LA PREDICTION DE LARBI BEN M'HIDI
« Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée » (XXe chant de l’Apocalypse)
Printemps 1491. Après sept siècles de luttes contre l’occupant
Musulman, la « Reconquista » sous la conduite des rois catholiques,
Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, est sur le point
d’aboutir. Le 26 avril commence le siège final de Grenade, seule
province espagnole encore aux mains des Maures commandés par le Sultan
Boabdil. Les réserves de nourriture s’épuisant et le moral de
ses hommes étant au plus bas, Boadbil, comprenant que la fin était
proche, négocia, dans le souci de conserver sa vie, celle de sa famille
et de sa cour, les 1 et 2 janvier 1492 sa reddition qui
prévoyait un départ en exil vers l’Afrique du Nord.
Le 2 janvier au matin, les Espagnols avec à leur tête les Rois
catholiques, entraient sans combattre dans Grenade. Aussitôt, la
bannière de Castille et la Croix chrétienne furent hissées sur la
forteresse de l’Alhambra, bijou architectural maure.
Dans le même temps, arrivé avec sa troupe sur les hauteurs d’un col
surplombant Grenade d’où l’Alhambra se dessinait majestueusement,
Boadbil, dans un instant de dépressive mélancolie se mit à
pleurer. Le surprenant en larmes, sa mère Aïcha El Horra, s’exclama
sur un ton de reproches :
« Llora como mujer lo que no
supiste guardar y defender como un hombre ». (Pleure comme une
femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme). Depuis lors, on
appelle ce col « El Suspiro del Moro », « Le Soupir du
Maure ».
Ce moment historique est particulièrement bien relaté par
Chateaubriand dans sa nouvelle « Les aventures du dernier Abencerage».
Pourquoi cette anecdote historique ? Parce qu’elle préfigure
parfaitement ce qui pourrait advenir de semblable, demain, des Nations
européennes (particulièrement la France) si elles persistaient
dans leur entreprise d’asservissement et d’autodestruction.
Souvenons-nous à cet effet de cette prédiction que Larbi ben M’Hidi,
redoutable terroriste du FLN, avait lancée à la face des
parachutistes français venus l’arrêter en 1957 lors de la « bataille
d’Alger » :
« Vous voulez la France de
Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».
Honneur aux pays qui se lèvent et honte aux pays qui se couchent ! »
Aujourd’hui, l’histoire se répète, sauf que cette fois c’est
le monde occidental qui est en passe d’être confronté à une défaite dans
le déshonneur total, comme celle que l’on doit à la
trahison de gouvernants veules, de chefs de partis aveuglés par de
maigres illusions qui s’entredéchirent pour une meilleure place à la
mangeoire, de dirigeants qui exfiltrent des centaines de
milliers d’euros vers leur compte de « là-bas » en prévision du grand
séisme qu’ils vont eux-mêmes provoquer, d’une pseudo élite qui s’aplatit
devant des rustres pour de piètres privilèges avec, en
prime, la corruption politique, le mépris du gouvernement
pour le peuple, l’arrogance des oligarques… tous vivant dans une
impudique sérénité se riant du blâme lancé, jadis, par
Châteaubriant : « Honneur aux pays qui se lèvent et honte aux pays qui
se couchent ! »
Comme, hier en Algérie, la tactique dite du « salami » est,
aujourd’hui, utilisée (notamment en France) et il se trouve toujours des
responsables politiques de tous bords, des usuriers à l’affut du
gain ou simplement des opportunistes du « show biz » pour faire
digérer chaque tranche à une opinion publique assoupie depuis des
lustres. « Ce peuple que tu as trahi, il oubliera jusqu’à ton nom »
écrivait le poète Arnulf Overland… sauf que, ces gens là seront, à
leur tour, défenestrés et l’Histoire traînera leurs noms dans la fange.
Mais ce sera une piètre consolation pour un peuple
enchaîné. Jamais la prophétie de Lénine n’a été aussi véridique et sur
le point de se réaliser : « L’Occident nous vendra la corde pour le
pendre ».
Peuple indifférent à son propre sort
Le plus triste cependant, c’est de voir ce peuple indifférent à son propre sort, qui regarde mourir sa nation. «
L’Europe s’aperçoit en
frémissant que par sa sombre indifférence une puissance destructrice a
fait irruption chez elle, puissance qui paralysera ses forces pendant
des siècles » vitupérait Stephan Zweig.
Et dans ce terrifiant augure, très peu discernent l’imminence de
l’inéluctable naufrage. La majorité silencieuse se contente de vivoter,
de courir après de pathétiques leurres, lorsqu’elle ne
s’enferme pas dans de ridicules tours d’ivoire qui s’écrouleront au
premier coup de massue. Et Jean Raspail de dénoncer ce comportement en
ces termes : « Ce que je ne parviens pas à
comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est
pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques
français concourent sciemment, méthodiquement, je
n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France sur
l’autel de l’humanisme utopique exacerbé ».
Et c’est ainsi que nous
regardons, impuissants, notre monde s’effriter par pans entiers jusqu’au
jour où, poussés sans combattre vers l’exil mais ne sachant où
aller, nous connaîtrons à notre tour la dépressive nostalgie de
Boadbil et laisserons nos larmes couler sur ce qui fut, jadis, notre
raison de vivre. Alors, la juste sentence de Aïcha, s’appliquera
dans son implacable rigueur : « Pleure comme une femme ce royaume que
tu n’as pas su défendre comme un homme ! »
© José Castano
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