lundi 14 janvier 2013

LES OUVRIERS, JE LEUR A LA RAIE !



PS et ouvriers : «On est passé de l’abandon au mépris»



La plume est cinglante comme après un amour déçu. «De l’abandon au mépris : comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière», ainsi s’intitule le livre publié jeudi par Bertrand Rothé, professeur d’économie à l’université de Cergy-Pontoise.

Dans cet ouvrage historico-économique, l’auteur revient sur les «trahisons» du parti à la rose vis-à-vis de ceux auxquels il avait tant promis en 1981, lors de sa première accession au pouvoir sous la Ve République. (…) Interview.

Comment se manifeste cette rupture que vous dénoncez ?
En 1981, François Mitterrand est élu président de la République. Au premier tour, les ouvriers ont plus voté pour lui que pour le communiste Georges Marchais. Pourtant, trois ans plus tard, l’idylle s’achevait avec Laurent Fabius et le tournant de la rigueur. A l’époque, par exemple, le gouvernement affronte déjà l’hostilité des métallos lorrains, car il fait le choix de ne plus avoir d’industrie sidérurgique en France, en supprimant 21.000 emplois dans les usines nationalisées.

 Il s’agit bien d’un choix politique, car, de son côté, l’Allemagne, avec des coûts similaires, produit aujourd’hui 25% ou 30% de l’acier européen.
Et quel est ce «mépris» dont vous parlez ?

Il est le fait autant du PS que des élites françaises en général. Il consiste à représenter les ouvriers en imbéciles violents, voire racistes.

(…) dans quelle mesure l’Europe a-t-elle influé sur les changements que vous dénoncez au PS ?
Le PS n’a jamais été une force de résistance face aux progrès du libéralisme porté par l’Union européenne. Au contraire, il a, plus que les autres partis, contribué à ces progrès. Il faut revenir à 1983, où, après le tournant de la rigueur, il doit faire le deuil de son programme originel. L’Europe va faire office de projet de substitution. Sans projet précis à ce sujet, Jacques Delors, ministre de l’Economie puis président de la Commission, est à l’écoute de la «Table ronde européenne», un lobby patronal qui veut renforcer la concurrence pour créer des géants économiques comme aux Etats-Unis et au Japon.

L’Acte unique de 1986 ouvre un âge d’or des fusions-acquisitions. Mais les socialistes ont oublié l’avertissement de Pierre Mendès-France, en 1957, pour qui une telle ouverture appelait d’abord «l’égalisation des charges et la généralisation rapide des avantages sociaux à l’intérieur de tous les pays du marché commun». Au début des années 2000, on a ainsi intégré à l’UE les pays de l’Est, dont certains affichaient un salaire minimum inférieur à 200 euros.

Mais historiquement, le PS a-t-il jamais été le parti de la classe ouvrière ?
Il a longtemps eu à disputer ce rôle au Parti communiste. Ce n’est donc pas systématique, mais il l’a été dans certaines régions, le Nord par exemple. (…)

A partir des années 1980, en revanche, les socialistes ont abandonné cette catégorie sociale pour se consacrer à la défense des minorités ethniques. Et pas de tous les immigrés, pas des vieux par exemples : des jeunes immigrés, sous la devise un brin condescendante «Touche pas à mon pote». C’est médiatique, ça passe bien, ça fait festif.
D’ailleurs, le travail est alors invité à devenir une fête. Et en Lorraine, Jacques Chérèque, le père de François, délégué pour le redéploiement industriel, propose de remplacer les aciéries par un parc d’attraction sur le thème des Schtroumpfs.
Cette classe ouvrière est-elle toujours une réalité aujourd’hui ?

Au juste, il n’y a jamais eu de classe ouvrière absolument homogène, il vaudrait mieux parler de monde ouvrier. Mais il est absolument faux d’affirmer que celui-ci soit en voie de disparition. En 2003, Aurélie Filipetti, aujourd’hui ministre de la Culture, écrivait un roman intitulé : «Les derniers jours de la classe ouvrière». Alors qu’à l’époque, celle-ci était encore le premier groupe social de France ! Bien sûr, les effectifs vont diminuant, et les ouvriers sont désormais éclatés en de multiples catégories et statuts, notamment depuis l’essor de l’intérim.

Mais je crois que, si cette catégorie a perdu de son homogénéité, c’est aussi parce que le discours qui la constituait est lui-même en déclin. On n’existe qu’à travers le regard des autres. Or, le monde intellectuel a abandonné la classe ouvrière. Des économistes comme Philippe Cohen, des sociologues comme Alain Touraine, font l’éloge de la société post-industrielle, d’une France qui ressemblerait à un grand musée.

