EPHEMERIDE MONARCHISTE
Ephéméride du 26 Juillet.
C’est surprenant mais c’est ainsi : il y a une quinzaine de jours,
dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand’chose ( voire
rien du tout…); du moins pas grand’chose de notable et vraiment digne d’intérêt.
Nous en profiterons donc, dans notre évocation historico-culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel
à notre balade dans le temps ; et nous évoquerons ces jours-là des
faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme
une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus
longue.
Ces jours creux seront donc prétexte à des Evocations : Quand la Terreur s’est abattue sur Notre-Dame de Paris. Quand le Consul Caïus Marius a sauvé Rome et la Civilisation en écrasant, en Provence, les Cimbres et les Teutons. Quand Le Nôtre a imposé les Jardins à la Française . Quand
Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé. Quand Louis XIV a fait de
Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien. Quand la
cathédrale saint Pierre de Beauvais a reçu, au XIII° siècle, son
extraordinaire vitrail du "Miracle de Théophile" etc.......
Aujourd'hui : Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650.....
"Qu'à m'égarer dans ces bocages / Mon coeur goûte de voluptés ! / Que je me plais sous ces ombrages ! / Que j'aime ces flots argentés ! / Douce et charmante rêverie, / Solitude aimable et chérie, / Puissiez-vous toujours me charmer !" (Jean-Jacques Rousseau, sur Chenonceau....)
D'abord simple forteresse, sans aucun caractère particulier, posée sur la rive droite du Cher, c'est par la volonté des femmes, qui l'ont en effet imaginé, dessiné et créé que Chenonceau est devenu le plus élégant des châteaux.
Aujourd'hui, monument historique le plus visité de France, après le Château de Versailles, il est bien, comme le dit Sébastien Lapaque, le Miroir des Dames....(1).
"(Chenonceau)...est le plus délicat des châteaux de la Loire. C'est un rêve de dame. Partout, les raffinements de la galanterie ont guidé la main de l'architecte et du jardinier... Une inspiration féminine s'y fait sentir. Celle de Catherine Briçonnet, qui sur un moulin fit bâtir un château; celle de Diane de Poitiers, qui sur le Cher fit bâtir un pont; celle de Catherine de Médicis, qui sur le pont édifia un palais"
L'histoire féodale et militaire de Chenonceau avant Chenonceau, si l'on excepte le fait qu'elle s'inscrit -mais d'une façon anecdotique- dans le cadre de la Guerre de Cent ans, n'offre quasiment aucun intérêt.
Sa véritable histoire ne commence qu'à partir du moment où Thomas Bohier l'achète à la famille des Marques. Thomas Bohier, nous dit Sébastien Lapaque, est un "bourgeois de Tours, devenu receveur des finances de Charles VIII. Ce rusé gestionnaire a le goût italien de son roi. Il rêve d'une demeure ligurienne à l'image des palais du Milanais qu'il a découvert au cours de campagnes glorieuses. A Chenonceau, Thomas Bohier fait raser la vieille forteresse devenue inutile. Sa femme, Catherine Briçonnet, prend en charge les travaux de reconstruction".
La Tour des Marques, unique vestige de la forteresse féodale,
mais un vestige profondément remanié.....
"C'est elle (Catherine Briçonnet) la
première dame de Chenonceau, elle la première à rêver de grâce et
d'éclat. Cette Catherine a du goût, de l'autorité et du style. Elle
imprime sa marque au nouveau Chenonceau, bâti au sud de l'ancien: corps
de logis rectangulaire, agrémenté de quatre tourelles cylindriques,
escalier à rampe droite, vestibule à voûte d'ogives triangulées. La
construction de ce chef-d'oeuvre de la Renaissance est menée par Pierre
Trinqueau, qui sera l'un des architectes de Chambord. Le pont-levis
primitif, qui subsiste, donne accès à une vaste terrasse qu'il faut
traverser avant de passer sous un portail ouvragé où sont gravées les
initiales des époux bâtisseurs, "T.B.K", Thomas Bohier & Katherine,
ainsi que leur devise, qui sent son XVI° siècle amateur de mystères: "S'il vient à point, me souviendra."....
Ce premier "nouveau Chenonceau" (ou Chenonceau I, si l'on veut...) se limite donc à un simple quadrilatère :
La Tour des Marques masque ici la partie droite
du quadrilatère de Catherine Briçonnet
On possède un document par
lequel François Premier, qui aime et apprécie le Val de Loire, confirme
et garantit les droits de Thomas Bohier sur son domaine. Dans ce texte,
le roi évoque la "belle place et maison assise sur la rivière du
Cher en beau et plaisant pays, près de nos fourêts d'Amboise et de
Montrichard, où nous allons souvent chasser et prendre nostre
passe-temps". Et il se promet d'y venir : "Nous pourrions loger audit chastel et maison de Chenonceau".
