la constitution de 1958 et la pratique gaullienne du pouvoir dans Le coup d’État permanent, François Mitterrand a finalement adopté ce régime et en est devenu président durant 14 ans (1981-1995).


Cependant, malgré une forte volonté de lier le régime au président, à un homme providentiel, la Ve République n’a finalement pas résisté à une logique partisane solidement ancrée. En effet, progressivement, au fil des décennies suivant la mort de Charles de Gaulle, les partis ont repris leur domination du jeu politique français, d’abord avec le quadripartisme (PC-PS-UDF-RPR) puis ensuite avec le bipartisme actuel (PS-UMP).


Économiquement, le gaullisme a renforcé la tendance planificatrice de l’économie française : le commissaire au plan existe encore de nos jours. De même, dans sa structure territoriale, la France hérite du gaullisme, entre pouvoir central fort et découpages territoriaux. Même les régions, qui ne sont devenues des collectivités territoriales qu’en 1982, existaient depuis 1960 sous forme de Circonscription d’Action Régionale. Rappelons aussi que la volonté d’élargir le pouvoir des régions fut une initiative gaulliste rejetée par le référendum de 1969. L’intervention pour l’aménagement du territoire est aussi encore courante de nos jours, ce qui peut-être imputable au gaullisme.


Sur le plan de la politique étrangère, l’héritage gaulliste est sans doute ce qui a fait le plus consensus dans la classe politique française. En effet, les Français se sont bien appropriés la politique d’indépendance de la France, notamment face aux États-Unis. Dominique de Villepin l’a bien montré lors de son discours contre la guerre en Irak en 2003, et le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN annoncé en 2007 par Nicolas Sarkozy ne fut pas sans critique.

Concernant la politique européenne, il semble que le gaullisme, malgré la construction européenne, a encore une influence. Selon Jean Lacouture, le refus de la constitution européenne de 2005 est liée au gaullisme et sa volonté d’indépendance et de souveraineté pour la France. Néanmoins, l’héritage gaulliste sur l’Europe souffre d’interprétations divergentes : certains vont mettre en valeur ses relations avec l’Allemagne pour la réconciliation (dès 1948), d’autres vont rappeler la volonté d’indépendance nationale et le souhait d’une Europe sélective. On peut penser que de Gaulle fut européen, pour une Europe de l’Atlantique à l’Oural, mais qu’il souhaitait montrer l’importance de l’avis de la France (politique de la chaise vide pour protester contre le passage du vote à la majorité).


Un héritage revendiqué et disputé

Si de Gaulle revendiquait une pratique politique au-delà des partis et de leur « soupe », son héritage comporte un élément contradictoire. En effet, le gaullisme n’a pas manqué, lui non plus, de se structurer en parti : RPF, UNR, UDR, RPR… Le parti gaulliste fut longtemps important dans le jeu politique aussi bien au sein de la droite que dans le pouvoir. Cette continuité qui tend à s’essouffler est toutefois revendiquée encore plus de 40 ans après la mort de Charles de Gaulle. Ses principes, même s’ils ne sont plus majoritaires dans le principal parti de droite (l’UMP), sont encore revendiqués par des formations plus ou moins importantes.


Cet héritage est même disputé. Ainsi, quand les quelques gaullistes du Chêne (courant de l’UMP) se revendiquent du « général », Debout La République (parti de Nicolas Dupont-Aignan) s’insurge, rappelant que les chiraquiens de ce petit club ont signé tous les traités européens qui ont transféré la souveraineté française. Quand Nicolas Dupont-Aignan se revendique du courant gaulliste social, c’est autour de l’UPF (Union du Peuple Français, petite fédération de gaullistes) de s’approprier l’héritage unique de Charles de Gaulle, affirmant que Dupont-Aignan a appelé à voter Chirac en 2002 et Sarkozy en 2007. Lorsque Marine Le Pen se réfère au gaullisme, c’est enfin l’UPR (Union Populaire Républicaine) de François Asselineau qui s’étrangle, martelant que le FN ne souhaite pas vraiment une sortie de l’Union Européenne.


En résumé, les gaullistes divisés font la course au gaullisme. Certains érigent presque le gaullisme à un dogme, une religion, oubliant cependant l’action politique ; d’autres mettent en avant le pragmatisme du gaullisme mais en oublient les grands principes qu’ils réinterprètent librement. Tout est finalement question d’interprétation, là est le problème du gaullisme, trop dépendant de son homme et pas assez unifié idéologiquement. Peut-être serait-il plus juste de parler d’un état d’esprit plutôt que d’un programme pour évoquer le gaullisme. Cela aurait l’avantage de faire perdurer le gaullisme dans le temps. Mais ne serait-ce pas là un gaullisme vidé de son contenu ?
Vincent Remy
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