 A la télévision, on ne montre jamais les ouvriers qu’en bloqueurs de route ou en vandales. (…)

Libération
(fdesouche.com)
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Mercredi 5 septembre 2012



 

Pour en finir avec le populisme




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Pagès-Schweitzer Jean-Pierre 

jeudi 26 novembre 2009



La plupart des auteurs qui traitent de la question « populiste » s’intéressent généralement aux « mouvements » populistes : Boulanger, Déroulède, Poujade… Aujourd’hui, le « Parti Populiste » de Christian Perez et Franck Timmermans. Cela ne sera pas mon propos. En effet, on n’en « finira » jamais avec les mouvements populistes ! Ils continueront à réapparaître, périodiquement, sur la scène politique de notre malheureux pays jusqu’à la fin des temps. J’essaierai simplement, ici, d’en rechercher les origines et surtout d’en démontrer le caractère aberrant.


S.P.Q.R. : Senatus Populusque Romanus (le Sénat et le Peuple Romain). Judicieusement inscrite sur toutes les bouches d’égouts de Rome, cette devise symbolise bien l’universalité de la démagogie (gr. agogueus : guide, führer et dêmos/lat. plebs : la plèbe), comme caractéristique des « politiciens » – c’est-à-dire de ceux qui se sont donnés comme « mission » de gérer la cité (polis). Tous, sans exception, font appel au sacro-saint « peuple », afin d’être élus ; ensuite ils parleront « en son nom »… Les Bolcheviks, en 1917, introduisent une nuance : le Parti communiste et ses apparatchiks parlent au nom du « prolétariat » (la bourgeoisie, et a fortiori l’aristocratie, ne pouvant être considérées comme faisant partie du peuple russe…).


En fait, tout le monde parle au nom du Peuple : même l’exécuteur des arrêts criminels coupait les têtes (jusqu’en 1981) « au nom du peuple français » (ce qui ne m’empêche pas, soit dit en passant, d’être pour le rétablissement de la peine de mort).


Mais qui est donc ce fameux « peuple » ? Quels sont les critères objectifs qui permettraient à un tribunal de décider si une personne appartient ou non au « peuple français » ? (Pour les marxistes-lénisnistes-trotskistes, à partir de quel salaire peut-on considérer qu’une personne appartient au « prolétariat » ?). En réalité, ce concept échappe à toute définition rationnelle. Il n’est du ressort ni du juriste, ni du spécialiste des sciences politiques. Seules les sciences religieuses ont peut-être quelque chose à dire à ce sujet.


Tous les politiciens, disais-je, font appel au « peuple » ; mais pas à n’importe quel peuple ! C’est au « vrai » peuple qu’ils s’adressent : celui de la « vraie » France, de la France « profonde », de la France « éternelle ». Ce qui laisse déjà entendre qu’il existe un « autre » peuple, dont ils n’attendent rien.


Chez les marxistes, les choses étaient originellement plus simples : il y avait deux « classes sociales », les (méchants) bourgeois et les (gentils) prolétaires. Malheureusement, en 1848, peu de temps après la publication du « Manifeste », un empêcheur-de-penser-en-rond, Louis-Antoine Garnier-Pagès, maire de Paris, eut la malencontreuse idée de créer les gardes mobiles : des jeunes « prolétaires » qui, au cours des « Journées de Juin », tirèrent sans état d’âme sur leurs « frères de classe », pendant la répression des émeutes.


Marx et Engels, qui observaient ces « luttes de classes en France », faillirent avaler leur bière de travers : « Qui sont ces prolétaires qui tirent sur d’autres prolétaires ? » s’indignaient-ils. Y avait-il finalement des bons et des mauvais prolétaires ? Le concept de « Lumpen » (all. « haillons ») était né. En vérité, on n’avait pas attendu les co-auteurs de « L’Idéologie allemande » (1846), pour montrer du doigt le « dêmos », la « plèbe », ou la « canaille » – ancêtre de la « racaille » (avec ou sans kärcher). Disons les choses très simplement : le « peuple », ce sont ceux qui sont d’accord avec moi ; les autres, c’est la plèbe, la populace, le « lumpen ».


