lundi 17 février 2014

SOLIDARITE HARKIS


Un couple pied-noir demande 9 millions d'euros à l'État



Manifestation du collectif «Non au 19 mars 1962», en novembre 2012, à Toulon.



Les époux Asnar accusent la France de crime contre l'humanité pour «exil forcé» et lancent des actions devant les instances internationales.

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C'est une première sur le plan judiciaire: les époux Asnar, un couple de pieds-noirs vivant dans le Béarn après avoir dû quitter l'Algérie en 1962, poursuivent l'État pour «crime contre l'humanité» et réclament 9 millions d'euros en réparation du préjudice moral et matériel subi, estimant avoir été dépossédés de leurs biens et contraints à l'exode. Personne n'avait jusqu'à présent osé attaquer l'État sur ses responsabilités.

«Le transfert forcé de population est un crime contre l'humanité», a plaidé leur avocat, Me Jacques Bernadet, en faisant notamment référence à l'article 7 du Statut de Rome, texte fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Un million de rapatriés et des dizaines de milliers de harkis persécutés par le Front de libération nationale (FLN) algérien après les accords d'Évian du 18 mars 1962 avaient dû regagner la France «dans un climat d'épouvante», se souvient le couple. «En 1962, la France de Charles de Gaulle ne peut pas ignorer que l'objectif du FLN est d'exterminer la population française. Il y a complicité d'épuration ethnique», af­firme la voix de ces pieds-noirs qui «eurent pour tout choix la valise ou le cercueil».

Le 28 janvier, le tribunal administratif (TA) de Pau a rejeté la requête des époux Asnar, un rejet non pas fondé sur une appréciation concernant le fond mais sur l'incompétence de la juridiction administra­tive, s'agissant d'accords internationaux. Ce que conteste vivement Me Jacques Bernadet, qui, se fondant sur un arrêt de 2001 du Conseil d'État, estime que les accords d'Évian ne sont pas des accords internationaux. L'incompétence du TA a aussi porté sur son impossibilité à juger des actes accomplis par les services de police judiciaire, faisant référence aux actions de la «mission C» (C pour choc, NDLR), qui avaient pour objet le démantèlement de l'OAS. «Il ne s'agit pas d'actes de police judiciaire mais d'assassins qui ont procédé à des exactions et des enlèvements!» conteste Me Bernadet.

Le comité des droits de l'homme de l'ONU saisi

Enfin, le TA a estimé que le transfert forcé de population «n'était pas à l'époque classé parmi les crimes contre l'humanité». «Alors on se fout de la convention de Genève de 1951 et du statut de Nuremberg de 1945? rétorque Me Bernadet. Ce qui a fait partie du droit positif français pour condamner les Papon et autres Barbie ne fait plus partie du droit aujourd'hui?»
Déterminés, l'avocat et le couple ont décidé de poursuivre leurs actions en faisant appel. Ils vont saisir la Cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux mais aussi engager d'autres procédures devant les instances internationales, notamment le comité des droits de l'homme de l'ONU.

Par ailleurs, une plainte déposée en juillet dernier pour «crime contre l'humanité», «complicité de géno­cide» et «apologie de crime contre l'humanité» visant Abdelaziz Bouteflika, président de l'Algérie, Hocine Aït Ahmed, un des leaders du FLN, mais aussi Hervé Bourges, François Hollande et le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, est toujours à l'étude. Pour ces deux derniers, le couple de pieds-noirs es­time qu'ils se sont rendus coupables d'«apologie de crime contre l'humanité», lors de voyages officiels le 22 décembre 2012 et le 11 mars 2013 en rendant respectivement hommage à Maurice Audin, militant communiste engagé aux côtés du FLN, et en se recueillant sur le monument érigé en la mémoire des hommes du FLN, avec dépôt de gerbe et minute de silence. Classée sans suite par le procureur de la République de Paris, elle fait aussi aujourd'hui l'objet d'un recours.









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