La chambre de François Premier, qui fut reçu à Chenonceau par Catherine Briçonnet
Après Catherine Briçonnet, Diane de Poitiers sera la deuxième dame de Chenonceau.
Favorite du roi Henri II, au grand dam de l'épouse de celui-ci,
Catherine de Médicis -qui se vengera...- elle règne avec passion sur
Chenonceau. Elle a une idée très originale : elle demande à Philibert
Delorme de construire un pont, pour relier les deux rives du Cher. Diane
s'arrêtera là pour ce qui est des constructions car, même si elle a eu
l'idée de couvrir ce pont par une galerie, elle s'occupera d'abord de
ses chers jardins, pensant reprendre ses constructions plus tard...; mais, ensuite, elle n'aura plus le temps de reprendre ses travaux, à cause de la vengeance de Catherine.....
On a donc, avec Diane de Poitiers, et jusqu'à la mort de Henri II, le second "nouveau Chenonceau" (ou Chenonceau II...): un quadrilatère, prolongé par un pont sur le fleuve.
C'est Catherine de Médicis qui sera la troisième grande dame de Chenonceau.
Dès que son mari, le roi Henri II, meurt tragiquement, elle s'empare du
pouvoir et devient Régente, au nom de son fils François II. Depuis
qu'elle attend son heure, dans l'ombre et l'humiliation, elle ne diffère
pas d'une seconde sa vengeance : Diane n'est même pas autorisée à
pleurer Henri II sur son lit de mort, et Catherine l'oblige à lui échanger
Chenonceau contre Chaumont. Devenue, enfin, seule maîtresse à
Chenonceau, elle fait édifier en cinq ans, de 1576 à 1581, la magnifique
Galerie à deux étages sur le pont de Philibert Delorme.
Avec cet ajout spectaculaire -le troisième "nouveau Chenonceau", (ou Chenonceau III)- le château a acquis ses dimensions, son allure et sa silhouette définitive, si caractéristique.
Les jardins de Chenonceau.
On retrouve jusque dans les jardins la trace de la lutte entre les deux rivales, Diane de Poitiers et Catherine de Médicis.
Le jardin de ses rêves
passionnait tant Diane de Poitiers qu'elle mit un terme à ses
constructions -momentanément, pensait-elle, nous l'avons vu plus haut,
mais en fait pour toujours....- une fois le pont de Philibert Delorme
jeté sur le Cher. Elle voulut créer, selon l'engouement de l'époque, un
jardin italien sur deux hectares qui seront "à la fois parterre, verger et potager", nous dit Lapaque.
Qui ajoute : "Les
moyens mis en oeuvre dès 1551 sont considérables. Les dépenses
somptuaires. 14.000 journées d'ouvriers, charpentiers, maçons,
jardiniers, seront facturées pour mener à bien ce chantier conduit par
Benoît Guy...". Les travaux dureront cinq ans....
Le Jardin de Diane
est en amont (en haut à gauche sur la photo ci dessous), et ses allées
obliques le divisent en huit grand triangles. Pour le protéger des
crues, des terrasses surélevées, fermées de murailles, ont été bâties.
Il a été célébré par Clément Marot.
Le Jardin de Catherine
est en aval (en bas, à droite, sur la photo ci dessus). Plus petit, sa
partie centrale est occuppée par un bassin circulaire. Il a été célébré
par Ronsard.
C'est cet ensemble que
découvre Louis XIV, petit roi de douze ans, le 14 juillet 1650,
lorsqu'il arrive à Chenonceau. Il sera le dernier roi de l'Ancien Régime
à y avoir séjourné. Dans le Salon Louis XIV du château (ci
dessous) on voit, à gauche de la cheminée, son portrait, par Hyacinthe
Rigaud, que le roi offrit à son oncle, le Duc de Vendôme, qui l'y
recevait.
Sur la cheminée Renaissance,
la salamandre et l'hermine évoquent le roi François Premier et son
épouse, Claude de France, fille d'Anne de Bretagne. Entourant le plafond
aux poutres apparentes, la corniche porte les initiales TBK des Bohier...
Chenonceau devait connaître
par la suite une période de désaffection, et presque même d'abandon,
jusqu'au moment où le fermier général Dupin en devient propriétaire. A
partir de ce moment-là, et de nouveau, une autre femme marqua le
château : Mme Dupin, qui y tint un salon où défilèrent toutes les
célébrités de l'époque.
Jean-Jacques Rousseau fut le
précepteur de son fils. C'est à l'usage de ce dernier qu'a été composé
son traité d'éducation, L'Emile.
Dans ses "Confessions", il parle avec chaleur de cet heureux temps: "On s'amusait beaucoup dans ce beau lieu, on y faisait très bonne chère, j'y devins gras comme un moine".
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