Si l’on veut rechercher les « origines » du populisme, on ne peut faire l’économie des travaux d’Alain Pessin et en particulier de son ouvrage « Le Mythe du Peuple ». Pessin, tout en admettant le caractère irrationnel de ce concept, ne pouvait se résoudre à le disqualifier totalement, et à l’envoyer rejoindre la longue liste des aberrations humaines, comme le mythe du « bon sauvage » ou les prédictions de Michel de Notre-Dame. Pour Pessin, le « peuple » est bien un mythe – qui ressortit à la pensée « utopique » du XIXe siècle – mais, en tant que tel, « il apporterait une contribution non négligeable à l’élaboration d’un éventuel projet politique » (de gauche, bien entendu…).


Nous devons le néologisme « utopie » à saint Thomas More (chancelier d’Henri VIII), qui publia au XVIe siècle « Utopia » (du grec U-topos : nul endroit). Mais l’âge d’or de la littérature utopique fut le XIXe siècle. Marx parlera de « socialisme utopique », par opposition à son « socialisme scientifique ».


C’est le comte de Saint-Simon (1760-1825) qui inspira le Père Enfantin, entre autres. C’est Charles Fourier (1772-1837) qui conçut une « cité harmonieuse », le « phalanstère », où l’homme s’épanouirait « par le travail ». C’est encore Étienne Cabet (1788-1856), auteur de « Voyage en Icarie » (1840) et fondateur de la Communauté « Nauvoo », d’abord au Texas, puis dans l’Illinois et, bien sûr, Jean-Baptiste Godin (1817-1888), dont les bâtiments du « familistère » qu’il créa à Guise, sont toujours « habités ». Conçue dans une perspective « collectiviste », l’architecture du familistère n’est pas sans rappeler le « Panoptique », la prison « modèle » de Jeremy Bentham (1791) : on n’est pas surveillé par « Big brother », mais on se surveille les uns les autres…


Contrairement aux Français, les Britanniques ont rapidement compris l’absurdité de telles entreprises (littéraires ou réelles) et les « utopies » d’outre-manche devinrent très tôt des « contre-utopies ». C’est le cas des « Voyages de Gulliver » de Swift (1726) ou, en 1872, de l’« Erewhon » de Butler (où l’on fouette les malades, afin qu’ils ne trouvent pas trop « d’avantages secondaires » dans leur état et guérissent plus vite…).


Le XXe siècle portera un coup fatal à ce genre littéraire et aux idées qu’il propageait. Aldous Huxley, dans son « meilleur des mondes », en 1932, et George Orwell, en 1945, avec « Animal farm » et, en 1949, avec « 1984 », démontrèrent brillamment que les idées utopistes étaient non seulement naïves et irréalisables – car elles ne prenaient pas en compte la « véritable » nature de l’homme (elles étaient fondées sur le concept rousseauiste de sa soi-disant « perfectibilité ») –, mais surtout elles étaient dangereuses.


Les utopies sont dangereuses, car elles postulent la bonté intrinsèque de l’homme et du peuple. « Ô Peuple, que tu es fort, puisque tu es si bon », écrivait George Sand, qui fut la maîtresse (entre autres) du Saint-Simonien Pierre Leroux (que le sénateur socialiste V. Hugo appelait « le filousophe ») et avec qui elle avait fondé, en 1843, une « utopie », la « Colonie agricole et typographique ». La « Baronne rouge » (elle avait épousé le Baron Dudevant et fut la première à revendiquer le titre de « communiste ») partageait avec Marx et Engels ce culte du « peuple ».


Ce n’est plus le messie, c’est le peuple qui devait réaliser la prophétie du onzième chapitre d’Esaïe, en instaurant une société où « le loup habitera avec l’agneau » ! Le populisme peut donc être considéré comme un détournement du mythe messianique judéo-chrétien. Dans sa version marxiste, le Messie n’est plus un homme tout à fait exceptionnel, c’est une « classe sociale ». Comme le dit l’Internationale (du communard Eugène Pottier) : « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes, décrétons le salut commun ». Oui, le salut viendra du peuple, ce bon peuple dont les femmes tricotaient, en assistant, le 16 octobre 1793, au martyre de la reine Marie-Antoinette ; ce bon peuple qui tua Mgr Affre, archevêque de Paris, qui s’était rendu à la barricade Saint-Antoine, espérant éviter un bain de sang ; ce bon peuple qui, en 1871, récidive et fusille Mgr Darboy…


Enfin, plus près de nous, c’est toujours ce bon peuple qui, entre 1943 et 1946, devait « tondre » et maltraiter environ 20 000 femmes, accusées (à tort ou à raison) de collaboration « horizontale ». Ce bon peuple de Paris, qui, au printemps 1944, se pressait, par milliers, pour acclamer le Maréchal Pétain, et qui, à l’automne de la même année, se retrouvait tout aussi nombreux, pour acclamer le Général De Gaulle.CQFD  ?

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