DONNE-LEUR, SEIGNEUR, LE REPOS ETERNEL !
"Un peuple qui n'honore pas ses morts n'a plus d'avenir"
Source Rivarol (n°3074)
Bruno
Gollnisch (député européen) évoque magnifiquement, sur son blog, "ce
culte de tous les temps et de toutes les civilisations. Les morts, les
pauvres morts ont de grandes douleurs disait Beaudelaire, dans l'un de
ses très beaux poèmes, consacré à la tombe abandonnée d'une "servante au
grand coeur" qui avait veillé sur son enfance.
Car la France
d'aujourd'hui maltraite ses morts. Au nom de la rentabilité, depuis
quelques années, on n'a plus le droit de reserver, comme on pouvait le
faire autrefois- à grand prix ! - une concession perpetuelle. Les
défunts eux-mêmes sont soumis à la précarité. Tout au plus peut-on les
héberger 30 ans au maximum. Passé cette date, il faut renouveller ce que
j'appellerai, en quelque sorte, le loyer de la concession... si les
héritiers y pensent, s'ils le peuvent et s'ils sont toujours là ! Dans
un village des Ardennes où j'ai quelques origines familiales, on m'a
parlé de la tombe du fils unique de l'ancien forgeron. Il avait forgé
lui-même la grille qui entourait l'emplacement où reposait son fils
unique, tué à 20 ans à la guerre de 1914-18. C'était, dit-on, une très
belle grille, avec un beau crucifix. Le forgeron est mort aussi et sa
famille s'est éteinte après lui. Récemment, on a "repris" la tombe ; la
grille et la croix sont parties à la décharge".
Et Bruno Gollnisch de
poursuivre par cette très belle réflexion, digne de Barrès : Ainsi, rien
n'échappe, dans notre société moderne, pas même les morts, à la loi de
l'apparente rationalité marchande et la précarité qu'elle engendre. Non
pas la précarité inhérente au temps qui passe dans un monde où rien
n'est éternel, non pas l'impermanence des choses telle que la conçoit la
sensibilité extrême-orientale, mais la rotation forcée, voulue, fruit
du matérialisme et de l'impiété de notre génération. "Quelle importance
?" diront beaucoup. "Pourquoi se soucier des restes inertes de ceux qui
nous ont précédés, et qui n'éprouvent plus rien ?" Ceux qui pensent
ainsi ont tort.
Un pays n'est pas seulement la propriété de ceux qui y
vivent ; mais aussi de ceux qui y ont vécu. Effacez leur souvenir, et
vous déclarez la terre ouverte à tous. Vita mortuorum in mémoria est posita vivorum
; la vie des morts est de survivre dans l'esprit des vivants disait
Cicéron et, plus près de nous, Chateaubriand : les vivants ne peuvent
rien apprendre aux morts : les morts, au contraire, instruisent les
vivants. Disons-le tout net : un peuple qui n'honore pas ses morts n'a
plus d'avenir. D'autres viendront, qui progressivement prendront la
place des amnésiques, et ne coloniseront pas que ses cimetières. Car
tout se tient.
Barrès avait bien compris le lien charnel qui existe entre la terre et les morts.
C’est que la terre de France n’est pas seulement la propriété des
soixante millions de personnes qui y vivent aujourd’hui, et dont on ne
sait trop s’il faut les qualifier d’habitants ou de nationaux. Elle
appartient aussi au milliard d’êtres humains qui, depuis l’aube des
temps historiques y ont vécu, travaillé, souffert, aimé, et qui, si
souvent, ont donné leur vie pour elle.
En
honorant nos morts, en respectant la dernière et intangible demeure, à
laquelle ils ont droit, nous nous relions à eux, qu’ils fussent riches
ou pauvres, glorieux ou humbles : Dona eis, Domine, requiem sempiternam.”
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