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A l'attention de
Madame, Monsieur,
Moines de Tibéhirine, disparus d’Algérie : qui a dit que l’histoire ne se répétait pas ?
Qui a enlevé, assassiné,
décapité en mars 1996 les sept moines cisterciens de Tibéhirine,
vénérés dans les montagnes du Sud d’Alger par tout leur entourage
musulman ?
Les terroristes islamiques du GIA, qui l’ont revendiqué ? Les
services secrets du gouvernement totalitaire de M. Bouteflika, qui les
manipulaient ?
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Archives
Faute de Vincent Depaul et de Jeanne Jugan, on devra probablement se contenter de l’Abbé Pierre et de la Soeur Sourire.
Le dernier film à la mode, DES HOMMES ET DE DIEUX, souhaite
participer à cette queste , en nous présentant les Moines martyrs de
Tibhirine, comme des fils spirituels du Père de Foucault (sans
toutefois le mentionner).
Ne voulant être une émule de Jacques de Voragine (l’auteur de la
« Légende dorée »), j’essayerai -contrairement au film- de faire la
part de l’Histoire…et celle de l’hagiographie.
Voici donc, en toute humilité (…), ma version des faits.
Les moines de Tibhirine, des trappistes (Ordre Cisterciens de la
Stricte Obédience) gênaient, pour diverses raisons, le gouvernement
algérien.
Entre autres raisons, ils soignaient les rebelles blessés, et les membres de leurs familles.
Il fut donc demandé, en mai1996, à la Sécurité militaire algérienne, de trouver un moyen de les forcer à quitter le pays.
Ladite Sécurité, voulant jouer les Machiavel, demanda au CIA de les enlever,
avec l’intention, dans un deuxième temps, d’effectuer leur libération
et de les mettre dans le premier charter en partance pour la France.
Les choses ne se sont malheureusement pas passées comme prévu.
Un hélicoptère de l’armée aurait mitraillé, par erreur, le bivouac
des jihadistes qui les avaient enlevés, tuant à la fois les
maquisards…et sept moines du monastère de Notre-dame-de-l’Atlas.
On peut donc dès à présent, souligner la différence fondamentale qui
existe entre ces dramatiques évènements, et ceux qui, 80 ans plus tôt
(le 1er décembre 1916), conduisirent à l’enlèvement et à l’assassinat, à
Tamanrasset, d’un autre moine cistercien, le Frère Charles de Jésus
(dans le siècle, Charles de Foucault).
Pour faire court, on peut dire que le Frère Charles de Jésus a été
assassiné (par l’Emir d’une secte musulmane, la « Senoussia », nommé BA
HAMON), en raison de sa mission sacerdotale (d’aucuns diront de son
prosélytisme), auprès des Touaregs du Hoggar.
L’ermite de Tamanrasset s’intéressait à l’Islam. Il avait lu le coran.
Mais son intérêt pour la religion musulmane n’est en aucune façon comparable à celui du Prieur de Tibhirine.
Christian de Chergé passa une partie de son enfance à Alger, où
était stationné le régiment de son père (commandant), le 67ème RAA, et
éprouva très rapidement une véritable fascination pour la religion
fondée par le Prophète Mahomet.
Mais c’est probablement plus tard, en1959, lorsqu’il y retourna,
pour participer, en tant qu’officier, à la guerre d’Algérie, que se
révéla sa véritable vocation : Il fut en effet sauvé, par un garde
champêtre algérien, Mohamed, qui pris sa défense lors d’une
altercation, dans la rue, et qui fut assassiné le lendemain -en
représailles.
Il s’est senti désormais, lié -par le sang- au peuple algérien…et aux musulmans.
Cependant, l’Islam qu’il connait et avec lequel il va s’efforcer de
créer des liens très étroits (de « communier »), est un Islam tout à
fait minoritaire -voire « hérétique »-, qui est lui-même persécuté par
l’Islam officiel : le Soufisme (cf le maître Soufi Mansour al-Hallaj,
qui fut crucifié à Bagdad, en 922).
En 1980, la Tarqa (confrérie) soufie, Alawiya, commence à se réunir
dans la chapelle du monastère.Les moines étudient et prient avec eux,
tournés vers La Mecque. Ils pratiquent ensemble le DHIKR (qui est plus
ou moins l’équivalent de l’Hésychia des moines orthodoxes).Ils font le
ramadan.
le Père de Chergé se pique même de théologie, et publie des textes
entrant dans le cadre d’un « dialogue interreligieux » (…à sens unique,
comme c’est toujours le cas avec les musulmans).
Et en particulier un article intitulé « chrétiens et musulmans »
(dans la « Lettre de Ligugé » de décembre 1984), où il s’efforce -à mon
avis, de manière peu convaincante- de réinterpréter la doctrine de la
Trinité : pierre d’achoppement pour les musulmans, pour qui l’unicité
de Dieu n’est absolument pas négociable…
Mais la « théologie » du Prieur est avant tout sociale.
Il déclare vouloir « s’exprimer par tous les moyens de la solidarité
et de la coresponsabilité politique et sociale, au service de la
paix ».
Son engagement est donc, comme pour ses collègues d’Amérique du Sud,
fortement « politisé »; et comme pour eux, sa théologie (de la
« libération ») n’est qu’une tentative (maladroite) de justification à
posteriori,
d’une démarche parfaitement irrationnelle.
Il voulait avant tout se mettre au service du « peuple »algérien :
victime, selon lui, d’un régime inique; et il considérait probablement
les membres du GIA, non comme des terroristes, mais comme des
« combattants de la liberté »…
Le film de Xavier Beauvois nous montre, à juste titre, des hommes
très courageux et parfaitement sincères. Certainement des martyrs.
Mais la vérité historique, qu’il convient de lire entre les lignes
hagiographiques du scénario, nous révèle qu’ils étaient également de
piètres théologiens, considérant, comme Don Hélder Câmara, ou Léonard
Boff, que Notre Seigneur était un marxiste avant la lettre, et que les
pauperes spiritu de la première béatitude, étaient des « pauvres »
-tout court, que tout chrétien qui se respecte doit aider à acquérir
-éventuellement par la force- sa part du gâteau terrestre, en
anticipation de celle qui leur est promise dans le royaume des cieux.
Jean-Pierre Pagès-Schweitzer
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